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unine - Faculté de droit de l'Université de Neuchâtel

NLRCAS Juillet 2022

Editée par Christoph Müller, Anne-Sylvie Dupont, Guy Longchamp et Alexandre Guyaz

TF 4A_431/2021 du 21 avril 2022

Responsabilité aquilienne; dommage, imputation des avantages, immeuble, plus-value en cas de rénovation; art. 41 et 42 CO

B. est propriétaire d’une maison mitoyenne et loue l’appartement situé au premier étage de l’immeuble à A. (la locataire). Le 10 février 2012, l’appartement occupé par la locataire a été entièrement détruit par un incendie qui a également endommagé l’appartement occupé par le propriétaire. La locataire a été condamnée pour incendie volontaire.

Le TF rappelle les deux types de dommages matériels qu’on distingue traditionnellement (c. 6.1.2). Lors du calcul du dommage (total ou partiel), il convient, dans la détermination de son montant, de procéder à l’imputation des avantages (en faveur du lésé) générés par l’événement dommageable, la valeur résiduelle d’un objet totalement détruit représente en principe un avantage financier à imputer (c. 6.1.3).

Le montant de CHF  617'556.20 fixé par les premiers juges se compose de trois postes de dommage : les travaux strictement nécessaires à la remise en état des parties endommagées (CHF 565'000.-) ; les taxes et frais divers (CHF 5'000.-) ; les frais de sécurisation et de couverture provisoire (CHF 47'556.20). S’agissant de la remise en état, la somme de CHF 565'000.- comprend, quant à lui, des postes pour lesquels la question d’une réduction de l’indemnité à la valeur du bien avant l’incendie ne se pose pas, par exemple pour ceux de la direction de la conception et de la construction (CHF 45'000.-) et de l’ingénieur civil (CHF 9'680.-), d’autant plus que le propriétaire ne peut en tirer aucun avantage. Sans ces postes de dommage, les frais d’assainissement s’élèveraient à environ CHF 510'320.-, proche de la valeur du bâtiment avant l’incendie de CHF 525'000 (selon la locataire). Il n’apparaît pas que le propriétaire ait subi une perte totale par rapport à l’immeuble, puisque le coût nécessaire à sa réparation ne dépasse pas la valeur de l’immeuble avant l’incendie et n’apparaît pas disproportionné (c. 6.2.1).

Le TF rejeté le grief de la locataire selon laquelle l’instance précédente n’aurait pas tenu compte de la plus-value que le propriétaire retire de la chose réparée, les explications de la locataire à ce sujet étant insuffisamment motivées (c. 6.2.4).

Auteur : David Ionta, juriste à Lucerne

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Responsabilité aquilienne Dommage

ATF 148 V 225, TF 8C_514/2021 du 27 avril 2022

Assurance-accidents; expertise, récusation; art. 44 LPGA

Le TF a confirmé la décision de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal vaudois. Dans le cas où deux médecins, en l’espèce des chirurgiens orthopédistes, qui oeuvrent parallèlement au sein d’un même centre d’expertise pluridisciplinaire et qui travaillent tous les jours dans les mêmes locaux au sein d’un petit cabinet de groupe dont ils partagent les frais, il est justifié de retenir une apparence de prévention. En effet, de tels contacts quotidiens doublés d’une communauté d’intérêts économiques à travers le partage des frais constituent des éléments objectifs suffisants – au vu des exigences élevées posées à l’impartialité des experts médicaux – pour faire naître à tout le moins une apparence de prévention lorsque l’un des associés est désigné comme expert par un assureur-accidents alors que son associé a déjà émis un avis médical sur le cas en tant que médecin-conseil dudit assureur.

Auteur : Guy Longchamp

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Assurance-accidents Procédure Publication prévue

ATF 148 V 286, TF 8C_701/2021 du 4 mai 2022

Assurance-accidents; assurance facultative des indépendants, rechute, gain assuré pour la fixation de la rente; art. 4 al. 1, 5 al. 1 LAA; 22 al. 1, 24 al. 2 et 138 OLAA

En 1997, A. s’est assuré contre les accidents à la Suva d’abord de manière facultative comme indépendant, avec un gain assuré fixé à CHF 48'600.-, porté à CHF 60'000.- dès 2002, puis de manière obligatoire comme salarié de sa propre entreprise à partir de 2004. En 2000, alors que ses gains étaient déjà largement supérieurs au gain maximum assuré en LAA, il a été victime d’un accident de travail. Ses séquelles ne l’ont pas empêché de poursuivre sa carrière sans entrave jusqu’à une rechute survenue en 2018 ayant conduit à l’octroi d’une rente d’invalidité LAA de 50 % dès avril 2020. La Suva a fixé le montant de la rente sur la base du gain assuré à l’époque de l’accident, soit CHF 48'600.-. La cour cantonale a considéré qu’il fallait tenir compte du gain hypothétique qui aurait été réalisé lors de la naissance du droit à la rente en vertu de l’art. 24 al. 2 OLAA par analogie.

Le TF rappelle qu’une rechute ne constitue pas un nouvel accident et est donc à charge de l’assurance en vigueur lors de l’accident, soit en l’espèce l’assurance facultative (c. 6). L’assurance facultative devrait être équivalente à l’assurance obligatoire (c. 7.1). Les primes et les prestations financières sont définies en fonction du gain assuré, qui peut être adapté chaque début d’année (c. 7.2). Le gain assuré ne devrait pas être durablement nettement plus élevé que le gain effectif. Les parties sont tenues, le cas échéant, d’adapter le montant en fonction des circonstances concrètes (c. 7.3 et 9.3.4).

En LAA obligatoire, l’art. 24 al. 2 OLAA permet d’éviter de défavoriser les assurés dont la rente est fixée plus de cinq ans après l’accident compte tenu de l’augmentation des salaires réels survenue entretemps. Cette norme s’applique aussi en cas de rechutes ou séquelles tardives (c. 8.3). Cette norme avait été jugée inapplicable à l’assurance facultative par le TFA dans un arrêt U 167/95 en raison du principe d’équivalence (c. 8.4). Le TF renverse cette jurisprudence (c. 9). A l’instar de la cour cantonale, il considère qu’il n’y a pas de raison que le gain assuré ne puisse être adapté qu’en défaveur de l’assuré, en cas de gain assuré surévalué, et non pas en faveur de l’assuré, en cas de gain assuré trop bas par rapport aux revenus effectifs (c. 9.1 et 9.3.3). En définitive, il s’agira de fixer la rente selon le salaire réalisé par l’assuré au moment de l’accident, adapté selon l’évolution des salaires nominaux survenue depuis lors (c. 9.4).

Auteure : Emilie Conti Morel, avocate à Genève

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Assurance-accidents Publication prévue

ATF 148 V 301, TF 8C_58/2022 du 23 mai 2022

Assurance-accidents; qualification d’un accident dû à la foudre, lien de causalité naturelle et adéquate; art. 4 LPGA; 6 LAA

A., médecin-assistante, pratiquait une randonnée en montagne lorsqu’elle a été frappée par la foudre. Cette dernière est passée à travers l’un des trous d’aération du casque situé sur le haut de l’arrière droit de la tête de A. et est ressortie par ses deux petits orteils droit et gauche. Des marques de brûlures claires ont été constatées par les médecins qui l’ont prise en charge. A. est restée aphasique et confuse durant plusieurs dizaines de secondes après avoir été frappée par la foudre. Après avoir servi les prestations légales durant un peu plus de deux ans, l’assurance LAA intimée a considéré que A. avait récupéré et que son état s’était stabilisé. Elle a cessé de verser les prestations légales, maintenant sa décision sur opposition. Le recours de A. a été rejeté par le Tribunal supérieur d’Appenzell Rhodes-Extérieures. Il est établi que A. a été frappée par la foudre, ce qui l’a rendue aphasique puis confuse, engourdie et désorientée. Selon la déclaration de sinistre, le dommage principal a été causé au cerveau. On ne connaît cependant pas les lésions exactes causées par le coup de foudre ni ses conséquences sur sa capacité de travail, respectivement de gain, le diagnostic exact n’ayant pas été posé.

Le TF considère qu’un accident dû à la foudre doit être qualifié de grave ou de moyennement grave à la limite des accidents graves et ne peut être comparé à un accident dû à l’électricité, et donc à une source de courant artificielle, même forte. En effet, les accidents dus à la foudre se caractérisent par une intensité de courant extrêmement élevée (plus de 100’000 ampères), une durée d’exposition très courte, avec une température très élevée (l’air s’échauffe dans le canal de la foudre jusqu’à environ 25’000 à 30’000° C), une onde de choc, et des tensions supérieur à 100 millions de volts (c. 4.3.5).

L’autorité cantonale a laissé ouverte la question de la causalité naturelle, dans la mesure où elle a considéré que la causalité adéquate devait être niée, les critères pour l’admettre n’étant pas remplis, à savoir des circonstances concomitantes particulièrement dramatiques, respectivement le caractère particulièrement impressionnant (c. 4.4.2.). Selon le TF, la qualification des accidents de foudre en tant que moyennement graves à la limite de graves et la présence d’un seul des critères précités – sans qu’il ne soit réalisé de manière particulièrement prononcée – devrait suffire pour reconnaître le lien de causalité adéquate (c. 4.5.). Le TF considère en particulier qu’on ne peut nier que les accidents dus à la foudre sont particulièrement impressionnants (c. 4.4.5.). Cela étant, si le lien de causalité adéquate ne peut être nié schématiquement entre les troubles persistants et le choc accidentel lié à la foudre, il n’est pas admissible d’admettre sans autre en l’espèce un lien de causalité adéquate entre d’éventuels troubles psychiques ou organiques non démontrables et un accident avant que les questions relatives à la nature des atteintes à la santé et du lien de causalité naturelle ne soient clarifiées par une expertise (c. 4.5.1.). Le TF admet le recours et renvoie l’affaire à l’intimée, afin qu’elle procède à une expertise sur les questions de faits concernées. Elle devra ensuite statuer à nouveau sur la prétention de la recourante concernant ses troubles organiques non objectivables (c. 4.5.2.).

Auteur : Gilles de Reynier, avocat à Colombier

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Assurance-accidents Causalité Publication prévue

ATF 148 III 232, TF 5A_907/2021 du 20 avril 2022

Prévoyance professionnelle; avoirs de prévoyance professionnelle, séquestre; art. 16 al. 1 OLP; 92 al. 1 ch. 10 et 93 LP

Le TF a jugé que l’exigibilité, au sens de l’art. 92 al. 1 ch. 10 LP, de la prestation de sortie versée sur un compte ou une police de libre passage à la survenance du cas de prévoyance nécessite une demande de l’ayant droit. Comme c’est le cas pour le paiement en espèces de la prestation de sortie (art. 5 LFLP), cette demande constitue une condition potestative et suspensive, dont dépend l’exigibilité du droit au paiement et qui s’analyse comme l’exercice d’un droit formateur. Par conséquent, la prestation est exigible au sens de l’art. 92 al. 1 ch. 10 LP et, partant, relativement saisissable (art.  93 LP), si le poursuivi en demande le versement et la touche effectivement.Avant qu’il ne dépose sa demande, il n’a qu’une expectative envers son institution de libre passage.

Auteur : Guy Longchamp

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Prévoyance professionnelle Publication prévue

ATF 148 V 277, TF 9C_79/2021 du 4 mai 2022

Assurance-vieillesse et survivants; délai de péremption, créances de cotisation, taxation fiscale, procédure de rappel d’impôt; art. 14, 16 al. 1 et 39 LAVS; 151 et 152 LIFD; 53 LPGA; 55, 66 et 67 PA

A. a été affilié, du 1er avril 1986 au 30 septembre 2005, en qualité de personne exerçant une activité lucrative indépendante auprès du GastroSocial Caisse de compensation (ci-après « la Caisse de compensation »). Au terme d’une procédure de rappel d’impôt à la suite d’une soustraction d’impôt, l’autorité fiscale cantonale a rendu des décisions de taxation rectificative le 28 août 2019. Sur la base des nouveaux revenus retenus par l’autorité précitée, la Caisse de compensation a requis le paiement par A. de cotisations sociales complémentaires pour l’année 2004 ainsi que pour la période du 1er janvier au 30 septembre 2005, par décisions du 14 octobre 2019 confirmées sur opposition le 8 janvier 2020. A l’issue du recours formé par A. par-devant la Chambre des assurances sociales de la Cour de Justice de la République et canton de Genève, les décisions précitées ont été annulées. La Caisse de compensation a alors formé un recours en matière de droit public à l’encontre de l’arrêt de la Cour de Justice.

Le litige vise à déterminer si la recourante était fondée à réclamer le solde des cotisations pour les années 2004 et 2005, respectivement si la créance correspondante était frappée de péremption.

A teneur de l’art. 16 al. 1 ph. 2 LAVS, l’exigibilité et le versement des cotisations visées aux articles 6 al. 1, 8 al. 1 et 10 al. 1 LAVS échoient dans un délai d’un an après la fin de l’année civile au cours de laquelle la taxation fiscale déterminante est entrée en force. Le TF rappelle à cet égard qu’il s’agit d’un délai de péremption, malgré le titre marginal de cette disposition. L’article 16 al. 1 LAVS s’applique notamment lorsqu’une procédure de soustraction d’impôt a été mise en œuvre.

Le législateur fédéral a ainsi maintenu une règle spéciale permettant à l’organe d’exécution de la LAVS de fixer les cotisations devant être déterminées en fonction de la taxation fiscale dans un délai qui dépend de la date de l’entrée en force de cette taxation. Aussi, ce délai peut excéder dix années, au vu notamment du délai de 15 ans prévu par l’article 152 al. 3 LIFD à teneur duquel le droit de procéder au rappel de l’impôt s’éteint 15 ans après la fin de la période fiscale à laquelle il se rapporte.

Le TF précise que le délai de l’art. 16 al. 1 ph. 2 LAVS ne saurait être raccourci par celui prévu en matière de révision procédurale, par les art. 53 al. 1 LPGA cum 67 PA, ainsi que le retenaient les premiers juges. Ces derniers ont en effet considéré que l’art. 16 al. 1 LAVS ne contenait aucune mention qui dérogerait, en tant que lex specialis, à l’art. 53 LPGA, alors qu’une révision procédurale au sens de cette disposition ne pourrait intervenir que dans le délai de péremption de dix ans (art. 66 al. 1 et 67 al. 2 PA). Le TF indique à ce titre qu’en l’espèce, l’existence d’un motif de révision procédurale, soit la taxation fiscale rectificative issue de la procédure de soustraction d’impôt, constitue seulement la condition à laquelle la période de cotisations initiale peut être revue, mais n’évince toutefois pas la règle spéciale de la péremption prévue par la disposition LAVS concernée.

La Caisse de compensation a ainsi respecté le délai d’un an après la fin de l’année civile au cours de laquelle les décisions de rappel d’impôt du 28 août 2019 sont entrées en force.

Le recours est dès lors admis.

Auteur : Christian Grosjean, avocat à Genève

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Assurance-vieillesse et survivants Publication prévue

TF 8C_782/2021 du 3 mai 2022

Assurance-invalidité; infirmité congénitale, mesures médicales, traitement à l’étranger, droit à la substitution; art. 9 al. 1 LAI; 23bis al. 3 RAI

Pour la prise en charge par l’assurance-invalidité de mesures médicales à l’étranger, il faut interpréter la notion d’« autre raison méritant d’être prise en considération » de l’art. 23bis al. 3 RAI à la lumière de l’art. 9 al. 1 LAI, qui postule le caractère exceptionnel d’un traitement à l’étranger. Cette condition n’est pas réalisée en présence d’une infirmité congénitale relativement courante (en l’espèce une hypospadie, ch. 352 OIC) pour laquelle il existe des traitements régulièrement pratiqués en Suisse, même si une méthode différente pratiquée en Allemagne réduit de 5 % les risques de complications.

Il n’existe pas, dans ce contexte, de droit à la substitution.

Auteure : Anne-Sylvie Dupont

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Assurance-invalidité

TF 9C_50/2022 du 17 mai 2022

Prestations complémentaires; renonciation à la fortune; art. 11 al. 1 let. g aLPC

Le TF commence par rappeler le principe selon lequel une renonciation à la fortune doit malgré tout être comptabilisée dans les revenus lors de l’examen du droit aux prestations complémentaires AVS/AI. On considère ainsi qu’il y a renonciation à la fortune lorsque la cession ne s’accompagne d’aucune obligation juridique ni d’aucune contrepartie adéquate.

Dans cette affaire, il s’agissait d’une personne qui vivait en-dessus de ses moyens et qui a ainsi dilapidé sa fortune jusqu’à devoir déposer une demande de prestations complémentaires. La situation étant antérieure à 2021 et ainsi, à l’entrée en vigueur de l’art. 11a al. 3 et 4 LPC, cette disposition n’était pas applicable.

Les premiers juges critiquaient la jurisprudence en arguant que la personne assurée qui consomme régulièrement plus de fortune que ce dont elle aurait besoin pour couvrir ses besoins vitaux préfinancerait en réalité son niveau de vie actuel plus élevé au moyen des prestations. L’adoption du nouvel art. 11a al. 3 LPC montrerait également que la jurisprudence du TF était erronée.

Le TF rappelle alors que pour retenir une renonciation à la fortune au sens de l’ancien art. 11 al.1 let. g LPC, il faut l’absence d’une obligation juridique, ainsi que l’absence de contrepartie adéquate (équivalente) en lien avec le dessaisissement de la fortune. Il continue en relevant que l’adoption du nouvel art. 11a al. 3 et 4 LPC soulève de nouvelles considérations juridiques. L’adoption de cette disposition ne reflète ainsi pas la situation qui prévalait avant son adoption. Dès lors, pour le TF, il n’y a pas de raison de s’écarter de la jurisprudence relative à l’ancien art. 11 al. 1 let. g LPC, selon laquelle il n’est pas important de savoir si un assuré vivait au-dessus de ses moyens avant de s’inscrire pour percevoir des prestations. Le train de vie de l’assuré n’est ainsi pas pertinent pour déterminer si l’on est en présence d’une renonciation à la fortune.

Auteur : Julien Pache, avocat à Lausanne

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Prestations complémentaires

TF 4A_28/2022 du 28 avril 2022

Assurances privées; assurance collective d’indemnités journalières en cas de perte de gain LCA, couverture d’assurance, cessation d’activité; art. 55 aLCA; 45 LCA et 45 aLCA

Est litigieuse en l’espèce la signification qui doit être donnée aux CGA de l’assurance collective en perte de gain LCA, selon lesquelles la couverture d’assurance prend fin notamment en cas de cessation dans les faits de l’activité professionnelle (« Geschäftsaufgabe »). Selon l’autorité cantonale, cette cessation d’activité intervient pour une société seulement au moment où l’ouverture de la faillite est prononcée et pas avant. Dans le cas d’espèce, cela signifie qu’à l’ouverture de la faillite du 16 janvier 2020, la couverture d’assurance était encore donnée pour le chef d’entreprise tombé en incapacité de travail à partir du 9 décembre 2019. L’assureur perte de gain ne partage, quant à lui, pas cet avis, estimant que dans les faits c’était déjà à compter du 2 décembre 2019 que l’activité de l’entreprise avait pris fin.

Le TF confirme, sur ce point, le jugement cantonal, estimant que l’assureur n’avait pas démontré dans son recours dans quelle mesure le droit fédéral aurait été violé par le sens donné par les juges cantonaux à l’expression de cessation d’activité (« Geschäftsaufgabe »), d’autant plus que cette interprétation se trouvait en accord avec l’art. 55 aLCA concernant la faillite du preneur d’assurance.

De même, le TF a renoncé à se prononcer sur la question de savoir s’il s’agissait d’une assurance de somme ou de dommage, au motif que l’assureur n’avait non plus pas suffisamment motivé ce point dans son recours.

Par contre, sur la question de la violation du devoir d’annonce, le TF constate une violation du droit d’être entendu par l’instance cantonale, laquelle n’a pas examiné les griefs de l’assureur en rapport avec les possibilités de réduction découlant de ses CGA, raison pour laquelle la cause est renvoyée à l’instance cantonale pour complément d’instruction, d’autant que les CGA peuvent, selon le Tribunal fédéral et contrairement à l’avis de l’instance cantonale, s’appliquer même si la violation du devoir d’annonce n’est pas causale, c’est-à-dire même si elle n’a eu aucun effet sur le dommage ; l’art. 45 aLCA, applicable en l’espèce, ne change rien à cela, car il ne prévoyait pas de règle sur la causalité, contrairement au nouvel art. 45 LCA.

Auteur : Didier Elsig, avocat à Lausanne et Sion

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Assurances privées

L'actualité liée aux prestations sociales accordées dans le cadre de la législation corona


L'actualité liée aux prestations sociales accordées dans le cadre de la législation corona

ATF 148 V 265, TF 9C_356/2021 du 10 mai 2022

APG-COVID; revenu déterminant, notion de « perte de gain ou de salaire »; art. 2 al 3bis O APG COVID-19

Une SA, active dans l’organisation d’évènements, dépose un recours en matière de droit public au TF concluant au versement d’indemnités perte de gain COVID-19 pour son directeur. Ce dernier avait été engagé au 1er janvier 2020 et avait continué à percevoir un salaire suite à l’entrée en vigueur des mesures de lutte contre le coronavirus le 17 mars 2020. Après avoir laissée ouverte la question de la qualité pour recourir de l’employeur dans les cas particuliers d’allocations perte de gain COVID-19 compte tenu de l’issue de la procédure (c. 1.4), le TF rappelle les conditions d’octroi desdites allocations, à savoir notamment que le revenu annuel antérieur doit avoir été compris entre CHF 10'000.- et CHF 90'000.- et qu’une perte de gain ou de salaire est nécessaire par rapport à cette valeur de départ (c. 3 et 5.3.2).

Le TF considère que, s’agissant des allocations perte de gain COVID-19, seule la personne assurée est l’ayant droit. L’employeur ne devient l’ayant droit à la prestation ni en raison de son éventuel droit au versement, ni en raison de son rôle procédural de recourant. Dès lors, seul le revenu soumis à des cotisations AVS est déterminant pour décider s’il y a perte de gain. L’allocation perte de gain selon l’art. 2 al. 3bis O APG COVID-19 n’a pas pour but d’amortir la baisse du chiffre d’affaires ou du bénéfice d’une entreprise, mais bien de compenser la perte de gain ou de salaire subie par les personnes assurées (c. 5.3.4.3).

Ainsi, le TF relève qu’il n’y a pas de perte de gain ou de salaire au sens de l’art. 2 al. 3bis O APG COVID-19 par une perte de chiffre d’affaires subie par l’employeur. Dans le cas d’une personne assurée ayant une position similaire à celle d’un employeur, le critère décisif est celui de savoir si elle a elle-même subi une perte de salaire. En d’autres termes, son droit à l’allocation perte de gain est subsidiaire au maintien du salaire par l’employeur (c. 5.3.5).

Au vu du maintien du versement du salaire par l’employeur, et partant, d’absence de perte de gain, le TF considère le recours comme infondé. Par ailleurs, le TF souligne que si l’on venait à considérer que le versement de plusieurs montants sur le compte courant du directeur ne suffisait pas à démontrer qu’il s’agissait d’un revenu soumis à cotisations au sens de l’art. 2 al. 3bis O APGV COVID-19, la condition d’un revenu annuel antérieur compris entre CHF 10'000.- et CHF 90'000.- n’aurait en tous les cas pas été remplie et le recours aurait également été infondé (c. 5.3.6).

Auteur : Tania Francfort, titulaire du brevet d’avocat à Lausanne

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APG COVID Publication prévue

TF 9C_448/2021 du 10 mai 2022

APG-COVID; portée de la notion de « perte de gain ou de salaire » et de « perte de chiffre d’affaires »; art. 2 al. 3bis et 3ter O APG COVID-19 (au 3 février 2022)

La société A. (Sàrl), dont B. et C. sont les uniques associés et gérants, est active dans le domaine du sport et de l’événementiel. En septembre 2020, B. et C. ont requis l’octroi d’allocations pour perte de gain en lien avec les mesures COVID-19, ce qui leur a été refusé en raison d’une absence de perte de revenu. B. et C. avaient en effet continué à se verser un salaire mensuel qu’ils prélevaient toutefois sur les fonds propres de la Sàrl. Le litige porte ainsi essentiellement sur l’interprétation des notions de « perte de gain ou de salaire » et de « perte de chiffre d’affaires », prévues à l’art. 2 al. 3bis et 3ter O APG COVID-19 du 20 mars 2020.

Après avoir appliqué les méthodes habituelles d’interprétation de la loi, le TF arrive à la conclusion que le droit à une indemnité de perte de gain COVID-19 présuppose, outre une perte minimale du chiffre d'affaires, une perte de gain ou de salaire. Partant, un salarié qui a continué à percevoir son salaire mensuel usuel, même si celui-ci a dû être versé par le biais de fortune de la société, ne subit pas de perte de salaire et n’a ainsi pas le droit à des allocations pour perte de gain (c. 4.2.1 et 4.2.2). Le fait que la fortune ou le capital social de l’entreprise, mis à contribution pour le paiement du salaire, aient été constitués à partir de la fortune privée des salariés, n’a aucun impact sur ce qui précède (c. 4.2.1 et 4.2.2).

Les pertes de salaire ou de chiffre d’affaires doivent être déterminées sur la base de montants réels qui découlent de la situation financière d’une entreprise qui existait préalablement à la mise en œuvre des mesures de lutte contre le COVID-19. Partant, les recourants ne peuvent pas faire valoir des pertes de salaires basées sur des salaires hypothétiques et non étayés (c. 4.3).

Le TF a également examiné la qualité pour recourir d’une Sàrl dans le cadre d’un refus d’octroi d’indemnités pour perte de gain COVID-19 à l’encontre de ses employés. Il a considéré que dans le cas d’espèce, dès lors que la société avait continué à verser les salaires mensuels à ses employés durant la pandémie, sa qualité pour recourir pouvait potentiellement découler de l’art. 7 al. 2 O APG COVID-19. Compte tenu de l’issue de la procédure, le TF a estimé qu’il n'était pas nécessaire de décider si la société avait ou non la qualité pour former un recours en matière de droit public au sens de l’art. 89 LTF (c. 1.3.2).

Auteur : David Métille, avocat à Lausanne

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APG COVID

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