NLRCAS Mai 2023
Editée par Christoph Müller, Anne-Sylvie Dupont, Guy Longchamp et Alexandre Guyaz
TF 9C_70, 71, 75 et 76/2022 du 16 février 2023
Assurance-vieillesse et survivants (AVS); activité dépendante, établissement stable; art. 1a al. 1 let. b et 12 al. 2 LAVS; 49 LPGA
Le TF rejette les recours des sociétés néerlandaises détentrices des droits d’exploitation des plateformes de mise en relation Uber et UberEats et leur reconnaît un statut d’employeur cotisant pour les activités lucratives dépendantes des chauffeurs et des livreurs. Ce faisant, il démontre que les critères des directives OFAS s’adaptent aux services en ligne d’intermédiation du travail. Sans revenir sur sa décision 147 V 174, il constate la présence d’un établissement stable en Suisse pour la société néerlandaise par l’exploitation commerciale des bureaux de sa filiale en Suisse.
Auteure : Sabrine Magoga-Sabatier, MLaw, assistante-doctorante à Neuchâtel
TF 9C_219/2022 du 2 mars 2023
Assurance-vieillesse et survivants; restitution des acomptes, délai de péremption, dies a quo; art. 25 al. 3 LPGA; art. 16 al. 3 LAVS; art. 24 et 25 RAVS
Par arrêt du tribunal administratif du canton de Zoug du 28 mars 2022, les juges cantonaux ont admis le recours d’une assurée dans la mesure où celle-ci contestait son devoir de payer des cotisations AVS comme indépendante pour l’année 2007, mais ont rejeté ses prétentions en restitution des acomptes payés au motif que sa demande de restitution était périmée (c. 1.2). Selon eux, le délai de péremption avait commencé à courir en septembre 2013, lors de l’entrée en force d’une décision de l’autorité fiscale indiquant que tous les revenus du couple réalisés en 2007 devaient être attribués à l’activité dépendante du mari et imposés dans le canton d’Argovie. A défaut d’avoir agi avant fin 2008, la demande de l’assurée était donc périmée sous l’angle de l’art. 16 al. 3 LAVS (c. 3.1)
Le TF rappelle ce qu’il faut entendre par « cotisations versées indûment » au sens de l’art. 16 al. 3 1re phr. LAVS, respectivement « cotisations payées en trop » au sens de l’art. 25 al. 3 LPGA (c. 4). Cette notion n’englobe pas les prestations versées dans une situation de doute quant à l’obligation de prester, mais à raison, telles que les prestations provisoires visées à l’art. 70 LPGA ou les indemnités de chômage selon l’art. 29 al. 1 LACI (c. 4.5.1).
Les acomptes de cotisations AVS visent à sécuriser les cotisations dont l’existence et la quotité sont incertaines jusqu’à ce que la caisse de compensation ait statué sur les cotisations dues par une décision. Ces acomptes ne sont pas des cotisations versées à tort, mais des cotisations versées à raison, dans une situation de doute quant au devoir de cotiser. Il ne s’agit donc pas de « cotisations payées en trop » jusqu’à ce que l’autorité ait statué de manière définitive sur le montant des cotisations (c. 4.5.2).
La prétention en restitution des acomptes payés en trop naît au moment de la décision fixant les cotisations (voir art. 25 al. 3 RAVS). C’est donc à ce moment-là que les acomptes perdent leur caractère provisoire et que le délai de péremption de l’art. 16 al. 3 LAVS commence à courir (c. 4.5.3). En l’espèce, c’est par l’arrêt cantonal du 28 mars 2022 que le devoir de l’assurée de cotiser pour l’année 2007 a été définitivement nié. La demande de restitution des acomptes formulée dès le stade de l’opposition n’était donc pas périmée (c. 4.6).
Auteure : Emilie Conti Morel, avocate à Genève
TF 6B_309/2022 du 22 février 2023
Responsabilité médicale; procédure, qualité pour recourir, classement, prétentions civiles, responsabilité d’un établissement de droit public cantonal; art. 81 al. 1 let. b ch. 5 LTF; 6, 182 et 319 al. 1 let. a et b CPP
Le patient D. A. a été pris en charge dans l’unité des soins intensifs de l’hôpital J., un établissement de droit public cantonal, après plusieurs opérations subies au niveau du cervelet. Le 8 février 2020, le patient est tombé alors qu’il était en train de faire ses besoins, sans surveillance directe, et a succombé à ses blessures. Au moment de la chute, l’infirmière responsable de l’unité se trouvait dans la chambre. Le Ministère public a ouvert une procédure pénale contre l’infirmière responsable de l’unité pour homicide par négligence. Il a clôturé la procédure par décision du 9 juin 2021. Les proches du patient décédé ont recouru jusqu’au TF contre cette décision.
Le TF rappelle que, conformément à l’art. 81 al. 1 let. b ch. 5 LTF, la partie plaignante n’a qualité pour recourir en matière pénale que si la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles. Sont considérées comme des prétentions civiles au sens de la disposition précitée celles qui sont fondées sur le droit civil et doivent en conséquence être déduites ordinairement devant les tribunaux civils. Il s’agit principalement des prétentions en réparation du dommage et du tort moral au sens des art. 41 ss CO. En revanche, n’appartiennent pas à cette catégorie les prétentions fondées sur le droit public. De telles prétentions, y compris celles découlant de la responsabilité de l’Etat, ne peuvent pas être invoquées par adhésion dans le procès pénal et ne font partie des prétentions civiles au sens de l’art. 81 al. 1 let. b ch. 5 LTF (c. 1.1). En l’espère, les recourants reprochent à l’infirmière d’avoir provoqué par négligence le décès de D. A. en le laissant quelques instants sans surveillance aux WC. L’acte incriminé a donc été accompli dans le cadre de l’activité professionnelle de l’infirmière qui fait partie du personnel d’un établissement de droit public cantonal. Les dispositions légales cantonales pertinentes prévoient une responsabilité exclusive du canton pour les dommages causés par de tels actes. Les éventuelles prétentions des recourants ne pourraient ainsi relever que de la responsabilité de droit public de l’Etat. Il en découle que les recourants n’ont pas la légitimation active au sens de l’art. 81 al. 1 let. b ch. 5 LTF (c. 1.3).
Sans avoir la qualité pour recourir au sens de la disposition précitée, la partie plaignante peut néanmoins s’opposer au fond à un classement de la procédure pour autant qu’il existe en droit constitutionnel au prononcé des peines prévues par la loi. La jurisprudence reconnait, sur la base des art. 10 al. 3 Cst., 3 et 13 CEDH, 7 PIDCP et 13 de la Convention des Nations Unies contre les tortures et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, un droit à une enquête officielle efficace et approfondie de celui qui fait valoir qu’il a été maltraité par des services de l’Etat. Pour tomber sous le coup de ces dispositions, le traitement incriminé doit cependant être intentionnel. Tel n’est pas le cas en l’espèce puisque les recourants font explicitement valoir que le décès a été causé par un comportement relevant de la négligence (c. 1.4).
Le TF relève que même si la qualité pour recourir était donnée et qu’il était possible d’entrer en matière sur le recours, celui-ci ne serait pas admis. En effet, en vertu de l’art. 319 al. 1 let. a et b CPP, la procédure doit être classée lorsqu’aucun soupçon justifiant une mise en accusation n'est établi ou lorsque les éléments constitutifs d’une infraction ne sont pas réunis. La décision de classement doit se fonder sur le principe « in dubio pro duriore ». Selon ce principe, le classement de la procédure par le Ministère public ne peut intervenir que dans le cas où l’acte n’est clairement pas punissable ou lorsque que certaines conditions de l’action pénale ne sont manifestement pas remplies. Dans le cadre d’un recours contre un classement, le TF n’examine pas, comme par exemple en cas de condamnation, si les constatations de fait de l’instance précédente sont arbitraires, mais si, de manière arbitraire, l’instance précédente s’est fondée sur « une situation claire en matière de preuve » ou si, de manière arbitraire également, elle a admis des faits comme « clairement établis » (c. 2.1). En l’espèce, les recourants se méprennent sur ces principes lorsqu’ils reprochent à l’instance précédente une constatation inexacte des faits.
Enfin les recourants font valoir que l’instance précédente aurait omis à tort d’administrer diverses preuves en violation des art. 6 et 182 CPP. Le TF rappelle que, de jurisprudence constante, les autorités pénales peuvent, sans violer le droit d’être entendu ni la maxime de l’instruction, renoncer à l’administration de preuves supplémentaires si, en appréciant les preuves déjà administrées, elles ont la conviction que les faits juridiquement importants ont été suffisamment élucidés et si, en outre, elles arrivent à la conclusion par une appréciation anticipée, qu’un moyen de preuve en soit valable n’est pas en mesure d’ébranler leurs convictions quant à un fait litigieux, acquis sur la base des preuves déjà administrées. En l’espèce, l’instance précédente a considéré que les auditions avaient permis d’établir que l’infirmière en question avait agi conformément aux instructions avec la conviction fondée que son patient pouvait aller seul à selle. Aussi, l’expertise demandée par les recourants sur les causes théoriques de la chute du défunt et l’examen des données détaillées du moniteur des signes vitaux ne conduiraient pas à une appréciation différente du comportement de l’infirmière. Les recourants ne démontrent pas en quoi l’appréciation de l’instance précédente relèverait de l’arbitraire.
Auteure : Maryam Kohler, avocate à Lausanne
TF 6B_1386/2021 du 16 mars 2023
Responsabilité aquilienne; devoir de prudence, violation des règles de l’art de construire, homicide par négligence; art. 12 al. 3, 117 et 229 CP
Le devoir de prudence s’apprécie en premier lieu au regard des normes de sécurité spécifiques qui imposent un comportement déterminé pour assurer la sécurité et prévenir les accidents. L’étendue de l’attention et de la diligence requises est d’autant plus élevée que le degré de spécialisation de l’auteur est important. Ainsi, la violation de prescriptions légales ou administratives, édictées dans un but de prévention des accidents, ou de règles analogues, émanant d’associations spécialisées reconnues, fait présumer la violation du devoir général de prudence (c. 2).
La responsabilité de celui qui collabore à la direction ou à l’exécution d’une construction se détermine sur la base des prescriptions légales (notamment LAA, OPA, OTConstr), des accords contractuels ou des fonctions exercées, ainsi que des circonstances concrètes. Chaque participant à une construction est donc tenu, dans son domaine de compétence, de déployer la diligence requise pour veiller au respect des règles de l’art de construire et de sécurité. Pour ceux qui dirigent les travaux, il existe le devoir de donner les instructions nécessaires et de surveiller l’exécution (c. 3). Ainsi, le directeur des travaux – soit la personne qui choisit les exécutants, donne les instructions et les recommandations nécessaires, surveille l’exécution des travaux et coordonne l’activité des entrepreneurs – répond tant d’une action que d’une omission, pouvant consister à ne pas surveiller, à ne pas contrôler le travail ou à tolérer une exécution dangereuse (c. 4).
En l’espèce, le TF considère que le recourant, en sa qualité de directeur des travaux, a créé un risque inadmissible pour autrui en ordonnant à son personnel de travailler en hauteur sur un chantier dangereux, au mépris des prescriptions et normes de sécurité élémentaires (absence de port d’un harnais, d’un casque de protection, etc.). Ce faisant, il a rendu possible la survenance de la chute mortelle de son employé inexpérimenté (apprenti), laquelle aurait par ailleurs pu être évitée par une intervention et une surveillance adéquates. Le décès de la victime est dès lors en lien de causalité naturelle et adéquate avec la violation fautive d’un devoir de prudence, constitutif d’un homicide par négligence (c. 7).
Auteur : Benoît Santschi, titulaire du brevet d’avocat à Lausanne
TF 6B_47/2021 du 22 mars 2023
Responsabilité aquilienne; faute, causalité, homicide par négligence, position de garant; art. 12 al. 3 et 117 CP
Une boulangerie confie à une entreprise de peinture le soin de repeindre son conteneur à ordures métallique comportant à l’avant un dispositif permettant de verser les déchets et à l’arrière une trappe servant à les vider (Müll-Press-Box). Elle en informe son employé (ci-après : l’intimé). Le 26 mai 2015, l’employé de l’entreprise de peinture effectue les travaux de peinture sur le conteneur stationné sur le quai de chargement de la boulangerie. A cette occasion, il demande à un employé de la boulangerie de l’aider à ouvrir le couvercle de déchargement de la benne, qui pèse environ 220 kg. L’employé de la boulangerie demande à son supérieur, l’intimé, si lui ainsi qu’une autre personne peuvent aider le peintre à ouvrir la trappe en question et s’ils peuvent utiliser le transpalette électrique à cet effet. L’intimé l’autorise en précisant que la porte de déchargement doit être sécurisée lors de son ouverture. Lors de la manœuvre, la porte de déchargement du conteneur glisse des extrémités des fourches du transpalette et se referme, touchant le peintre à la tête. Celui-ci subi de très graves blessures à la tête et décède sur le lieu de l’accident. L’intimé est reconnu coupable d’homicide par négligence par le tribunal de première instance puis acquitté en seconde instance. La partie plaignante recourt au TF faisant valoir que l’intimé avait une position de garant vis-à-vis du peintre et qu’il aurait en outre violé son devoir de diligence (c. 3).
Le TF commence par rappeler que pour qu’une personne soit déclarée coupable d’homicide par négligence, il faut que l’auteur ait causé le résultat en violant un devoir de diligence et que, ce n’est que si celui-ci se trouve dans une position de garant, qu’il est possible de déterminer l’étendue du devoir de diligence et les actes concrets qu’il est tenu d’accomplir en vertu de ce devoir de diligence (c. 3.3.2 et 3.3.3).
Il examine ensuite la question de savoir si l’intimé avait une position de garant vis-à-vis du peintre et dans l’affirmative s’il a violé son devoir de diligence et considère que la décision attaquée viole le droit fédéral (c. 5). Le TF relève que lorsque l’intimé, dans le cadre de ses tâches contractuelles de responsable de la sécurité de l’entreprise, est sollicité pour autoriser une activité déterminée, il assume, en tant que responsable de la sécurité de l’entreprise, la responsabilité de ce projet en autorisant ou en n’interdisant pas une activité concrète – comme en l’occurrence l’ouverture manuelle et en partie mécanique de la trappe de déchargement du conteneur. Par conséquent, pour l’activité qu’il a autorisée ou n’a pas interdite, il devait également veiller à la sécurité au travail du peintre, même s’il s’agissait d’une personne extérieure à l’entreprise. Partant et selon le TF, l’intimé a étendu son obligation contractuelle de garant aux autres personnes impliquées dans le projet d’ouverture de la trappe. Cette position de garant a été établie par une prise en charge effective (c. 5.3).
Le TF conclut qu’en faisant preuve de la diligence requise, il aurait été tenu d’interdire l’ouverture non conforme de la trappe de déchargement ou, du moins, de procéder personnellement à une évaluation des risques sur place. En n’interdisant pas ou en autorisant cette procédure d’ouverture non conforme aux règles de l’art et en ne se rendant pas sur place pour s’assurer de la sécurité de l’ouverture de la porte de déchargement, il n’a pas fait preuve de la diligence requise et raisonnable dans les circonstances concrètes. C’est précisément la tâche d’un responsable de la sécurité d’informer, le cas échéant, les personnes concernées des éventuels dangers et de faire prendre les mesures de sécurité appropriées. En se limitant à indiquer que la porte de déchargement devait être sécurisée lors de son ouverture, l’intimé n’a pas rempli ses obligations (c. 5.4).
Le TF admet dès lors le recours et renvoie l’affaire à l’instance précédente pour l’examen des éléments constitutifs de l’homicide par négligence qu’elle n’avait pas encore examinés (c. 5.5).
Auteure : Tania Francfort, titulaire du brevet d’avocat à Etoy
TF 6B_239/2022 du 22 mars 2023
Responsabilité du détenteur de véhicule automobile; raute, distance par rapport au piéton, juste indemnité; art. 34 al. 4 LCR; 433 al. 2 CPP
Il est pénalement reproché à l’automobiliste impliqué de ne pas avoir adapté sa vitesse (30-35 km/h) et d’être passé trop près d’un piéton situé au bord ou à proximité du trottoir, avant de lui passer sur le pied droit avec sa roue arrière droite.
Le TF rappelle que la distance nécessaire par rapport à un piéton ne peut pas être fixée une fois pour toutes en chiffres. Elle se détermine notamment en fonction de la largeur de la route. Selon les circonstances, une distance de 50 cm peut être admissible en cas de ruelle étroite et de vitesse modérée permettant un arrêt immédiat. En l’espèce, l’automobiliste a bien violé l’art. 34 al. 4 LCR car il devait se rendre compte que le piéton qui lui tournait le dos avait son attention complètement accaparée par un véhicule de livraison et qu’une distance aussi faible ne permettrait pas d’éviter une collision. L’automobiliste conteste en vain le taux de responsabilité de 100 % qui lui incombe car son recours ne contient pas suffisamment d’éléments permettant de remettre en cause ce taux de responsabilité.
Par contre, concernant la juste indemnité au sens de l’art. 433 al. 2 CPP, c’est à tort que la note d’honoraires de l’avocat du lésé n’a pas été communiquée – ni même ses conclusions civiles – à l’avocat de l’automobiliste prévenu. Ainsi ce dernier a été privé de l’occasion de se déterminer sur la quotité de l’indemnité pour les dépenses obligatoires de la partie lésée, ce qui constitue une violation de son droit d’être entendu. De plus, aucun examen de cette note d’honoraires ne semble avoir été effectué par l’instance inférieure. Le recours est donc recevable sur ce point et l’affaire renvoyée à l’instance inférieure pour qu’elle se détermine sur la juste indemnité de partie.
Auteur : Me Didier Elsig, avocat à Lausanne et Sion
TF 8C_261/2022 du 9 mars 2023
Assurance militaire; causalité et contemporanéité, symptômes de pont, coup du lapin; art. 5 et 6 LAM
Le litige porte sur le point de savoir si c’est à juste titre que la Caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents, Division de l’assurance militaire (Suva AM – Recourante), a refusé l’octroi des prestations à A. (Intimé), à la suite d’un accident survenu lors du service militaire de ce dernier.
Le TF rappelle qu’il convient, en premier lieu, de procéder à la distinction des cas d’application des art. 5 et 6 LAM. En effet, l’assurance militaire est tenue d’allouer ses prestations sur la base de l’art. 5 LAM pour autant qu’une atteinte à la santé soit déclarée ou constatée pendant le service militaire, selon le principe dit de la « contemporanéité » (c. 2.3). En revanche, la responsabilité de l’assurance militaire fondée sur l’art. 6 LAM n’est de mise qu’à la condition que l’atteinte à la santé soit déclarée ou constatée après le service militaire (c. 2.5.1).
En outre, le TF relève que pour conduire à une appréciation de la responsabilité selon l’art. 5 LAM, la question des symptômes de pont (« Brückensymptome ») se pose également. Le status quo sine est présumé après un intervalle suffisamment long sans symptôme (c. 3.2.1). Des symptômes de pont d’une intensité et d’une constante suffisantes doivent être démontrés pour amener la preuve du lien de causalité entre l’événement accidentel et les troubles invoqués postérieurement à l’accident (c. 3.2.3).
Ensuite, le TF se penche sur la question de savoir si un intervalle sans symptôme plus long est admissible, c’est-à-dire qui caractériserait l’événement entre l’accident et les troubles invoqués postérieurement comme une entité unique. Dans le cas contraire, un nouveau cas d’assurance devra être déclaré, impliquant l’évaluation de la question de la responsabilité sur la base de l’art. 6 LAM (c. 4.1).
En tout état de cause, il convient de déterminer si les troubles invoqués postérieurement à l’accident se trouvent dans un rapport de causalité juridiquement pertinent avec l’accident assuré pendant le service militaire. Se référant à la jurisprudence applicable en cas de traumatisme de type « coup du lapin » (ATF 134 V 109), également valable en matière d’assurance militaire, le TF a considéré qu’aucun des critères n’entrait en considération dans le cas d’espèce (c. 5.2 ss).
Au vu des éléments qui précèdent et en l’absence du lien de causalité adéquate entre l’évènement accidentel et les troubles invoqués postérieurement à l’accident, le TF a conclu à l’admission du recours de l’assurance militaire (c. 5.5).
Auteur : David Métille, avocat à Lausanne
TF 8C_583/2022 du 22 mars 2023
Assurance-invalidité; procédure judiciaire cantonale, recours, légitimation active des services sociaux, notion d’assistance régulière, délai de recours; art. 34 al. 1 PA; 55 al. 1 et 59 LPGA; 66 al. 1 RAI
La qualité pour recourir au tribunal cantonal contre une décision de l’office AI est régie par l’art. 59 LPGA. Selon cette disposition, « quiconque est touché par la décision ou la décision sur opposition et a un intérêt digne d’être protégé à ce qu’elle soit annulée ou modifiée, a qualité pour recourir ». La qualité pour recourir des services sociaux ne découle pas déjà du fait qu’ils fournissent des prestations d’aide qui sont subsidiaires aux prestations sociales auxquelles la personne assurée a éventuellement droit. Il faut un lien particulier et concret avec l’affaire, ou une proximité toute particulière. C’est notamment le cas lorsque les services sociaux ont déposé la demande de prestations au nom de la personne assistée (c. 5.2).
Conformément à l’art. 66 RAI, l’exercice du droit aux prestations de l’assurance-invalidité appartient à la personne assurée ou à son représentant légal, ainsi qu’aux autorités ou tiers qui l’assistent régulièrement ou prennent soin de lui de manière permanente. En l’espèce, la personne assistée avait reçu de l’aide à concurrence d’environ CHF 48'000.- entre mars 2021 et mars 2022. Au moment de la décision entreprise, elle recevait une aide d’environ CHF 2'300.- par mois. Le fait que l’aide sociale ait pu, pendant un temps assez bref, être remboursée par le chômage, ne change rien au fait qu’en l’espèce, la personne assurée était régulièrement assistée par les services sociaux, ce qui confère à ces derniers la qualité pour recourir.
Le TF rappelle par ailleurs qu’une décision doit être notifiée à toutes les personnes légitimées à recourir. La décision n’ayant, en l’espèce, pas été communiquée aux services sociaux, le délai de recours a été respecté dans la mesure où ces derniers ont agi dans les 30 jours après avoir pris connaissance de la décision (c. 3).
Auteur : Anne-Sylvie Dupont
...et en tous temps, en tous lieux
Retrouvez tous les arrêts de la newsletter, organisés par mots-clé, sur le site de la faculté.
Les Masters en droit de l'Université de Neuchâtel
Découvrez les nombreux Masters de la Faculté de droit de l’Université de Neuchâtel, pour la rentrée 2021-2022, en cliquant ici
Archives
-
NLRCAS décembre 2024
NLRCAS novembre 2024
NLRCAS octobre 2024
NLRCAS septembre 2024
NLRCAS juillet 2024
NLRCAS juin 2024
NLRCAS avril-mai 2024
NLRCAS mars 2024
NLRCAS février 2024
Newsletter NLRCAS - Rétrospective 2023
NLRCAS décembre 2023
NLRCAS novembre 2023
NLRCAS octobre 2023
NLRCAS Septembre 2023
NLRCAS Juillet 2023
NLRCAS Juin 2023
NLRCAS Mai 2023
NLRCAS Avril 2023
NLRCAS Mars 2023
NLRCAS Février 2023
NLRCAS Décembre 2022
NLRCAS Novembre 2022
NLRCAS Octobre 2022
NLRCAS Septembre 2022
NLRCAS Juillet 2022
NLRCAS Juin 2022
NLRCAS Mai 2022
NLRCAS Avril 2022
NLRCAS Mars 2022
NLRCAS Février 2022
NLRCAS Décembre 2021
NLRCAS Novembre 2021
NLRCAS Octobre 2021
NLRCAS Septembre 2021
NLRCAS Juillet 2021
NLRCAS Juin 2021
NLRCAS Mai 2021
NLRCAS Avril 2021
NLRCAS Mars 2021
NLRCAS Février 2021
NLRCAS Décembre 2020
NLRCAS Novembre 2020
NLRCAS Octobre 2020
NLRCAS Septembre 2020
NLRCAS Juillet 2020
NLRCAS Juin 2020
NLRCAS Mai 2020
NLRCAS Avril 2020
NLRCAS Mars 2020
NLRCAS Février 2020
NLRCAS Décembre 2019
NLRCAS Novembre 2019
NLRCAS Octobre 2019
NLRCAS Septembre 2019
NLRCAS Juillet 2019
NLRCAS Juin 2019
NLRCAS Mai 2019
NLRCAS Avril 2019
NLRCAS Mars 2019
NLRCAS Février 2019
NLRCAS Décembre 2018
NLRCAS Novembre 2018
NLRCAS Octobre 2018
NLRCAS Septembre 2018
NLRCAS Juillet 2018
NLRCAS Juin 2018
NLRCAS Mai 2018
NLRCAS Avril 2018
NLRCAS Mars 2018
NLRCAS Février 2018
NLRCAS Décembre 2017
NLRCAS Novembre 2017
NLRCAS Octobre 2017
NLRCAS Septembre 2017
NLRCAS juillet 2017
NLRCAS juin 2017
NLRCAS Mai 2017
NLRCAS Avril 2017
NLRCAS Mars 2017
NLRCAS Février 2017
NLRCAS Décembre 2016
NLRCAS Novembre 2016
NLRCAS Octobre 2016
NLRCAS Septembre 2016
NLRCAS Juillet 2016
NLRCAS Juin 2016
NLRCAS Mai 2016
NLRCAS Avril 2016
NLRCAS Mars 2016
NLRCAS Février 2016
NLRCAS Décembre 2015
NLRCAS Novembre 2015
NLRCAS Octobre 2015
NLRCAS Septembre 2015
NLRCAS Juillet 2015
NLRCAS Juin 2015
NLRCAS Mai 2015
NLRCAS Avril 2015
NLRCAS Mars 2015
NLRCAS Février 2015
NLRCAS Décembre 2014
NLRCAS Novembre 2014
NLRCAS octobre 2014
NLRCAS septembre 2014
NLRCAS juillet 2014
NLRCAS juin 2014
NLRCAS mai 2014
NLRCAS avril 2014
NLRCAS mars 2014
NLRCAS février 2014
NLRCAS décembre 2013
NLRCAS novembre 2013
NLRCAS octobre 2013
NLRCAS septembre 2013
NLRCAS juillet 2013
NLRCAS - Newsletter - Responsabilité civile, assurances sociales et assurances privées