TF 4A_508/2018 du 17 avril 2019
Responsabilité du détenteur de véhicule automobile; procédure civile; for; consorité; art. 15 al. 1, 71 al 1 CPC
La victime de deux accidents de circulation survenus en 2005 et en 2008 ouvre action en réparation du dommage contre les assureurs responsabilité civile des détenteurs concernés devant la même juridiction. Elle fait valoir qu’il existe une consorité passive simple entre eux. L’un d’eux soulève une exception d’incompétence ratione loci, laquelle est admise par les tribunaux ayant eu à connaître de l’affaire.
Le TF relève que la première partie de l’art. 15 CPC correspond à l’art. 7 LFors ; toutefois, en raison de la définition de la consorité simple donnée à l’art. 71 al. 1 CPC, la jurisprudence rendue à propos de l’art. 7 al. 1 LFors n’est pas applicable (c. 4.1.2). Pour que plusieurs personnes puissent agir ou être actionnées conjointement, l’art. 71 al. 1 CPC exige que leurs droits et devoirs résultent de faits ou de fondements juridiques semblables (c. 4.2). Le for la consorité passive simple sert l’économie, respectivement la simplification de la procédure : il a pour but de garantir une décision adéquate et d’éviter des jugements contradictoires (c. 4.2.2). Pour admettre la connexité des faits selon l’art. 71 al. 1 CPC, il importe qu’on ait affaire à une similitude des faits (Gleichartigkeit der Tatsachen) qui ont conduit à l’émergence des droits et des obligations contestés ; tel n’est pas le cas de deux accidents indépendants l’un de l’autre, qui se sont déroulés à des moments et des lieux différents. Des mesures d’instruction distinctes devront être ordonnées et on ne voit pas quelle simplification pourrait apporter la concentration de l’administration des preuves en une seule procédure (c. 4.3.1).
La connexité juridique au sens de l’art. 71 al. 1 CPC suppose une similitude des fondements juridiques. Une consorité passive entre des responsables solidaires peut servir l’économie de la procédure et éviter des jugements contradictoires. Par un jugement unique sur la demande principale du lésé, le règlement interne entre les responsables peut en être facilité. Si des faits font l’objet d’une appréciation juridique uniforme, on peut s’assurer de la comptabilité des résultats de la procédure (c. 4.3.2.1). Dans le cas d’espèce, toutefois, la juridiction précédente a nié la solidarité des défendeurs et, par conséquent, la connexité juridique des deux actions ; en particulier, l’art. 60 LCR n’est pas applicable en cas d’accidents multiples (c. 4.3.3). Elle a également nié que la solidarité puisse être construite sur la base des principes généraux (c. 4.3.4). Dans le cas d’une solidarité imparfaite, il appartenait à la lésée de démontrer les avantages qu’une procédure unique pourrait avoir, ce qu’elle n’a pas fait.
Auteur : Alexis Overney, avocat à Fribourg