NLRCAS avril 2014
Editée par Christoph Müller, Anne-Sylvie Dupont & Guy Longchamp
L'arrêt du mois!
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Arrêt de la CourEDH du 11 mars 2014 dans l’affaire Howald Moor et autres c. Suisse (n° 52067/10 et 41072/11)
Le 11 mars 2014, la Cour européenne des droits de l’homme (CourEDH) a décidé que les délais de prescription du droit suisse violaient le droit d’accès à un tribunal des proches d’une victime de l’amiante. Ce droit est un aspect important du droit à un procès équitable, garanti par l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH).
Quels sont les faits à la base de cette affaire? Hans Moor était exposé, dans le cadre de son travail, à l’amiante jusqu’en 1978. Depuis 1989, il existe une interdiction générale de l’amiante en Suisse. En mai 2004, un cancer de la plèvre a été diagnostiqué chez Hans Moor. Ce cancer avait été causé par l’exposition à l’amiante. Le 10 novembre 2005, Hans Moor est décédé des suites de sa maladie.
Le 25 octobre 2005, Hans Moor a ouvert action contre son employeur de l’époque, Alstom SA en paiement d’une réparation de CHF 200'579.- (préjudice ménager et de prise en charge ainsi que tort moral). Selon lui, sa maladie était due à l’exposition à l’amiante à son lieu de travail. Son employeur aurait violé ses devoirs en ne prenant pas de mesures de sécurité pour ses travailleurs exposés à l’amiante, tout en connaissant les risques découlant de ce matériau.
En novembre 2005 et octobre 2006, la veuve et les deux filles de Hans Moor ont adressé à la SUVA une demande en réparation du préjudice ménager, de la perte de soutien, des frais d’avocat et du tort moral. Elles estimaient que l’assurance était solidairement responsable du décès de leur mari et père, du fait d’avoir informé tardivement et de manière incomplète des dangers découlant de l’amiante. Dans l’ATF 136 II 187, le Tribunal fédéral a décidé en dernière instance que les prétentions des proches étaient périmées, car le délai absolu de dix ans courant depuis le jour de l’acte dommageable (art. 20 al. 1er de la Loi sur la responsabilité du 14 mars 1958; RS 170.32) était échu, quand bien même le délai d’un an à compter de la date de la connaissance du dommage aurait été respecté.
En mai 2006, les héritières de Hans Moor ont déclaré vouloir poursuivre le procès intenté par leur défunt père à l’encontre de son employeur. Dans l’ATF 137 III 16, le Tribunal fédéral a confirmé la jurisprudence de son premier arrêt dans cette affaire par rapport aux délais prévus à l’article 60 CO. Le Tribunal fédéral estime en substance que ce qui est décisif pour la naissance du droit pour le créancier d’exiger réparation est le moment où l’auteur du préjudice a, en violation de ses obligations, porté atteinte à l’intégrité physique de la victime (consid. 2.3). La Haute Cour a toutefois reconnu qu’il n’était pas certain que l’exposition à l’amiante provoque effectivement une maladie et qu’il existait une longue période allant de 15 à 45 ans qui sépare l’exposition à l’amiante et l’apparition d’une éventuelle maladie. Il n’était donc objectivement pas possible de déterminer avant la fin du délai de prescription si une réparation était due ou non, et ceci même dans les cas où la violation d’un devoir était établie. Le législateur aurait tenu compte de telles difficultés pour la victime, en prévoyant par exemple un délai de prescription de 30 ans à l’article 10 de la Loi sur la radioprotection du 22 mars 1992 (RS 814.50). Comme tel n’est pas le cas pour les préjudices dus à l’amiante, c’est le délai de dix ans qui trouve application, qui était en l’occurrence échu avant le premier acte interruptif de prescription.
Les proches de Hans Moor ont saisi la CourEDH d’une requête individuelle en se plaignant d’une violation du droit d’accès à un tribunal, garanti par l’article 6 § 1 CEDH. Ils se plaignaient notamment que le Tribunal fédéral ait considéré leurs prétentions comme périmées, respectivement prescrites, et ceci indépendamment du fait que les délais de péremption ou de prescription ont commencé à courir avant qu’ils aient pu avoir objectivement connaissance de leurs prétentions.
Dans son arrêt du 11 mars 2014, la Cour estime en substance que lorsqu’il est scientifiquement établi que la victime n’a aucune possibilité de savoir si elle est atteinte d’une certaine maladie, cette circonstance doit être prise en compte dans le calcul du délai de prescription. Dans les circonstances extraordinaires du cas d’espèce, l’application du délai de prescription a limité le droit d’accès à un tribunal à tel point que la substance même de ce droit et ainsi l’article 6 § 1 CEDH ont été violés.
TF 4A_307/2013 du 7 avril 2014
Art. 9 Cst.; 8 CC; 152 CPC; 47, 49 CO
Appelé à se prononcer sur le refus de la mise en œuvre d’une expertise sur le dommage et le lien de causalité entre celui-ci et la faute d’un médecin, le TF rappelle que l'art. 8 CC et désormais l'art. 152. CPC confèrent le droit de faire administrer les moyens de preuve adéquats que le justiciable propose régulièrement et en temps utile à l'appui de faits pertinents pour le sort du litige. Le droit à la preuve n'est pas mis en cause lorsque le juge, par une appréciation anticipée des preuves, arrive à la conclusion que la mesure requise n'apporterait pas la preuve attendue, ou ne modifierait pas la conviction acquise sur la base des preuves déjà recueillies. Le recourant doit alors invoquer l'arbitraire (art. 9 Cst.) dans l'appréciation des preuves, en motivant son grief conformément aux exigences plus strictes de l'art. 106 al. 2 LTF.
Dans le cas d’espèce, la recourante qui a un parcours de vie difficile avec plusieurs épisodes dépressifs a subi une gastroplastie non consentie alors qu'elle souhaitait un bypass. Par la suite, l'anneau posé lors de la gastroplastie a été retiré et le bypass réalisé. Suite à une complication rare due au bypass, imputée à un dumping syndrom et à une déformation du moignon gastrique, des incapacités de travail ont été constatées et la recourante a obtenu une rente AI. Elle a ouvert action contre les héritiers du médecin entretemps décédé qui avait pratiqué l’intervention non souhaitée concluant au paiement d’une indemnité à titre de tort moral et au versement d’un montant correspondant à la perte de gain subie en raison de l’incapacité de travail. L’autorité cantonale a refusé de mettre en œuvre une expertise sur le dommage et le lien de causalité entre celui-ci et la faute du chirurgien; la recourante y voit une violation de son droit à la preuve et un arbitraire dans l’appréciation des preuves.
Concernant le point de savoir si l’autorité cantonale était autorisée à exclure tout lien de causalité entre la gastroplastie et le syndrome de dumping, le TF relève que le droit à la preuve n’est pas en cause ici, puisque le juges se sont fondés sur les explications fournies par deux médecins qu’ils ont auditionnés. Il s’agit donc d’une question d’appréciation des preuves, dont la recourante n’a pas démontré le caractère arbitraire (art. 9 Cst.). S’agissant de la question du lien de causalité naturelle entre l’intervention non consentie et l’atteinte à la santé psychique invalidante, le TF relève que dans un contexte aussi particulier, où coexiste une multiplicité de problèmes médicaux, dont bon nombre sont liés à l'obésité et au parcours de vie difficile de la recourante, il n'était pas contraire au droit fédéral d'exclure, même sans connaissances médicales, l'existence d'un lien de causalité entre la gastroplastie et l'incapacité de travail. Le refus de désigner un expert ne contrevient ainsi pas au droit fédéral (c. 2.4.3).
La recourante fait ensuite valoir son droit à une indemnité pour tort moral. Le TF suit les considérations de l'autorité cantonale qui a refusé l'allocation d'une indemnité pour tort moral car une gêne importante de la recourante dans la vie quotidienne due à l'appareillage nécessité par l'anneau gastrique ne peut pas être retenue. La recourante a certes subi une intervention médicale contraire à sa volonté, ce qui l'a contrainte à se faire réopérer pour obtenir le bypass souhaité, mais selon les experts AI cela n'a causé qu'un épisode dépressif, ce qui tend à démontrer qu'il s'agissait d'une affection non durable. La recourante a du reste obtenu de l'autorité compétente que le manquement du médecin soit constaté. Les souffrances subies ne revêtaient ainsi pas pour le TF une intensité suffisante pour justifier l'allocation d'une indemnité pour tort moral et ce, même en tenant compte du fait que ces souffrances ont pu représenter un facteur de risque supplémentaire dans l'atteinte psychique durable constatée (c. 3.5). Le TF a donc rejeté le recours.
TF 4A_416/2013 du 7 avril 2014
Art. 8 CC; causalité naturelle en cas d’omission; comportement de substitution licite
En cas d’omission de la part du responsable potentiel, il faut, pour obtenir une causalité naturelle, admettre par hypothèse que le dommage ne serait pas survenu si l’intéressé avait agi conformément à la loi. Le rapport de causalité étant alors hypothétique, le juge se fonde sur l’expérience générale de la vie et émet un jugement de valeur. Dans ce cas de figure, le Tribunal fédéral est lié selon l’art. 105 al.1 LTF par les constatations cantonales concernant la causalité naturelle, dans la mesure où celle-ci ne repose pas exclusivement sur l’expérience de la vie, mais sur des faits ressortant de l’appréciation des preuves. En l’espèce, dans le cas d’un jeune patient dont l’embolie pulmonaire n’avait pas été diagnostiquée par le service des urgences d’un hôpital privé, l’expert judiciaire avait considéré que son hospitalisation aurait laissé subsister un risque de mortalité d’environ 65 %. Le patient présentait en outre des facteurs aggravants qui étaient propres à augmenter de façon significative son risque de mortalité. Dans de telles conditions, le TF a considéré qu’il n’y avait pas d’arbitraire à retenir selon la règle du degré de vraisemblance prépondérante que la mère de la victime n’avait pas prouvé que l’omission illicite reprochée au médecin concerné était la cause naturelle du décès de son fils (c. 3.1 et 3.2).
En matière de droit à la preuve, si l’autorité cantonale se convainc que l’administration de la preuve sollicitée serait sans effet sur la conviction qu’il a déjà acquise, elle peut la refuser par une appréciation anticipée des preuves résistant à l’arbitraire. Le TF n’intervient, lorsque l’arbitraire est invoqué, que si le juge n’a manifestement pas compris le sens et la portée du moyen de preuve, a omis sans raison objective de tenir compte de preuves pertinentes ou a effectué, sur la base des éléments recueillis, des déductions insoutenables. Le TF a considéré dans ce cas que le droit à la preuve de la recourante n’avait pas été violé, notamment en raison du fait qu’elle n’avait pas démontré qu’il était insoutenable pour le Tribunal cantonal de refuser une seconde expertise, laquelle aurait été par hypothèse confiée à un angiologue plutôt qu’à un urgentiste (c. 4.2).
L’employeur, en l’occurrence la société exploitant le service des urgences mis en cause, outre la preuve qu’il a pris tous les soins commandés par les circonstances pour détourner le dommage, peut également se libérer en établissant que sa diligence n’eût pas empêché le préjudice de se produire (art. 55 al. 1 in fine CO). Il s’agit là d’une référence à la notion juridique de preuve d’un comportement de substitution licite (c. 5.2).
TF 4A_404/2013 du 7 avril 2014
Art. 61 al. 1, 135 ch. 1 CO
C’est uniquement en application du droit cantonal qu’il convient d’examiner si le législateur cantonal a fait usage de la faculté prévue à l’art. 61 al. 1 CO. Le TF n’interprète et n’applique ce droit cantonal que sous l’angle restreint de l’arbitraire. En l’occurrence, il n’était pas arbitraire de la part du Tribunal cantonal que de considérer qu’au moment des faits (mai 1994), le droit argovien de la responsabilité de l’Etat et des communes ne s’appliquait pas à l’institution privée qu’était la défenderesse. Le TF admet donc en l’espèce l’application des art. 127 ss CO, compte tenu de l’existence d’une relation contractuelle entre l’hôpital défendeur et le patient lésé, dans les droits duquel l’AI avait été subrogée (c. 3.1).
Un acte interruptif de prescription au sens de l’art. 135 al. 1 CO n’implique pas de la part du débiteur la volonté d’interrompre la prescription. Il suffit que le créancier puisse de bonne foi admettre que le débiteur reconnaît par son comportement le principe même de sa dette. Cette reconnaissance de dette ne doit pas nécessairement porter sur un montant déterminé. Par le paiement d’un acompte, le débiteur exprime en général le fait qu’il reconnaît son obligation quant à son principe et qu’il est ainsi prêt, à certaines conditions, à effectuer d’autres paiements, n’excluant ainsi pas l’existence d’une dette résiduelle. Un tel comportement suffit à interrompre la prescription. D’éventuelles réserves, qui ne touchent pas le principe même de l’obligation mais seulement le montant de la créance, ne font pas obstacle à cette interruption. Ce n’est que si le débiteur fait savoir qu’il n’existe plus aucune dette à sa charge après le paiement litigieux, et que le paiement en question est le dernier, que l’on peut exclure une reconnaissance de dette interruptive de prescription pour l’éventuel solde de la créance (c. 4.1).
En l’espèce, la caisse de compensation avait adressé à l’assureur de l’hôpital une facture portant sur les prestations AI au cours de la période du 1er juin 1996 au 28 février 1999. L’assureur RC avait payé la totalité du montant ainsi réclamé le 5 août 1999 sans la moindre réserve, et en s’excusant même pour son retard. Le TF constate qu’au moment de ce paiement, l’ampleur totale du dommage, respectivement de la prétention récursoire de l’AI, n’était pas encore connue. L’assureur RC devait donc savoir que les prétentions récursoires de l’assureur social n’étaient alors pas définitives et que l’AI ferait valoir encore d’autres prétentions pour les périodes ultérieures. Comme l’assureur RC n’a pas contesté au moment du paiement son obligation fondamentale de procéder à d’éventuels autres paiements, son comportement ne pouvait pas signifier autre chose, selon les règles de la bonne foi, qu’une reconnaissance générale de dette au sens de l’art. 135 ch. 1 CO. Une éventuelle contestation ultérieure (16 mois plus tard) de l’obligation de payer tout autre montant de la part de l’assureur RC n’y changerait rien, et n’empêcherait pas rétroactivement le paiement de l’acompte de déployer un effet interruptif de la prescription, et de faire ainsi commencer à courir un nouveau délai conformément à l’art. 137 al. 1 CO (c. 4.3.1).
TF 9C_777/2013 du 7 avril 2014
Art. 52 al.1 LPGA
Le juge appelé à connaître de la légalité d’une décision rendue par les organes de l’assurance sociale doit apprécier l’état de fait déterminant existant au moment où la décision sur opposition litigieuse a été rendue. On ne saurait toutefois déduire de ce principe que l’organe d’exécution du régime des prestations complémentaires est en droit de prendre en considération tous les faits survenus entre sa décision initiale et la décision sur opposition qui la remplace. Il ne peut en tenir compte que dans la mesure où ces faits ont trait aux rapports juridiques sur lesquels il s’est initialement prononcé et sont susceptibles de modifier ceux-ci.
En outre, l’organe chargé de l’exécution du régime des prestations complémentaires est tenu de soumettre aux administrés concernés des calculs non seulement clairs et compréhensibles, mais qui correspondent également au dossier de la procédure.
TF 9C_921/2013 du 7 avril 2014
Art. 45 al. 1 LPGA; 78 al. 3 RAI
Selon l’art. 45 al. 1 LPGA, les frais de l'instruction de la demande sont pris en charge par l'assureur qui a ordonné les mesures. A défaut, l'assureur rembourse les frais occasionnés par les mesures indispensables à l'appréciation du cas ou comprises dans les prestations accordées ultérieurement. Les mesures d’instruction sont prises en charge par l’assurance quand elles ont été ordonnées par l’office AI ou, à défaut, en tant qu’elles étaient indispensables à l’octroi de prestations ou faisaient partie intégrante de mesures de réadaptation octroyées après coup (art. 78 al. 3 RAI).
Dans le cas d’espèce, l’office AI, suivi par les premiers juges, refusait de rembourser à l’assureur-maladie les prestations que celui-ci avait servies (pour traiter une insuffisance hypophysaire avec un déficit de l'hormone de croissance) au motif que, selon les art. 45 al. 1 LPGA et 78 al. 3 RAI, l’assureur à qui il incombait de faire des investigations devait en payer les coûts. Or, le cas n’ayant été annoncé à l’assurance-invalidité que le 30 novembre 2011, il n’incombait pas à celle-ci d’honorer des investigations antérieures à cette date. L’assureur-maladie a recouru au TF, soutenant que les investigations faites avant le 30 novembre 2011 avaient conduit au diagnostic d’une infirmité congénitale, laquelle devait être prise en charge par l’assurance-invalidité.
Ces investigations étaient par conséquent indispensables au sens de l’art. 78 al. 3 RAI. Pour le TF, l’art. 45 al. 1 LPGA (resp. l’art. 78 al. 3 RAI) contient une réglementation claire justement pour le cas où un assureur n’a pas ordonné de mesures : il lui incombe néanmoins d’en supporter les coûts, si, notamment, ces mesures étaient indispensables. Il n’existe pas de limite temporelle selon laquelle l’assureur ne devrait prendre en charge que les frais d’investigations menées après l’annonce de la demande de prestations.
Cela n’implique cependant pas que l’assurance-invalidité doive toujours assumer les frais engendrés par des investigations coûteuses avant le dépôt d’une demande de prestations AI. Elle n’y est tenue que si les investigations étaient indispensables pour l'octroi des prestations ou qu’elles font partie intégrante de mesures de réadaptation octroyées après coup.
Dans le cas d’espèce, les investigations menées étaient indispensables pour l’octroi des prestations en vue du traitement de l’infirmité congénitale, dès lors que l’office AI aurait dû de toute façon les ordonner après l’annonce de la demande des prestations. Il doit donc les prendre en charge.
TF 8C_394/2013* du 7 avril 2014
Art. 17 al. 1 LPGA; 88a al. 2, 88bis al. 1 RAI; 19 al. 1, 21 al. 3 LAA
En cas de rechute ou de séquelles tardives, la rente d’invalidité de l’assurance-accidents n’est révisée qu’à la fin du traitement médical, soit dès qu’il n’y a plus lieu d’attendre une sensible amélioration de l’état de santé de l’assuré. Une application par analogie des art. 88a al. 2 et 88bis al. 2 RAI n’est pas envisageable.
TF 8C_827/2013 du 7 avril 2014
Art. 28, 29 al.1 LAA
L’obligation de prester de l’assurance-accidents selon la LAA suppose entre autres qu’il existe un lien de causalité naturelle entre l’accident et l’atteinte à la santé. Un lien de causalité naturelle entre un événement dommageable et une atteinte à la santé suppose que, sans l’événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout ou qu’il ne serait pas survenu de la même manière. Toutefois, il n’est pas nécessaire que l’accident soit la cause unique ou immédiate de l’atteinte; il suffit que l’événement, associé éventuellement à d’autres facteurs, ait provoqué l’atteinte physique ou psychique à la santé.
Selon une pratique constante, en droit des assurances sociales, le lien de causalité naturelle entre une atteinte à la santé et un événement dommageable doit répondre au degré de la vraisemblance prépondérante (haute vraisemblance).
La question de l’existence ou non d’un droit à des prestations d’assurances sociales ne peut être jugée que sur la base de supports médicaux solides. Quant à la force probante d’un rapport ou d’une expertise médical(e), il est décisif que celui-ci/celle-ci soit complet(e), qu’il/elle repose sur un examen de toutes les circonstances déterminantes, qu’il/elle prenne en compte toutes les souffrances exprimées par l’assuré, qu’il/elle ait été déposé(e) en connaissance de l’anamnèse complète, que le jugement du contexte médical global et de la situation médicale en cause soit convaincant et que les conclusions établies par l’expert soient motivées. Ni la provenance, ni l’intitulé du moyen de preuve sont en principe déterminants. Du moment qu’ils/elles paraissent convaincant(e)s, logiques, dépourvu(e)s de contradictions et qu’il n’existe pas d’indice d’absence de fiabilité, les rapports/expertises de médecins/experts internes des assurances ont également force probante. Selon la pratique, ces expertises n’ont toutefois pas la même force probante qu’une expertise judiciaire ou requise par l’assuré dans le cadre d’une procédure selon l’art. 44 LPGA. On ne peut pas admettre qu’une expertise ou un rapport médical manque d’objectivité ou soit partial du seul fait que l’expert est lié à l’assurance par un contrat de travail. Toutefois, si un cas d’assurance est jugé sans qu’il soit fait recours à une expertise externe, les preuves doivent être appréciées de manière très stricte et sévère. S’il existe le moindre doute quant à la fiabilité et la cohérence des constatations faites par le ou les experts internes, il sied d’effectuer des investigations complémentaires.
TF 8C_835/2013 du 7 avril 2014
Art. 4 LPGA; 9 al. 2 OLAA
La notion d’accident, au sens de l’art. 4 LPGA, suppose une cause extérieure extraordinaire. Dans la pratique du basketball, un simple contact physique avec un joueur adverse n’a rien d’inhabituel et est donc dépourvu d’un tel caractère extraordinaire (c. 5.1 et 5.2).
L’art. 9 al. 2 OLAA liste de manière exhaustive les lésions corporelles qui sont assimilées à un accident même en l’absence d’un facteur extérieur extraordinaire. En particulier, la mention parmi ces lésions de la déchirure du ménisque (art. 9 al. 2 lit. c OLAA) ne permet pas d’assimiler à un accident les atteintes à d’autres parties du corps ayant une fonction comparable à celle des ménisques (c. 4.2 et 4.3).
TF 8C_629/2013 du 7 avril 2014
Art. 65, 90, 93 LTF
Recours de l’assureur LAA contre une décision cantonale admettant le recours de l’assurée et de l’assurance perte de gain maladie.
Lorsque le tribunal cantonal, après avoir mis en œuvre une expertise médicale, admet un recours en constatant que des frais médicaux sont dus pour une certaine période pour laquelle il faut, de plus, verser des indemnités journalières, cela correspond à une décision finale (partielle). Si, dans le même jugement, le tribunal cantonal renvoie l’affaire à l’assureur-accidents en lui ordonnant de statuer sur le versement d’une IPAI et d’une rente invalidité « au sens des considérants », cela constitue une décision incidente (partielle) qui ouvre la voie du recours en matière de droit public au TF, étant donné que l’assureur-accidents subit un dommage irréparable. Celui-ci devrait alors rendre une décision tendant au versement de prestations qu’il estime illégales (faute de pouvoir soumettre le cas au TF) et qu’il ne pourra pas attaquer lui-même. Ainsi, la décision incidente (partielle) ne pourrait pas être corrigée, raison pour laquelle il y a lieu d’entrer en matière sur le recours de l’assureur-accidents (c. 1.2).
Confirmation de la jurisprudence selon laquelle le tribunal ne doit pas s’écarter d’une expertise médicale judiciaire, sauf motifs impératifs (« zwingend ») (c. 4).
Pour admettre le lien de causalité naturelle, il n’est pas nécessaire que l’accident soit la cause immédiate des troubles de la santé. Admission du lien de causalité naturelle sur la base des constatations de l’expert judiciaire pour les suites de l’opération, elle-même en lien de causalité avec l’accident assuré (c. 5).
Lorsque l’affaire oppose deux assureurs, les frais de justice sont calculés sur la base de l’art. 65 al. 3 LTF, l’alinéa 4 ne s’appliquant pas (c. 6).
TF 8C_472/2013 du 7 avril 2014
Art. 28 al. 2, 43, 53 al. 2 LPGA; 55 OLAA
Est litigieuse la reconsidération, au sens de l’art. 53 al. 2 LPGA, demandée par l’assurée, suite au refus de l’assureur-LAA d’intervenir en raison de l’absence de renseignements donnés par celle-ci; en d’autres termes, la décision initiale de l’assureur-LAA doit-elle être qualifiée de manifestement erronée ?
Tel n’est pas le cas, selon le TF, puisque, avant de se prononcer en l’état du dossier, l’assureur-LAA avait vainement demandé à l’assurée de préciser ce qu’elle entendait par « Unfall mit Pferd », ce au moyen d’un questionnaire; aucune réponse, que ce soit à l’hôpital ou par la suite, n’a été apportée aux diverses relances de l’assureur, puis à sa commination respectant l’art. 43 al. 3 LPGA.
Certes, l’assureur social est soumis au devoir d’instruction, conformément à l’art. 43 al. 1 LPGA. Cependant, l’art. 28 al. 1 LPGA stipule que l’assuré doit collaborer ; pour le domaine de la LAA, l’art. 55 al. 1 OLAA précise que l’assuré doit donner tous les renseignements ou documents nécessaires à examiner l’accident, ses suites et les prestations en découlant. En cas de refus inexcusable, l’assureur social est fondé à se prononcer en l’état du dossier, au sens de l’art. 43 al. 2 LPGA.
TF 8C_717/2013 du 7 avril 2014
Art. 36 al.1, 43 LPGA; 92 LTF
Lorsqu’un complément d’expertise est effectué, le seul fait pour un expert d’avoir déjà été impliqué dans la procédure ne suffit pas à faire naître une apparence de prévention et, par conséquent, à motiver une demande de récusation.
En l’espèce, trois experts avaient rendu une expertise sur la base de laquelle l’assureur avait mis fin aux prestations LAA, décision confirmée par le Tribunal cantonal. Alors que le recours contre cet arrêt était pendant devant le TF, l’assuré a déposé une demande de révision, sur la base d’un nouvel examen médical (IRM du cerveau). Le TF a suspendu la procédure au fond et admis la révision. Suite à cette décision, le Tribunal cantonal a demandé un complément d’enquête aux mêmes experts. Le TF nie la prévention dans ce contexte et retient qu’il n’y avait pas d’indice de lésion au cerveau lors de la première expertise et que le complément ne visait pas à réévaluer toute l’expertise précédente mais à examiner le nouveau moyen de preuve et en analyser les conséquences.
TF 8C_622/2013 du 7 avril 2014
Art. 17 al. 1 LPGA
Un avis médical différent d'un même état de fait ne donne pas matière à réviser une rente.
Pour apprécier si les conditions de la révision d'une rente d'invalidité sont données, la modification du taux d'invalidité du bénéficiaire d'une rente n'est notable que si la différence est d'au moins 5% en matière d'assurance-accidents. Cela même si la différence ne s'apprécie qu'entre la décision, en l'espèce de la SUVA, et la décision sur opposition.
TF 8C_610/2013 du 7 avril 2014
Art. 10, 11, 24 LACI
Dans le cadre de l’assurance-chômage, une perte de travail ne peut être prise en considération que si elle se traduit par un manque à gagner. L’assuré au chômage partiel qui continue, pour le reste, d’exerce une ou plusieurs activités à temps partiel, doit se laisser imputer le revenu tiré de ces activités au titre de gain intermédiaire (confirmation de jurisprudence).
TF 8C_688/2013 du 7 avril 2014
Art. 16 al. 2 lit. i, 85 al. 1 lit. c, 85b al. 1 LACI; 17 let. c OACI
Un travail procurant un gain inférieur à 70% du gain assuré peut être considéré comme convenable, si l'assuré ne peut plus réaliser une activité comparable avec un revenu équivalent (art. 16 al. 2 let. i et 17 let. c OACI). Tel est le cas d'un travailleur qui fait l'objet d'une décision d'inaptitude de la SUVA (c. 5.1 et 5.2). L'autorité compétente jouit d'un certain pouvoir d'appréciation au moment de fixer le travail convenable (c. 5.3).
L'ORP est compétent, dans ce dossier particulier (cantons OW et NW), pour fixer le travail convenable, car il existe une délégation explicite dans le canton concerné au contraire de la situation décrite dans l'ATF 128 V 311 (c.4).
TF 8C_476/2013 du 7 avril 2014
Art. 105 al. 2 LTF; 27 al. 2 lit. a, 27 al. 4 LACI
Dans les litiges portant sur le versement d’indemnités de chômage, le TF conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - c'est-à-dire insoutenable, voire arbitraire (art. 105 al. 2 LTF).
La partie recourante, qui allègue qu’elle peut justifier d'une période de cotisation de douze mois et, partant, prétendre à 260 indemnités journalières conformément à l'art. 27 al. 2 let. a LACI, alors que l’instance cantonale a estimé qu’elle n'avait droit qu'à 90 indemnités en vertu de l'art. 27 al. 4 LACI, doit démontrer que les conditions d'une exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF sont réalisées.
La juridiction cantonale ayant estimé que la recourante ne pouvait justifier d’une période de cotisation de douze mois et la recourante ayant simplement maintenu sa thèse et les moyens développés devant les premiers juges sans expliquer en quoi les conditions d'une exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées, le recours a été rejeté par le TF.
TF 9C_125/2013* du 7 avril 2014
Art. 53 al. 2 LPGA; Lit. a al. 4 Disp. Fin. révision 6A LAI du 18 mars 2011
Un changement de pratique depuis l’entrée en force d’une décision ne peut être invoqué pour justifier un réexamen au sens de l’art. 53 al. 2 LPGA. En l’espèce, une rente accordée en raison d’une fibromyalgie bien avant que le TF n’assimile cette pathologie à un SPECDO et ne pose des exigences plus élevées pour juger de son caractère invalidant, n’est pas manifestement erronée au sens de cette disposition (c. 4.2).
Sous l’angle de la disposition finale LAI 6A, l’al. 4, qui fait obstacle à la révision d’une rente octroyée à cause d’un SPECDO lorsque l’assuré en bénéficie depuis plus de quinze ans « au moment de l’ouverture de la procédure de réexamen » doit être interprété de telle manière qu’il se réfère à l’ouverture de la procédure de réexamen en application de la disposition finale exclusivement. Lorsque, au moment de l’entrée en vigueur de cette disposition, soit au 1er janvier 2012, une procédure de révision était en cours en application de l’art. 17 LPGA, ce n’est donc pas le moment de l’ouverture de cette première procédure qui est déterminant pour juger de la durée du droit à la rente au sens de l’al. 4 de la lit. a de la disposition finale LAI 6A (c. 5).
TF 9C_748/2013 du 7 avril 2014
Lit. a al. 1 Disp. Fin. révision 6A LAI du 18 mars 2011
Le TF rappelle les conditions d’un réexamen du droit de la rente sur la base de la lit. a de la disposition finale LAI 6A. Ainsi, il n’est pas nécessaire qu’une modification notable de l’état de santé au sens de LPGA 17 soit intervenue. De plus, la rente d’invalidité doit avoir été reconnue uniquement sur la base d’un SPECDO (dont la fibromyalgie). Au moment de la révision, seul ce diagnostic doit subsister. Il convient également d’examiner si l’état de santé s’est détérioré et de vérifier si les « critères Foerster » sont remplis et s’ils permettent de conclure au caractère invalidant du trouble somatoforme douloureux (confirmation de jurisprudence).
Dans le cas d’espèce, la recourante a obtenu, en 2001, une demi-rente d’invalidité dont l’Office AI a ordonné la suppression en 2012 sur la base de la let. a des dispositions finales de la LAI. Toutefois, la recourante souffrait, lors de la décision d’octroi de la rente, non seulement d’une fibromyalgie, mais également d’une atteinte somatique. Les troubles subsistant encore à ce jour, les conditions de la lit. a al. 1 de la disposition finale LAI 6A ne sont pas remplies et la demi-rente ne peut être supprimée.
TF 9C_621/2013 du 7 avril 2014
Art. 16 LPGA; 28a al. 3 LAI
L’office AI ne peut pas appliquer la méthode mixte d’évaluation de l’invalidité sur la seule base d’une déclaration de l’assuré selon laquelle, en bonne santé, il n’aurait travaillé qu’à temps partiel si cela lui suffisait pour son entretien. Il y a lieu de vérifier qu’un tel salaire suffirait non seulement pour couvrir le minimum vital au sens du droit des poursuites, les impôts et les primes d’assurance, mais aussi pour constituer une épargne en vue d’éventuels coûts extraordinaires (médecin, dentiste, vacances, etc.) (c. 3).
TF 8C_808/2013 du 7 avril 2014
Art. 28 al. 2 LAI
Prise en considération d’une déduction sur les salaires statistiques dans le cas d’une assurée présentant une capacité de travail de 50% dans le cadre d’une activité adaptée à son état de santé.
Lorsque le revenu d’invalide d’un assuré est évalué sur la base de statistiques salariales, son âge ne peut être pris en compte dans le calcul de la déduction en raison des circonstances personnelles et professionnelles si, d’après les statistiques, le salaire moyen de travailleurs de la même catégorie moins âgés est moins élevé.
TF 9C_767/2013 du 7 avril 2014
Art. 28 LAI; 16 LPGA
Dans le cadre de l’expertise médicale pluridisciplinaire à laquelle l’assuré a été soumis, l’invalidité liée à des troubles psychiatriques a été arrêtée à 30 % et l’invalidité liée à des problèmes rhumatologiques à 1/3 (soit 33,33%). L’incapacité de travail retenue par le SMR a toutefois été fixée à 30% « pour des raisons pratiques », celui-ci ayant considéré que ce serait plus facile à appliquer.
Pour le TF, la décision de la Cour cantonale qui retient une capacité de travail résiduelle arrondie à 70% sur cette base est insoutenable. Il rappelle en effet que le médecin doit émettre un jugement sur l’état de santé et indiquer dans quelle mesure et dans quelle activité l’assuré est incapable de travailler, en se fondant sur les informations spécialisées de caractère médical. Or, en arrondissant le taux d’incapacité de travail de l’assuré pour des raisons pratiques, le SMR a fondé son appréciation sur des critères extra sanitaires qui ne peuvent être pris en considération par le tribunal.
Le recours a été partiellement admis et le droit à la rente recalculé sur la base d’une incapacité de 33%.
TF 9C_88/2014 du 7 avril 2014
Art. 105b OAMal; 30 al. 3 Cst.
Une personne qui refuse (fautivement) d’apporter la preuve qu’elle est effectivement assurée pour l’assurance-maladie obligatoire des soins et qui est affiliée d’office auprès d’un assureur-maladie par le service cantonal compétent doit supporter les frais de procédure et de poursuite engagés par cet assureur-maladie. Et ce, même s’il s’avère après coup qu’elle était en réalité (déjà) assurée et que l’affiliation d’office qui lui avait été signifiée est finalement annulée.
Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral a encore précisé qu’il n’y a lieu de tenir une audience (art. 30 al. 3 Cst.) ou des débats publics que si l’assuré en fait la demande de manière claire et indiscutable.
Une requête de preuve (demande tendant à la comparution personnelle ou à l'audition de témoins) ne suffit pas à fonder une telle obligation.
TF 9C_517/2013 du 7 avril 2014
Art. 25 al. 2 1ère phrase LPGA; 42 al. 1 2ème phrase LAMal
Le droit de demander la restitution d’une prestation indument touchée s’éteint un an après le moment où l’institution d’assurance a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation. Le début du délai de péremption relatif d’une année correspond à la date à laquelle l’assureur aurait dû connaître le manquement, en faisant preuve de l’attention requise et raisonnablement exigible.
Dans le système du tiers garant (art. 42 al. 1 2ème phrase LAMal), ce moment ne correspond pas à la date de la facturation de la prestation fournie, mais bien plutôt au jour où l’assuré adresse la facture à son assureur-maladie pour remboursement.
En l’espèce, le prestataire de soins (médecin-dentiste) est condamné à restituer à l’assureur-maladie des prestations qui lui ont été remboursées à tort (imageries par résonance magnétique IRM-Upright facturées de manière contraire à TARMED).
TF 8C_222/2013 du 7 avril 2014
Art. 97 al. 2, 105 al. 3 LTF; 48, 49 LAM
Le litige porte sur le taux de la rente pour atteinte à l’intégrité. Dès lors que le jugement entrepris porte sur le droit des prestations en espèces de l’assurance militaire, le TF n’est pas lié par les faits établis par l’autorité précédente (art. 97 al. 2 et 105 al. 3 LTF).
Aux termes de l’art. 48 de la Loi sur l’assurance militaire (LAM), si l’assuré souffre d’une atteinte notable et durable à son intégrité physique, mentale ou psychique, il a droit à une rente pour atteinte à l’intégrité (al. 1). La rente pour atteinte à l’intégrité est due dès la fin du traitement médical ou lorsque la poursuite du traitement ne laisse plus prévoir d’amélioration notable de l’état de santé de l’assuré (al. 2).
La rente pour atteinte à l’intégrité est fixée en pourcent du montant annuel qui sert de base au calcul des rentes selon l’art. 49 al. 4 LAM et compte tenu de la gravité de l’atteinte à l’intégrité (art. 49 al. 2 LAM).
Contrairement à l’ancienne pratique (ATF 117 V 71 c. 3), la loi ne limite pas le droit à une prestation à la seule atteinte des fonctions dites primaires de l’existence (comme la vue, l’ouïe, la faculté de marcher, etc.). Pour fixer le taux de l’indemnité, il faut également prendre en considération des atteintes non fonctionnelles (comme des altérations visibles) qui représentent des entraves ou des limitations dans le mode de vie en général ou dans la jouissance de la vie. Par mode de vie en général, on entend l’environnement personnel et social de l’assuré. En font partie les activités sociales comme la participation à la vie associative ou culturelle ainsi que les loisirs, notamment les activités sportives, artisanales ou médicales.
Pour évaluer le préjudice résultant d’une atteinte à l’intégrité, l’OFAM a élaboré des directives internes, des tables, des échelles, etc., destinées à garantir l’égalité des traitements entre les assurés. Selon une jurisprudence constante, une telle pratique n’est en principe pas critiquable. Ces valeurs de référence fixent les grandes lignes d’évaluation, qui permettent de situer le dommage à l’intégrité. Mais, dans le cas concret, il faut examiner, en tenant compte de toutes les circonstances, si l’atteinte à l’intégrité correspond à cette valeur ou si elle lui est supérieure ou inférieure. On s’en écartera par exemple en présence de conséquences extraordinaires de l’événement assuré.
TF 9C_451/2013* du 7 avril 2014
Art. 53d LPP; 27g, 27h OPP2
Clarifiant une notion interprétée de diverses manières en doctrine, le Tribunal fédéral a jugé que pour déterminer si un droit (collectif) aux provisions existe, au sens de l’art. 27h al. 1 OPP2, il y a lieu d’examiner uniquement si des risques actuariels sont cédés par l’ancienne institution de prévoyance, indépendamment de la couverture effective des risques actuariels par la nouvelle institution de prévoyance.
En tenant compte du principe fondamental de l’égalité de traitement entre les assurés (actifs et pensionnés ; de l’effectif sortant ou restant), et des bases techniques reconnues, le Tribunal fédéral a ainsi considéré que le collectif d’assurés sortants avait droit à une partie des provisions pour modifications des bases techniques, pour variation des risques (décès et invalidité), pour les retraites anticipées ainsi que pour les cas d’invalidité imminents.
TF 9C_599/2013 du 7 avril 2014
Art. 23 lit. a LPP
Est redevable des prestations obligatoires de la prévoyance professionnelle invalidité l’institution de prévoyance chez qui la personne était assurée au moment précis où est survenue l’incapacité de travail dont la cause est à l’origine de l’invalidité (art. 23 a LPP).
La connexité matérielle est admise lorsque l’atteinte à la santé à l’origine de l’incapacité de travail est la même que celle qui a conduit à l’incapacité de gain.
La connexité temporelle existe lorsque la personne assurée n’a pas récupéré une capacité de travail pendant un temps en principe supérieur à trois mois postérieurement à la survenance de l’incapacité de travail dont la cause est à l’origine de l’invalidité.
L’institution de prévoyance reste responsable et doit accorder ses prestations si la perte de rendement fonctionnel dans la profession ou le domaine d’activité relevant s’élève encore au moins à 20 %.
En l’espèce, l’institution de prévoyance auprès de laquelle était affilié l’assuré d’août 1999 à août 2001 conteste en vain devoir accorder une rente de la prévoyance invalidité à partir de mars 2006. Selon le TF, la survenance temporelle de l’incapacité de travail doit être établie de manière précise, ce qui exclut d’accorder une force probante aux hypothèses et aux suppositions subséquentes. En revanche, lorsque l’évolution de la maladie (ici: angoisses et phobies depuis 1997) est clairement documentée, les appréciations médicales rétrospectives peuvent être prises en compte pour compléter l’analyse de la perte de rendement de l’assuré entre deux périodes d’affiliation à des caisses de pension.
Le fait d’exercer une activité à 80 % pour des raisons personnelles sans lien avec la pathologie initiale ainsi que l’existence d’une aptitude au placement de 100 % vis-à-vis de l’assurance-chômage ne sont pas des éléments suffisants pour remettre en question la perte de rendement de 20 % attestée par le psychiatre-traitant ainsi que par l’expertise réalisée en janvier 2006.
En conclusion, l’institution de prévoyance avec affiliation d’août 1999 à août 2001 est jugée toujours responsable pour l’invalidité survenue en juin 2004, mais avec effet dès mars 2006.
TF 9C_569/2013 du 7 avril 2014
Art. 23 lit. a LPP
Admission du lien de connexité temporel de l’invalidité pour troubles schizo-affectifs avec la première incapacité de travail.
Le TF se réfère à sa jurisprudence concernant l’interruption du lien de connexité temporel en cas de reprise d’une activité raisonnablement exigible.
Il constate, dans le cas d’espèce, que les traitements n’ont pas empêché l’évolution de la maladie, dont le diagnostic était imprécis au départ, faisant échouer la reprise d’une activité professionnelle tentée de nombreuses fois.
La preuve de l’incapacité de travail dont la cause est à l’origine de l’invalidité doit être rapportée en principe en temps réel (« echtzeitlich »), ce qui exclut les hypothèses et spéculations. Le recouvrement de la capacité de travail s’apprécie cependant aussi en fonction des connaissances acquises ultérieurement (c. 5.3).
Dans le cas de troubles à évolution intermittente, il convient en particulier d’examiner si la reprise d’une activité professionnelle s’inscrit dans une perspective de reprise de l’activité sur le long terme. Il n’y a pas de rétablissement de la capacité de gain, si la reprise de l’activité conduit à une aggravation des symptômes et à de nouvelles incapacités de travail (c. 6.1).
TF 9C_928/2013 du 7 avril 2014
Art. 23, 26 al. 4 LPP
Le litige porte sur le droit du recourant à une rente d'invalidité de la prévoyance professionnelle de la part de la Caisse de pensions de son ancien employeur, trois ans après l'interruption du rapport de travail.
Le TF confirme les arguments de la Cour cantonale, en rappelant au double critère de connexité matérielle et temporelle entre l'incapacité de travail et l'invalidité exigé pour fonder l'obligation de prester d'une institution de prévoyance à laquelle était affilié l'intéressé.
Le TF reprend la notion d'invalidité adoptée par la Caisse de pensions dans son Règlement d'assurance et qui correspond à celle de la LAI: "l'assuré qui est reconnu invalide par l'assurance-invalidité fédérale est également reconnu invalide par la Caisse, avec effet à la même date et dans la même mesure, pour autant qu'il ait été affilié à la Caisse lorsqu'a débuté l'incapacité de travail dont la cause est à l'origine de l'invalidité".
Le TF confirme le jugement de la Cour cantonale, laquelle a nié tout lien de connexité matérielle et temporelle entre l'incapacité de travail survenue le 10 janvier 2008 jusqu'à la fin du rapport de travail (29 février 2008) et l'invalidité déterminante pour la prévoyance professionnelle, établie par l'AI dès le 1er novembre 2010.
Sur la base des faits, il a été établi que le recourant n'avait pas subi d'incapacité de travail déterminante, du point de vue de la prévoyance professionnelle, entre la fin du mois de février 2008 et le début de l'année 2009. Cela suffit à interrompre la connexité temporelle entre l'incapacité de travail subie alors qu'il était affilié auprès de la Caisse de pensions de son ancien employeur et l'invalidité subséquente.
En plus, l'incapacité de travail a été déterminée sur la base de renseignements pour le moins imprécis et trois ans après l'incapacité de travail survenue alors que le recourant était affilié à la Caisse, et que les employeurs successifs n'ont pas fait état d'aucune diminution des capacités de leur employé. Il n'y a pas lieu de retenir une incapacité de travail déterminante du point de vue de la prévoyance professionnelle pendant la durée du rapport de prévoyance auprès de la Caisse de pensions de l'ancien employeur.
TF 9C_780/2013 du 7 avril 2014
Art. 122 al. 1 CC; 5 al. 1 lit. b, 22 al. 1 LFLP
Le litige porte sur le partage des avoirs de prévoyance professionnelle accumulés par les ex-époux pendant la durée du mariage. L’épouse, dans sa requête en divorce, avait conclu au versement d’une indemnité équitable, conclusion qu’elle a abandonnée devant l’autorité de première instance en s’accordant, avec son époux, sur un partage des avoirs de prévoyance par moitié au sens de l’art. 122 CC. En procédure d’appel, l’ordre de transfert d’un montant déterminé a été annulé, le principe du partage par moitié des avoirs de prévoyance professionnelle accumulés par les parties durant le mariage étant ordonné avec transmission de la cause à la Chambre des assurances sociales pour détermination du montant à transférer. Cette dernière autorité a considéré que le montant qui avait été versé en espèces au conjoint en raison du fait qu’il s’était établi à son compte n’avait pas à être pris en considération. La recourante reproche à la Chambre des assurances sociales de n’avoir pas examiné si le paiement en espèces de la prestation de sortie rendait impossible le partage des prestations de sortie et, dans cette éventualité, de n’avoir pas renvoyé la cause au juge du divorce pour qu’il fixe une indemnité équitable au sens de l’art. 124 al. 1 CC.
Le TF considère que la recourante ne saurait s’en prendre au juge compétent selon l’art. 73 al. 1 LPP en se prévalant à nouveau du droit à une indemnité équitable, ce qui serait contraire au principe de la bonne foi en procédure, compte tenu de l’abandon de sa conclusion au versement d’une telle indemnité. Le TF confirme que la prestation de sortie versée en espèces du fait que le mari s’était établi à son compte, ceci avec le consentement écrit de sa conjointe, n’entrait pas en considération dans l’exécution du partage des prestations de sortie accumulées par les époux pendant la durée du mariage.
Brèves…
Un jugement contradictoire au point de ne pas permettre au TF de juger de la condition de l’existence d’un préjudice irréparable pour l’office AI recourant ne répond pas aux exigences de l’art. 112 al. 1 LTF et doit être annulé (TF, 8C_775/2013).
Lorsqu’un juge assesseur ne remplit plus les conditions d’éligibilité au moment où le jugement est instruit et mis en délibéré, l’art. 30 Cst est violé et l’arrêt doit être annulé pour cette seule raison déjà (TF, 9C_203/2013).
Un contrat collectif LCA prévoyant une couverture en cas d’accident pour les employés non couvert en LAA n’est vraisemblablement pas une assurance complémentaire à l’assurance-maladie sociale au sens de l’art. 7 CPC. Ainsi, même dans un canton qui a fait usage de la compétence que lui confère cette disposition, ce sont les tribunaux civils ordinaires qui seraient compétents pour juger d’un litige au sujet de l’application de ce contrat. Le TF n’est pas entré en matière sur le recours de l’assuré, qui ne satisfaisait pas aux exigences de motivation (TF, 4A_52/2014).
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