NLRCAS juin 2024
Editée par Christoph Müller, Anne-Sylvie Dupont, Guy Longchamp et Alexandre Guyaz
TF 8C_229/2023 du 26 avril 2024
Assurance-chômage; calcul du gain intermédiaire; art. 10 al. 2 let. b, 24 al. 1 et 3 LACI
Après avoir été licencié de son emploi à temps partiel de 15 heures par semaine, un justiciable requiert l’octroi d’indemnités de chômage, indiquant à la caisse de chômage qu’il était prêt et en mesure de travailler à temps plein. Il a continué d’exercer une autre activité à temps partiel, pour laquelle le contrat de travail prévoyait un « temps de travail hebdomadaire » de 16,50 heures « selon les plans d’intervention ». Dans sa décision sur opposition, la caisse de chômage a retenu que le gain intermédiaire devait être calculé en fonction du temps de travail convenu dans le contrat de travail. Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral a considéré que l’instance précédente avait violé le droit fédéral en annulant la décision sur opposition de la caisse de chômage et l’obligeant à calculer le gain intermédiaire en tenant compte du salaire effectivement versé durant les périodes de contrôle.
Le salaire que les personnes partiellement au chômage au sens de l’art. 10 al. 2 let. b LACI continuent d’obtenir grâce à l’activité exercée à temps partiel doit être pris en compte comme gain intermédiaire. Est réputé intermédiaire tout gain que le chômeur retire d’une activité salariée ou indépendante durant une période de contrôle ; l’assuré qui perçoit un gain intermédiaire a droit à la compensation de la perte de gain (art. 24 al. 1 LACI). Est réputée perte de gain la différence entre le gain assuré et le gain intermédiaire, ce dernier devant être conforme, pour le travail effectué, aux usages professionnels et locaux (art. 24 al. 3 LACI).
Selon la jurisprudence, ce sont les salaires effectivement perçus qui sont déterminants pour la détermination du gain assuré, et non les salaires fixés dans le contrat de travail. On ne peut toutefois pas encore en déduire que le même principe devrait s’appliquer aux gains intermédiaires (c. 7.1.2). Le sens et le but de l’art. 24 al. 3 LACI consistent manifestement à limiter les paiements compensatoires de l’assurance-chômage pendant les différentes périodes de contrôle à la différence entre le gain intermédiaire réalisé pendant la période de contrôle et le gain assuré. L’art. 24 al. 3 LACI prévoit un correctif pour lutter contre les abus : si le gain intermédiaire ne correspond pas au taux usuel de la profession ou de la localité, la perte de gain n’est compensée qu’à hauteur de la différence entre le salaire usuel de la profession ou de la localité et le gain assuré. Il s’agit notamment d’éviter que l’employeur et le travailleur puissent convenir d’un salaire trop bas pour que la différence soit indemnisée à la charge de l’assurance-chômage (c. 7.4.1).
Si une personne inscrite à l’assurance-chômage exerce une activité lucrative, le gain intermédiaire au sens de l’art. 24 al. 1 et 3 LACI doit correspondre au droit au salaire acquis et non au montant versé par l’employeur. Ce n’est qu’ainsi qu’une délimitation correcte avec les obligations de paiement de l’employeur relevant du droit du travail peut avoir lieu (c. 7.4.2). Si l’on suivait le point de vue de l’instance précédente selon lequel le gain intermédiaire devrait correspondre au salaire versé pour des heures de travail effectives et non aux heures de travail convenues contractuellement, cela pourrait conduire à un contournement de l’art. 24 al. 3 LACI, dans la mesure où les employeurs seraient incités à ne pas respecter leurs propres obligations découlant du contrat de travail individuel. Ceux-ci pourraient en effet renoncer à verser le salaire convenu, puisque le manque à gagner des employés serait couvert par les indemnités journalières de chômage. Or le risque entrepreneurial ne saurait être transféré à l’assurance-chômage (c. 7.4.3).
En résumé, la formulation de l’art. 24 al. 1 et 3 LACI n’est pas claire s’agissant de la définition du gain intermédiaire réalisé. La genèse de la réglementation sur les gains intermédiaires n’apporte pas d’éléments supplémentaires. Toutefois, la systématique de la loi et la ratio legis conduisent à assimiler le gain intermédiaire réalisé – indépendamment du montant de la rémunération versée par l’employeur – au droit au salaire fixé par le contrat de travail. La méthode de calcul du gain intermédiaire prescrite à la caisse dans l’arrêt du Tribunal cantonal s’avère contraire au droit fédéral, raison pour laquelle il doit être annulé (c. 7.5).
En l’espèce, comme les faits sont loin d’être clairs concernant les accords conclus dans le cadre du contrat de travail, en ce sens qu’il pourrait possiblement s’agir d’un travail sur appel, l’affaire est renvoyée à la caisse de chômage pour instruction complémentaire et nouvelle décision.
Auteur : Alexandre Lehmann, avocat à Lausanne
TF 8C_438/2023 du 18 mars 2024
Assurance-chômage; prestations transitoires pour anciens chômeurs, dessaisissement de fortune; art. 13 al. 1 et 2 LPtra
La loi sur les prestations transitoires pour anciens chômeurs (LPtra) a pour but de fournir une aide aux chômeurs en fin de droit ayant atteint l’âge de 60 ans. La caisse cantonale de compensation AVS/AI/APG recourt contre la décision du Tribunal cantonal (TI) niant le désistement de fortune supérieur à CHF 50'000.- reproché à l’assuré (art. 5 al. 1 let. c LPtra). Le requérant avait dépensé sa fortune de CHF 123'193.- du 3 décembre 2002 au 30 septembre 2022 sans justification d’après la caisse de compensation recourante qui lui avait refusé les prestations transitoires constatant une renonciation à des parts de fortune de CHF 71'000.-. Il avait en particulier consommé son capital de prévoyance prélevé à l’âge de 58 ans, à raison de CHF 13'000.- par mois, avant le 1er juillet 2021, date de l’entrée en vigueur de la loi sur les prestations transitoires.
Selon l’art. 13 al. 2 LPtra, les autres revenus, parts de fortune et droits légaux ou contractuels auxquels l’ayant droit a renoncé sans obligation légale et sans contre-prestation adéquate sont pris en compte dans les revenus déterminants comme s’il n’y avait pas renoncé. En l’absence d’une base légale régissant l’application temporelle de la loi, les dépenses intervenues avant le 1er juillet 2021 ne sont pas à prendre en considération (art. 13 al. 2 LPtra ; art. 24 al. 2 OLPtra) (c. 5.2.1).
Le principe de non-rétroactivité des lois résulte de la Constitution (art. 5, 8 et 9 Cst.). Elle ne peut intervenir que s’il existe une base légale suffisante, en présence d’un intérêt public prépondérant et si l’égalité de traitement ainsi que les droits acquis sont respectés. Lorsque le législateur réglemente un état de fait antérieur toujours existant à l’entrée en vigueur de la loi, la rétroactivité est qualifiée d’impropre et doit garantir les droits acquis (c. 7.1.2.1).
Le message du Conseil fédéral exprimant la volonté de se calquer largement sur la LPC dans sa nouvelle teneur du 1er janvier 2021 ne permet pas encore de conclure à la rétroactivité des nouvelles dispositions légales. Le Tribunal fédéral juge nécessaire de procéder à l’interprétation de l’art. 13 al. 2 sur la renonciation aux « parts de fortune » sans y être légalement tenu et en l’absence de contre-prestation adéquate, tandis qu’à l’al. 3, il est question du calcul du montant de la fortune « dépensée » sans raison valable. L’ordonnance permet toutefois d’établir que l’art. 13 al. 2 LPtra vise les cas d’aliénation des parts de fortune (art. 24 let. a et 25 OPtra), alors que l’art. 13 al. 3 LPtra traite de la « consommation excessive » de fortune (art. 24 let. b et 26 OPTra). Cette claire distinction est faite aussi par le commentaire de l’ordonnance qui consacre l’influence de la loi sur les prestations complémentaires (à l'art. 24 OPtra let a 25 OPtra).
Dans son examen des deux systèmes LPC et LPtra, le Tribunal fédéral retient néanmoins que des règles différentes ont été adoptées en matière de dessaisissement de fortune antérieur à la naissance du droit. L’art. 11a al. 4 LPC étend expressément l’application de l’art. 11 al. 3 LPC aux dix années précédant le droit à une rente de vieillesse de l’AVS, ce qui n’a pas été prévu pour l’art. 13 al. 3 LPtra (c. 7.2.3.3). Bien que les deux systèmes prévoient un seuil de fortune à partir duquel l’assistance doit être fournie, on ne peut conclure à un parfait parallélisme des deux normes. Le Tribunal fédéral déduit même des travaux préparatoires (PV de la CSSS du Conseil des Etats du 21 novembre 2019) une volonté du législateur de considérer le caractère non planifiable du chômage pour renoncer à légiférer sur le dessaisissement avant la naissance du droit aux prestations transitoires. L’art. 13 al. 3 LPtra (art. 24 let. b et 26 al. 1 et 2 OPtra) prévoit ainsi expressément que le dessaisissement de fortune est pris en compte à partir de la naissance du droit aux prestations transitoires.
La jurisprudence développée en matière de prestations complémentaires (PC) sur le dessaisissement de fortune (obligation de collaborer et conséquences si la diminution extraordinaire de fortune n’est pas justifiée) s’applique aux prestations transitoires. Une présomption de renonciation à la fortune, comme pour les PC, est admise dans tous les cas où l’intéressé n’a pas justifié le motif de la diminution. Dans le cas d’espèce, toutefois, seul l’art. 13 al. 2 LPtra pourrait entrer en ligne de compte et non l’art. 13 al. 3 LPtra qui limite l’examen du dessaisissement à compter de la naissance du droit aux prestations transitoires. En l’espèce, il n’a pas été démontré que les juges cantonaux auraient apprécié les preuves de manière arbitraire (art. 9 Cst.) en retenant que les sommes dépensées avant la naissance du droit ne constituaient pas une renonciation à des parts de fortune (au sens de l’art. 13 al 2 LPtra) (c. 7.2.4.2.)
Auteure : Monica Zilla, avocate à Neuchâtel
TF 9C_491/2023 du 3 avril 2024
Assurance-vieillesse et survivants; rente de veuf, suites de l’arrêt Beeler c. Suisse; art. 24 al. 1 LAVS; 8 CEDH
Dans la mesure où il opère une distinction entre hommes et femmes, l’art. 24 al. 1 LAVS, qui ne prévoit le droit à une rente de conjoint survivant, en l’absence d’enfant à charge, qu’en faveur des secondes, est contraire à l’art. 8 al. 3 Cst. Le droit à la rente de conjoint survivant dans cette constellation ne tombe toutefois pas dans le champ d’application de l’art. 8 CEDH, dans la mesure où la prestation sociale n’a ici pas d’impact sur l’organisation de la vie familiale selon les critères dégagés par la Cour EDH dans l’affaire Beeler c. Suisse. C’est donc à bon droit que les premiers juges ont confirmé le refus de la rente à un homme de 59 ans dont les enfants étaient tous deux majeurs depuis un certain temps au moment du décès de son épouse. Dans la mesure où elle se calque sur la jurisprudence européenne, la lettre-circulaire n° 460 fixant le régime transitoire à la suite de l’arrêt Beeler c. Suisse n’est pas lacunaire.
Note : Pour un résumé et une analyse de l’arrêt Beeler c. Suisse, voir ici. La Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de Genève est parvenue à une conclusion similaire dans un arrêt du 5 juillet 2023 (ATAS/552/2023), résumé et annoté dans la Semaine judiciaire (SJ 4/2024 250 ss).
Auteure : Anne-Sylvie Dupont
TF 9C_742/2023 du 8 avril 2024
Prise en charge d’un enfant malade; absence de pronostic défavorable; art. 16n ss LAPG
Une fille de trois ans et demi a subi une fracture intracrânienne de la paroi supérieure de l’orbite gauche, avec une lésion perforante de la paupière supérieure le 4 février 2022 en tombant sur la pointe métallique d’une baguette de Diabolo. Après avoir attendu, en vain, de voir si le fragment osseux se repositionnait spontanément, la fillette a subi une opération du crâne le 9 février 2022. L’intervention s’est déroulée sans complication et l’enfant a pu quitter l’hôpital le 14 février 2022. La mère a demandé les allocations pour enfant gravement atteint dans sa santé du 15 février au 27 mars 2022, ce qui lui a été refusé par la caisse de compensation. L’instance cantonale a confirmé le refus de la caisse de compensation. La mère recourt devant le Tribunal fédéral contre le jugement du Tribunal des assurances.
Selon l’art. 16o LAPG, un enfant est réputé gravement atteint dans sa santé aux conditions cumulatives suivantes : il a subi un changement majeur dans son état physique ou psychique, l’évolution ou l’issue de ce changement est difficilement prévisible ou il faut s’attendre à ce qu’il conduise à une atteinte durable ou croissante à l’état de santé ou au décès, l’enfant présente un besoin accru de prise en charge de l’un des parents et au moins un des parents doit interrompre son activité lucrative pour s’occuper de l’enfant.
Selon la circulaire de l’OFAS sur l’allocation de prise en charge (N 1037.3), les maladies bénignes ou les suites d’accidents ainsi que les atteintes moyennes peuvent nécessiter une hospitalisation ou des consultations médicales régulières et rendre la vie quotidienne plus difficile. Dans ces cas (par exemple, fractures, diabète, pneumonie), on peut toutefois prévoir une issue positive ou sous contrôle et il n’y a donc pas de droit à l’allocation de prise en charge. Le législateur part également du principe qu’une durée minimale du traitement médical de quelques mois est nécessaire pour retenir une atteinte grave à la santé (FF 2019 4103 ss, 4134 en all.).
En l’espèce, le médecin avait coché sur le formulaire de demande les trois cases correspondant aux trois premières conditions de l’art. 16o LAPG, mais pas celle de l’interruption de l’activité lucrative de l’un des parents. L’hôpital, après avoir pris des renseignements auprès du médecin responsable, a complété l’information par courriel du 14 mars, dans lequel il constatait que le traitement ne s’était pas déroulé sur une longue période, que le pronostic n’était pas difficilement prévisible et que l’enfant n’était pas atteint si gravement qu’il nécessitait une prise en charge intense. Lors du contrôle post-opératoire, une évolution très favorable était constatée, sans déficit neurologique.
La recourante reproche à la cour cantonale d’être partie du principe que le pronostic était positif du seul fait que la fillette avait rapidement pu quitter l’hôpital. L’art. 16o let. d LAPG ne trouverait ainsi jamais application puisque toutes les situations dans lesquelles le pronostic est mauvais nécessitent que l’enfant reste à l’hôpital. Le Tribunal fédéral balaie cet argument, en relevant que la cour cantonale ne s’est pas fiée au retour à domicile pour trancher, mais s’est basée sur l’avis de sortie, pour conclure à un pronostic positif. Il relève également que même une issue négative n’empêche pas une sortie de l’hôpital, de sorte que l’argument de la recourante tombe à faux.
La recourante reproche ensuite à l’instance cantonale d’avoir procédé à un jugement a posteriori, en retenant la bonne évolution constatée lors du contrôle post-opératoire du 7 mars 2022. Or, lors de la sortie de l’hôpital, le pronostic n’était pas aussi clair et prévisible. Le Tribunal fédéral rejette ces considérations de nature purement appellatoire et relève que la recourante ne peut rien tirer du formulaire rempli par le médecin, qui a été ensuite contredit par le complément. Le médecin n’a par ailleurs jamais attesté de la réunion des quatre conditions de l’art. 16o LAPG.
En conclusion, le Tribunal fédéral confirme que l’appréciation de la cour cantonale n’est pas manifestement inexacte lorsqu’elle conclut que l’état de santé de la fillette n’était plus imprévisible lors de sa sortie de l’hôpital le 14 février 2022 et qu’on ne devait alors plus s’attendre à une atteinte durable ou croissante ou au décès. Le refus d’allocations est donc confirmé.
Auteure : Pauline Duboux, titulaire du brevet d’avocat à Rennaz
TF 6B_308/2022 du 2 avril 2024
Responsabilité aquilienne; homicide par négligence, violation des règles de la circulation routière, devoir de prudence, prinicpe in dubio pro reo; art. 117 CP; 17, 36, 37 et 39 LCR; 17 OCR; 13 aOTConst
Les dispositions topiques de la LRC et de l’OCR ont vocation à s’appliquer par analogie, sur les chantiers également, lorsqu’il s’agit de concrétiser le contenu du devoir de diligence des conducteurs de véhicule (c. 3.2).
Le fait que l’art. 17 al. 1 OCR fasse de manière générale peser l’obligation d’avoir recours à un tiers sur le conducteur du véhicule concerné ne peut faire perdre de vue les circonstances spécifiques de l’espèce. La marche arrière en cause s’inscrivait en effet dans le cadre d’une procédure organisée au préalable et coordonnée, qui impliquait plusieurs autres camions, ainsi que la fraiseuse, et était en l’occurrence supervisée par la victime. Les travaux se déroulaient dans une zone où la présence de tiers extérieurs au chantier était en principe exclue. Quant à la marche arrière qu’a effectuée l’intimé, à la suite de ses collègues chauffeur de camion précédemment intervenus sur le chantier, elle s’est déroulée dans la zone d’intervention prévue de la fraiseuse, où nul n’avait de motif de se tenir, pas même la victime, étant rappelé qu’elle était responsable du chantier et de sa sécurité. Ainsi peut-on admettre, en se replaçant dans une perspective ex ante, qu’à l’entame de sa manœuvre, l’intimé n’avait pas à anticiper la présence ou l’apparition inopinée de tiers dans la zone concernée. L’intimé pouvait raisonnablement exclure tout danger qui aurait dû le contraindre à être secondé pour effectuer sa marche arrière. Dans cette mesure, la question de savoir à qui incombait la responsabilité de requérir une aide pour effectuer la manœuvre se trouve privée d’objet. En tout état, il s’ensuit que l’on ne peut imputer à l’intimé une violation de son devoir de diligence sur ce plan (c. 5.3).
L’art. 17 al. 2 OCR, toujours applicable par analogie dans le présent contexte, précise que la marche arrière ne doit s’effectuer qu’à l’allure du pas. Il s’agit, en d’autres termes, d’une vitesse de 5 km/h environ. Au regard des constatations cantonales, les valeurs moyennes de 3 km/h, respectivement de 7 km/h retenues demeurent dans une fourchette admissible et permettaient malgré tout aux juges précédents de considérer, sans violer le droit fédéral, que la vitesse d’évolution de l’intimé lors de sa manœuvre de marche arrière ne paraissait pas inadaptée. La cour cantonale était donc fondée, in fine, à dénier l’existence d’une violation du devoir de diligence sous cet angle également (c. 6.2).
S’agissant de la causalité, l’instruction, qualifiée de complète par les juges précédents, n’a pas permis de trancher entre l’hypothèse d’une inattention, d’un faux pas ou d’un malaise. Les circonstances précises du drame demeurent par conséquent entourées d’incertitudes. En ce sens, la cour cantonale était fondée à retenir, en application du principe in dubio pro reo, que l’inattention ou le malaise de la victime représentait la cause prépondérante de l’accident.
De même était-elle fondée à retenir, par identité de motif, que cette dernière s’était retrouvée sur la trajectoire du camion à proximité immédiate du véhicule évoluant en marche arrière et qu’elle avait pu trébucher ou faire un malaise juste derrière le camion. Dans cette perspective, la cour cantonale pouvait, sans que cela prête le flanc à la critique, retenir que, même si l’intimé avait eu recours à l’aide d’un tiers pour effectuer cette manœuvre et même si la manœuvre de recul avait été effectuée plus lentement, l’accident serait tout de même survenu. Elle en a conclu, à juste titre, qu’on ne pouvait pas considérer qu’un comportement différent de la part de l’intimé, correspondant aux attentes exprimées par les recourants, aurait permis d’éviter la survenance du drame. Un tel raisonnement ne viole pas le droit fédéral (c. 7.2).
Auteur : Philippe Eigenheer, avocat à Genève et dans le canton de Vaud
TF 8C_434/2023 du 10 avril 2024
Assurance-accidents; assureur compétent, accidents successifs, droit à un demi-salaire au moins; art. 3 LAA; 7 et 100 OLAA
S’agissant de déterminer l’assureur-accidents appelé à verser des prestations lorsqu’il y a deux accidents survenus successivement et en cas d’occupation de plusieurs postes (assurés auprès d’assureur-accidents différents) ou de perception d’indemnités journalières du chômage (cf. art. 100 OLAA), il y a systématiquement lieu de tenir compte de l’art. 3 al. 2 et 5 LAA. Ainsi, en présence d’une assurée, née en 1973, ayant subi un premier accident le 8 août 2021 pour lequel elle a bénéficié de prestations de l’assureur-accidents, il y a lieu d’examiner si, en février 2022, elle percevait encore éventuellement des indemnités journalières (droit à un demi-salaire au moins selon l’art. 3 al. 2 LAA) de cet assureur, auquel cas la couverture d’assurance auprès de ce même assureur pourrait être donnée, selon l’art. 3 al. 2 ou 5 LAA, en lien avec l’art. 7 al. 1 let. b OLAA, pour la couverture d’un deuxième accident survenu le 9 mars 2022.
Auteur : Guy Longchamp
TF 9C_201/2023 du 3 avril 2024
Assurance-maladie; polypragmasie, échantillon insuffisant; art. 59 al. 1 let. b LAMal
Dans le cadre de l’examen de prestations facturées par un hôpital, le Tribunal fédéral a considéré qu’un échantillon de 40 cas choisis au hasard, s’il permettait certes de constater que certaines prestations avaient été facturées sans avoir être fournies (position TARMED 39.5070), n’était toutefois pas suffisant pour permettre aux assureurs de fonder valablement une demande de restitution de prestations, selon l’art. 59 al. 1 let. b LAMal.
Auteur : Guy Longchamp
TF 8C_523/2023 du 27 mars 2024
Assurance-invalidité; contribution d’assistance, contrat de travail, identité de l’employeur, personne physique ou personne morale; art. 42quinquies LAI
Les recourants sont parents et curateurs – depuis sa majorité – d’une enfant en situation de handicap qui est au bénéfice de diverses prestations de l’assurance-invalidité, notamment d’une contribution d’assistance pour les prestations d’aide dont elle a besoin à domicile (art. 42quinquies LAI). En décembre 2022, l’office AI a décidé de ne plus verser de contribution d’assistance dès janvier 2023 au motif que depuis 2016, les prestations d’aide ne sont plus fournies par des personnes engagées par l’assurée ou ses représentants légaux sur la base d’un contrat de travail, mais par des personnes employées d’une Sàrl fondée par les parents de l’assurée. Sur recours, l’interruption de l’aide est portée à janvier 2024. Les parents recourent au Tribunal fédéral.
Au terme d’une interprétation littérale et téléologique de l’art. 42quinquies LAI, le Tribunal fédéral arrive à la conclusion que la manière de procéder de l’office AI était correcte, la loi excluant que les prestations d’aide soient fournies par des organisations ou d’autres personnes morales (c 4.4.5). Le fait que les parents aient été les seuls associés et gérants de la société ne permettait pas de faire exception à la règle, pas plus que le fait que l’office AI ait toléré la situation entre 2016 et 2022 (c. 5.2, 5.3 et 7.3).
Auteure : Emilie Conti Morel, avocate à Genève
Brèves...
L’obligation d’un assuré décédé de restituer des prestations sociales touchées indûment passe aux héritiers (à condition qu’ils acceptent la succession), même si elle n'a pas fait l’objet d'une décision du vivant de celui-ci et même si les prestations ont été versées après le décès (en l’espèce, une rente AVS versée après le décès sur la base de faux certificats). En vertu du principe de l’universalité de la succession, chaque héritier peut être recherché personnellement pour l'entier de la dette ; celui des héritiers qui restitue effectivement le montant indûment perçu est libre, dans un second temps, d'intenter une action récursoire contre les autres héritiers. L’acte illicite de l’un des héritiers ne permet pas à un autre de se soustraire à l’obligation de restituer (TF 9C_513/2023).
En présence d’une assurée dont la situation financière est précaire, qui n’a pas d’obligations familiales contraignantes et qui a exprimé de manière constante un souhait de travailler à temps plein si elle n’était pas atteinte dans sa santé, il est arbitraire de retenir, en tenant compte uniquement du manque de connaissances linguistiques, de formation et d’intégration, qu’elle n’aurait travaillé qu’à temps partiel sans l’atteinte à la santé (TF 9C_612/2023 c. 8).
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