NLRCAS Juillet 2018
Christoph Müller, Anne-Sylvie Dupont, Guy Longchamp et Alexandre Guyaz
TF 4A_602/2017 - ATF 144 III 209 du 7 mai 2018
Responsabilité délictuelle; solidarité imparfaite; action récursoire; ordre des recours; art. 51 al. 2 CO; 72 al. 1 LCA
Le TF revient sur la jurisprudence Gini c. Dürlemann et retient que l’assurance privée qui indemnise une victime peut se retourner contre le responsable du préjudice pour obtenir le remboursement de la réparation payée à la victime, quel que soit le fondement de la responsabilité de l’auteur du préjudice.
En substance, le TF considère que par rapport au responsable objectif de l’accident, l’assureur privée doit, sur la base de l’art. 72 al. 1 LCA, être traité de la même manière que les assureurs sociaux qui sont subrogés aux droits de la victime dans la mesure des prestations légalement dues. Lorsqu’un responsable objectif cause un accident, il commet un acte illicite au sens de cette disposition, même si l’accident n’est pas dû à une faute de sa part. En effet, la teneur de l’art. 72 al. 1 LCA n’exige pas de faute. Un acte illicite suffit. Tout état de fait appréhendé par une responsabilité objective aggravée ou simple, c’est-à-dire toute responsabilité extracontractuelle au sens des art. 41 ss CO, tombe dès lors sous la notion d’acte illicite au sens de l’art. 72 al. 1 LCA. L’art. 51 al. 2 CO, régissant le recours interne entre personnes en vertu de causes juridiques différentes, ne trouve pas application.
Auteur : Christoph Müller
TF 6B_1016/2017 du 9 juillet 2018
Responsabilité aquilienne; obligation de l’employeur de prévenir les accidents de ses employés; conditions d’un classement par le ministère public; art. 328 al. 2 CO; 82 LAA; 6 OPA; 319 CPP
La dernière instance cantonale retient que F., employé de B. SA, a, alors qu’il était très fatigué et qu’il présentait un taux d’alcoolémie de 1,89 pour mille, positionné, au début de l’après-midi du 1er septembre 2015 et pour le jour suivant, une foreuse en haut de la carrière, cela en ignorant, malgré son expérience de 20 années en tant que foreur et une familiarité avec sa machine de 10 ans, deux mesures de sécurité élémentaires : celle consistant, sur un pente carrossable de plus de 20°, à assurer le véhicule au moyen de vérins, et celle consistant à ne pas accrocher au bras de la foreuse et transporter un panier de matériel de 250 kilos sans l’arrimer. Ce faisant, l’instance précédente considère que la question de savoir si l’employeuse de F. a, dans la surveillance et le contrôle de son employé, fait preuve ou non de négligence, peut rester ouverte ; puisque F. a, de son côté, fait preuve, avec un taux d’alcoolisation de 1,89 pour mille, d’une imprévoyance à ce point qualifiée qu’il ne peut plus y avoir, entre l’accident dont il a été victime et l’éventuel défaut de surveillance de la part d’un tiers, de rapport de causalité.
Le TF considère que le raisonnement tenu par la dernière instance cantonale ne va pas assez loin et viole le droit fédéral. Il rappelle que, s’agissant d’un accident du travail, l’employeur a l’obligation de protéger la santé de son travailleur, cela conformément aux art. 328 al. 2 CO, 82 de la Loi fédérale du 20 mars 1981 sur l’assurance-accident (LAA) et 6 de l’Ordonnance du 19 décembre 1983 sur la prévention des accidents et des maladies professionnelles (OPA), cette dernière disposition prévoyant que l’employeur doit instruire ses employés des risques auxquels ils sont exposés, de manière suffisante, répétée et appropriée.
Le TF retient que l’instance précédente n’a procédé à aucune constatation quant à ce qu’étaient ici, concrètement, les domaines de responsabilité et de surveillance à charge tant de l’employeur que du propriétaire de la carrière ; de même, selon le TF, l’instance cantonale n’a tenté d’établir ni si les connaissances de F. quant à l’utilisation de sa machine auraient été rafraîchies de temps en temps, ni comment l’employeur, qui connaissait le problème d’alcool de son employé, aurait cherché à remédier au dit problème.
Puisque l’instance précédente n’a pas cherché à établir en quoi avaient réellement consisté les mesures de prévention de l’accident mises en œuvre par l’employeur, il n’était donc pas, à ce stade, possible d’ordonner le classement de la procédure pénale, au regard de l’art. 319 al. 1 CPP et du fait du principe « in dubio pro duriore ».
Auteur : Philippe Graf, avocat à Lausanne
TF 6B_1371/2017 du 22 mai 2018
Responsabilité aquilienne; homicide par négligence; rupture du lien de causalité; art. 117CP
Le détenteur d’une arme est condamné pour homicide par négligence (violation des règles de prudence élémentaires en laissant son arme de service suspendue au mur de sa chambre, sans aucune mesure pour en restreindre l’accès, munie de sa culasse et de son magasin, munitionné de sept cartouches, qui plus est obtenues de façon illicite).
La rupture du lien de causalité est niée en l’espèce. Les deux éléments déterminants pour admettre une rupture du lien de causalité résident dans l’imprévisibilité de la cause concomitante et dans son importance manifestement prépondérante par rapport aux autres facteurs à prendre en considération.
En l’état, non seulement la cause concomitante n’était pas imprévisible mais encore le respect des règles prudence qui s’imposaient au détenteur de l’arme aurait permis, avec une vraisemblance confinant à la certitude, d’empêcher l’accident, le tiers n’ayant pas pu avoir en mains une arme fonctionnelle et munitionnée, ni encore moins tirer sur la victime.
Auteure : Marlyse Cordonier, avocate à Genève
TF 4A_209/2017 du 22 mai 2018
Responsabilité aquilienne; RC professionnelle; couverture; art. 41, 55 et 101 CO; CGA
Est litigieuse la couverture de l’assurance RC professionnelle d’une entreprise de nettoyage pour l’acte commis par l’un de ses employés envers un autre, après avoir découvert un fusil chargé derrière une armoire de l’appartement nettoyé et avoir voulu lui faire peur, le blessant ainsi grièvement au coude avec une balle de fusil.
Pour interpréter les CGA applicables, les juges se sont inspirés des art. 55 et 101 CO, lesquels comprennent un phrasé similaire à la clause en question : « dans l’accomplissement de leur travail ». Selon la jurisprudence découlant aussi bien de l’art. 55 que de l’art. 101 CO, est nécessaire un lien direct et fonctionnel entre le travail et l’acte incriminé ; il ne suffit pas que l’auxiliaire ait simplement commis son acte « à l’occasion » de son travail (« bei Gelegenheit »). Selon le TF, c’est à bon droit que l’instance cantonale a nié ce rapport direct en l’espèce et a considéré qu’il s’agissait d’un acte excédant le cadre donné professionnellement.
Quant à la question de l’application de la couverture professionnelle étendue aux actes commis « à l’occasion » de l’activité professionnelle, telle qu’appelée de ses vœux par la doctrine, celle-ci peut demeurer ouverte, dès lors que l’élément déterminant en l’espèce est que l’acte accompli par l’employé ne se trouvait pas dans la sphère de risque prévisible d’une entreprise de nettoyage. Par conséquent, c’est à bon droit que la couverture RC professionnelle a été déniée, étant relevé que des lacunes peuvent exister entre RC professionnelle et RC privée.
Auteur : Didier Elsig, avocat
TF 4A_604/2017, 4A_606/2017, 4A_608/2017 du 30 avril 2018
Responsabilité civile; tort moral; devoir de diligence; connaissances professionnelles; art. 41, 47 et 49 CO
La réparation du tort moral requiert une atteinte illicite au sens des art. 47 et 49 CO, un lien de causalité ainsi qu’une faute au sens de l’art. 41 al. 1 CO. Pour que cette dernière condition soit réalisée, il faut démontrer que l’auteur du dommage n’a pas fait preuve de la diligence requise. Sur le plan objectif, celle-ci se détermine d’après le comportement qu’adopterait un consommateur moyen dans cette situation et, sur le plan subjectif, elle se définit d’après l’expérience ou les connaissances techniques dont bénéficie l’auteur du dommage.
Dans le cas d’espèce, deux amis ont monté un lit escamotable qui avait été offert par les voisins au père de l’un d’eux. Celui-ci avait assisté au démontage et savait donc que les anciens propriétaires l’avaient fixé au mur, ce qu’ignoraient toutefois les deux amis. Malheureusement, pendant la nuit, le cadre du lit s’est abattu sur la copine de l’un d’eux, la laissant tétraplégique.
Dans trois arrêts, résultants d’actions ouvertes tant par la lésée que par ses parents et dirigées contre le père ainsi que son fils, le TF estime que le fait, pour une personne, d’être en mesure de démonter et remonter un lit escamotable ou de le fixer au mur ne permet pas de la qualifier d’utilisateur avec des connaissances professionnelles, statut duquel découlerait un devoir de diligence accru. Bien que menuisier de formation mais n’ayant jamais exercé, il n’était pas possible pour le fils de reconnaitre qu’en ne fixant pas le lit escamotable au mur, il en résulterait un risque de basculement. De plus, le lit avait été testé après le montage et rien d’anormal n’avait été décelé. Quant aux normes techniques dispositives qui s’appliquent en matière de lits escamotables, elles s’adressent uniquement aux fabricants. Les juges fédéraux soulignent enfin qu’il n’est pas déterminant de savoir si les amis avaient connaissance ou non de l’existence et du contenu de ces normes, tout comme le fait que le lit était fixé au mur chez les voisins.
A cette occasion, la Haute Cour rappelle également que pour les actes de complaisance, seule la diligence que l’on voue à ses propres affaires est prise en compte (diligentia quam in suis).
Auteure : Muriel Vautier, avocate à Lausanne.
TF 8C_657/2017 du 14 mai 2018
Assurance-invalidité; procédure; expertise pluridisciplinaire; valeur probante d’une expertise effectuée par Corela; art. 44 LPGA
Compte tenu des pratiques de la Clinique Corela, mises à jour dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt 2C_32/2017 du 22.12.2017 (cf. Newsletter de mars 2018, et le commentaire d’Eric Maugué, consultable ici), on ne peut accorder pleine confiance aux conclusions d’une expertise (monodisciplinaire) pratiquée au sein du « département expertise » de la clinique. C’est donc à juste titre que les premiers juges s’en sont écartés.
Il faut relever qu’en l’espèce, l’expertise ne comportait pas de volet psychiatrique, spécialité pour laquelle des falsifications avaient été retenues dans l’arrêt précité, mais consistait uniquement en un examen par un spécialiste en traumatologie et chirurgie orthopédique. Le TF semble ainsi admettre que le « Corela Gate » entacherait définitivement la validité de toutes les expertises réalisées par cette clinique (aujourd’hui MedLex SA).
Auteure : Anne-Sylvie Dupont
TF 8C_858/2017 du 17 mai 2018
Assurance-invalidité; trouble dépressif de gravité moyenne; contexte psychosocial; majoration; absence de caractère invalidant; art. 7 et 8 LPGA
Une assurée atteinte d’un trouble dépressif récurrent, épisode actuel de gravité moyenne, se voit refuser les prestations de l’assurance-invalidité au motif que l’origine du trouble est attribuable essentiellement à un contexte psycho-social particulièrement chargé.
Dans sa motivation, caractérisée par un flou artistique peu rassurant, le TF semble voir dans ce contexte psycho-social et dans la présence d’une majoration de symptômes des motifs suffisants pour renoncer à la mise en œuvre de la procédure probatoire structurée consacrée par l’ATF 141 V 281, qui est censée s’appliquer à tous les troubles psychiques depuis les ATF 143 V 409 et 418. Le TF semble ainsi faire application de l’exception circonscrite à l’ATF 143 V 418 c. 7.1, selon laquelle il n’y a pas lieu de recourir à la procédure probatoire structurée en cas de majoration des symptômes.
Cet arrêt est la démonstration que lorsque le médecin rapporte des signes de majoration des symptômes, la personne assurée n’a plus accès à la preuve, exactement comme cela prévalait sous l’ATF 141 V 281 avant sa modification par les deux arrêts subséquents : la présence d’un critère d’exclusion permet de neutraliser toute velléité probatoire de la part de la personne assurée.
Auteure : Anne-Sylvie Dupont
TF 9C_897/2017 du 4 mai 2018
Assurance-invalidité; travailleurs à temps partiel sans travaux habituels; évaluation de l’invalidité; art. 7 et 8 LPGA; 4 LAI; 27 et 27bis RAI
La jurisprudence limitant, dans le cadre de l’assurance-invalidité, la couverture sociale des personnes travaillant à temps partiel sans occuper le reste de leur temps à des « travaux habituels » (ATF 142 V 290) n’est pas discriminatoire, et conserve toute sa validité sous l’empire des nouveaux art. 27 et 27bis RAI.
Auteure : Anne-Sylvie Dupont
TF 9C_827/2017 - ATF 144 V 97 du 7 mai 2018
Assurance-invalidité; procédure; assistance judiciaire gratuite; retrait rétroactif; absence de base légale; art. 37 al. 4 LPGA
Après avoir obtenu l’assistance judiciaire gratuite pour la procédure administrative, un assuré se voit octroyer de manière rétroactive une rente AI d’abord complète, puis de trois quarts, ce qui lui donne droit à un arriéré de rentes d’env. CHF 60’000.-. Par décision ultérieure, l’Office AI lui refuse l’assistance gratuite, au motif que l’assuré n’est plus dans le besoin. Saisi du recours de l’assuré, le tribunal cantonal a considéré que la décision n’était pas un refus d’assistance judiciaire mais un retrait rétroactif de l’assistance gratuite déjà accordée. Faute de base légale, un tel retrait n’était pas possible.
Saisi d’un recours de l’Office AI, le TF relève que le retrait rétroactif de l’assistance gratuite au motif que la personne, auparavant dans le besoin, peut désormais assumer seule les coûts de la procédure, notamment grâce à un versement rétroactif de rentes, nécessite une base légale.
La question de l’application analogique de l’art. 65 al. 4 PA en matière d’assurances sociales, par renvoi de l’art. 55 al. 1 LPGA, est discutée en doctrine. Lors de la conception de la LPGA, le législateur avait l’intention de régler tous les points essentiels de la procédure en matière d’assurances sociales. Le devoir de restituer l’assistance gratuite octroyée n’est pas inséparable du droit à l’assistance et ne peut pas non plus être considéré comme un élément non essentiel de procédure. Par ailleurs, l’art. 37 al. 4 LPGA ne fait pas état du caractère provisoire de l’assistance ou de sa restitution. Par conséquent, comme la loi ne prévoit pas le principe de la restitution, l’art. 55 al. 1 LPGA ne permet pas d’appliquer l’art. 65 al. 4 PA par renvoi.
Au vu de ce qui précède, le recours de l’Office AI est rejeté.
Auteure : Pauline Duboux, jusriste à Lausanne
TF 9C_358/2017 - ATF 144 I 103 du 2 mai 2018
Assurance-invalidité; révision du droit à la rente; art. 17 LPGA; 28 LAI
L’application de la jurisprudence résultant de l’arrêt de la CEDH du 2 février 2016 dans la cause Di Trizio est confirmée (ATF 143 I 50).
La suppression d’une rente d’invalidité dans le cadre d’une révision est contraire à la CEDH lorsque seuls des motifs d’ordre familial (la naissance d’enfants et la réduction de l’activité professionnelle qui en découle) conduisent à un changement de statut de « personne exerçant une activité lucrative à plein temps » à « personne exerçant une activité lucrative à temps partiel ».
La procédure de révision doit se fonder sur les faits existants au moment de la décision. Le TF retient que le changement de situation familiale de l’invalide donnant naissance à un enfant et déclarant vouloir se consacrer au travail à temps partiel, ne permet pas de modifier la méthode de calcul, adoptée lors de la fixation de la rente initiale, pour appliquer la méthode mixte d’évaluation de l’invalidité (c. 4.5). Le changement de méthode ne peut davantage intervenir par le biais d’une reconsidération de la décision si la méthode de calcul générale de la comparaison des revenus a été adoptée à juste titre lors de la fixation de la rente (c. 4.6).
Le TF a diminué la rente à 50% en fondant son calcul sur les salaires statistiques ESS 2014 existants à la date de la révision.
Auteure : Monica Zilla, avocate à Neuchâtel
TF 8C_859/2017 du 8 mai 2018
Assurance invalidité; remboursement des prestations; art. 88bis al. 2 let. b RAI
En vertu de l’art. 88bis al. 2 let. b RAI dans sa teneur depuis le 1er janvier 2015, le remboursement des prestations de l’assurance invalidité peut, en présence d’une obtention irrégulière ou d’une violation de l’obligation de renseigner, être demandé rétroactivement jusqu’au moment du changement notable, sans égard au point de savoir s’il y a un lien de causalité entre cette violation de l’obligation de renseigner ou cette obtention irrégulière et la continuation du versement de la prestation. En conséquence, le moment auquel l’autorité compétente a eu connaissance de l’obtention irrégulière ou de la violation de l’obligation de renseigner est désormais sans pertinence dans la détermination de la période à l’égard de laquelle les prestations doivent être remboursées. La ratio legis est d’éviter qu’en cas de soupçon d’une telle obtention irrégulière ou violation du devoir de renseigner, l’autorité compétente suspende de manière précipitée le versement des prestations ou que le bénéficiaire soit incité à retarder l’instruction de la situation.
Auteur : Alexandre Bernel, avocat à Lausanne et Aigle
TF 8C_86/2018 du 9 mai 2018
Assurance-militaire, accident; cours J+S; séquelles tardives; art. 6 et 110 LAM; 1 al. 1 et 2 al. 1 Tit. fin. CC
Cet arrêt est un cas d’application de l’arrêt de principe publié aux ATF 143 V 446, qui a déjà été résumé (arrêt 8C_430/2017).
L’assuré se prévaut de séquelles tardives d’un accident subi en 1979 dans le cadre d’un cours J+S. De telles séquelles étant assurées sur le principe, il n’est pas admissible de refuser toute prestation en prétendant que l’événement ne serait pas assuré, sans instruire le dossier. Celui-ci est ainsi renvoyé à l’instance précédente, qui doit dès lors déterminer s’il s’agit d’un cas de séquelles tardives.
Auteur : Benoît Sansonnens, avocat à Fribourg
TF 9C_533/2017 du 28 mai 2018
Prévoyance professionnelle; invalidité; connexité temporelle; interruption; art. 23 let. a LPP
Une assurée travaillant à temps partiel a été mise au bénéfice d’une demi-rente LAI à partir du 1er janvier 2013 en tenant compte d’un degré d’invalidité de 50 %. Appelée à trancher entre deux institutions de prévoyance pour le versement de la rente d’invalidité de la prévoyance professionnelle, l’instance cantonale n’a pas investigué le début effectif de l’incapacité de travail ayant conduit à l’invalidité et a simplement considéré que la connexité temporelle avec la période d’assurance auprès de la première institution de prévoyance était interrompue du fait d’une activité professionnelle à 80 % sans incapacité de travail entre le 1er août 2007 et l’automne 2008. Dès lors, une connexité temporelle entre l’incapacité de travail constatée pendant le second rapport de prévoyance ayant débuté le 1er novembre 2005 et l’invalidité reconnue à partir du 1er janvier 2013 a été admise (c. 3).
Le TF rappelle qu’il faut une capacité de travail de plus de 80 % (et non seulement de 80 %) dans une activité lucrative adaptée pendant plus 3 mois pour interrompre la connexité temporelle (ATF 144 V 58 c. 4.4) et renvoie la cause à l’instance cantonale pour déterminer précisément le début de l’incapacité de travail qui a conduit à l’invalidité (c. 4.1 ss).
Auteur : Walter Huber, juriste à Puplinge
TF 9C_110/2018 du 14 mai 2018
Prestations complémentaires; couverture des besoins vitaux; obligation de diminuer le dommage; art. 10 LPC
Le litige porte sur le droit d’un étudiant domicilié chez sa mère, qui décide de quitter le domicile de sa mère pour vivre avec son amie. Tous deux sont au bénéfice de rentes de survivants de l’AVS, ainsi que de prestations complémentaires. Le différend porte sur le montant destiné à la couverture des besoins vitaux qui doit être pris en considération, à savoir la prise en compte du montant destiné à la couverture des besoins vitaux d’une personne seule, en lieu et place de celui destiné à la couverture des besoins vitaux d’un enfant.
Le TF a confirmé sa jurisprudence selon laquelle le calcul du droit à des prestations complémentaires d’un étudiant au bénéfice d’une rente d’orphelin doit être effectué en prenant en considération le montant applicable à la couverture des besoins vitaux des enfants, lorsqu’il est exigible de sa part qu’il continue à vivre chez son parent. Ce principe découle de l’obligation de diminuer le dommage qui incombe aux assurés, en vertu de laquelle l’on doit pouvoir exiger de celui qui requiert des prestations qu’il prenne toutes les mesures qu’une personne raisonnable adopterait dans la même situation, si elle ne pouvait attendre aucune indemnisation ou de tiers. Le recourant n’a pas réussi à établir que sa situation était différente de celle jugée dans l’arrêt 9C_429/2013. Et le TF de relever que la décision litigieuse n’empêche pas l’assuré de vivre de manière indépendante avec sa compagne, mais que l’assurance sociale n’a pas à prendre en charge les conséquences financières de son choix s’il n’a pas les moyens et ressources nécessaires pour concrétiser celui-ci.
Auteure : Corinne Monnard Séchaud, avocate à Lausanne
TF 8C_782/2017 du 16 mai 2018
Assurance-chômage; indemnités de chômage; période de cotisation; période assimilée; art. 9 al. 3, 13 al. 2 let. c, 14 al. 1 let. b LACI
La condition déterminante pour admettre l’existence d’une période assimilée à une période de cotisation au sens de l’art. 13 al. 2 let. c LACI plutôt que celle d’un motif de libération au sens de l’art. 14 al. 1 let. b LACI n’est pas le fait que l’assuré a payé des cotisations, mais plutôt qu’il a été partie à un rapport de travail.
L’assuré était in casu partie à un rapport de travail et percevait des indemnités journalières LAA durant plus de 21 mois dans les limites du délai-cadre. Contrairement à l’avis de la cour cantonale, peu importe qu’une rente d’invalidité ait été allouée sur une partie de cette période, du moment qu’il bénéficiait en même temps des indemnités journalières LAA.
Auteure : Tiphanie Piaget, avocate à La Chaux-de-Fonds
TF 8C_685/2017 du 23 mai 2018
Assurance-chômage; entreprise familiale en la forme d’une société anonyme; obligation de payer les cotisations de l’assurance-chômage; art. 2 LACI, 1a al. 2 LFA
Les actionnaires d’une société anonyme ne sont pas visés par l’exception de l’obligation de payer des cotisations au sens de l’art. 2 al. 2 let. b LACI, en lien avec l’art. 1a al. 2 let. a et b LFA. Une société anonyme, en tant que personne morale, ne peut avoir de membre de famille, ni des parents de l’exploitant en ligne directe, ascendante ou descendante, ni de gendres ou de brus. (c. 3.3.1)
Les membres de la famille les plus proches, au sens de l’art. 1a al. 2 let. a et b LFA, ne sauraient être assimilés à des travailleurs agricoles parce qu’ils sont, en leur qualité d’héritiers de l’exploitant, intéressés au revenu de l’exploitation et ne reçoivent en général pas de salaire en espèces). En l’espèce, les deux actionnaires assuraient une activité salariée et on reçu un salaire en espèces (c. 3.3.2).
Le recourant, en tant que directeur général, exerce une activité dépendante. Ceci vaut également pour son épouse, qui travaille dans l’entreprise et détient une partie du capital-actions. Ils sont donc tenus de payer les cotisations de l’assurance-chômage au sens de l’art. 2 al. 1 LACI (c. 3.3.3).
Auteur : David Métille, avocat à Lausanne
TF 8C_526/2017 du 15 mai 2018
Loi sur l’assurance-chômage; indemnité en cas d’insolvabilité de l’employeur; droit à l’indemnité; art. 51 LACI
Peut prétendre à l’indemnité en cas d’insolvabilité de l’employeur, outre les conditions personnelles et matérielles posées par l’art. 51 LACI, l’assuré qui est apte au placement (15 al 1 LACI) et satisfait aux prescriptions de contrôle (17 LACI) durant la période concernée.
N’est en principe pas considéré comme apte au placement l’assuré qui ne serait disponible que durant un temps relativement court en raison d’un prochain nouvel emploi. Dans de tels cas, les perspectives d’être engagé par un autre employeur durant la période concernée – en l’occurrence 1 mois – sont en effet faibles.
Afin de satisfaire à ses devoirs et de se soumettre aux prescriptions de contrôle, l’assuré doit s’annoncer le plus rapidement possible auprès de l’autorité compétente. Ce principe vaut également lorsque celui-ci a été libéré de son obligation de travailler et qu’il doit compter, selon les circonstances, sur le fait qu’il ne percevra pas l’entier de son salaire jusqu’au terme du délai de congé. En renonçant à s’annoncer auprès de l’assurance chômage, l’assuré – à l’instar du recourant – est réputé avoir accepté l’absence de protection en cas de perte de salaire prévue par la LACI.
Dans le cas particulier, les conditions précitées n’étant pas remplies, le TF a nié le droit à l’indemnité pour insolvabilité.
Auteur : Benoît Santschi, titulaire du brevet d’avocat à Neuchâtel
Brèves...
En l’absence de revenus suffisamment stables, en l’espèce dans le cas d’un travailleur indépendant, il est juste de se fonder sur les statistiques salariales tirées de l’ESS pour déterminer le revenu de valide, ou revenu hypothétique (TF 9C_869/2017).
La cour cantonale qui convertit l’opposition formée à l’encontre d’une demande de restitution en demande de remise de l’obligation de restituer prive la personne assurée de la possibilité d’invoquer la prescription, respectivement la péremption, du droit de demander la restitution de l’indu. En effet, une fois la décision de restitution entrée en force, il n’est plus possible de se prévaloir d’un délai de péremption ou prescription qui se rapporte à la fixation de la créance (TF 8C_77/2018).
La violation des devoirs du mandataire envers le mandant peut justifier que soient mis à la charge du mandataire les frais afférents à une procédure pénale ouverte contre lui notamment pour escroquerie (confirmation de jurisprudence ; TF 6B_795/2017).
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