En mars 2006, un donneur d’organe est victime d’une lésion neurologique à la suite du prélèvement de l’un de ses deux reins, qui entraîne une atteinte durable à sa santé physique et une incapacité de travail. Après s’être vu refuser une rente AI, il réclame à l’assureur-maladie de la receveuse de l’organe la compensation de sa perte de gain.
Conformément au chiffre 1.2 de l’annexe 1 OPAS actuellement en vigueur, en cas de transplantation rénale isolée, la caisse-maladie du receveur du rein prend en charge les frais d’opération du donneur, y compris le traitement des complications éventuelles ainsi que les prestations énumérées à l’art. 14 al. 1 et 2 de la loi sur la transplantation (RS 810.21) et à l’art. 12 de l’ordonnance sur la transplantation (RS 810.211). La responsabilité de l’assureur du receveur en cas de décès du donneur est en revanche expressément exclue. Dans sa version en vigueur jusqu’au 31 juillet 2007, une compensation appropriée de la perte de gain était également mentionnée. L’art. 14 al. 2 de la loi sur la transplantation prévoit par ailleurs que l’assureur qui, en l’absence de don, devrait prendre en charge le traitement
Le prélèvement ayant eu lieu en 2006 et le dommage étant continu jusqu’à aujourd’hui, se pose la question de l’application du droit dans le temps. Faute de dispositions transitoires, le TF considère que ce sont les versions actuelles du chiffre 1.2 de l’annexe 1 OPAS et de l’art. 14 al. 2 de la loi sur la transplantation qui sont applicables à un état de fait qui dure dans le temps (c. 4). Se pose ensuite la question de l’assureur compétent, la receveuse de l’organe ayant, depuis la transplantation, été assurée successivement auprès de plusieurs caisses-maladie. Après avoir clarifié que la caisse recherchée n’est pas tenue par les décisions rendues par les caisses précédentes (c. 5.2), le TF exclut tout devoir de prester pour la période durant laquelle la receveuse n’était pas assurée auprès d’elle (c. 5.3).
Sous l’angle de la LAMal, il n’existe aucun fondement légal à la prétention émise à l’encontre de la caisse-maladie de la receveuse de l’organe par le donneur en compensation de sa perte de gain. Le renvoi, dans l’annexe 1 OPAS, à l’art. 14 de la loi sur la transplantation est insuffisant à cet égard (c. 5.4-5.6).
Sous l’angle de l’art. 14 de la loi sur la transplantation, se pose la question de la nature de la créance de donneur en compensation de sa perte de gain. Selon qu’il s’agit d’une créance de droit privé ou de droit public, ce ne sont pas les mêmes voies de droit, ni les mêmes tribunaux compétents. L’interprétation de l’art. 14 al. 2 let. b ne permet pas de répondre à cette question (c. 6.4). Remontant aux principes gouvernant la distinction entre droit public et droit privé, la Ire Cour de droit civil ainsi que les IIe, IIIe et IVe Cours de droit public ont, en application de l’art. 23 al. 2 LTF, décidé qu’il s’agissait d’une créance de droit public, mais qui ne relève pas de l’assurance sociale. Il s’agit ainsi de droit administratif général, respectivement du droit fédéral de la santé (« Gesundheitsrecht des Bundes »).
Le recours interjeté par le donneur est rejeté, sous l’angle de la LAMal car il ne relève pas de cette matière, sous l’angle de la loi sur la transplantation parce que le TF n’est pas matériellement compétent. L’affaire est transmise d’office au TAF pour qu’il statue sous cet angle-là, le TF renonçant pour le surplus à mettre des frais de justice à la charge du recourant.
Auteure : Anne-Sylvie Dupont |