TF 8C_654/2019 du 14 avril 2020
Assurance-chômage; aptitude au placement, autorisation de séjour et de travail; art. 8 al. 1 let. f et 15 al. 1 LACI; 21 al. 3 LEI (aLEtr); 42, 82ss, 90 et 100 LTF
Un ressortissant étranger titulaire d’un doctorat en sciences s’est vu notifier une décision d’inaptitude au placement par la division juridique du Service de l’emploi du canton de Vaud (SDE) – et par voie de conséquence un refus d’indemnité de chômage – en raison du caractère pendant de sa demande de renouvellement de permis de séjour. Saisie d’un recours, la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud réforme la décision précitée et conclut à l’aptitude de l’assuré au placement. Le SDE forme un recours en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral.
Selon l’art. 8 al. 1 let. f LACI, une indemnité au chômage ne peut être versée à un assuré que si celui-ci est apte au placement au sens de l’art. 15 al. 1 LACI, c’est-à-dire s’il est disposé à accepter un travail convenable et à participer à des mesures d’intégration, tout en étant en mesure et en droit de le faire. La jurisprudence du TF précise à cet effet qu’une aptitude au placement suppose ainsi que l’intéressé puisse effectivement accepter l’offre d’un éventuel employeur avec comme corollaire qu’il soit au bénéfice d’une autorisation de travailler. A défaut d’une telle autorisation, il convient de déterminer si le ressortissant étranger pouvait compter sur cette autorisation de travail, en se basant de manière prospective sur les faits s’étant déroulés jusqu’au moment de la décision sur opposition. Le fait qu’un dossier soit en cours de traitement par le Service cantonal de la population ne suffit pas à fonder son appréciation sur une perspective positive ou négative de décision.
Aux termes de l’art. 21 al. 3 LEI, le ressortissant étranger titulaire d’un diplôme délivré par une haute école suisse peut se voir admis en vue de l’exercice d’une activité lucrative si celle-ci revêt un intérêt scientifique ou économique prédominant. Selon le TF, les juges cantonaux ont faussement considéré que le fait de remplir les conditions nécessaires à l’admission provisoire susmentionnée engendrait inévitablement l’aptitude au placement de l’intimé, spécialiste en neurosciences : bien que l’intimé puisse remplir les conditions à l’admission provisoire dès la fin de son activité postdoctorale en vue de rechercher un emploi au sens de l’art. 21 al. 3 LEI, cela ne permet toutefois pas de conclure au fait que celui-ci puisse compter sur la délivrance d’une autorisation de travailler pendant la période litigieuse.
En effet, il ne ressort pas des constatations de la juridiction cantonale que la question de la prise d’un emploi hautement qualifié se soit posée au moment de l’inscription de l’intimé au chômage jusqu’à la décision d’opposition. En outre, bien que l’intimé ait fait l’objet d’une proposition d’engagement, celle-ci était postérieure à la décision sur opposition. Partant, rien ne permettait de retenir que pendant la période litigieuse, l’intimé pouvait compter sur l’obtention d’une autorisation de travail pour un emploi hautement qualifié.
Les juges cantonaux ont ainsi reconnu à tort l’aptitude au placement de l’intimé, au vu de l’absence de circonstance permettant de compter sur la délivrance d’une autorisation de travailler. Partant, le recours est admis.
Auteur : Christian Grosjean, avocat à Genève