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unine - Faculté de droit de l'Université de Neuchâtel

NLRCAS février 2024

Editée par Christoph Müller, Anne-Sylvie Dupont, Guy Longchamp et Alexandre Guyaz

ATF 150 V 33, TF 8C_196/2023 du 29 novembre 2023

Assurance-accidents; rente, calcul, salaire déterminant; art. 15 LAA; 22, 23 al. 5, 24 et 99 OLAA

A. exerçait une activité professionnelle principale pour le compte de l’entreprise B. ainsi que deux activités accessoires dans le cadre desquelles il réalisait des revenus annuels de respectivement CHF 22'800.- et CHF 2'400.-.

Ayant subi plusieurs accidents non professionnels assurés en LAA, A. a été mis au bénéfice, à la suite de l’annonce d’une rechute, d’une rente d’invalidité à hauteur de 33 % et d’une indemnité pour atteinte à l’intégrité de 20 %. Saisie d’un recours de A., la Cour cantonale saint-galloise l’a admis et a octroyé une rente d’invalidité LAA basée sur un degré d’invalidité de 57 % et calculée sur l’ensemble des revenus de A. En cela, l’instance cantonale a considéré que la règle prévalant pour le cumul des salaires dans le cadre de l’octroi des indemnités journalières (cf. art. 23 al. 5 OLAA) était également applicable pour la détermination du salaire pour le calcul de la rente, indépendamment de l’absence d’une disposition dans ce sens au niveau de l’art. 24 OLAA (c. 4.1).

L’assurance LAA a recouru au Tribunal fédéral invoquant notamment une violation du principe d’équivalence au sens de l’art. 92 al.1 LAA entre les primes et les prestations. Le fait que l’art. 24 OLAA ne contienne aucune disposition en lien avec la prise en compte de revenus provenant de plusieurs employeurs, même après la dernière révision de la LAA, démontrerait qu’une application de l’art. 23 OLAA par analogie n’entrerait pas en ligne de compte (c. 4.2).

Le Tribunal fédéral note tout d’abord que le fait qu’à la suite d’une évolution jurisprudentielle (cf. ATF 139 V 148), le salaire pour le calcul des indemnités journalières en cas de pluralités d’emplois (cf. art. 23 al. 5 OLAA) ait fait l’objet d’une révision valable à partir du 1er juillet 2017, permet de penser qu’il n’y a pas eu d’omission de la part du législateur quant à la détermination du salaire pour le calcul de la rente selon les art. 22 al. 4 et 24 OLAA (c. 5.2.2 à 5.2.4).

Même s’il est question « d’un ou de plusieurs employeurs » dans l’art. 22 al. 4 OLAA, cela ne signifie pas que le salaire déterminant pour le calcul de la rente doit être interprété comme celui qui est valable pour le calcul des indemnités journalières au sens de l’art. 23 al. 5 OLAA, bien au contraire (c. 5.2.2 et 5.2.5). Sachant que la couverture pour les accidents non professionnels n’était pas donnée, il n’y a donc pas lieu de tenir compte des revenus accessoires pour la détermination du salaire pour le calcul de la rente (c. 5.3 à 6).

Auteur : Walter Huber, juriste à Puplinge

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Assurance-accidents Publication prévue

TF 9C_189/2023 du 30 octobre 2023

Assurance-vieillesse et survivants; statut de cotisant, personne n’exerçant durablement pas une activité à plein temps, abus de droit, reconsidération; Art. 29 Cst.; 53 al. 2 LPGA; 3 LAVS; 28bis RAVS

Une caisse de compensation avait admis, dans deux décisions successives, de considérer les recourants comme des personnes avec activité lucrative, et avait en conséquence fixé les cotisations pour l’année 2018 sur la base des salaires indiqués, bien qu’ils soient très bas (CHF 2'500.- par mois pour un pensum de 100 %). Après avoir pris connaissance de la taxation fiscale, qui faisait état de revenus de rentes pour un montant supérieur à CHF 300'000.- et d’une fortune de plus de CHF 9 millions, elle a tenté de revenir sur ces deux décisions par voie de reconsidération. La cour cantonale a fait obstacle à ce procédé, au motif que la caisse n’avait pas démontré que les décisions étaient manifestement erronées.

Le TF ne pouvait, pour des raisons liées à son pouvoir de cognition (cf. c. 3.3.2), pas corriger matériellement la décision cantonale. Il a cependant considéré que les premiers juges avaient manqué à leur obligation de motiver en ne prenant pas position sur le descriptif détaillé que la caisse cantonale avait fait du procédé utilisé par les intimés pour contourner leur obligation de verser des cotisations. La caisse avait en particulier démontré que la conclusion de contrats de travail entre ces derniers et l’entreprise appartenant à l’un d’eux avait immédiatement suivi la notification de la décision fixant le montant de leurs cotisations comme personnes sans activité lucrative, et l’augmentation successive des taux d’activité et des salaires avait eu lieu après chaque information donnée par la caisse que le taux était insuffisant pour qu’ils soient considérés comme personnes travaillant à plein temps. La cour cantonale avait violé le droit d’être entendu de la caisse de compensation en ne prenant pas position de manière circonstanciée sur les faits présentés par la caisse de compensation.

Auteure : Anne-Sylvie Dupont

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Assurance-vieillesse et survivants

TF 9C_294/2023 du 20 décembre 2023

Assurance-vieillesse et survivants; rente de vieillesse, droit d’être entendu, rente ordinaire, plafonnement des rentes pour un couple, notion de ménage commun, restitution de prestations indûment touchées, péremption, devoir d’informer; art. 25 al. 1 et 2 LPGA; 49 al. 3 LPGA; 35 LAVS

Le litige porte sur la restitution de CHF 35'450.- par la recourante et de CHF 35'510.- par le recourant, correspondant aux montants des rentes de vieillesse qu’ils auraient perçues indûment entre les 1er juin 2017 et 31 mai 2022.

Le TF relève préliminairement que la guérison d’une violation du droit d’être entendu, même grave, peut se justifier lorsqu’un renvoi à l’autorité auteure de la violation en question constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure, ce qui serait incompatible avec l’intérêt de la partie concernée à ce que sa cause soit tranchée dans un délai raisonnable.

Il ajoute que contrairement à ce que prétendent les recourants, la jurisprudence relative aux conditions d’application de l’art. 25 al. 1 LPGA n’exige pas le prononcé de trois décisions séparées mais le respect de trois étapes en principe distinctes (examen des conditions d’une reconsidération ou d’une révision procédurale, examen de la restitution en tant que telle, examen de la remise de l’obligation de restituer). La dernière étape ne saurait être effectuée, respectivement la décision portant sur la remise de l’obligation de restituer rendue, avant qu’une décision concernant l’obligation de restituer elle-même (comme celle faisant l’objet du présent litige) ne soit entrée en force.

Sur le fond, le TF retient que le fait, pour les recourants, de vivre sous le même toit depuis le 12 septembre 2013 (même si chacun occupait un étage différent et versait une partie du loyer du duplex qu’ils louaient à leur fils) constituait un fait nouveau important (au sens de l’art. 53 al. 1 LPGA) justifiant la révision procédurale à laquelle avait procédé la caisse intimée. Il considère que cette autorité n’avait pu avoir connaissance (au sens de l’art. 25 al. 2 LPGA) de la reprise de la vie commune des époux qu’au moment d’un contrôle de concordance de ses fichiers et du Registre des personnes effectué en avril 2022 et non lorsque ces derniers lui ont annoncé leur changement d’adresse ou ont répondu aux questions qui leur étaient posées, ce qui ne suffit pas à considérer qu’ils ont respecté leur devoir d’informer.

Auteur : Me Gilles-Antoine Hofstetter

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Assurance-vieillesse et survivants

ATF 150 V 26, TF 9C_244/2021 du 9 novembre 2023

Prévoyance professionnelle; mesures d’assainissement, compétences respectives de l’autorité de surveillance et du Tribunal cantonal des assurances sociales; art. 62 al. 1 let. d, 65c, 65d et 73 LPP

L’employeur est affilié externe de l’institution de prévoyance du personnel de l’administration du canton de Bâle. Cette institution de prévoyance de droit public est constituée sous forme de fondation collective de sorte que pour chaque nouvelle affiliation, une caisse est constituée avec une comptabilité propre. Dès le 1er janvier 1991, la caisse de l’employeur est devenue une caisse fermée de rentiers, les salariés actifs étant assurés auprès d’une autre institution de prévoyance.

En raison du découvert important apparu dans les comptes de la caisse, l’institution de prévoyance agit à l’encontre de l’employeur en paiement d’une contribution exceptionnelle d’assainissement par-devant le Tribunal cantonal des assurances sociales. La demande est partiellement admise et l’employeur recourt au Tribunal fédéral.

Le TF rappelle sa jurisprudence relative aux compétences respectives de l’autorité de surveillance, d’une part, et du Tribunal cantonal des assurances sociales, d’autre part. Selon cette jurisprudence, l’autorité de surveillance est compétente en matière de litiges concernant la sécurité financière et les mesures prises pour assainir une institution de prévoyance. Une situation de découvert, de par son caractère extraordinaire, nécessite une activité de contrôle accrue et une surveillance particulièrement étroite.

Ainsi, en cas de litige concernant l’assainissement d’une institution de prévoyance (ou d’une caisse de prévoyance dans le cas d’une fondation collective), il convient de procéder en deux étapes : en premier lieu, il appartient à l’autorité de surveillance d’examiner la légalité des mesures d’assainissement, la mise en œuvre concrète de ses mesures ne peut intervenir que dans un second temps.

En l’espèce, la demande en paiement est prématurée, elle est donc rejetée.

Auteur : Eric Maugué

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Prévoyance professionnelle Publication prévue

ATF 150 V 12, TF 9C_430/2022 du 16 novembre 2023

Prévoyance professionnelle; interruption de l’assurance obligatoire, retraite anticipée, notion de la survenance du cas de prévoyance « vieillesse », maintien de l’assurance aux conditions de l’art. 47 LPP; art. 47 LPP; 2 al. 1 LFLP

L’affaire concerne deux personnes ayant perçu, à l’âge de 60 ans, des prestations de la Fondation pour la retraite anticipée dans le secteur principal de la construction (Fondation FAR), demandant le maintien de la prévoyance professionnelle sans assurance de risque auprès de l’Institution supplétive (plan de prévoyance maintien facultatif de la prévoyance vieillesse dans le cadre de la LPP [WO]). Après avoir procédé à une interprétation littérale, historique, systématique et téléologique de l’art. 47 LPP (c. 4.3.1 à 4.3.5), le TF est arrivé à la conclusion que l’assuré qui, après avoir atteint l’âge de 58 ans, cesse d’être assujetti à l’assurance obligatoire en raison de la dissolution des rapports de travail par lui-même peut maintenir son assurance aux conditions fixées par l’art.  47 LPP, même s’il s’agit d’une cessation d’activité définitive (c. 4.4).

Le TF a rappelé que, conformément à l’art. 2 al. 1 LFLP, la prestation de sortie ne peut être versée par l’ancienne institution de prévoyance de l’assuré que s’il la quitte avant la survenance d’un cas de prévoyance. A ce sujet, lorsqu’une institution de prévoyance accorde la possibilité d’une retraite anticipée, la survenance du cas de prévoyance « vieillesse » a lieu non seulement lorsque l’assuré atteint l’âge légal de la retraite selon l’art. 13 al. 1 LPP, mais aussi lorsqu’il atteint l’âge auquel le règlement lui donne droit à une retraite anticipée. Le point de savoir si un cas de libre passage ou un cas de prévoyance vieillesse survient avec l’abandon de l’activité lucrative avant l’accession à l’âge ordinaire de la retraite doit ainsi être examiné – sous réserve de l’art. 2 al. 1bis LFLP – à la lumière du règlement de la dernière institution de prévoyance à laquelle l’assuré a été affilié (c. 5.2).

Dans le cas du premier recourant, c’est à bon droit que les premiers juges ont admis que l’Institution supplétive était fondée à refuser le maintien de la prévoyance vieillesse au sens de l’art. 47 al. 1 LPP, compte tenu de ce qu’un cas de prévoyance était déjà survenu, conformément au règlement de prévoyance. Le TF a souligné qu’il se justifie de réserver l’application de la possibilité offerte par l’art. 47 LPP aux situations dans lesquelles le cas de prévoyance vieillesse n’est pas encore survenu selon le règlement de prévoyance (c. 5.3.1.2).

Dans le cas du second recourant, l’intéressé n’ayant pas perçu de prestations à titre de retraite anticipée ni demandé à en percevoir, le cas de prévoyance n’est dès lors pas survenu. Dans la mesure où l’application de l’art. 47 al. 1 LPP n’est pas réservée aux assurés qui n’ont pas déjà atteint l’âge de 58 ans ni limitée à une période de deux ans, et dès lors que le prénommé remplit les conditions de l’art. 47 al. 1 LPP, l’institution supplétive doit recevoir sa prestation de sortie et maintenir sa couverture d’assurance (c. 5.3.2).

Enfin, s’agissant du grief de violation des dispositions étendues et déclarées de force obligatoire de la Convention collective de travail pour la retraite anticipée dans le secteur principal de la construction (CCT RA), le TF a précisé que la CCT RA règle exclusivement les relations entre l’employeur, le travailleur et la Fondation FAR, si bien que l’institution supplétive n’entre pas dans son champ d’application (c. 6.2).

Auteur : David Ionta, juriste à Lucerne

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Prévoyance professionnelle Publication prévue

TF 9C_557/2022 du 13 novembre 2023

Assurance-invalidité; exécution d’une mesure thérapeutique institutionnelle, suspension de la rente; art. 21 al. 5 LPGA

Lorsque les conditions de l’art. 21 al. 5 LPGA sont remplies, l’assureur social doit, quant au principe, suspendre le versement de la rente pendant la durée de l’exécution de la peine ou de la mesure. La formulation potestative de la disposition (Kann-Vorschrift) lui permet uniquement de tenir compte des circonstances concrètes dans le but d’assurer l’égalité de traitement entre les personnes assurées. Si la peine ou la mesure est exécutée de manière que la personne assurée aurait été en mesure d’exercer une activité lucrative pendant ce temps, alors la rente doit être maintenue. En revanche, si, comme en l’espèce, la peine ou la mesure est exécutée de manière que la personne assurée n’aurait pas été en mesure d’exercer une activité lucrative pendant ce temps, alors la rente doit être suspendue (c. 4.1).

Le fait que l’acte pénalement répréhensible ait été commis en raison de l’atteinte à la santé psychique n’y change rien. L’art. 21 al. 5 LPGA a pour but d’assurer l’égalité de traitement entre les personnes qui exécutent une peine ou une mesure ordonnée par l’autorité pénale, et non l’égalité de traitement entre les personnes qui exécutent des mesures et celles qui sont simplement internées en raison de l’atteinte à la santé psychique (c. 4.2).

Auteure : Anne-Sylvie Dupont

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Assurance-invalidité

ATF 150 V 83, TF 8C_103/2023 du 6 décembre 2023

Assurance-invalidité; allocation pour impotent, AVQ exécuté de manière inhabituelle, début du droit; art. 42 LAI

Il s’agit d’un assuré paraplégique ayant formulé une demande d’allocation pour impotent, laquelle lui a été reconnue en raison d’une impotence faible. L’assuré a recouru contre cette décision. Le TF commence par rappeler les principes relatifs à l’allocation pour impotent. Elle poursuit en relevant qu’il n’est pas contesté que l’assuré ne nécessite pas d’aide pour les actes ordinaires de la vie tels que s’habiller, se déshabiller et manger, mais qu’il a besoin de l’aide d’un tiers pour se lever, s’asseoir, se coucher, faire sa toilette et se déplacer. C’est ce qui a justifié l’allocation pour impotent de degré faible.

L’assuré fait valoir que, bien qu’il parvienne à évacuer ses selles manuellement de manière autonome, cela lui prend un temps considérable, ce qui entraînerait une restriction personnelle dans son mode de vie. Par conséquent, l’assuré fait valoir qu’il ne peut faire ses besoins que d’une manière inhabituelle et au prix d’efforts déraisonnables. Il estime ainsi avoir droit à une allocation pour impotent de degré moyen.

Le TF relève que le fait que l’assuré ne puisse accomplir un acte ordinaire de la vie que de manière inhabituelle ne permet pas de conclure directement à un besoin d’aide d’une personne tierce. Le TF examine alors ses précédentes jurisprudences où l’impotence avait été admise pour le fait de devoir vider sa vessie six fois par jour au moyen d’un cathéter, cela étant alors considéré comme inhabituel. Il rappelle également son arrêt concernant l’évacuation manuelle des intestins où une impotence avait été admise. Le TF relève néanmoins que les jurisprudences précitées ne pouvaient être appliquées au cas d’espèce. C’est ainsi que, bien que le fait de faire ses besoins soit particulièrement inhabituel pour l’assuré, cela ne permet pas de retenir qu’il lui serait possible, avec l’aide d’un tiers, d’accomplir cet acte d’une manière plus habituelle et moins couteuse ou moins contraignante. Par conséquent, dans la mesure où il n’est pas démontré le besoin d’un recours à un tiers, le TF considère que l’allocation pour une impotence faible n’est pas contestable.

Dans un considérant supplémentaire, le TF examine encore le moment à partir duquel l’allocation pour impotent doit être versée. La demande était datée du 11 octobre 2021. Par contre, d’autres demandes de prestations, ne concernant pas l’impotence, avaient déjà été adressées à l’Office AI à partir du 11 août 2017. Or, dans ce cadre, ce dernier avait déjà examiné la question de l’impotence et pouvait ainsi instruire cette question. Le TF relève ainsi que, en cas de paraplégie complète, une allocation pour impotent de degré faible peut, conformément à la pratique, être versée sans examen. Il ajoute également que le fait d’être tributaire d’un fauteuil roulant permet de considérer la personne comme impotente pour les actes ordinaires de la vie « se déplacer/prendre contact ». Par conséquent, le TF parvient à la conclusion que l’office AI disposait déjà, lors de la première demande du 11 août 2017, d’indices suffisants concernant l’impotence de degré faible. Dans ces circonstances, l’office AI aurait dû procéder à des clarifications dès cette date. Cela justifie le versement de l’allocation pour impotent de manière rétroactive.

Pour les motifs qui précèdent, le TF a admis partiellement le recours.

Auteur : Julien Pache, avocat à Lausanne

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Assurance-invalidité Publication prévue

ATF 150 V 1, TF 9C_199/2023 du 11 décembre 2023

APG COVID-19; personne assimilable à un employeur, qualité pour recourir de l’employeur, reconsidération et restitution; art. 59, 25 al. 1 et 53 al. 2 LPGA; 5 al. 1 et 7 al. 2 O APG COVID-19

Une personne a une position assimilable à un employeur dans deux sociétés distinctes affiliées à deux caisses de compensation dans deux cantons différents. Des APG Covid-19 sont versées aux deux sociétés. Une restitution partielle est réclamée aux deux employeurs par les deux caisses de compensation.

Le 21 janvier 2022, l’OFAS a établi un Bulletin à l'intention des caisses de compensation AVS et des organes d'exécution des PC n° 448. En substance, on exigeait que les APG Covid-19 des personnes ayant une position assimilable à un employeur leur soient versées directement, contrairement à une certaine pratique tendant à verser les allocations directement à l’employeur. En raison de cette pratique, le TF admet que les employeurs disposent de la légitimation active, à tout le moins pour les allocations versées jusqu’à la publication de la communication de l’OFAS susmentionnée. En effet, en soi, ni l’art. 59 LPGA, ni l’art. 7 al. 2 O APG COVID-19 ne confère de qualité pour recourir. Au surplus, il y a lieu de relever que la demande de restitution s’adresse bel et bien à l’employeur. Les motifs de la demande de restitution se fondent sur des raisons matérielles (trop-perçu) et non sur des raisons formelles (mauvais destinataire des allocations). L’employeur a donc un intérêt à recourir en tant que destinataire de la demande de restitution fondée sur l’art. 25 al. 1 LPGA.

La caisse de compensation a initié sa demande de correction des décomptes d’allocations en engageant implicitement une procédure de reconsidération au sens de l’art. 53 al. 2 LPGA. L’art. 5 al. 1 O APG COVID-19 prévoit que l’indemnité journalière est égale à 80 % du revenu moyen de l’activité lucrative obtenu avant le début du droit à l’allocation. Cette disposition a été concrétisée par la Circulaire sur l’allocation pour perte de gain en cas de mesures destinées à lutter contre le coronavirus – Corona-perte de gain (CCPG). Le TF estime qu’il n’y a pas lieu de s’écarter de cette directive, y compris pour les personnes ayant une position assimilable à un employeur. Ainsi, la personne concernée a perçu plus que l’indemnité maximale de CHF 196.00. La restitution doit être ordonnée au prorata des montants versés par chaque caisse de compensation. Au surplus, il est clair que les conditions d’une reconsidération existent, les montants concernés étant importants.

Le TF constate qu’il existe une légère différence en faveur de l’assuré dans les décomptes correctifs. Toutefois, en vertu du principe de l’interdiction de la reformatio in pejus, les décisions litigieuses sont maintenues.

Auteur : Benoît Sansonnens, avocat à Fribourg

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APG COVID Publication prévue

TF 4A_532/2023 du 3 novembre 2023

Responsabilité aquilienne; procédure, preuve à future; expertise médicale; art. 93 al. 1 LTF; 158 CPC

A. a été victime d’un accident du travail qui a entraîné des blessures graves et permanentes. Il considère que cet événement est dû à une violation des obligations de son employeur, dont la responsabilité civile serait ainsi engagée. Alors que la Suva avait annoncé la mise en œuvre d’une expertise pluridisciplinaire, il a déposé une requête de preuve à future auprès du Tribunal d’arrondissement de St-Gall tendant à l’organisation d’une autre expertise médicale. Le juge unique du tribunal d'arrondissement a alors suspendu la procédure jusqu’à ce qu’une décision définitive soit rendue dans la procédure de recours contre la décision sur opposition de la Suva. Cette décision a été confirmée par le Tribunal cantonal de Saint-Gall, qui a considéré que, après le dépôt d’une expertise en assurances sociales, A. ne devrait plus avoir d’intérêt digne de protection à une autre expertise dans la procédure de preuve à futur, puisque l’expertise organisée par la Suva pourrait a priori être utilisée par le juge civil comme expertise judiciaire.

La Présidente de la Ire Cour de droit civil du TF a considéré que le recours en matière civile déposé par A. était manifestement irrecevable au sens de l’art. 108 al. 1 lit. a LTF. Elle retient à cet égard que la décision attaquée ne cause pas un préjudice irréparable à A., qui pourra toujours le moment venu recourir au TF contre la décision de dernière instance cantonale qui mettra fin à la procédure de preuve à futur, si cette décision lui refuse l’expertise demandée. Il pourra aussi dans ce cadre contester la suspension en tant que telle dans la mesure où elle aurait une incidence sur le contenu de la décision finale. La Présidente ajoute encore que l’on ne comprend pas non plus pourquoi la décision attaquée devrait (inévitablement) conduire le juge civil à se fonder, dans un procès en responsabilité civile, sur l'expertise mise en œuvre par l’assureur social.

Commentaire :

Cette décision porte sur la stratégie récemment exposée par Patrick Wagner (Vorsorgliche Massnahmen im Personenschadenrecht (ZPO 158 / OHG 21) – Ein neuer Blick auf ein altes Problem, in : Krauskopf/Rothenberger, Haftpflichtprozess 2023 – Das Rechtsbegehren, Eglisau 2023), consistant à court-circuiter une expertise sur le point d’être mise en œuvre par un assureur social en requérant au préalable une expertise « civile » par la voie de la preuve à future de l’art. 158 CPC. Cette façon de faire se fonde sur la constatation de l’auteur qu’en droit des assurances sociales, les experts médicaux se basent sur une notion purement biopsychique de la maladie et ne tiennent pas compte des facteurs psychosociaux et socioculturels lors de l'évaluation de la capacité de travail. Une telle expertise n'a pas de valeur probante en droit de la responsabilité civile. En effet, en RC, la notion de maladie biopsychosociale reconnue par la médecine dans le monde entier s'applique à l'évaluation du dommage corporel. A cela, s’ajoute sans conteste selon nous le fait que la procédure de droit social ne donne pas au lésé les mêmes droits quant au choix de l’expert.

On peut craindre que, sur la base de cette décision, même prise par la seule Présidente de la Ire Cour de droit civil, les instances inférieures des autres cantons seront à leur tour tentées de suspendre ce type de requête en preuve à futur, surtout lorsqu’une assurance sociale aura annoncé son intention de procéder elle-même à une telle mesure d’instruction. C’est donc dans une seconde phase, pour le cas où le juge saisi d’une telle requête venait à la rejeter au motif qu’il existe déjà une expertise judiciaire externe, que le lésé devra faire trancher la question de la force probante matérielle d’une expertise établie sur la base de principes médicaux propres au droit social, et par hypothèse plus restrictifs que ceux retenus par la science médicale internationale.

Auteur : Alexandre Guyaz, avocat à Lausanne

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Responsabilité aquilienne Procédure

TF 7B_11/2022 du 6 octobre 2023

Responsabilité aquilienne; lésions corprelles par négligence, procédure pénale, principe « in dubio pro duriore », obligations incombant aux exploitants de pistes de ski, normes professionnelles; art. 319 al. 1 let. a et b CPP; 12 al. 3 et 125 CP

Le recours porte sur le classement par le Ministère public de la procédure pénale ouverte sur plainte d’une victime d’un accident de luge sur une piste de ski. Cette dernière, renvoyée à agir au civil, reproche au responsable de l’entretien de la piste, à la patrouilleuse et au directeur des remontées mécaniques de s’être rendus coupables de lésions corporelles par négligence. Elle a en effet été sévèrement blessée, subissant de multiples fractures au bassin et des lésions au torse après avoir percuté un poteau en bois délimitant la piste.

La partie plaignante qui a participé à la procédure de dernière instance cantonale a la qualité pour recourir si la décision attaquée a des effets sur le jugement de ses prétentions civiles (c. 1). Le Tribunal fédéral examine si le classement de la procédure pénale respecte les conditions à l’art. 319 al. 1 let a et b CPP. La décision ordonnant le classement d’une procédure pénale est régie par le principe «  in dubio pro duriore » qui interdit ainsi au Ministère public, confronté à des preuves non claires, d’anticiper sur l’appréciation des preuves par le juge du fond. Ce principe doit également être respecté lors de l’examen des décisions de classement dans une procédure de recours. Le Ministère public et l’instance de recours peuvent ainsi être amenés à constater des faits, pour autant qu’ils paraissent clairs et établis au point qu’en cas de renvoi en jugement, le juge du fond ne s’en écarterait pas. Le Tribunal fédéral n’examine que sous l’angle de l’arbitraire l’appréciation des preuves selon le principe « in dubio pro duriore », ainsi que la question de savoir si l’instance inférieure pouvait exclure l’existence de soupçons suffisants sur la base de ces preuves.

Analysant l’application de l’art. 125 CP, le TF rappelle la notion de négligence (art. 12 al. 3 CP) et sa jurisprudence à ce propos (c. 2.2). La négligence suppose en premier lieu la violation d’un devoir de prudence dont le résultat est prévisible. Le comportement doit être propre, selon le cours ordinaire des choses et l’expérience générale de la vie, à provoquer un résultat tel que celui qui s’est produit ou du moins à le favoriser considérablement. Le lien de causalité n’est rompu que si des circonstances tout à fait exceptionnelles interviennent, telles que la faute concomitante de la victime ou d’un tiers ou des défauts de matériel ou de construction, avec lesquelles il ne fallait pas du tout compter et qui sont d’une telle gravité qu’elles apparaissent comme la cause la plus probable et la plus directe du résultat, reléguant ainsi à l’arrière-plan tous les autres facteurs concomitants, notamment le comportement de la personne accusée. Le comportement d’un tiers ne peut rompre le lien de causalité que si cette cause additionnelle est à ce point extérieure à l’événement normal, à ce point insensée qu’il ne fallait pas s’y attendre.

En second lieu, la violation du devoir de prudence doit être fautive, c’est-à-dire qu’il faut pouvoir reprocher à l’auteur une inattention ou un manque d’effort blâmable. L’infraction peut également être commise par omission contraire aux devoirs (art. 11 CP). Dans ce cas, il faut qu’il y ait une obligation légale d’accomplir l’acte omis (position de garant). Pour admettre une position de garant, il suffit d’une obligation qualifiée. Le délit d’omission « improprement dit » sanctionne l’auteur qui aurait pu éviter le résultat par son action (possibilité d’éviter la survenance du résultat) et qu’il y était tenu en raison de sa position de garant. On vérifie si le résultat aurait pu être évité, si l’auteur avait eu un comportement conforme à ses devoirs. Il faut en principe qu’il soit encore établi avec une haute vraisemblance que si l’auteur avait agi d’une manière conforme à son devoir de prudence, le résultat ne se serait pas produit (c. 2.2.3).

Après avoir rappelé sa jurisprudence au sujet de la notion de négligence, le TF examine les obligations qui s’imposent aux entreprises de remontées mécaniques qui aménagent des pistes et les ouvrent à la pratique du ski. Celles-ci sont en principe tenues de prendre les mesures de précaution et de protection que l’on peut raisonnablement exiger d’elles pour écarter les dangers. Cette obligation de sécurité exige d’une part que les usagers des pistes soient protégés contre les dangers qui ne sont pas facilement identifiables et qui s’avèrent être de véritables pièges. D’autre part, il faut veiller à ce que les usagers des pistes soient préservés des dangers qui ne peuvent être évités même en faisant preuve de prudence. La limite de l’obligation d’assurer la sécurité des pistes est constituée d’une part par le caractère raisonnablement exigible et d’autre part par la responsabilité personnelle de chaque usager de la piste (c. 2.2.4). L’étendue de l’obligation d’assurer la sécurité dépend des circonstances du cas d’espèce.

Le Tribunal fédéral se réfère aux directives de la Commission suisse pour la prévention des accidents sur les descentes pour sport de neige (SKUS) et aux directives des remontées mécaniques suisses relatives à l’obligation d’assurer la sécurité sur les descentes de sports de neige (RMS). Sans être des normes droit objectif, elles revêtent une fonction importante dans la concrétisation des devoirs en matière de sécurité des pistes. Les conditions locales peuvent exiger un niveau de sécurité plus élevé que celui prévu par les directives précitées. Le TF n’est pas lié par les directives et détermine le degré de diligence exigé en fonction des circonstances concrètes du cas.

Dans le cas d’espèce, le TF confirme la décision attaquée de l’autorité cantonale en tant qu’elle nie l’existence de soupçons suffisants pour une mise en accusation. Selon la décision attaquée, la piste bleue se prêtait à la pratique de la luge (ch. 24 et ch. 74 directives SKUS). Les directives SKUS préconisent que le bord de la piste doit être sécurisé efficacement, y compris dans la zone contiguë de 2 mètres, lorsque des obstacles mettent en danger les usagers ou qu’il existe un risque de chute. Il n’est pas nécessaire de créer des espaces de chute (ch. 24 directives SKUS). Seuls les obstacles que les usagers ne peuvent reconnaître en faisant preuve de la diligence requise doivent être signalés. Si les obstacles ne peuvent être évités, des mesures seront prises en vue de les écarter. Ce sera le cas notamment s’il existe un risque qu’une personne tombe et continue ensuite à glisser en raison des conditions du terrain, sans pouvoir freiner et se diriger efficacement (ch. 28 directives SKUS). L’obligation de garantir la sécurité peut exceptionnellement s’étendre au-delà de la zone contiguë des 2 mètres (ch. 113 directives RMS). Même dans la zone marginale de 2 mètres adjacente à la piste, les obstacles de type chute doivent être signalés. La présence d’une telle chute s’évalue du point de vue d’un utilisateur attentif (ch. 144 directives RMS). En l’espèce, le poteau en bois se trouvait à un endroit où la piste devenait plus étroite, après une pente raide où les usagers descendaient relativement vite pour ne pas avoir à marcher lors de la traversée de la forêt. L’autorité cantonale a néanmoins relevé que le poteau ne se situait pas immédiatement sous la pente raide, mais après une partie plate. De plus, la piste devenait plus étroite avant le niveau du poteau en bois qui se trouvait en outre sur un tronçon rectiligne. Le poteau était recouvert d’un tapis orange et visible de loin. Le fait qu’il fut situé en bordure de piste et non à 1.5m de celle-ci, comme l’autorité l’aurait constaté à tort, ne changeait rien à la visibilité du poteau à distance.

L’autorité cantonale n’est donc pas tombée dans l’arbitraire ni n’a violé le droit fédéral en retenant que recourante n’avait pas respecté une distance de sécurité suffisante par rapport au bord de la piste.

Auteure : Monica Zilla, avocate à Neuchâtel

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Responsabilité aquilienne

TF 6B_817/2023 du 15 novembre 2023

Responsabilité aquilienne; lésions corporelles par négligence, imprévoyance coupable; art. 12 al. 3 et 125 CP

La condition de base pour une violation du devoir de diligence et donc pour la responsabilité pour négligence est la prévisibilité du résultat dommageable. Le déroulement des événements conduisant à ce résultat doit être prévisible pour l’auteur, au moins dans ses traits essentiels. Il convient de se demander si l’auteur aurait pu et dû prévoir ou reconnaître une mise en danger des biens juridiques de la victime. Pour répondre à cette question, on applique le critère de la causalité adéquate, selon lequel le comportement doit être de nature, selon le cours ordinaire des choses et l’expérience générale de la vie, à provoquer un résultat tel que celui qui s’est produit ou, du moins, à le favoriser considérablement.

Dans le contexte d’une inondation, le prévenu a cherché à améliorer l’écoulement de l’eau dans un déversoir qui était bouché par des éléments végétaux. Comme la chambre du déversoir demeurait remplie d’eau et compte tenu d’un effet de tourbillon vers le tuyau d’évacuation, il n’a pas replacé le couvercle sur cette chambre. Il a dressé un tronc d’arbre pour pallier et signaler cette situation, sans que le tronc remplisse toutefois complètement la chambre. Un petit enfant passant à vélo sur ce lieu de promenade est tombé dans la chambre, malgré le tronc. Il a été happé par le tourbillon, mais est resté, durant une vingtaine de minutes, suspendu à un pachon de l’échelle de la chambre auquel s’était accroché son casque de vélo. L’enfant a ainsi subi de graves lésions cérébrales.

Le Tribunal fédéral a écarté l’argument du prévenu selon lequel les circonstances de l’accident, subi par un enfant suffisamment petit pour être happé dans le tuyau d’évacuation, mais assez grand pour se déplacer de lui-même et tomber dans la chambre, seraient si exceptionnelles que le résultat dommageable n’était pas prévisible. Le prévenu était bien conscient de la situation dangereuse qu’il avait créée, puisqu’il a mis en place un tronc dans la chambre. Il aurait dû réaliser que cette mesure était insuffisante pour écarter tout risque d’un résultat dommageable tel que celui qui est survenu. La négligence a dès lors été retenue.

Auteur : Alexandre Bernel, avocat à Lausanne et à Aigle

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Responsabilité aquilienne

TF 4A_366/2022 du 19 octobre 2023

Responsabilité médicale; responsabilité de droit public, procédure, Appréciation des preuves; art. 9 et 29 al. 2 Cst.; 61 al. 1 CO

Il s’agit d’un cas de responsabilité médicale soumis au droit public fribourgeois, selon la réserve facultative prévue à l’art. 61 al. 1 CO.

Sous l’angle de la procédure, le TF rappelle que même si les prétentions du patient relèvent exclusivement du droit public cantonal, c’est la voie du recours en matière civile qu’il convient d’utiliser en application de l’art. 72 al. 2 let. b LTF qui prévoit que les décision prises en application de normes du droit public dans des matières connexes au droit civil sont également sujettes au recours en matière civile. Il est en effet opportun de soumettre toutes les affaires de responsabilité médicale à une seule et même cour, à savoir la Ire Cour de droit civil, afin de dégager une jurisprudence assurant l’application uniforme du droit, que la responsabilité relève du droit privé ou du droit public.

Sur le fond, le patient se plaignait d’une violation du droit à la preuve sous l’angle de l’art. 29 al. 2 Cst. (droit d’être entendu). Selon la jurisprudence, le juge peut refuser une mesure probatoire lorsque celle-ci ne serait pas de nature à modifier le résultat des preuves déjà administrées, qu’il tient pour acquis. Un tel refus ne peut être mis en cause devant le TF qu’en invoquant l’arbitraire (art. 9 Cst.) dans l’appréciation des preuves. Dans ce cadre, le juge apprécie librement la force probante d’une expertise. Dans le domaine des connaissances professionnelles particulières de l’expert, il ne peut toutefois s’écarter de l’opinion de celui-ci que pour des motifs importants. A l’inverse, lorsque l’autorité précédente juge une expertise concluante et en fait sien le résultat, le grief d’appréciation arbitraire des preuves ne sera admis que si l’expert n’a pas répondu aux questions posées, si ses conclusions sont contradictoires ou si, d’une quelconque autre façon, l’expertise est entachée de défauts à ce point évidents reconnaissables, même sans connaissances spécifiques, que le juge ne pouvait tout simplement pas les ignorer.

Dans le cas d’espèce, les juges fribourgeois ne se sont pas livrés à une appréciation arbitraire des preuves en considérant que l’expertise judiciaire qu’ils avaient mis en œuvre était concluante. Ils pouvaient ainsi valablement refuser la contre-expertise sollicitée par le patient ou l’audition du chirurgien puisque de telles mesures n’étaient pas susceptibles de modifier le résultat auquel l’expert était parvenu, à savoir l’absence de violation des règles de l’art par le chirurgien concerné.

Auteur : Yvan Henzer, avocat à Lausanne

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Responsabilité médicale

TF 4A_415/2023 du 11 octobre 2023

Responsabilité médicale; devoir d’information, consentement hypothétique; art. 41 CO; 28 CC

Au cours d’une coloscopie organisée dans le cadre du traitement d’hémorroïdes, le médecin retire un polype découvert par hasard. A la suite de cette ablation, la patiente subit une perforation secondaire de l’intestin avec de graves répercussions. Elle fait valoir des prétentions en dommages et intérêts et en réparation du tort moral au motif qu’elle n’aurait été informée et n’aurait valablement consenti qu’à la coloscopie elle-même, à l’exclusion de l’ablation d’un éventuel polype découvert fortuitement.

Selon la cour cantonale, dont l’appréciation est suivie par le TF, la patiente n’avait certes pas donné son consentement exprès à l’ablation d’un polype. Dans une telle situation, il convient néanmoins d’admettre le consentement hypothétique de la patiente.

Le consentement hypothétique doit en effet être admis lorsqu’il peut être établi que le patient aurait consenti au traitement s’il avait été correctement informé. La décision qui serait prise par un autre patient raisonnable dans la même situation n’est pas déterminante puisque le droit à l’autodétermination constitue le noyau de la liberté personnelle protégée par l’art. 28 CC. En revanche, pour des raisons procédurales, il peut être attendu du patient qu’il rende plausible qu’il aurait refusé l’intervention ou se serait trouvé dans un conflit décisionnel s’il avait été correctement informé avant la survenance de la complication. Lors de la pesée des avantages et des inconvénients du traitement, l’on prêtera d’autant plus d’attention aux préoccupations individuelles du patient que le traitement est particulièrement risqué ou accompagné d’effets secondaires importants.

En l’espèce, le TF souligne que les risques de perforation intestinale lors d’une coloscopie sont connus et ne se limitent pas aux cas dans lesquels un polype est retiré. La probabilité d’une perforation est toutefois très faible. Ainsi, rien n’indiquait que la patiente aurait refusé l’ablation d’un polype potentiellement cancéreux si elle avait été informée de manière exhaustive.

Auteure : Muriel Vautier, avocate à Lausanne

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Responsabilité médicale

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