TF 4A_449/2012 du 4 septembre 2013
Art. 5 al. 1 lit. b CPC ; art. 74 al. 2 lit. b et 105 al. 2 LTF ; art. 4 al. 1, 7 al. 1 et 12 al. 1 LCart ; art 16. al. 6 LAgr ; art. 41 CO
Producteur fromager (demandeur) s’étant vu refuser l’accès à la Coopérative des producteurs des fromages d’alpage « L’Etivaz » (défenderesse), l’empêchant d’utiliser l’appellation d’origine protégée (AOP) ou contrôlée (AOC) « l’Etivaz ».
La contestation ressortit au droit de la concurrence, soit une matière où le droit fédéral prévoit une instance cantonale unique (art. 5 al. 1 let. b CPC) implique que le recours en matière civile est donc recevable sans égard à la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. b LTF).
L’art. 16 LAgr institue l’appellation d’origine protégée, il charge le Conseil fédéral d’établir un registre de ces appellations et de réglementer les conditions de l’enregistrement, en particulier les exigences du cahier des charges propre à chaque appellation. La protection légale est indépendante de la performance commerciale et de son influence sur les rapports de force entre concurrents.
Au sens de la LCart, une entreprise occupe une position dominante notamment lorsqu’elle détient la totalité du marché déterminant et qu’elle n’est exposée à aucune concurrence parce que les circonstances de fait ou de droit rendent improbable l’irruption d’une autre entreprise sur ce marché (art. 4 al. 2 LCart). Ainsi, en contraignant dans le cahier des charges de l’appellation d’origine à utiliser les services exclusifs, pour l’affinage du formage, les caves de l’association défenderesse, cette dernière occupe une position dominante sur le marché déterminé au sens de la LCart.
Selon l’art. 7 al. 2 lit. a LCart, le refus d’entretenir des relations commerciales, en particulier le refus d’acheter ou de livrer des marchandises, s’inscrit dans les pratiques éventuellement abusives visées par l’art. 7 al. 1 LCart. L’entreprise en position dominante se comporte de manière abusive lorsqu’elle dispose seule des équipements ou installations indispensables à la fourniture d’une prestation, qu’il n’existe pas de concurrence sur le marché de ses prestations, que l’entreprise refuse sans raison objective de mettre l’infrastructure ainsi à la disposition d’un concurrent potentiel et que celui-ci n’a aucune solution de remplacement. La défenderesse refuse d’admettre le demandeur à titre de sociétaire et de recevoir sa production pour l’affinage. Ce refus empêche le demandeur de commercialiser cette même production sous l’appellation protégée « L’Etivaz ». Cependant, un refus d’entrer en relation commerciale n’est pas abusif, et il échappe ainsi à la censure de l’art. 7 al. 1 LCart., s’il répond à une justification objective. L’entreprise en position dominante n’est pas tenue de fournir ses services ou de donner accès à ses installations lorsque ses capacités sont insuffisantes et qu’ainsi elle ne pourrait plus satisfaire entièrement les besoins de sa propre clientèle.
En l’espèce, faute de répondre à la justification objective, le refus d’entrer en relation avec le demandeur se révèle abusif, et partant illicite aux termes de l’art. 7 al. 1 LCart.
Selon les art. 12 al. 1 lit. a et 13 lit. b LCart, celui qu’une pratique illicite entrave dans l’accès à la concurrence peut demander en justice la suppression ou la cession de l’entrave (art. 12 lit. a) ; il peut notamment réclamer que la partie adverse soit condamnée à conclure avec lui des contrats conformes au marché et aux conditions usuelles de la branche (art. 13 lit. b).
Selon l’art. 12 al. 1 lit. b LCart, celui qu’une pratique illicite entrave dans l’accès à la concurrence peut demander en justice la réparation du dommage ; cette prétention est soumise aux règles de la responsabilité délictuelle.
Le demandeur doit prouver, au moins au degré de la vraisemblance prépondérante, un lien de causalité naturelle entre l’entrave à la concurrence et la perte de gain.
Télécharger en pdf