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NLRCAS Juin 2015
Editée par Christoph Müller, Anne-Sylvie Dupont & Guy Longchamp
TF 4A_543/2014 et 4A_547/2014* du 5 juin 2015
Art. 42 al. 2, 47 et 49 CO
L’arrêt porte pour l’essentiel sur le recours en matière civile d’un assureur et brièvement sur le recours du lésé contre un arrêt cantonal allouant à ce dernier des indemnités pour perte de gain actuelle et future, ainsi qu’une réparation du tort moral dans le cadre d’une action en responsabilité civile contre un détenteur de véhicule.
Le TF procède à l’examen des circonstances qui doivent être prises en considération pour fixer l’indemnité équitable en réparation du tort moral. A cet égard, il précise que l’autorité cantonale a eu raison de mettre l’accent sur la gravité de l’accident et des lésions subies, ainsi que sur la durée de la rééducation et les séquelles présentées par le lésé. Il constate que c’est également à juste titre que la cour cantonale a pris en considération la rupture avec sa compagne et la restriction de son avenir professionnel.
En revanche, l’arrêt retient que c’est à tort que l’autorité précédente a tenu compte du comportement en procédure de l’auteur et de son assurance, comportement ayant consisté à nier tout dommage et à suspecter le lésé d’être un simulateur. Le TF précise en effet que cet élément ne saurait être pris en considération pour fixer la réparation morale qui peut être allouée à une victime de lésions corporelles dans le cadre de l’art. 47 CO, mais que, si l’attitude du responsable en procédure atteint un caractère carrément vexatoire pour la victime, c’est alors l’art. 49 CO qui entre en jeu pour sanctionner l’atteinte grave portée aux droits de la personnalité de cette dernière.
Bien que l’arrêt ne le précise pas expressément, il semble que l’on doive également en déduire que la durée de la procédure (13 ans jusqu’au jugement de 1ère instance) n’aurait pas dû être prise en considération dans la mesure où elle était imputée au comportement de l’auteur, respectivement de son assureur.
Enfin l’arrêt constate que dans son appréciation de l’indemnité en réparation du tort moral, l’autorité précédente aurait dû tenir compte de la faute grave commise par l’auteur (circulation à vive allure avec un taux d’alcoolémie encore supérieur à 1,1gr/kg quatre heures après l’accident).
Par ailleurs, dans le cadre de cet arrêt, le TF écarte plusieurs griefs d’arbitraire soulevés par l’auteur, en rappelant notamment les conditions qui confèrent une valeur probante aux expertises judiciaires et aux rapports médicaux pour qu’ils puissent être retenus par le juge sans arbitraire et en soulignant une nouvelle fois que l’estimation du dommage d’après l’art. 42. al. 2 CO relève d’une question de fait, tandis que le point de savoir quel degré de vraisemblance la survenance du dommage doit atteindre pour justifier l’application de l’art. 42 al. 2 CO est une question de droit.
TF 4A_663/2014 du 5 juin 2015
Art. 26 al. 2 et 59 al. 1 LCR
Selon le TF, le seul fait qu’un cycliste ne soit pas assis sur sa selle de vélo n’est pas un indice suffisant qu’il va agir de manière incorrecte au sens de l’art. 26 al. 2 LCR. Cela peut signifier que ce cycliste ralentit en se balançant ou qu’il va accélérer. En l’espèce, vu la position du cycliste debout sur les pédales, l’automobiliste pouvait compter qu’il allait s’arrêter. Ainsi, le TF a confirmé le rejet de l’action en responsabilité intentée par le cycliste à l’encontre de l’assurance RC de l’automobiliste au motif que sa faute était grave et exclusive au sens de l’art. 59 al. 1 LCR. En effet, le cycliste pouvait parfaitement voir l’automobiliste prioritaire, ainsi que la ligne d’arrêt.
TF 6B_768/2014* du 5 juin 2015
Art. 47 CO ; art. 122 CPP
De façon générale, la fixation de la somme de la réparation morale s'effectue en deux phases : la phase objective principale permettant de rechercher le montant de base au moyen de critères objectifs et la phase d'évaluation faisant intervenir des facteurs d'augmentation ou de réduction en fonction des circonstances particulières du cas d’espèce (c. 3.3). S’agissant de contamination avec le VIH, on ne saurait se référer à un montant de base ressortant d’un jugement rendu à une époque où les moyens de traitement étaient notablement moins efficaces que les moyens actuels. Même dans les cas où plusieurs personnes ont subi des actes délictueux analogues du même auteur, le juge doit procéder à une appréciation individuelle des circonstances propres à chaque lésé (c. 3.4).
Dans le cadre d’une action civile exercée par adhésion à la procédure pénale, en application de l’art. 122 CPP, les prétentions civiles doivent être fondées exclusivement sur l’état de fait retenu dans cette dernière procédure (c. 3.4).
TF 4A_557/2014 du 5 juin 2015
Art. 41 CO
Procédure en annulation de testament qui se termine par un jugement par défaut rejetant la demande en annulation et allouant des dépens aux héritiers institués. Action de l’un des cohéritiers contre le plaideur débouté en remboursement des frais d’avocat liés à la procédure en annulation, invoquant le caractère abusif et illicite de l’action.
Le TF rappelle tout d’abord qu’il n’existe pas, à côté du droit de procédure civile, de place pour une action fondée sur le droit civil fédéral, séparée ou ultérieure, tendant au remboursement des frais de la partie adverse. Une telle action n’est possible que pour les frais d’avocat engagés avant l’ouverture du procès civil, lorsque l’intervention de l’avocat était nécessaire et adéquate et que les frais ne sont pas couverts ni présumés couverts par les dépens.
Une exception demeure lorsque le plaideur victorieux s’est heurté à un comportement procédural illicite en adoptant une position téméraire qu’il savait ou devait savoir indéfendable. Dans une telle hypothèse, il y a un concours entre l’action accordée par l’article 41 CO et celle régie, le cas échéant, par le droit de procédure.
En l’espèce, le TF a jugé que c’est à bon droit que l’instance inférieure avait rejeté l’action en dommages-intérêts fondée sur l’art. 41 CO.
TF 6B_287/2014 du 5 juin 2015
Art. 11, 12, 125 al. 2 et 230 ch. 1 et 2 CP ; art. 328 al. 2 CO ; art. 82 al. 1 LAA ; art. 6 al. 3 et 28 al. 4 OPA
L’employeur qui acquiert une machine-outil d’occasion (un tour CNC – computer numerical control) engage sa responsabilité, de par sa position de garant, lorsqu’il néglige durant des années ses devoirs de surveillance et de contrôle en lien avec une utilisation correcte de celle-ci.
Le fait que l’employé expérimenté, victime de l’accident, savait que le dispositif de sécurité avait été toujours défaillant et qu’il s’en accommodait ne rompt pas le lien de causalité adéquat.
Est sans pertinence le fait que l’accident ne serait probablement pas survenu si le dispositif de sécurité fonctionnait. Ce qui est déterminant, c’est que le résultat, à savoir l’atteinte à la santé, ne se serait pas produit ou que dans une mesure moindre si l’employeur s’était conformé à ses obligations d’assurer la mise en œuvre et le respect des règles de sécurité.
TF 9C_628/2014 du 5 juin 2015
Art. 24 LPGA ; art. 88bis al. 1 lit. c RAI
A l’occasion d’une seconde demande de prestations, l’Office AI s’aperçoit qu’elle a commis une erreur lors de l’examen d’une première demande, effectuée plusieurs années auparavant. En l’occurrence, l’erreur portait sur la réalisation de la condition d’assurance, soit l’existence d’une année de cotisations. Le TF a jugé que la question de la survenance de l’invalidité précédait celle du calcul de la durée de cotisations. Or la définition de la survenance de l'invalidité, en tant qu'elle présuppose un examen détaillé de la situation médicale et de son évolution, est une question qui relève spécifiquement du droit de l'assurance-invalidité, de sorte que la reconsidération ne devait intervenir qu’avec effet ex nunc et pro futuro à compter du moment de la découverte de l'erreur, conformément à l'art. 88bis al. 1 let. c RAI, et non avec effet rétroactif (ex tunc) dans les limites du délai de prescription de l’art. 24 LPGA.
TF 9C_723/2014 du 5 juin 2015
Art. 85bis al. 3 LAVS
La question de savoir si c’est à bon droit que la Suisse a exclu les rentes extraordinaires de l’AVS-AI et les allocations pour impotent des prestations exportables en application de l’art. 70 du Règlement CE n° 883/2004 n’est pas une question simple pouvant faire l’objet d’un examen par un juge unique, comme le prévoit l’art. 85bis al. 3 LAVS, ceci d’autant moins que les rentes extraordinaires étaient exportables sous l’empire du Règlement CEE n° 1408/71.
TF 9C_870/2014 du 5 juin 2015
Art. 4 al. 1 et 2 ; art. 7 al. 1, 2 et 5 LAMal; art. 94 al. 2 OAMal
Le TF examine le droit pour une assurée de résilier son assurance maladie obligatoire en novembre (franchise : CHF 2500.-) pour la fin de l’année en cours tout en déclarant peu de jours avant la fin de l’année vouloir s’affilier à nouveau avec une franchise moins élevée (CHF 300.-) auprès du même assureur.
Selon l’art. 7 al. 1 LAMal, l'assuré peut, moyennant un préavis de trois mois, changer d'assureur pour la fin d'un semestre d'une année civile. L’al. 2 précise que lors de la communication de la nouvelle prime, il peut changer d'assureur pour la fin du mois qui précède le début de la validité de la nouvelle prime, moyennant un préavis d'un mois. L'assureur doit annoncer à chaque assuré les nouvelles primes approuvées par l'Office fédéral de la santé publique (office)au moins deux mois à l'avance et signaler à l'assuré qu'il a le droit de changer d'assureur.
Aux termes de l'art. 7 al. 5 LAMal, l’affiliation auprès de l’ancien assureur ne prend fin que lorsque le nouvel assureur lui a communiqué qu’il assure l’intéressé sans interruption de la protection d’assurance. Le TF explique que cela permet d’éviter une lacune d’assurance. Selon l’art. 4 al. 2 LAMal, les assureurs doivent, dans les limites de leur rayon d’activité territorial, accepter toute personne tenue de s’assurer. Par ailleurs, les personnes tenues de s’assurer choisissent librement parmi les assureurs désignés à l’art. 11 LAMal (art. 4 al. 1 et 2 LAMal).
Le passage à une franchise moins élevée ou à une autre forme d’assurance ainsi que le changement d’assureur sont possibles pour la fin de l’année civile moyennant préavis donné dans les délais de l’art. 7, al. 1 et 2 LAMal (art. 94 al. 2 OAMal).
Dans le cas d’espèce, le TF a rejeté les griefs soulevés par l’assureur jugeant que l’assurée a valablement résilié son assurance obligatoire des soins en novembre et est en droit de s’assurer avec une franchise à option plus basse (CHF 300.-).
TF 9C_748/2014 du 5 juin 2015
Art. 32 LAMal
Recours d’une assurée souffrant d’un retard de croissance avec microcéphalie contre le refus de prise en charge de son assureur LAMal.
Selon l’art. 32 LAMal, les prestations faisant partie du catalogue de l’assurance obligatoire doivent être efficaces, appropriées et économiques. Ces trois conditions sont concrétisées dans le préambule à la liste des analyses (annexe 3 de l’OPAS, RS 832.112.31). En l’espèce, les analyses proposées par le médecin traitant figuraient dans cette liste ; elles sont donc en principe prises en charge par l’assurance obligatoire.
Le préambule de l’annexe 3 à l’OPAS prévoit qu’ « une analyse diagnostique doit permettre, avec une probabilité acceptable, de décider si un traitement est nécessaire, et si oui, lequel. »
La cour cantonale a retenu que les analyses proposées n’étaient en l’espèce ni appropriées, ni économiques, en constatant qu’elles étaient dépourvues d’utilité thérapeutique.
Le TF admet d’abord la critique de la recourante, selon laquelle un diagnostic génétique ne peut pas être qualifié d’inefficace au seul motif qu’il n’y pas de thérapie génétique correspondante.
Toutefois, le TF estime que la prise en charge des analyses en question avait été refusée à juste titre, sous l’angle du critère de la « probabilité acceptable » figurant dans le préambule de la liste des analyses. Il constate que ni les rapports médicaux, ni les publications scientifiques produites ne contiennent des indications suffisantes sur la fréquence des symptômes dont souffre la recourante. Le dossier ne contient pas non plus d’études ou toute autre documentation sur des cas présentant des symptômes plus ou moins comparables et dans lesquels les analyses proposées ont eu des conséquences thérapeutiques concrètes.
Dans ces circonstances, le TF conclut que l’autorité intimée n’a pas violé le droit fédéral en retenant que le dossier ne contient pas d’éléments qui démontreraient l’existence d’une probabilité acceptable au sens du préambule de l’annexe 3 à l’OPAS. Pour que tel soit le cas, l’assurée doit démontrer que l’analyse demandée est en mesure d’apporter des éclaircissements sur la maladie, mais également qu’elle puisse aboutir à des solutions thérapeutiques concrètes.
TF 9C_45/2015 du 5 juin 2015
Art. 26 al. 1 RAI
Assuré né en 1966, doté d’un quotient intellectuel expertisé à 50 en août 2010 puis à 74 en mai 2011. Intelligence médiocre et capacité d’exercer uniquement des activités simples et répétitives sous surveillance.
Lorsque la personne assurée n’a pu acquérir de connaissances professionnelles suffisantes à cause de son invalidité, le revenu qu’elle pourrait obtenir, si elle n’était pas invalide, est fixé sur la base de la tabelle de l’art. 26 RAI. Les invalides de naissance ou précoces sont des assurés qui présentent une atteinte à la santé depuis leur naissance ou leur enfance et n’ont pu, de ce fait, acquérir des connaissances professionnelles suffisantes. Entrent dans cette catégorie toutes les personnes qui, en raison de leur invalidité, n’ont pu terminer aucune formation professionnelle ainsi que les assurés qui ont commencé, et même éventuellement achevé une formation professionnelle, mais qui étaient déjà invalides au début de cette formation et qui, de ce fait, ne peuvent prétendre aux mêmes possibilités de salaire qu’une personne non handicapée ayant la même formation (circulaire de l’OFAS sur l’invalidité n° 3035). Lors de l’examen de l’existence d’une invalidité précoce, ce n’est pas seulement le quotient intellectuel qui est déterminant, mais également l’ensemble des limitations médicales. Ainsi, dans un cas concret, on pourrait admettre une invalidité précoce chez une personne dotée d’un QI de 73 (TF 9C_611/2014, c. 4 et 5).
A l’âge de cinq ans, le recourant a été victime d’une méningite qui pourrait être à l’origine de son développement pathologique. La personnalité de l’assuré apparaît à peine mature et des facteurs génétiques se superposent aux éléments psychogènes. Les liens n’ont pas été suffisamment élucidés et une investigation supplémentaire afin de fixer la limite organique, psychogène et éventuellement psychosociale de l’atteinte est indiquée.
Sur le plan de la thérapie pédagogique, on peut s’attendre à une stabilisation de la personnalité. Les troubles cognitifs ne devraient pas s’améliorer. L’expertisé aura toujours besoin d’une place de travail adaptée à ses limitations fonctionnelles. Sans soutien, il ne sera pas en mesure de trouver un emploi et de le conserver. Il est essentiel qu’il dispose d’un poste de travail exigeant des opérations simples, répétitives et adaptées à son niveau d’intelligence. L’expertise de mai 2011 décrit un assuré qui est confronté à de nombreuses limitations dans le monde du travail. Les constatations que les juges cantonaux ont faites à propos du déroulement de l’école obligatoire fréquentée par l’assuré sont incorrectes. Ainsi que cela ressort de son certificat de fin de scolarité, l’assuré n’a pas été en mesure de suivre l’enseignement normalement. En particulier, en calcul, il lui a manqué une partie des capacités intellectuelles. Dans sa troisième année d’école secondaire, l’enseignant a dû se résoudre à renoncer à lui mettre des notes pour la plupart des branches, à l’exception du dessin, du chant, de la gymnastique et des activités manuelles. En définitive, le dossier ne permet pas de statuer sur la question de l’existence d’une invalidité précoce, si bien que la cause doit être renvoyée à l’Office AI afin qu’il pousse plus avant les investigations permettant de statuer sur la question de l’invalidité précoce.
TF 9C_497/2014 du 5 juin 2015
Art. 42 al. 3 LAI ; art. 38 RAI
Le besoin d'un accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie au sens de l’art. 42 al. 3 LAI existe lorsqu’un assuré majeur ne vit pas dans une institution, mais ne peut pas, en raison d'une atteinte à la santé, vivre de manière indépendante sans l'accompagnement d'une tierce personne (art. 38 RAI). N'est pris en considération que l'accompagnement qui est régulièrement nécessaire, c’est-à-dire un besoin d’accompagnement d’au moins deux heures par semaine en moyenne sur une période de trois mois. Cet accompagnement ne comprend ni l'aide de tiers pour les six actes ordinaires de la vie, ni les soins ou la surveillance personnelle. Il représente bien plutôt une aide complémentaire et autonome, pouvant être fournie sous forme d'une aide directe ou indirecte à des personnes atteintes dans leur santé physique, psychique ou mentale. Si une personne n’a durablement besoin que d’un accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie, l’impotence est réputée faible (art. 42 al. 3 in fine LAI).
En ce qui concerne la valeur probante d'un rapport d'enquête, il est essentiel qu'il ait été élaboré par une personne qualifiée qui a connaissance de la situation locale et spatiale, ainsi que des empêchements et des handicaps résultant des diagnostics médicaux. En cas d’incertitude sur les troubles physiques ou psychiques et/ou sur leur impact sur les actes de la vie quotidienne, des éclaircissements doivent être demandés aux médecins. Il s'agit en outre de tenir compte des indications de la personne assurée et de consigner les opinions divergentes des participants. Enfin, le contenu du rapport doit être plausible, motivé et rédigé de façon suffisamment détaillée en ce qui concerne chaque acte ordinaire de la vie, les besoins permanents de soins et de surveillance personnelle et l’accompagnement face aux nécessités de la vie. Il doit finalement correspondre aux indications relevées sur place. Selon la circulaire sur l’invalidité et l’impotence dans l’assurance-invalidité, le SMR se prononce sur le rapport d’enquête lorsqu’il est question de l’accompagnement dans la vie d’une personne atteinte dans sa santé psychique.
Face à un rapport qui remplit les conditions susmentionnées, le tribunal ne se substitue à celui-ci que lorsque des évaluations incorrectes sont clairement constatées.
La force probante d’un rapport d’enquête n’est pas encore ébranlée par le fait que le médecin traitant, la personne aidante et l’assurée n’ont pas la même appréciation que l’auteur du rapport. Il n’y a au demeurant pas d’obligation de prendre l’avis du médecin après rédaction du rapport, pour autant que l’évaluation du médecin soit intégrée dans le rapport.
Toutefois, dans le cas d’espèce, le TF relève que le rapport va à l’encontre des constatations médicales, selon lesquelles l’assurée a besoin d’aide au quotidien, même pour des petites demandes. Le rapport diverge également des données de l’assurée concernant le besoin d’aide dans la tenue du ménage et l’accompagnement lors des activités hors domicile. Le rapport ne donne par ailleurs aucune indication de durée sur l’aide jugée nécessaire, mais non considérable. Enfin, ledit rapport n’a pas fait l’objet d’une appréciation du SMR. Pour toutes ces raisons, il ne revêt pas pleine valeur probante pour juger du droit à l’allocation pour impotent et la cause est renvoyée à l’office AI pour nouvelle appréciation.
TF 9C_357/2014 du 5 juin 2015
Art. 16 al. 2 LPGA ; art. 28 al. 2 LAI
Dans le cadre de l’obligation de diminuer le dommage, un changement de profession peut être exigible ; cependant, pour ce qui est de l’abandon d’une activité indépendante, des critères non seulement objectifs (marché de travail équilibré, durée potentiellement restante de l’activité professionnelle), mais également subjectifs (âge, position professionnelle, rapport au lieu de travail ou de domicile, capacité de travail restante) sont décisifs.
En principe, ce n’est que sous de très restrictives conditions qu’un changement de profession n’est pas exigible ; un abandon d’exploitation paysanne peut même en principe être requis selon les circonstances.
En l’espèce, pour ce paysan né en 1956 et exploitant une ferme dans l’arrière-pays saint-gallois, il n’est pas exigible de lui demander d’abandonner son travail d’indépendant, vu l’incomplète activité adaptée réalisable, vu la collaboration de son épouse et de ses enfants sur le domaine agricole et vu le fait qu’il est enraciné depuis des décennies dans son exploitation agricole.
TF 9C_375/2014* du 5 juin 2015
ALCP ; art. 90 du Règlement 987/2009 ; art. 20 OAF
L'art. 90 du Règlement 987/2009 et la Décision H3 de la commission administrative pour la coordination des systèmes de sécurité sociale du 15 octobre 2009 relative à la date à prendre en compte pour établir les taux de change, visée à l’art. 90 du règlement (CE) no 987/2009 du Parlement européen et du Conseil font certes partie des normes applicables en vertu de l'ALCP. Ces normes n'ont toutefois été établies qu'en vue d'une coordination des systèmes d'assurances sociales des Etats concernés et non dans le but d'harmoniser lesdits systèmes. Chaque Etat définit lui-même les conditions auxquelles un assuré peut faire valoir une prétention et les modalités de paiement de celle-ci.
Ainsi, lorsque l'on ne se trouve pas dans une situation où il s'agit de coordonner deux systèmes d'assurances sociales, par exemple si l'on devait imputer une prestation étrangère au moment d'établir une prestation nationale, les dispositions légales nationales demeurent seules applicables y compris en ce qui concerne le taux de change applicable à une rente versée à un assuré vivant à l'étranger (c. 5).
La conversion s'effectue alors par une application analogique de l'art. 20 OAF, selon lequel les rentes et les indemnités journalières revenant à des ayants droit qui habitent à l'étranger sont versées directement par la caisse de compensation dans la monnaie du pays de résidence. Si cela paraît suffisamment sûr, la caisse de compensation peut autoriser le versement sur un compte postal ou sur un compte bancaire en Suisse ou dans le pays de résidence de l'ayant droit.
Selon le no 5033 des DAF, pour les versements à l’étranger, le paiement s’effectue dans la monnaie du pays de résidence de l’ayant droit ou dans une autre monnaie convertible conformément aux règles du trafic des paiements internationaux. La conversion en monnaie étrangère s’effectue au cours du jour indicatif des grandes banques suisses un jour ouvrable avant l’exécution du paiement. En Suisse, il n'existe pas de cours indicatif des grandes banques, de sorte qu'il est admissible, pour des raisons d'économie de procédure, que la Caisse de compensation applique le taux de l'institution bancaire qu'elle utilise pour ses paiements, en l'occurrence PostFinance. Peu importe que cette institution ne dispose d'une licence bancaire que depuis la fin du mois de juin 2013, car elle officie depuis longtemps comme partenaire pour les paiements. Au surplus, l'assuré n'a aucun droit à bénéficier du cours le plus avantageux (c. 6).
TF 8C_310/2014* du 5 juin 2015
Art. 61 lit. f LPGA
L’avocat qui conteste le montant alloué au titre d’indemnité de défense d’office à l’assistance judiciaire a qualité pour recourir au TF en son propre nom (art. 89 al. 1 LTF ; c. 1).
Lorsqu’une avocate se fait remplacer comme avocate d’office d’un assuré par une avocate travaillant dans la même étude (en l’espèce en raison de son congé maternité) sans requérir un changement d’avocat, l’autorité cantonale peut refuser d’indemniser les opérations effectuées par l’avocate remplaçante sans violer le droit fédéral ou l’interdiction d’arbitraire (c. 6.5 et 6.6).
La substitution de mandat entre les deux avocates ne change rien au mandat de droit public existant entre l’Etat et l’avocate nommée d’office (c. 6.3).
TF 9C_707/2014 du 5 juin 2015
Art. 331 al. 3 1ère phrase CO
Dans un arrêt du 15 avril 2015, le TF a confirmé que la fortune d’un fonds patronal de bienfaisance en faveur des employés, financé entièrement par l’employeur, peut être utilisée comme une réserve de contribution de l’employeur au sein d’une institution de prévoyance. Un tel apport n’est toutefois possible qu’à la condition que la fortune ait été entièrement constituée par l’employeur, à l’exclusion de cotisations de l’employé (art. 331 al. 3 1ère phrase CO).
TF 4A_352/2014 du 5 juin 2015
Art. 6 et 9 LCA
Un jugement statuant sur une action partielle n'acquiert l'autorité de la chose jugée que pour la partie de la créance qui a fait l'objet du jugement, même si l'ensemble de la prétention a été examiné pour statuer. Ainsi, en cas d'action partielle, notamment dans le cadre d’une action contre un assureur, tendant au paiement d’une rente d’invalidité, un premier jugement qui déboute le demandeur au motif que le contrat invoqué serait nul n'empêche pas le tribunal, saisi d'une nouvelle action relative à d'autres prétentions fondées sur le même contrat, de se prononcer à nouveau sur la validité de celui-ci. Un premier arrêt portant sur des prestations dues jusqu'au 31 décembre 2007 ne lie donc pas les tribunaux qui doivent statuer sur des prestations postérieures, à compter du 1er janvier 2008 jusqu'à l'échéance des contrats.
Selon l'art. 9 LCA, le contrat d'assurance est nul si, au moment où il a été conclu, le risque avait déjà disparu ou si le sinistre était déjà survenu. Toutefois, si un sinistre partiel est déjà survenu, il est possible d'assurer le risque afférant à l'autre partie, si la survenance de celui-ci est aléatoire.
Les art. 4 à 8 LCA règlent complètement la réticence et ses conséquences, à l'exclusion des dispositions générales du CO. Ainsi, l'assureur qui n'a pas invoqué la réticence dans le délai de quatre semaines de l’art. 6 LCA ne peut plus s'en prévaloir. Les règles sur les conséquences de la réticence étant exclusives, l'assureur ne saurait invoquer son ignorance dans un autre cadre.
Lorsque la volonté réelle de l'assureur ne peut pas être établie, il y a lieu de procéder à l'interprétation objective des contrats, selon le principe de la confiance. Quand l’assureur soutient que l'assuré devait savoir que son incapacité de gain entraînerait une réserve, voire un refus de conclure et que, dans le cadre d'une interprétation objective des contrats, il ne pouvait s'attendre de bonne foi, en fonction de l'ensemble des circonstances, à ce que la réserve prévue soit interprétée en sa faveur, il fait valoir un moyen qu'il ne pouvait invoquer que par le biais de la réticence (art. 6 LCA).
TF 9C_212/2014* du 5 juin 2015
Art. 9 al. 5 let. h et 21 al. 1 LPC ; art. 25a OPC-AVS/AI ; art. 13 LPGA ; art. 23 CC
Selon l’art. 21 al. 1 1ère phrase LPC, le canton de domicile du bénéficiaire est compétent pour fixer et verser les prestations complémentaires. L’art. 13 LPGA précise que le domicile d’une personne est déterminé selon les art. 23 à 26 CC (c. 2.1).
Par exception, l’art. 21 al. 1 2ème phrase LPC prévoit que le séjour dans un home, un hôpital ou tout autre établissement ne fonde aucune nouvelle compétence (c. 2.1). L’analyse historique démontre que le législateur, avec cette exception, a voulu que les mêmes autorités soient compétentes, pour les résidents d’un home, s’agissant des prestations complémentaires et de l’aide sociale. On voulait aussi diminuer les désavantages que représentent ces institutions pour les cantons dans lesquels elles se trouvent (c. 2.2).
Aux termes de l’art. 25a OPC-AVS/AI, « est considérée comme home toute institution qui est reconnue comme telle par un canton ou qui dispose d’une autorisation cantonale d’exploiter ». Le TF considère que cette définition fondée sur l’art. 9 al. 5 let. h LPC vaut pour l’ensemble de la loi, y compris pour l’interprétation de l’art. 21 (c. 3.1).
En l’espèce, l’assuré, qui était précédemment domicilié dans le canton de St-Gall, réside dans un sanatorium en Thurgovie depuis 1997, où il a élu domicile. Selon l’art. 21 al. 1 1ère phrase LPC, le canton de Thurgovie est compétent en ce qui concerne le versement des prestations complémentaires. L’exception n’est pas applicable, car le sanatorium n’est pas reconnu comme un home dans le canton et ne dispose pas d’une autorisation au sens de l’art. 25a de l’ordonnance (c. 3.2). Il n’est pas non plus un « autre établissement » selon l’art. 21 al. 1 2e phrase LPC, cette notion devant être interprétée de manière restrictive (c. 4.2).
Brèves...
Les allocations familiales accordées rétroactivement doivent être remboursées à la commune qui a versé des prestations de l’aide sociale pour une période correspondante, sans qu’une cession soit nécessaire dès lors que la législation cantonale contient une base légale claire à ce sujet (TF 8C_939/2014).
Une formation à temps partielle qui laisse la possibilité d’avoir une activité professionnelle à côté à raison d’un mi-temps ne permet pas à l’assuré de bénéficier de la libération de la période de cotisation prévue par l’art. 14 al. 1 lit. a LACI, faute de causalité entre la formation professionnelle et l’absence de cotisations (TF 8C_796/2014 c. 3).
Lorsque l’Office AI retire à une personne handicapée des moyens auxiliaires remis en prêt (en l’espèce notamment un fauteuil roulant), l’intérêt de cette personne à pouvoir se déplacer, maintenir des contacts sociaux et exercer une activité lucrative l’emporte sur celui de l’Office AI à récupérer rapidement les moyens auxiliaires. L’effet suspensif peut dont être restitué au recours formé contre la décision ordonnant le retour des moyens auxiliaires prêtés (TF 9C_885/2014).
Des « sous-traitants » réalisant, par le biais de mandat confiés par une entreprise, un revenu de l’ordre de Fr. 40'000.- à Fr. 60'000.-, sont dans une relation de dépendance économique par rapport à cette dernière. Le fait qu’ils travaillaient régulièrement pour le compte de cette société, en fonction de ses besoins, achève de convaincre qu’il s’agit de travailleurs assimilables à ceux qui louent leurs services, de sorte que leur statut AVS est celui de travailleurs dépendants (TF 9C_796/2014).
L’Office AI fait preuve de formalisme excessif s’il ne notifie pas une décision à la protection juridique représentant les intérêts de l’assuré, faute de procuration formelle, s’il a par ailleurs régulièrement adressé à celle-ci des copies de toutes les correspondances et qu’il lui a transmis, à sa demande, les pièces importantes du dossier. Le délai de recours court donc à partir de la notification à la protection juridique (TF 8C_101/2015).
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