NLRCAS Février 2015
Editée par Christoph Müller, Anne-Sylvie Dupont & Guy Longchamp
L'arrêt du mois!
L'arrêt suivant fait l'objet d'un commentaire par Me Alexandre Guyaz. Pour voir le commentaire, cliquez ici.
TF 4A_260/2014 du 6 février 2015
art. 46 al. 1 CO
Il appartient aux parties de faire valoir leurs objections au stade de l’instance cantonale concernant l’application de statistiques que le tribunal se propose d’appliquer pour apprécier le dommage. Il n’est ainsi pas possible d’attendre de voir à quel résultat aboutira le tribunal cantonal et de contester formellement pour la première fois l’application des statistiques en question devant le TF (c. 2.3.1). Cela dit, le TF rappelle qu’il est une question de droit de savoir si l’instance précédente a appliqué correctement les règles de calcul du dommage, règles parmi lesquelles figure l’application d’une méthode de calcul concrète ou abstraite (c. 2.2).
En cas de lésions corporelles graves subies par un enfant, la perte de gain de la victime est toujours difficile à estimer. Cela ne doit néanmoins pas empêcher le juge de procéder à cette estimation en tenant compte de toutes les circonstances du cas. Ainsi, il peut être problématique, comme l’on fait les juges cantonaux, de se fonder uniquement sur un salaire moyen en qualifiant celui-ci de cours ordinaire des choses. Ainsi, par exemple, si le lésé a plusieurs frères et sœurs qui ont tous suivi une formation comparable, cet élément peut permettre au juge de déterminer quelle est la formation usuelle dans la famille. Cela ne signifie pas qu’il puisse retenir nécessairement le scénario le plus favorable au lésé, aussi longtemps qu’aucun indice concret ne plaide dans ce sens (c. 3.3. et 3.4).
Ainsi, si le TF semble admettre que le juge s’inspire de la carrière entreprise par les frères et sœurs ou les parents pour déterminer quelle aurait été celle du lésé, il considère que la comparaison ne peut pas porter jusque sur le taux d’occupation hypothétique de la victime. En effet, avec l’âge, les frères et sœurs se différencient les uns des autres et le taux d’activité dépend en premieur lieu des circonstances concrètes et personnelles de chacun (mariage, présence ou non d’enfants, gains du conjoint, etc.) (c. 3.4.4).
Comme en l’espèce, la lésée n’avait pas établi que les juges cantonaux étaient tombés dans l’arbitraire en évaluant son revenu hypothétique sur la base de statistiques, le TF a examiné plus en détail l’application des statistiques en question. S’agissant du taux d’activité, le TF considère que l’on peut se fonder à cet égard sur des statistiques générales que s’il est établi que le taux d’activité de la personne considérée n’aurait pas été influencé par le salaire déterminant. En d’autres termes, on ne peut pas admettre sans autre que la lésée, notamment parce qu’elle est une femme, n’aurait pas travaillé à 100 % tout au long de sa carrière sans examiner au préalable l’importance du revenu que sa formation lui aurait permis de réaliser (c. 5.2). Par ailleurs, on inflige à la lésée une sous-indemnisation si on considère qu’elle aurait réduit son taux de travail pour se marier et faire des enfants alors même qu’en raison de l’acte dommageable, elle n’est précisément plus en mesure de se marier et de bénéficier du soutien d’un conjoint. Comme la défenderesse n’avait en l’espèce pas établi que la lésée aurait réduit son revenu même sans se marier ou qu’elle aurait accepté dans le cadre du mariage une réduction de son niveau de vie, le TF a considéré que l’on devait partir du principe que la victime aurait travaillé à 100 % tout au long de sa carrière (c. 5.3).
Comme il s’agit en responsabilité civile de déterminer non pas un salaire moyen mais un salaire vraisemblable, il convient de se référer à la valeur médiane plutôt qu’à la valeur moyenne. La valeur médiane permet en effet de déterminer le niveau de salaire dont on peut dire qu’il y a autant de personnes qui se situent au-dessus de cette valeur que de personnes qui se situent en dessous (c. 5.4).
Le TF confirme le taux de capitalisation de 3,5% en évoquant le principe de la sécurité du toit et de son caractère praticable, considérant que les compétences particulières du lésé en matière de gestion de fortune ne constituent pas un critère à cet égard. Le TF relève encore que la lésée n’a pas fait la preuve que les taux d’intérêts actuels, qui sont particulièrement bas, vont se maintenir à ce niveau sur le long terme, et rappelle la possibilité offerte au lésé de demander une indemnisation sous forme de rente (c. 7).
Le seul fait que l’art. 8 al. 3 de la Constitution garantit l’égalité des salaires entre hommes et femmes ne signifie pas encore qu’une telle égalité doit être appliquée de façon absolue en responsabilité civile dans le cadre du calcul du dommage. En effet, cette garantie constitutionnelle ne signifie pas en soi que la lésée aurait, sans l’accident, pu réaliser un revenu effectivement égal à celui des hommes actifs dans la même profession.
Ainsi, il est en soi correct de tenir compte en responsabilité civile d’un salaire inférieur pour les femmes, sauf pour la demanderesse de prouver que, dans sa situation concrète, elle n’aurait pas souffert de discrimination. Le TF considère cependant que le juge doit tenir compte du fait que des efforts seront encore fournis à l’avenir pour mettre en oeuvre le principe de l’égalité des salaires entre hommes et femmes et que l’on ne peut donc pas retenir la différence de salaire actuelle pour l’ensemble de la carrière future d’une lésée (c. 8).
TF 4A_310/2014 du 6 février 2015
art. 42 al. 2, 95 lit. a, 105 al. 2 et 106 al. 2 LTF ; art. 46 CO
L’arrêt attaqué ne porte que sur le sort des conclusions civiles de la lésée, le sort de l’action pénale ayant été définitivement tranché en première instance. A l’encontre d’une décision de cette nature, le recours ordinaire au TF est le recours en matière civile et non le recours en matière pénale.
En cas de lésions corporelles, la partie qui en est victime a droit au remboursement des frais et aux dommages-intérêts qui résultent de son incapacité de travail totale ou partielle, ainsi que de l’atteinte portée à son avenir économique. La loi fait ainsi une distinction entre la perte de gain actuelle, qui est éprouvée au jour de la décision de la juridiction cantonale devant laquelle on peut alléguer pour la dernière fois des faits nouveau et la perte de gain future, pour l’éventualité où l’incapacité de travail dure toujours parce que le lésé est devenu totalement ou partiellement invalide. Cette distinction n’a pas d’autre fonction que celle de faciliter le travail de calcul du juge, car il s’agit en fait de deux postes du même préjudice.
Les principes présidant au calcul de ces deux postes du dommage sont donc les mêmes. Le préjudice s’entend dans tous les cas au sens économique. Est donc déterminante la diminution de la capacité de gain. Le dommage consécutif à l’invalidité doit, autant que possible, être établi de manière concrète. Le juge partira du taux d’invalidité médicale (ou théorique) et recherchera ses effets sur la capacité de gain ou l’avenir économique du lésé ; cette démarche l’amènera à estimer le gain que le lésé aurait obtenu dans son activité professionnelle s’il n’avait pas subi l’accident.
Si la victime d’un accident continue, malgré son incapacité de travail, à toucher son salaire, ce montant ne s’impute pas sur les dommages-intérêts dus par l’auteur ; la libéralité que ce paiement constitue de la part de l’employeur est présumée faite en faveur du lésé, non du responsable (ATF 62 II 290).
Il est de jurisprudence que les avantages financiers qui trouvent leur source dans l’événement dommageable doivent être imputés sur le montant du dommage (principe de l’imputation des avantages) ; l’imputation n’est toutefois justifiée que pour les avantages qui sont en lien de connexité avec le sinistre. En outre, l’imputation ne doit pas être exclue par la volonté de la personne qui fournit l’avantage au lésé.
L’établissement du préjudice ménager est essentiellement une question de fait, que le TF ne peut revoir qu’aux conditions de l’art. 105 al. 2 LTF. En revanche, savoir si l’autorité cantonale a méconnu la notion de préjudice ménager ou les principes qui en régissent le calcul est une question de droit, que le TF examine librement. Le choix de la méthode abstraite, fondée exclusivement sur des données statistiques, suppose à tout le moins que le juge du fait explique en quoi ces données statistiques correspondent peu ou prou à la situation de fait du cas particulier.
Le dommage direct de rente de vieillesse correspond à la différence entre les prestations de vieillesse hypothétiques et les prestations effectivement versées par les assurances sociales. Il en découle qu’il convient de soustraire des rentes de vieillesse probables les prestations des assurances sociales versées durant la même période que les rentes de vieillesse.
TF 2E_1/2014 du 6 février 2015
Art. 1 al. 1, 10 al. 2 et 20 al. 2 et 3 LRCF ; art. 120 al. 1 LTF
Toute demande en dommage-intérêts à l’encontre de la Confédération doit être adressée au Département fédéral des finances, conformément à l’art. 20 al. 2 LRCF. Lorsqu’une telle demande résulte de l’activité officielle des personnes énumérées à l’art. 1 al. 1 lit. a à c bis de la loi (membres du Conseil fédéral, chancelier de la Confédération, membres et suppléants des tribunaux fédéraux, membres de l’autorité de surveillance du Ministère public de la Confédération), le TF connaît en instance unique les prétentions du lésé. Au préalable, le Département fédéral des finances aura transmis au Conseil fédéral la demande en indemnisation, conformément à l’art. 3 al. 1 de l’ordonnance. Ce n’est que si le Conseil fédéral conteste la demande en tout ou en partie ou s’il ne répond pas dans les trois mois que le demandeur peut alors saisir le TF (art. 20 al. 3 LRCF).
C’est dire qu’une demande en indemnisation adressée directement au TF pour l’activité officielle de fonctionnaires qui ne sont pas visés par les lettres a à cbis de l’art. 1 al. 1 LRCF est irrecevable et doit être transmise au Département fédéral des finances, autorité compétente pour en connaître, conformément à l’art. 1 al. 3 de l’ordonnance.
TAF A-1053/2014 du 6 février 2015
art. 20 al. 1 LRCF
Le délai d’un an dès la connaissance du dommage, imparti au lésé pour agir en responsabilité contre la Confédération en vertu de l’art. 20 al. 1 LRCF, est un délai de péremption, qui ne peut donc pas être suspendu, interrompu ou prolongé (c. 5.2.2). Cette disposition doit être interprétée conformément à la règle semblable de l’art. 60 al. 1 CO, en ce sens que le délai commence à courir dès que le lésé a une connaissance effective des différents postes du dommage et de la personne du responsable, de manière à pouvoir fonder sa demande en justice (c. 5.2.3). Cela suppose que le lésé ait en main les éléments essentiels lui permettant de définir l’ordre de grandeur de son préjudice, sans qu’il soit nécessairement en mesure de chiffrer celui-ci (c. 5.2.4). S’agissant de l’éventuel engagement de la responsabilité de l’employeur pour avoir prétendument contraint un collaborateur à résilier son contrat de travail, ce délai annuel de péremption commence à courir au moment de l’expression de cette résiliation (c. 5.3.1).
Selon un principe général du droit, un délai de péremption peut être restitué si l’intéressé a été empêché d’agir pour des motifs insurmontables qui ne lui sont pas imputables, tels qu’une maladie, un accident ou une catastrophe naturelle. Ni le fait d’avoir vainement engagé d’autres démarches ni des problèmes familiaux ne constituent de tels motifs (c. 5.3.1).
TF 2C_960/2013 du 6 février 2015
Art. 50 et 143 ss CO
La question est de savoir à quel régime obéit la responsabilité de l’Etat et/ou de la commune du chef de la révocation d’une décision entrée en force (dans le cas d’espèce, un permis de construire une installation réalisée, considéré plusieurs années plus tard comme formellement et matériellement illégal). Si le justiciable demande des dommages-intérêts en arguant du fait que la révocation est elle-même illicite, c’est - dans le canton de Soleure - la loi cantonale qui règle la responsabilité de l’Etat et ses fonctionnaires qui régit la situation.
En revanche, si le même justiciable ne conteste pas le bien-fondé de la révocation mais fait simplement valoir (ce qui était le cas en l’espèce) que cette révocation (licite) lui cause un dommage, on a affaire à un cas de responsabilité fondée sur la confiance. Le fait générateur de responsabilité n’est alors pas la révocation du permis mais la délivrance (illicite) du permis à l’époque. Ce type de responsabilité est régi par la « Gesetz über den Rechtsschutz in Verwaltungssachen », dont l’art. 22 prévoit l’indemnisation de la personne lésée si celle-ci a, de bonne foi, pris des dispositions d’ordre financier (« Aufwendungen getätigt ») et n’a pas causé elle-même la révocation (c. 3.2 et 4.2.2).
Le reproche fait ici au justiciable de n’avoir pas attaqué la révocation n’est pas fondé, dès lors que cette décision était clairement justifiée et qu’il était en droit de penser qu’il serait indemnisé pour le dommage subi ensuite de la révocation. On ne saurait dès lors considérer qu’il aurait, par sa volonté de ne point recourir, causé lui-même la révocation (c. 3.4.6, 4.2.1, 4.2.3 et 4.2.4).
L’Etat et la commune étant appelés à répondre solidairement du préjudice, le TF juge, comme l’autorité précédente, que l’application par analogie des art. 143 ss CO (solidarité contractuelle) est plus appropriée que l’application par analogie de l’art. 50 CO (solidarité extra-contractuelle). Or, conformément aux art. 143 ss CO, il aurait fallu une déclaration des deux débiteurs selon laquelle ils répondaient solidairement du dommage. Cette déclaration faisant défaut en l’espèce, il n’y a pas de responsabilité solidaire entre l’Etat et la commune, chacun répondant d’une partie du dommage (ici à hauteur de 50%) (c. 4.4.).
Selon l’art. 22 de la loi (et également selon la pratique développée en lien avec l’art. 9 Cst.), en cas de responsabilité fondée sur la confiance, le lésé peut uniquement demander des dommages-intérêts négatifs. Il doit être mis dans la situation qui serait la sienne s’il n’avait pas pris les dispositions d’ordre financier (le TF parle de « Aufwendung », ce qui n’englobe pas uniquement les dispositions d’ordre financier mais également d’autres dispositions) (c. 4.5.3.).
Il ne peut en revanche faire valoir une perte de gain générée par la privation de l’installation, dès lors que, sans le permis de construire, il n’aurait pu réaliser de gain grâce à celle-ci (c. 4.5.4).
Enfin, il se justifie de réduire l’indemnité de 20% au titre de la faute concomitante car, en raison de sa formation, le lésé était en mesure de se rendre compte de l’illicéité du permis et du risque d’une révocation.
TF 2C_630/2014 du 6 février 2015
Art. 5 al. 3, 8 et 9 Cst. ; art. 85 al. 2 et 113 ss LTF
Ne soulève pas une question de principe ouvrant la voie du recours en matière de droit public (art. 85 al. 2 LTF) la décision de dernière instance cantonale qui rejette une action en responsabilité dirigée contre le canton de Berne visant le remboursement d’honoraire d’avocat au titre de dommage-intérêts résultant d’une information erronée fournie par son administration fiscale. Le recours constitutionnel subsidiaire (art. 113 ss LTF) est rejeté car l’appréciation des juges cantonaux, selon laquelle il n’y aurait pas de lien de causalité naturelle entre l’information erronée fournie par ladite administration et la nécessité de recourir au service d’un avocat, n’est pas constitutive d’arbitraire.
TF 6B_905/2014 du 6 février 2015
art. 81 LTF
Recours en matière pénale au TF contre un arrêt cantonal refusant de reprendre la procédure préliminaire. Les recourants tiennent pour responsables le Ministère public et un greffier du dommage dont elles se prétendent victimes.
Les cantons sont libres de soumettre au droit public cantonal la responsabilité des agents de la collectivité publique. Le canton de Neuchâtel ayant fait usage de la faculté réservée à l’art. 61 al. 1 CO, les recourants ne disposent que d’une prétention de droit public à faire valoir non pas contre les présumés auteurs qu’elles ont dénoncés, mais contre l’Etat.
De jurisprudence constante, des prétentions en dommages-intérêts contre le personnel de l’Etat ne peuvent être invoquées dans le procès pénal par voie d’adhésion et ne constituent, dès lors, pas des prétentions civiles au sens de l’art 81 LTF, de sorte que les recourants n’ont pas la qualité pour recourir sur le fond de la cause.
TF 5A_198/2014 du 6 février 2015
art. 41 CO
Selon le TF, un acte est illicite s’il enfreint un devoir général en portant atteinte soit à un droit absolu du lésé, soit à son patrimoine; dans ce dernier cas, la norme violée doit avoir pour but de protéger le lésé dans les droits atteints par l’acte incriminé.
Dans l’ATF 117 II 394, s’est posée la question de savoir si une action, fondée sur une prétention inexistante, était objectivement illicite ou si elle devait, en plus, constituer la violation d’une norme de comportement. Le TF a laissé la question ouverte, considérant que, quoi qu’il en soit, la responsabilité suppose un comportement contraire aux mœurs, intentionnel ou dû à une négligence grave au sens de l’art. 41 CO. Ainsi, celui qui ouvre abusivement un procès ou se comporte, au cours du procès, d’une manière malveillante ou contraire aux règles de la bonne foi, engage ainsi sa responsabilité, peu importe que ce comportement tombe ou non sous le coup de la loi pénale. Une faute légère, qui aurait conduit à une appréciation erronée d’une situation juridique ne peut néanmoins donner lieu à des dommages-intérêts; engage par contre sa responsabilité celui qui, non seulement ouvre une action à la légère, mais sait d’emblée que sa position était dépourvue de toute chance; il en va de même de celui qui a tiré le procès en longueur, utilisant à dessein tous les incidents de procédure pour le compliquer.
Selon le TF, il apparaît notamment dans l’ordre des choses qu’une autorité judiciaire, induite en erreur par une partie, rende des décisions fondées sur des prémisses erronées. Les dommages résultant de mesures pré-provisionnelles et provisionnelles peuvent dans ce cadre être reliés au comportement contraire à la bonne foi de la partie en question et le rapport de causalité doit être qualifié d’adéquat.
TF 4A_115/2014 du 6 février 2015
art. 42, 43, 44, 45 CO
Le TF rappelle que la distinction entre les suites adéquates et inadéquates d’un accident peuvent être différentes en droit de la responsabilité civile ou en droit des assurances sociales (ATF 123 III 110). En effet, bien que définie de manière identique en droit de la responsabilité civile et en droit des assurances sociales, la notion de causalité adéquate est une clause générale qui doit être concrétisée et les buts de politique juridique de ces deux domaines juridiques doivent être pris en compte (c. 6.3).
Le lien de causalité adéquat entre le dommage et le comportement de son auteur ne peut en principe pas être rompu par le comportement du lésé ou d’un tiers, même si la faute du lésé ou du tiers est plus importante que celle de l’auteur du dommage. Même si d’autres causes apparaissent à côté de la cause originelle et la font passer à l’arrière-plan, celles-ci restent dans un rapport de causalité adéquat, du moins aussi longtemps qu’elle peut être considérée comme relevante dans le cours des événements et qu’il n’existe pas d’autres causes s’écartant du cours normal des choses ou absurde au point que l’on ne pouvait compter avec sa survenance. C’est l’intensité des deux rapports de causalité qui est déterminante (c. 6.4)
En présence d’une prédisposition constitutionnelle, une réduction du dommage selon l’art. 42 CO peut être effectuée lorsque l’atteinte à la santé préexistante aurait eu des conséquences patrimoniales qui se seraient produites avec certitude ou avec une haute vraisemblance même sans l’accident. En revanche, l’art. 44 CO s’applique lorsque le dommage ne serait pas survenu sans l’événement dommageable même si l’atteinte à la santé préexistante a favorisé la survenance du dommage ou a augmenté celui-ci. Cette disposition permet alors au juge de réduire les dommages–intérêts lorsqu’il apparaît inéquitable de mettre à la charge du responsable la réparation de la totalité du préjudice. Une telle réduction n’est donc possible qu’à titre exceptionnel. A cet égard, il convient de considérer la gravité de la faute du responsable : si celle-ci est grave alors que le facteur antérieur à charge du lésé est minime, une réduction des dommages-intérêts n’est en général pas justifiée (c. 7 et 8).
TF 4A_551/2013 du 6 février 2015
art. 10 al. 2 Cst ; art. 97 et 394 ss CO
Le TF rappelle que le contrat conclu par une patiente avec un médecin concernant le suivi de sa grossesse a pour objet tant la santé de la mère que celle de l’enfant. Le rapport du médecin avec l’enfant ne saurait dès lors être qualifié d’extracontractuel comme l’a fait la cour cantonale, mais constitue lui aussi une relation contractuelle.
En revanche, le défaut d’information relatif à l’existence d’une trisomie 21 et d’un grave handicap retenu à l’encontre du médecin ne constitue pas une violation contractuelle à l’égard de l’enfant, qui ne bénéficie pas d’un droit à la vie.
Seule la mère peut prétendre à la réparation d’un dommage résultant de cette violation du devoir d’information, car elle est la seule à avoir la faculté de décider librement d’une interruption de grossesse.
TF 4A_581/2014 du 6 février 2015
art. 58 al.1 et art. 59 al. 1 et 2 LCR
Dans le cadre d’un accident de la circulation routière, le demandeur se réfère de manière détaillée à la jurisprudence relative aux devoirs du conducteur désireux d’obliquer à gauche. Il fait notamment valoir que cette manoeuvre perturbe le flux du trafic et engendre un danger accru aussi pour les véhicules circulant dans la même direction, de sorte que le juge ne saurait admettre à la légère que le conducteur ne dût pas s’attendre à être dépassé intempestivement pendant ladite manoeuvre (ATF 125 IV 83 c. 2c).
Le TF considère qu’aucun conducteur ne peut ignorer qu’en milieu urbain, les scooters et autres deux roues remontent les files de voitures sur la gauche, que pour dépasser ils ont besoin d’un espace latéral plus petit qu’un véhicule automobile et donc peuvent aisément dépasser un véhicule qui s’est mis en présélection, qui ne s’est en revanche pas mis tout à gauche de sa voie de circulation.
Dans l’arrêt cantonal, il n’est pas question d’une « ligne de sécurité », mais d’une berme centrale remplacée, à une intersection, par des « marquages au sol » dont la nature exacte n’est pas précisée. Les premiers juges n’ont pas constaté l’existence d’un espace entre l’automobile et ces marquages à l’instant où ce conducteur a entrepris d’obliquer; elle a moins encore constaté une largeur permettant le passage d’un scooter.
Par comparaison avec une situation classique où les véhicules peuvent aisément empiéter sur la partie gauche de la chaussée, l’automobiliste devait d’autant moins s’attendre à un dépassement qu’il obliquait depuis une route dotée d’une berme centrale. Il n’appert donc pas que cet automobiliste ait manqué à ses devoirs de prudence et, par là, commis une faute. A relever que selon les témoignages, le demandeur circulait à une vitesse « inadaptée »; en particulier, le conducteur qui suivait l’automobiliste a jugé la manoeuvre du motocycliste de « téméraire ».
TF 4A_373/2014 du 6 février 2015
art. 18 al. 1 CO
Un incendie se produit dans un local commercial zurichois, suite à une inattention du preneur d’assurance, locataire de ce local ; sont également lésés, le propriétaire du bâtiment, ainsi que le propriétaire d’une maison d’habitation.
L’assurance zurichoise cantonale pour les bâtiments (GVZ) indemnise in casu les propriétaires pour les dommages occasionnés à leurs bâtiments ; de même, l’assurance-RC professionnelle du locataire commerçant intervient également, mais pas pour le local commercial complètement détruit par son locataire. L’assurance zurichoise cantonale pour les bâtiments (GVZ) ouvre donc action contre l’assurance-RC professionnelle du commerçant. La question de la légitimation passive (par le biais d’une cession de créance) est laissée ouverte par la Haute Cour, car de toute façon il n’y pas de couverture.
En effet, selon les CGA, sont exclus les dommages occasionnés à des choses ou objets utilisés ou loués par le preneur ; peu importe de savoir s’il s’agit d’objets mobiles ou immobiles. Est déterminante la systématique des CGA, ainsi que le but de l’assurance ; est également déterminante la proposition d’assurance, de laquelle il ressort clairement que les dommages aux objets loués n’avaient pas été assurés.
TF 4A_294/2014 du 6 février 2015
art. 4 et 6 LCA
Ce litige est porté par l’assureur auprès du TF par la voie d’un recours en matière civile et d’un recours constitutionnel. Le premier de ces recours ayant été déclaré irrecevable, le TF examine les griefs soulevés et motivés de façon détaillée sous l’angle de la violation des droits constitutionnels par la partie recourante (art. 106 al. 2 et 117 LTF). Le TF ne s’écarte de la solution retenue par l’autorité cantonale de dernière instance que si sa décision apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motif objectif ou en violation d’un droit certain. En outre, il ne suffit pas que les motifs de la décision soient insoutenables ; il faut encore que celle-ci soit arbitraire dans son résultat. Il ne suffit d’ailleurs pas non plus qu’une solution différente de celle retenue par l’autorité cantonale puisse être tenue pour également concevable ou apparaisse même préférable.
L’assureur avait invoqué, envers l’assuré, la réticence, que les premiers juges ont considérée fondée, mais tardive. L’autorité de première instance a retenu qu’en dépit de l’indépendance juridique des deux sociétés d’assurances auprès desquelles l’assuré était couvert, les deux sociétés d’assurances avaient adopté une organisation commune et s’administraient en commun avec cet effet que les documents que des tiers adressaient à l’une d’elles, telles que les factures des fournisseurs de prestations, étaient aussi accessibles à l’autre. Le TF juge que la Chambre des recours peut admettre sans arbitraire que deux assureurs juridiquement indépendants, l’un pratiquant l’assurance sociale, l’autre des assurances complémentaires, sont aussi autorisés à adopter une organisation unique. Ainsi, la Chambre des recours pouvait juger sans arbitraire que les notes d’honoraires adressées par les médecins à l’une des sociétés étaient connues de l’autre société et que la résiliation fondée sur la réticence était tardive, compte tenu de la réception des notes d’honoraires, mais également en raison de la consultation de deux médecins spécialistes, dont un chirurgien, dès après la signature de la proposition d’assurance des frais d’hospitalisation.
TF 9C_369/2013* du 6 février 2015
art. 25 et 31 LPGA ; art. 321a al. 1 CO ; art. 55 de la loi sur le personnel du canton de Berne
Le devoir de loyauté envers son employeur ne contraint pas l’employée d’une agence communale d’assurances sociales, qui a appris dans un cadre privé le remariage d’un habitant de la commune, à annoncer ce fait à la caisse AVS cantonale, qui verse à ce dernier une rente d’invalidité. Une telle obligation ne peut pas non plus être déduite de l’art. 31 LPGA, dont l’employée de la caisse n’est pas destinataire.
En conséquence, si l’assuré a omis d’annoncer son remariage, contrairement à ses obligations (art. 31 LPGA), les délais de péremption de l’art. 25 LPGA ne courent que depuis le moment où la caisse cantonale AVS qui sert la rente de veuf a eu connaissance de ce fait, sans égard pour le moment où l’employée de l’agence communale a appris ce fait dans un cadre privé (c. 7).
A noter que les circonstances du cas ont été jugées suffisamment complexes pour que l’assistance judiciaire pour la procédure devant le tribunal cantonal des assurances soit accordée au recourant (c. 9).
TF 9C_788/2014 du 6 février 2015
art. 20 al. 2 LAPG ; 49 al. 1 LPGA
La compensation des allocations perte de gain avec, notamment, les créances de l’AVS prévues à l’art. 20 al. 2 LAPG, s’applique à toutes créances existantes ou futures de l’AVS. Elle constitue une atteinte aux droits du bénéficiaire, qui doit être qualifiée d’importante au sens de l’art. 49 al. 1 LPGA, et cela indépendamment du montant invoqué en compensation (c. 4.2).
Lorsque la caisse de compensation a choisi d’appliquer la procédure simplifiée, l’assuré peut demander qu’une décision formelle soit rendue. Il peut le faire dans un délai plus long que celui prévu pour la procédure simplifiée. Le délai sera en principe d’une année. Pour une personne non-juriste et non-assistée par un avocat, ce délai peut être plus long encore selon les circonstances (c. 4.3).
TF 9C_301/2014 du 6 février 2015
art. 1a al. 1 lit a et b, art. 1a al. 2 lit b LAVS, art.14 al. 2 lit b du règlement CEE n°1408/71 en vigueur jusqu’au 31 mars 2012
Est litigeuse la question de savoir si un avocat indépendant de nationalité allemande qui a exercé son activité en Suisse et en Allemagne du mois de novembre 2009 au mois décembre 2010 avait son domicile en Suisse et était donc assuré obligatoirement à l’AVS selon le droit suisse. Selon le règlement CEE n°1408/71, cet avocat est soumis à la législation de l’Etat membre sur le territoire duquel il réside s’il exerce une partie de son activité sur ce territoire. Le terme « résidence » signifie le séjour habituel (art. 1 lit h du règlement 1408/71). Pour déterminer l’endroit où la personne a son domicile, il convient de se baser essentiellement sur des critères objectifs. La volonté de la personne concernée n’est pas déterminante. La situation familiale constitue un des indices. Sont déterminants également la durée et la continuité de la résidence avant le début de l’activité, la durée et les modalités de l’absence, le genre d’activité exercée dans l’autre Etat, l’intention de l’assuré ainsi que l’ensemble des circonstances concernant le retour au lieu de résidence d’avant l’activité temporaire (ATF 138 V 186 cons. 3.3.1). Le TF a confirmé le point de vue du tribunal cantonal selon lequel l’assuré avait objectivement exercé principalement son activité en Suisse et habité dans une maison familiale louée de décembre 2006 à octobre 2009 en étant détenteur d’un permis d’établissement. Même si le bail sur la maison familiale en Suisse avait pris fin le 31 octobre 2009, l’assuré avait conservé une chambre dans la maison de ses parents tout comme le centre de ses intérêts en Suisse où il avait déclaré un revenu de CHF 207’400.- pour son activité exercée en Suisse en 2009 et de CHF 342’664.- pour 2010. Les dispositions prises pour retourner vivre en Allemagne et le déménagement préalable de son fils de 16 ans n’ont pas été jugés suffisants pour mettre un terme à l’affiliation en Suisse au 31 octobre 2009. En effet, le fils de l’assuré vivait partiellement chez ses grands-parents en Allemagne et l’assuré avocat travaillait chaque semaine plusieurs jours en Suisse. A cet égard, les déclarations et documents remis au contrôle des habitants ne sont pas non plus déterminants. Bien que l’assuré ait progressivement consacré moins de jours de travail en Suisse au cours de l’année 2010, le revenu qu’il a tiré de son activité suisse a été jugé déterminant pour conclure que sa présence en Suisse était encore suffisamment importante pour que soit admis son séjour habituel au sens du règlement CEE et donc son affiliation à l’AVS suisse conforme au droit.
TF 9C_560/2014 du 6 février 2015
art. 95 et 99 LTF
Les affaissements de la peau (haut du bras, ventre, fessier, cuisse et ptôse mammaire) suite à une perte de poids massive consécutive à une grossesse n’affectent pas des parties du corps visibles et particulièrement sensibles sur le plan esthétique pouvant justifier la prise en charge d’une intervention chirurgicale. Confirmation de la jurisprudence en la matière prévoyant que seules les interventions tendant à l’élimination d’autres atteintes secondaires, dues à la maladie ou à un accident, notamment en permettant de corriger des altérations externes de certaines parties du corps - en particulier le visage - visibles et spécialement sensibles sur le plan esthétique (ATF 121 V 119).
La psychothérapie pouvant, dans ce genre de situation, constituer un traitement alternatif efficace satisfaisant au critère de l’économicité.
TF 9C_461/2014* du 6 février 2015
art. 17 al. 1 et 26 al. 2 LPGA
Selon l’art. 26 al. 2 LPGA, des intérêts moratoires sont dus pour toute créance de prestations d’assurances sociales à l’échéance d’un délai de 24 mois à compter de la naissance du droit, mais au plus tôt douze mois à partir du moment où l’assuré fait valoir ce droit, pour autant qu’il se soit entièrement conformé à l’obligation de collaborer qui lui incombe.
Si un office AI réduit ou supprime une rente dans le cadre d’une révision d’office (art. 17 al. 1 LPGA) et si cette réduction ou cette suppression est ensuite rejetée par l’autorité compétente, le point de départ du délai de 24 mois est la date à laquelle la révision d’office de la rente a été ordonnée par l’office AI compétent.
TF 8C_424/2013* du 6 février 2015
art. 53 al. 2 LPGA
Selon la jurisprudence du TF, la révision selon l’art. 53 al. 1 LPGA n’est possible que dans les dix ans à compter de la notification de la décision (c. 3.3). La question à trancher est celle de savoir si la reconsidération selon l’art. 53 al. 2 LPGA est également soumise à un tel délai ou si – à l’instar de la révision selon l’article 17 LPGA – elle est possible en tout temps.
Après avoir procédé conformément à l’art. 23 LTF (« Changement de jurisprudence et précédents »), la Cour a retenu qu’une autorité peut reconsidérer une décision allouant ou refusant des prestations manifestement erronée même au-delà d’un délai de 10 ans dès la notification (c. 3.5).
Lorsque la décision à reconsidérer résultait elle-même déjà d’une procédure de révision d’une décision initiale, cette dernière n’existe plus et la reconsidération se fait avec effet ex nunc et pro futuro, sans tenir compte de la décision initiale (c. 5.2). La reconsidération du droit à une rente se fait dès lors librement et pour le futur (c. 6).
TF 8C_274/2013* du 6 février 2015
art. 23 LTF ; art. 21 LAI ; art. 2 OMAI ; ch. 9.01 et 9.02 de l’annexe de l’OMAI
Un changement de jurisprudence peut intervenir pour des motifs concrets et sérieux, tels qu’une connaissance plus exacte de l’intention du législateur. Toutefois, plus la jurisprudence est constante, plus le juge sera exigeant quant à la valeur des motifs invoqués (c. 4.5). Une cour ne peut s’écarter de la jurisprudence arrêtée par une autre cour qu’avec l’accord des cours intéressées réunies (art. 23 LTF). En l’espèce, les Cours I et II des assurances sociales du TF se sont opposées à un changement de jurisprudence s’agissant de l’interprétation du ch. 9.02 de l’annexe de l’OMAI (c. 5.3).
Cette disposition limite le droit aux fauteuils roulants électriques aux assurés qui ne peuvent utiliser un fauteuil roulant usuel et qui ne peuvent se déplacer seuls qu’au moyen d’un système électrique. Cela exclut le droit à un fauteuil électrique pour les assurés pouvant se déplacer seuls en fauteuil roulant manuel, même dans les cas particuliers où un système électrique serait utile à la personne (c. 5.2). Cela exclut aussi, selon la jurisprudence maintenant confirmée, le droit à un fauteuil roulant électrique pour les assurés handicapés sévèrement, qui ne sont pas en mesure de se déplacer de manière indépendante, malgré la mise à disposition d’un tel appareil (c. 5.3).
Le tribunal cantonal a considéré que le système électrique d’aide à la poussée et d’assistance au freinage demandé par l’assurée n’entrait pas dans le champ d’application du ch. 9.02 de l’annexe de l’OMAI, les améliorations demandées pouvant être admises comme une adaptation d’un fauteuil roulant manuel rendue nécessaire par l’invalidité selon l’art. 2 al. 3 OMAI. Ce point de vue ne peut pas être suivi. En effet, le ch. 9.01 vise expressément les fauteuils roulants « sans moteur ». Le système électrique sollicité par l’assurée ne saurait dès lors être considéré comme un accessoire du fauteuil roulant manuel, mais bien comme un fauteuil roulant électrique selon le ch. 9.02, moyen auxiliaire auquel l’assurée n’a pas droit puisqu’il ne lui permettrait pas de se déplacer de manière indépendante (c. 6).
TF 9C_532/2014 du 6 février 2015
art. 4 LPGA
Selon les déclarations de l’assuré, il s'était fait mal au dos en rattrapant un gaufrier de 25kg. Il déplaçait souvent des gaufriers, mais cette fois-là l'appareil était tombé d'une table et il avait tout de suite ressenti des douleurs.
Dans cet arrêt du 28 novembre 2014, le TF a considéré que le mouvement corporel de l’assuré avait été interrompu par un phénomène non programmé, à savoir la chute subite du gaufrier.
Cette chute a provoqué un mouvement brusque et incontrôlé au niveau du dos. Ce mouvement non coordonné a présenté une certaine intensité, compte tenu de sa soudaineté, de la position de l'assuré et surtout du poids du gaufrier. Il en est résulté une sollicitation du corps plus importante que la normale. Il est d'autre part incontestable que ces faits sont à l'origine d'une atteinte à la santé.
Pour les juges fédéraux, peu importe, sous l'angle de la notion d'accident, qu'ils l'aient provoquée ou qu'ils aient simplement déclenché un état douloureux chez un assuré jusqu'alors asymptomatique. L’événement en question doit dès lors être qualifié d’accident, selon l’art. 4 LPGA.
TF 8C_494/2014* du 6 février 2015
art. 16 LPGA
Si un assuré touchait, avant l’invalidité, un salaire nettement inférieur aux salaires habituels de la branche pour des raisons étrangères à l’invalidité (p. ex. formation professionnelle insuffisante, limitation des possibilités d’emploi en raison du statut de saisonnier), il faut tenir compte de cet élément dans l’évaluation de l’invalidité selon l’art. 16 LPGA, lorsque les circonstances ne permettent pas de supposer que l’assuré s’est volontairement contenté de ce salaire plus modeste. Le revenu effectivement réalisé doit être considéré comme nettement inférieur aux salaires habituels de la branche lorsqu’il est inférieur d’au moins 5 % au salaire statistique usuel dans la branche; ce revenu peut, si les autres conditions sont réalisées, justifier un parallélisme des revenus à comparer, lequel doit porter seulement sur la part qui excède le taux déterminant de 5 %.
Dans le cadre de la détermination du salaire usuel de la branche, le TF a toujours pris le salaire moyen statistique, adapté à la durée usuelle de l’activité. Dans ce contexte, il est donc logique de retenir, afin de le comparer au salaire usuel de la branche et d’appliquer le cas échéant le principe de parallélisme, le salaire versé à l’assuré pour la durée contractuelle usuelle uniquement. Dans le cas présent, c’est donc à tort que la SUVA a retenu comme salaire de valide, le revenu versé pour la durée contractuelle, additionné du revenu versé pour les heures supplémentaires effectuées.
TF 8C_39/2014 du 6 février 2015
art. 6 al. 1 LAA ; art. 4 LPGA
Le TF examine le point de savoir dans quelle mesure une erreur médicale est constitutive d’un accident. La Haute Cour rappelle la définition d’un accident au sens de l’art. 4 LPGA et ses cinq éléments qui doivent être cumulativement réalisés. Ces conditions sont une atteinte dommageable, le caractère soudain de l’atteinte, le caractère involontaire de l’atteinte, le facteur extérieur de l’atteinte et le caractère extraordinaire du facteur extérieur. Il suffit que l’une d’elles fasse défaut pour que l’événement ne puisse pas être qualifié d’accident.
Le point de savoir si un acte médical est comme tel un facteur extérieur extraordinaire doit être tranché sur la base de critères médicaux objectifs. Le TF rappelle qu’il faut que, compte tenu des circonstances du cas concret, l’acte médical s’écarte considérablement de la pratique courante en médecine et qu’il implique de ce fait objectivement de gros risques.
Le critère de la soudaineté fixe un cadre temporel. Si l’atteinte dommageable ne doit pas nécessairement durer qu’un instant, elle doit cependant se dérouler sur une période relativement courte. Jusqu’à maintenant la jurisprudence n’a pas fixé de durée minimale. L’atteinte doit survenir soudainement et revêtir un caractère unique.
Statuant dans le cas d’espèce, le TF arrive à la conclusion que l’affection dont souffre l’intimée est le résultat d’un processus de nature évolutive d’une durée de près de quatre mois, il ne s’agit donc pas d’un événement unique et isolé. La condition de la soudaineté de l’atteinte n’est dès lors pas réalisée, la notion d’accident est déniée.
TF 8C_675/2014 du 6 février 2015
art. 30 al. 2 lit. d LACI
Une suspension de 7 jours n’est pas excessive (c. 5.4) pour sanctionner le comportement d’un chômeur qui, violant pour la première fois ses obligations, avait été dans l’impossibilité de se rendre à un rendez-vous fixé par son conseiller ORP et n’avait pris contact avec ce dernier pour justifier son absence qu’à 15h33, alors qu’il était rentré chez lui à 12h15. On pouvait attendre de lui qu’il prenne contact avec les organes de l’assurance-chômage sitôt les bureaux ouverts. A défaut de l’avoir fait, il ne peut se prévaloir de la jurisprudence selon laquelle l'assuré qui a oublié de se rendre à un entretien et qui s'en excuse spontanément ne peut être suspendu dans l'exercice de son droit à l'indemnité s'il prend par ailleurs ses obligations de chômeur et de bénéficiaire de prestations très au sérieux (TF 8C_447/2008 c. 5.1).
TF 8C_409/2014* du 6 février 2015
art. 18 al. 1 lit. b LACI ; art. 18 ch. 1 Convention n° 168 OIT
Le tribunal cantonal des assurances avait réduit de 15 à 7 jours le délai d’attente imposé à un chômeur en faisant application de l’art. 18 ch. 1 de la Convention n° 168 de l’OIT, qui dispose que « si la législation d'un Membre prévoit que les indemnités ne commencent à être versées en cas de chômage complet qu'à l'expiration d'un délai d'attente, la durée de ce délai ne doit pas dépasser sept jours ».
Le TF rappelle que la Convention n° 168 fixe des standards minimaux en matière de compensation du chômage, tant sous l’angle du délai d’attente, de la durée et de la hauteur des prestations ainsi que de leur suspension éventuelle. Ce standard doit être considéré de manière globale. S’il est vrai qu’en matière de délai d’attente, la solution helvétique est en-deça des exigences de la Convention, elle offre en revanche des prestations plus généreuses (70 ou 80 % contre 50 %) et pendant une durée supérieure (au minimum 200 jours, si l’on fait abstraction des personnes libérées de la période de cotisation, contre une limitation possible à 24 ou 39 semaines). De plus, la Convention laisse aux Etats le choix des moyens utilisés pour garantir la protection en faveur des chômeurs. La possibilité de recourir à l’aide sociale pendant le délai d’attente complète ainsi une solution qui offre ainsi un degré de protection largement supérieur au standard de la Convention, de sorte qu’un délai d’attente de 15 jours n’est pas contraire aux engagements internationaux de la Suisse.
TF 8C_401/2014 du 6 février 2015
art. 8 al. 1 lit. f et 15 LACI ; art. 15 et 40b OACI ; art. 70 al. 2 lit. b LPGA
Une personne a droit à l’indemnité de chômage si elle est, entre autres, apte au placement (art. 8 al. 1 lit. f LACI). Est apte au placement celui qui est disposé, en mesure et autorisé à accepter un travail convenable (Art. 15 al. 1 LACI). Pour les personnes handicapées, la coordination entre l’assurance chômage et invalidité est réglée par l’art. 15 OACI, selon lequel « lorsque, dans l’hypothèse d’une situation équilibrée sur le marché du travail, un handicapé n’est pas manifestement inapte au placement et qu’il s’est annoncé à l’assurance-invalidité ou à une autre assurance selon l’al. 2, il est réputé apte au placement jusqu’à la décision de l’autre assurance. Cette reconnaissance n’a aucune incidence sur l’appréciation, par les autres assurances, de son aptitude au travail ou à l’exercice d’une activité lucrative ».
L’art. 70 al. 2 lit. b LPGA prévoit à ce sujet que l’assurance-chômage est tenue d’effectuer les paiements anticipés dont la prise en charge par une autre assurance est (à ce stade) contestée, pour autant que l’inaptitude au placement ne soit pas manifeste.
La présomption de l’aptitude au placement des personnes handicapées ne vaut que pour le laps de temps durant lequel leur droit à des prestations d’autres assurances est examiné et de ce fait n’est pas encore définitif. Le devoir de fournir des prestations anticipées, et donc la situation en suspens, prend fin au moment où l’étendue de l’incapacité de gain est déterminée. La situation en suspens peut ainsi prendre fin déjà au moment auquel l’AI indique que la personne assurée a droit à une rente entière sur la base d’une incapacité de gain à 100%. La fin de la situation en suspens doit se déterminer en fonction de circonstances concrètes du cas d’espèce.
Dans la procédure en question, la décision de l’Office AI fixant le degré d’incapacité de gain est contestée. Cette décision n’a donc pas mis fin à la situation en suspens. Si le degré d’incapacité de gain est contesté, la situation en suspens ne prend fin qu’avec l’entrée en force d’une décision dans la procédure AI.
TF 8C_250/2014* du 6 février 2015
art. 7 al. 2 LAFam ; art. 11 al. 1 OAFam
L’art. 7 al. 2 LAFam règle la situation des familles au sein desquelles deux ayants droit travaillent dans des cantons différents (droit au versement d’un complément différentiel). Cet article est-il également applicable dans le cas d’un parent qui travaille dans deux cantons différents ?
Appliquant les différentes méthodes d’interprétation selon une approche pragmatique, le TF constate que ni l’interprétation historique (l’examen des travaux préparatoires ne permet pas de retenir que le texte de l’art. 7 al. 2 LAFam ne traduit pas sa portée véritable), ni l’interprétation téléologique (le but des allocations familiales est de compenser partiellement la charge financière que représentent un ou plusieurs enfant sans toutefois instaurer nécessairement un ordre de priorité en faveur de la législation la plus favorable ou en prévoyant le versement d’un complément différentiel), ni l’interprétation littérale (le texte de l’art. 7 al. 2 LAFam est clair) ne conduisent à admettre objectivement que la loi ne restitue pas le véritable sens de la disposition en cause de sorte que l’art. 7 al. 2 LAFam n’est pas applicable au parent qui travaille dans deux cantons différents.
Cela ne constitue pas une inégalité de traitement, ce principe ne s’appliquant pas en présence de deux situations aussi différentes que sont l’exercice par une personne de plusieurs activités et le concours de prestations entre deux ayants droit potentiels.
TF 8C_601/2013 du 6 février 2015
art. 3 al. 1 et 2, 4 al. 1 et 7 LAFam ; art. 22 LACI
L’allocation familiale comprend l’allocation pour enfant et l’allocation de formation professionnelle qui est octroyée au plus tard, en cas de formation, jusqu’à l’âge de 25 ans (art. 3 al. 1 LAFam). Selon l’art. 3 al. 2 LAFam, les cantons peuvent prévoir dans leur régime d’allocations familiales des taux minimaux plus élevés pour l’allocation pour enfant et l’allocation de formation professionnelle que ceux prévus à l’art. 5 (respectivement 200 fr. et 250 fr.), ainsi qu’une allocation de naissance et une allocation d’adoption; les dispositions de la LAFam sont également applicables à ces allocations; toute autre prestation est réglée et financée en dehors du régime des allocations familiales.
Le supplément pour famille nombreuse, prévu en l’occurrence par le législateur genevois dans sa loi cantonale sur les allocations familiales, entre indiscutablement dans la notion de prestation d’un montant plus élevé que les minima prévus par le droit fédéral; il ne s’agit pas d’une « autre prestation ». Les dispositions de la LAFam lui sont donc applicables.
Le droit à l’allocation n’est pas lié à l’enfant pour lequel elle est versée, mais bien plutôt à la personne qui exerce une activité lucrative, respectivement à celle qui n’en a pas, et qui remplit les conditions requises. Quant au supplément pour famille nombreuse, il est une composante de l’allocation familiale de base, dont il est un accessoire: celui qui reçoit l’allocation peut y prétendre. Il en découle que - sauf dérogation - le nombre d’enfants pris en considération pour l’octroi du supplément est celui des enfants donnant droit aux allocations pour un même ayant droit.
TF 9C_351/2014* du 6 février 2015
art. 26 LPP ; art. 29 LAI
Dans un arrêt du 2 février 2006 (ATF 132 V 159), le TF avait jugé, selon le droit en vigueur à l’époque, qu’une institution de prévoyance devait débuter le versement d’une rente d’invalidité après le délai d’expiration d’une année prévu à l’art. 29 al. 1 lit. b LAI (art. 26 LPP), sans tenir compte d’une éventuelle tardiveté de la demande selon l’art. 48 al. 1 LAI.
Avec l’entrée en vigueur de la 5e révision de l’AI entrée en vigueur le 1er janvier 2008, l’art. 29 al. 1 LAI prévoit que le droit à la rente prend naissance au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations.
L’art. 32 de la loi sur la caisse de pensions du canton d’Appenzell Rodhes-Extérieur doit être interprétée en ce sens que, désormais, le droit au paiement d’une rente d’invalidité débute simultanément avec celui de l’assurance-invalidité, soit en tenant compte d’une éventuelle tardiveté de la demande de l’assuré selon l’art. 29 al 1 LAI.
TF 9C_141/2014 du 6 février 2015
art. 95 LTF
L’institution de prévoyance qui verse le capital de prévoyance au tiers dont les pleins pouvoirs résultent d’un blanc-seing donné par le bénéficiaire agit de manière diligente et se libère valablement de ses obligations (c. 4.3).
Les décisions du TF concernant le défaut de signature de l’épouse ou sa falsification pour obtenir le versement du capital de sortie ne concernent pas le cas d’espèce où une procuration en blanc et les documents d’assurance ont été remis par la veuve au tiers ayant perçu le capital-décès (c. 4.4.2).
Il ne justifie pas selon le TF d’exiger de l’institution de prévoyance de s’assurer que le signataire de la procuration a bien la volonté de donner les pleins pouvoirs au mandataire (c. 4.4.3).
TF 9C_473/2014 du 6 février 2015
art. 35a al. 2 et 73 al. 2 LPP ; art. 8 CC
En matière de LPP, le degré de preuve exigé est, comme pour les autres assurances sociales, celui de la vraisemblance prépondérante. Si une partie veut démontrer le point de départ d’une prescription, elle a la charge d’alléguer les faits pertinents y relatifs. Ce principe est tempéré par l’art. 73 al. 2 LPP, qui prévoit la maxime d’office. Il n’en reste pas moins que les parties ont le devoir de collaborer, et ce surtout si elles sont représentées par un avocat. Ainsi, les faits générateurs de droit et ceux permettant de les contester doivent figurer dans les écritures, étant toutefois précisé que le devoir de contestation ne doit pas amener à inverser la charge de la preuve (c. 3).
En l’espèce, on ne peut déterminer avec précision à quelle date une institution de prévoyance professionnelle a eu connaissance d’une erreur entraînant une action en restitution. C’est l’assuré qui doit supporter l’échec du fardeau de la preuve d’un fait générateur d’une prescription annale de l’art. 35a al. 2 LPP, aucun autre moyen de preuve n’étant au surplus susceptible de démontrer que la créance en restitution était prescrite (c. 3.2.2).
Brèves…
L’assurance-militaire n’a pas à intervenir pour une schizophrénie dont les signes avant-coureurs se sont manifestés avant l’école de recrue et dont l’aggravation s’est calmée après la fin de l’école, s’il est clair que cette pathologie n’a été ni causée, ni aggravée de manière significative durant cette période (TF 8C_543/2014).
Le droit à l’indemnité en cas d’intempérie suppose à la fois une demande de prestations à la caisse de chômage selon les modalités prévues à l’art. 47 LACI, et une annonce à l’autorité cantonale selon les modalités de l’art. 69 OACI (TF 8C_646/2014).
Une personne qui détient 50 % des parts d’une société à risques limités est une personne assimilée à un employeur au sens de l’art. 31 al. 3 LACI, même après la résiliation du contrat de travail qui la liait à la société (TF 8C_729/2014).
Par parallélisme avec l’échelle utilisée en matière d’assurance-accidents, un taux d’alcoolémie moyen de 2,5 pour mille justifie une réduction de la rente AI de 60 % (TF 9C_445/2014).
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