Entre septembre 2015 et juin 2016, un employeur a adopté un comportement harcelant à l’encontre d’une secrétaire (ci-après : l’intimée 2). L’employeur a instauré un tel climat de peur et d’asservissement que la secrétaire a développé une symptomatologie anxieuse et dépressive, incluant des douleurs tant physiques que psychiques (c. B.h).
Sur le plan juridique, au sens de l’art. 47 CO, les circonstances particulières à prendre en compte se rapportent à l’importance de l’atteinte à la personnalité du lésé, l’art. 47 CO étant un cas d’application de l’art. 49 CO. Les lésions corporelles, qui englobent tant les atteintes physiques que psychiques, doivent donc en principe impliquer une importante douleur physique ou morale ou avoir causé une atteinte durable à la santé. Parmi les circonstances qui peuvent, selon les cas, justifier l’application de l’art. 47 CO, figurent une longue période de souffrance ou d’incapacité de travail, de même que les préjudices psychiques importants. L’ampleur de la réparation morale dépend avant tout de la gravité des souffrances physiques ou psychiques consécutives à l’atteinte subie par la victime et de la possibilité d’adoucir sensiblement, par le versement d’une somme d’argent, la douleur morale qui en résulte. Sa détermination relève du pouvoir d’appréciation du juge. En raison de sa nature, l’indemnité pour tort moral, qui est destinée à réparer un dommage qui ne peut que difficilement être réduit à une simple somme d’argent, échappe à toute fixation selon des critères mathématiques, de sorte que son évaluation en chiffres ne saurait excéder certaines limites. L’indemnité allouée doit toutefois être équitable (c. 5.1).
La cour cantonale a retenu, concernant l’indemnité pour tort moral allouée à l’intimée 2, que l’état médical actuel de celle-ci était prouvé par des certificats médicaux. Mis à part la fibromyalgie, il était attesté que l’intimée 2 souffrait toujours de stress post-traumatique et d’un état anxieux, contribuant à engendrer des insomnies, des troubles de la concentration, une asthénie chronique et un état dépressif récurrent, actuellement d’intensité modérée, soit des atteintes à sa santé entraînant notamment une diminution de sa qualité de vie. Le trouble dépressif de l’intimée 2 découlait du harcèlement dont elle avait été victime et durait depuis plusieurs années. Ainsi, compte tenu des nombreux actes commis au préjudice de l’intimée 2, du fait qu’ils s’étaient inscrits dans la durée, dans le cadre d’une relation de travail, et qu’ils avaient considérablement affecté sa vie, une indemnité d’un montant de CHF 10'000.- était justifiée, tant dans son principe que dans sa quotité (c. 5.2).
Une comparaison de l’indemnité pour tort moral dans le cas d’espèce (CHF 10'000.-) avec une indemnité allouée dans une autre affaire s’avère stérile. En particulier, le fait que dans le cadre d’autres infractions, lesquelles diffèrent de celles reprochées au recourant, une indemnité inférieure à CHF 10'000.- aurait été allouée ne permet aucunement de conclure que l’indemnité accordée à l'intimée 2 serait en comparaison trop élevée. En effet, la cour cantonale fixe l’indemnité en fonction de la gravité de l’atteinte et de la souffrance morale de la victime qui est appréciée au cas par cas. Par ailleurs et quoiqu’en dise le recourant, la cour cantonale n’avait pas à prendre en compte, lors de la fixation de l'indemnité pour tort moral, des éléments le concernant, tels que son « parcours de vie dramatique ».
Pour le surplus, au regard de l’ensemble des circonstances, le montant de CHF 10'000.- n'est pas élevé au point de consacrer un abus du large pouvoir d’appréciation reconnu à la cour cantonale. Le grief, dans la mesure où il est recevable, est infondé (c. 5.3).
Auteur : Philippe Eigenheer, avocat à Genève et dans le canton de Vaud |