NLRCAS Avril 2023
Editée par Christoph Müller, Anne-Sylvie Dupont, Guy Longchamp et Alexandre Guyaz
SENIORS ET DROIT SOCIAL - Défis actuels
Formation continue FSA
Mardi 6 juin 2023
Thèmes
- La pauvreté des personnes âgées : enjeux et perceptions d'une réalité multidimensionnelle
- Le droit à la sécurité sociale des personnes âgées : un droit négligé ?
- Vieillissement et numérisation des services d'intérêt général
- Discrimination des travailleuses et travailleurs âgées : droit de l'UE et droit suisse
- Assistance au quotidien pour les seniors : conditions de travail des aides à domicile
- Contrat d'hébergement en appartement protégé
- Loi sur les prestations complémentaires et organisation du patrimoine de l'arrivée de l'âge de la retraite
- Financement des soins à domicile et des séjours en EMS
Inscription gratuite requise jusqu'au 25 mai 2023
TF 8C_322/2022 du 30 janvier 2023
Assurance-chômage; indemnité en cas de réduction de l'horaire de travail (RHT), mesures de lutte contre le coronavirus, entreprise de droit public, statut du personnel, subvention; art. 31 al. 1 et 32 LACI
L’affaire concerne la demande d’indemnités en cas de réduction de l’horaire de travail (RHT) d’une société anonyme de droit privé active essentiellement dans le domaine du transport public de personnes. Selon la jurisprudence, les conditions du droit à l’indemnité en cas de RHT ne sauraient, en règle générale, être remplies si l’employeur est une entreprise de droit public, faute pour celle-ci d’assumer un risque propre d’exploitation. Compte tenu des formes multiples de l’action étatique, on ne saurait de prime abord exclure que, dans un cas concret, le personnel des services publics remplisse les conditions du droit à l’indemnité en cas de RHT. Ce qui est déterminant en fin de compte, conformément à la finalité du régime de la prestation, c’est de savoir si, par l’allocation de l’indemnité en cas de RHT, un licenciement peut être évité (c. 4.2.1).
Les indemnités en cas de RHT sont des mesures temporaires. Le statut du personnel touché par la réduction de l’horaire de travail est dès lors décisif pour l’allocation de l’indemnité. Là où le personnel est au bénéfice d’un statut de fonctionnaire ou d’un statut analogue limitant les possibilités de licenciement que connaît le contrat de travail, ce statut fait échec à court terme – éventuellement à moyen terme – à la suppression d’emploi. Dans ce cas, les conditions du droit à l’indemnité en cas de RHT ne sont pas remplies (c. 4.2.2).
L’exigence d’un risque économique à court ou moyen terme concerne aussi l’entreprise ; la perte de travail n’est prise en considération que si elle est due à des facteurs d’ordre économique et qu’elle est inévitable. A l’évidence, cette condition ne saurait être remplie si l’entreprise ne court aucun risque propre d’exploitation, à savoir un risque économique où l’existence même de l’entreprise est en jeu, par exemple le risque de faillite ou le risque de fermeture de l’exploitation. Or si l’entreprise privée risque l’exécution forcée, il n’en va pas de même du service public, dont l’existence n’est pas menacée par un exercice déficitaire (c. 4.2.2).
Dans le cas d’espèce (voir également TF 8C_325/2022 et 8C_328/2022 du 30 janvier 2023 dans deux causes parallèles similaires), la cour cantonale n’a pas clairement tranché la question de la couverture des coûts d’exploitation. Le TF rappelle que le fait de percevoir des subventions ne signifie pas encore que les coûts d’exploitation sont entièrement couverts par les pouvoirs publics. Par ailleurs, la possibilité de procéder à des licenciements à brève échéance s’examine non pas au regard de la main d’œuvre nécessaire pour fournir les prestations publiques selon l’offre soumise aux commanditaires, mais au regard de la règlementation applicable au personnel. La cour cantonale a violé le droit fédéral en niant le droit de la société aux indemnités en cas de RHT sans instruire et examiner de manière approfondie l’étendue de la couverture des frais d’exploitation par les pouvoirs publics ainsi que les possibilités concrètes de résiliation sur la base du régime applicable au personnel (c. 7.2).
Auteur : David Ionta, juriste à Lucerne
TF 6B_1486/2021 du 18 janvier 2023
Responsabilité aquilienne; lésions corporelles, signalisation d’un chantier routier, négligence; art. 11, 12 et 125 CP; 4 LCR; 80 OSR
Un cycliste emprunte une route dont l’asphalte avait été fraisé en raison de travaux de revêtements. Il chute sur la chaussée et subit un grave traumatisme crânien. Condamné en première instance pour lésions corporelles graves par négligence, le chef de chantier responsable est acquitté par le tribunal cantonal. Le cycliste recourt au TF contre cet acquittement ; il reproche au chef de chantier un défaut de signalisation de la zone de travaux.
Le TF commence par rappeler les conditions qui permettent de retenir une imprévoyance coupable au sens de l’art. 12 CP ; une telle imprévoyance peut également être commise par une inaction contraire aux devoirs (art. 11 al. 1 CP). De plus, le déroulement des événements conduisant au résultat doit être prévisible pour l’auteur ; pour déterminer si l’auteur aurait pu et dû prévoir le résultat, on applique le critère de l’adéquation. Enfin, une autre condition de la responsabilité pour négligence consiste dans le fait que le résultat aurait pu être évité si l’auteur avait eu un comportement conforme à ses obligations. Pour que le résultat soit imputable à l’auteur, il faut que le comportement de celui-ci en soit la cause avec un degré élevé de vraisemblance (c. 3.1.2). Les règles de signalisation d’un chantier routier découlent des art. 4 LCR et 80 OSR. Les éventuels manquements aux obligations des autorités n’excluent pas la responsabilité de tiers, p. ex. d’une entreprise de construction, en cas de signalisation défectueuse. Ni l’art. 4 LCR, ni l’art. 80 OSR ne se prononcent sur les modalités de surveillance (intensité, fréquence) de l’obligation de signaler les obstacles à la circulation et de leur élimination dans les meilleurs délais (c. 3.1.3).
Dans le cas d’espèce, l’instance inférieure avait considéré le fait de n’avoir pas barré la route ne constituait pas une violation du devoir de diligence du chef de chantier. Il est en effet notoire que des zones dans lesquelles l’asphalte a été fraisé demeurent ouvertes au trafic, pour autant que les usagers les empruntent à une vitesse adaptée (c. 3.2.1). Les autres conditions d’une responsabilité pour négligence n’étaient, toujours selon la juridiction cantonale, pas remplies. En particulier, la position de garant du chef de chantier était limitée aux tâches de sécurité et de surveillance, telles qu’elles ressortaient de son contrat de travail. Un contrôle sans faille n’était ainsi pas possible, compte tenu de l’avancement constant des travaux. Il n’existait pas non plus d’obligation générale de contrôler quotidiennement les travaux (c. 3.2.2 et 3.2.3). Le TF approuve ces considérations dans leur résultat (c. 3.3). Il aurait en effet été possible pour le cycliste de s’engager sans danger dans la zone fraisée ; il est incompréhensible qu’il se soit dirigé à une vitesse aussi excessive (il circulait à 57,3 km/h malgré un périmètre de visibilité restreint et la présence d’un virage) vers un chantier dûment signalé 355 mètres et à 24,5 mètres auparavant. Il n’a ainsi pas satisfait aux exigences que tout usager de la route est en droit d’attendre d’un conducteur attentif (c. 3.3.1). Même la délimitation du chantier par la pose d’une barrière rouge et blanche, comme l’exigeait le recourant, n’aurait probablement pas empêché la chue, compte tenu du fait que celui-ci n’a pas vu la signalisation et s’est engagé sur le lieu de l’accident à près de 60 km/h. On doit donc nier l’existence d’un lien de causalité hypothétique (c. 3.3.2).
Auteur : Alexis Overney, avocat à Fribourg
TF 4A_219/2021 du 25 janvier 2023
Responsabilité aquilienne; prescription, interruption introduction d’une poursuite, délai pénal plus long, ancien droit; art. 60 al. 2a, 135 ch. 2, 134 al. 1 ch. 3 et 138 al. 2 CO
En mai 1999, Mme A. a été grièvement blessée par le bateau dont son mari était copropriétaire lors d’une sortie sur le Léman. La victime et son mari se sont séparés en juin 2000. Leur divorce est devenu définitif et exécutoire le 29 mai 2012. Le conducteur et époux, suite à une plainte de la victime, a été condamné en janvier 2006 pour lésions corporelles graves par négligence. Dès la fin de l’année 2003, la victime a demandé à la compagnie d’assurance du bateau, contre laquelle elle avait un droit d’action directe, une série de déclarations de renonciation à la prescription. La dernière de ces déclarations était valable jusqu’au 29 février 2012. Ce même 29 février 2012, elle a déposé une réquisition de poursuite contre l’assureur, qui a fait opposition au commandement de payer, notifié le 16 mars 2012. La réquisition de poursuite suivante n’a été déposée que le 11 mars 2013, soit plus d’une année après la précédente réquisition de poursuite, mais moins d’une année après la notification du commandement de payer. En parallèle, la victime a déposé une réquisition de poursuite contre son ex-mari le 13 avril 2017. Le commandement de payer a été notifié le 28 avril 2017 ; il a été frappé d’opposition. Le 18 avril 2018, la lésée a déposé une nouvelle réquisition de poursuite contre son époux. Ella a enfin déposé le 31 mai 2018 une requête de conciliation à l’encontre aussi bien de l’assureur que de son ex-mari.
Alors que la Cour de justice du canton de Genève avait considéré que seule la réquisition de poursuite interrompait la prescription conformément à l’art. 135 ch. 2 CO, le TF a considéré que, conformément à une jurisprudence ancienne mais bien établie, la notification du commandement de payer était aussi constitutive d’un acte de poursuite au sens de l’art. 138 al. 2 CO. Dès lors, procédant en quelque sorte à une synthèse de jurisprudence, le TF a rappelé en substance que lorsque le créancier interrompait la prescription par voie de poursuite, la prescription était interrompue une première fois par la réquisition de poursuite, indépendamment du fait que cette réquisition soit concrètement suivie d’un commandement de payer. Cette réquisition fait donc partir un nouveau délai, conformément à l’art. 137 al. 1 CO. Par ailleurs, la notification du commandement de payer interrompt une nouvelle fois la prescription, et fait donc repartir aussi un nouveau délai de prescription. Cela résulte d’une ancienne jurisprudence confirmée par une large partie de la doctrine (c. 5.2).
Au terme de l’art. 134 al. 1 ch. 3 CO, la prescription ne court point et, si elle avait commencé à courir, elle est suspendue à l’égard des créances des époux l’un contre l’autre. L’ex-mari soutenait donc devant le TF qu’au moment où le divorce était devenu définitif et exécutoire, soit le 29 mai 2012, c’était un nouveau délai d’une année au sens de l’ancien article 60 al. 1 CO qui avait commencé à courir. Le TF n’a pas suivi ce raisonnement, estimant que selon l’art. 60 al. 2 aCO, c’était à l’époque un délai de cinq ans qui avait été empêché de courir pendant le temps qu’avait duré le mariage. En effet, la durée de ce délai pénal plus long de l’ancien droit était déterminée au jour de l’acte punissable, soit à un moment par définition antérieur à l’acquisition de la prescription pénale. C’est donc bien un délai de cinq ans qui, selon le TF, a commencé de courir à partir du 29 mai 2012, si bien que la lésée avait valablement interrompu la prescription en déposant une réquisition de poursuite en avril 2017 à l’encontre de son ex-mari.
Auteur : Alexandre Guyaz, avocat à Lausanne
TF 2C_362/2022 du 7 février 2023
Responsabilité de l’Etat; protection de la bonne foi; art. 5 al. 3 et 9 Cst.; 4 LRECA-VD
Une société constituée pour la création d’un nouveau port à Montreux dépose une action en responsabilité de l’Etat en raison de l’entrée en matière de la commune sur le projet portuaire. La société réclame différents frais pour sa constitution et des frais d’étude, après que le Plan partiel d’affectation (PPA) à l’origine de l’entrée en matière a été abrogé, rendant le projet de port irréalisable.
Le droit fondamental à la protection de la bonne foi protège le citoyen dans le confiance légitime qu’il met dans les assurances reçues des autorités, lorsqu’il a réglé sa conduite d’après ces assurances qui peuvent également intervenir tacitement ou par actes concluants. Ce droit a pour corollaire que l’autorité est tenue de réparer le dommage subi par l’administré chez qui elle a créé puis déçu des attentes dignes de foi et qui a pris dans l’intervalle des dispositions patrimoniales préjudiciables.
Il est généralement acquis que la planification doit être périodiquement adaptée et révisée et qu’il n’existe en général pas d’assurance sur sa stabilité. C’est uniquement lorsqu’une modification de planification ou de réglementation est intervenue suite à une demande déterminée et pour en empêcher la réalisation que l’on peut admettre un droit à une indemnisation fondée sur la protection de la bonne foi, en combinaison avec la garantie de la propriété, en tout cas lorsque l’intention des autorités n’était pas prévisible. Une indemnisation est aussi envisageable lorsque la collectivité a donné des assurances sur le maintien des prescriptions en vigueur. En l’occurrence, ce n’est pas le projet litigieux qui avait justifié l’abrogation du PPA, mais une volonté générale découlant d’un plan directeur communal adopté avant l’entrée en matière de la commune.
Le fait que la société recourante n’avait pas obtenu elle-même les garanties, puisqu’elle ne s’était constituée que par la suite, conduit le TF à se demander « très sérieusement » si elle peut invoquer la protection de sa bonne foi. Il laisse toutefois la question ouverte et retient qu’aucune assurance suffisante n’a été donnée. Le fait de se montrer intéressé et curieux, d’entrer en matière et de suivre, même pendant plusieurs années, le projet ne peut et de doit pas être interprété comme une promesse d’issue favorable ou comme une assurance quant au maintien du PPA. En matière d’aménagement du territoire, il est très généralement admis et connu des acteurs de la construction que les décisions des autorités sont par nature sujettes à changement et qu’il n’existe dès lors pas d’expectative légitime au maintien d’un plan.
Le TF ne discerne ainsi pas d’acte illicite au sens de l’art. 4 LRECA-VD et ajoute que si la recourante estimait que l’abrogation du PPA violait le principe de la bonne foi, il lui appartenait de tout tenter pour en obtenir l’annulation, le cas échéant en recourant contre cet acte jusque devant lui.
Auteur : Thierry Sticher, avocat à Genève
TF 4A_314/2022 du 24 janvier 2023
Responsabilité délictuelle; risque lié à l’emploi d’un véhicule, responsabilité civile du détenteur du véhicule; art. 58 al. 1 LCR
La responsabilité de l’art. 58 al. 1 LCR présuppose que le dommage ait été causé « par l’utilisation d’un véhicule à moteur ». La limite entre l’utilisation et la non-utilisation d’un véhicule à moteur doit être décidée en fonction des circonstances concrètes.
Dans le cas d’espèce, une camionnette de livraison, dont le catalyseur avait chauffé en raison du trajet, a été garée dans une aire de battage, ce qui a provoqué un incendie. La chaleur émanait certes d’un véhicule à moteur, mais cela ne suffit pas à transformer le risque d’incendie habituel en un risque d’exploitation particulier au sens de l’art. 58 al. 1 LCR. Ce qui est déterminant pour le risque d’exploitation n’est pas le fait que le véhicule à moteur soit une machine ou qu’il dispose d’un moteur, mais avant tout le fait que le véhicule puisse se déplacer à une vitesse importante et provoquer ainsi des dommages importants.
Le présent incendie n’a aucun rapport avec ce risque. A l’exception du fait que le catalyseur a chauffé pendant le trajet, il n’y a aucun lien entre l’incendie et le déplacement de la camionnette. Il ne s’agit donc pas d’un risque propre à l’utilisation d’un véhicule mais d’un risque ordinaire qui peut survenir lors du stockage inapproprié d’objets chauds.
L’incendie était donc certes une conséquence au sens large de l’utilisation du véhicule à moteur, mais l’utilisation ou le déplacement du véhicule joue en l’espèce un rôle si insignifiant que l’incendie n’est pas couvert par le but de l’art. 58 al. 1 LCR.
Auteur : Muriel Vautier, avocate à Lausanne
TF 9C_592/2021 du 24 janvier 2023
Assurance-invalidité; réadaptation, mesures d’ordre professionnel, condition d’assurance, personne de nationalité étrangère, discrimination; art. 6 al. 2, 9 al. 3 LAI; 8 Cst.; 8 et 14 CEDH; 24 CDPH
Le recourant, arrivé en Suisse en 2017 en tant que mineur non accompagné, a été admis provisoirement après le rejet de sa demande d’asile, le renvoi n’étant pas raisonnablement exigible. Sa demande tendant à l’octroi d’une formation professionnelle initiale a été rejetée. Ne contestant pas que les conditions d’assurance posées par les art. 6 al. 2 et 9 al. 3 LAI ne sont pas remplies, il invoque la violation des art. 8 et 14 CEDH.
Le TF rappelle que le droit à la vie privée garantit par l’art. 8 CEDH n’inclut pas le droit à des mesures d’enseignement pour les enfants handicapés. En effet, s’il ne fait pas de doute qu'une mesure de formation professionnelle initiale favorise indirectement l’épanouissement des personnes qui en bénéficient, le refus d’une telle formation (professionnelle) n’empêche pas ou ne rend pas plus difficile l’exercice d’un des aspects du droit au développement personnel et à l’autonomie personnelle couverts par cette disposition (c. 5). La jurisprudence de la Cour EDH dans l’affaire Beeler c. Suisse (voir ici) ne s’applique pas dans cette affaire, le refus de mesures d’ordre professionnel ne violant pas le droit à la vie privée et à la vie de famille au sens de l’art. 8 CEDH (cf. aussi c. 3)
La différence de traitement entre ressortissants étrangers et ceux qui ont la nationalité suisse opérée par l’art. 9 al. 3 LAI est justifiée par des motifs objectifs, en l’occurrence la nécessité de s’assurer de la présence de liens suffisamment étroits entre une personne étrangère et la Suisse. Cette disposition n’est donc pas discriminatoire (c. 6.2).
L’art. 24 CDPH, qui garantit l’accès des personnes handicapées à l’éducation, n’est pas non plus violé dans la mesure où il existe bel et bien en Suisse des offres de formation accessibles aux personnes en situation de handicap. Cette disposition n’impose pas l’allocation, sans condition, de prestations spécifiques par les assurances sociales (c. 7).
Auteure : Anne-Sylvie Dupont
TF 8C_457/2022 du 7 février 2023
Assurance-invalidité; révision, suspension de prestation en cas d’exécution d’une peine ou d’une mesure; art. 21 al. 5 LPGA; 88bis al. 1 let. c RAI
Même si la lettre de l’art. 88bis al. 1 let. c RAI envisage, en cas de décision qui s’avère manifestement erronée, seulement une augmentation de la rente, de l’allocation pour impotent ou de la contribution d’assistance déjà allouée, cette disposition doit aussi permettre, appliquée par analogie, l’attribution d’une telle prestation refusée de manière manifestement erronée (c. 5.2).
La découverte du vice entachant la décision selon l’art. 88bis al. 1 let. c RAI survient dès que l’administration a fait des constatations, que ce soit sur la base d’une demande de révision ou d’office, qui rendent vraisemblable ou probable l’existence d’un vice pertinent et que l’administration a ainsi suffisamment de raisons de procéder d’office à des investigations supplémentaires. Le défaut est également considéré comme découvert lorsque la personne assurée a déposé une demande de révision qui devait amener l’administration à procéder à des clarifications supplémentaires (c. 5.4.2).
La suspension, en application de l’art. 21 al. 5 LPGA, de prestations pour perte de gain – notamment de la LAI – non destinées aux proches, en cas d’exécution d’une peine ou d’une mesure du Code pénal, ne se justifie pas si les modalités de cette exécution n’excluent pas en elles-mêmes l’exercice d’une activité lucrative par une personne valide. Il en va ainsi de modalités d’exécution d’une mesure permettant un travail externe au sens de l’art. 90 al. 2bis CP (c. 6.2.1-2).
Auteur : Alexandre Bernel, avocat à Lausanne et Aigle
TF 4A_22/2022 du 21 février 2023
Assurances privées; prescription, créance en dommages-intérêts; art. 46 al. 1 LCA; 127 CO
La question litigieuse soumise au TF est de savoir si, lorsque l'assureur de protection juridique donne des conseils juridiques et qu’il viole à cette occasion son devoir de diligence et cause un préjudice à l’assuré, le délai de prescription de la prétention en responsabilité de l’assuré est régi par le délai de l’art. 46 al. 1 LCA ou par le délai de dix ans de l’art. 127 CO.
Pour répondre à la question litigieuse, il faut procéder à une interprétation de l’art. 46 al. 1 LCA, la doctrine étant divisée sur cette question. Ainsi, il faut tenir compte non seulement des termes « créances qui découlent du contrat d’assurance », mais également des termes se rapportant au point de départ de la prescription, soit le « fait duquel naît l’obligation » (en allemand et en italien « fait sur lequel est fondée l’obligation de fournir la prestation »).
Dans l’assurance de protection juridique, l’assureur fournit, d’une part, un service sous forme d’assistance juridique et, d’autre part une prestation pécuniaire, ainsi que dès le début du litige, l’obligation de garantir à son assuré le paiement des frais du litige. Le fait duquel naît l’obligation de l’assureur correspond à la réalisation du risque, à savoir l’apparition du besoin d’assistance juridique. Le point de départ (dies a quo) du délai de prescription de l’art. 46 al. 1 LCA court donc dès ce moment-là. Les créances qui découlent du contrat d’assurance de protection juridique sont donc seulement celles dont l’assureur assume l’obligation en raison de la survenance du risque couvert, qui est le besoin d’assistance juridique, soit concrètement l’obligation de couvrir les frais d’un litige et/ou l’obligation de fournir des conseils. La créance en dommages-intérêts, fondée sur la responsabilité contractuelle, qui est subséquente à la prestation d’assurance (conseils fournis) et découle de la violation du devoir de diligence de l’assureur de protection juridique qui a fourni ces conseils, n’est pas visée par la lettre de l’art. 46 al. 1 LCA.
Approuvant une partie de la doctrine, le TF conclut qu’une telle créance en dommages-intérêts est soumise au délai de prescription de dix ans de l’art. 127 CO, la violation du devoir de diligence s’appréciant selon les règles du mandat (art. 398 et 97 CO).
Auteure : Séverine Monferini Nuoffer, avocate à Fribourg
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