NLRCAS juillet 2024
Editée par Christoph Müller, Anne-Sylvie Dupont, Guy Longchamp et Alexandre Guyaz
TF 9C_385/2023 du 8 mai 2024
Assurance-maladie; troubles psychiques, soins de base, proche aidant; art. 33 let. b OAMal; 7 al. 2 let. c ch. 2 OPAS
En présence d’un assuré, né en 2000 souffrant du syndrome de l’X fragile avec des troubles du spectre autistique, les soins de base destinés à des malades psychiques selon l’art. 7 al. 2 let. c ch. 2 OPAS prodigués par la mère employée d’une organisation de soins et d’aide à domicile sont, en principe, à la charge de l’assurance obligatoire des soins (à l’instar de ce qui prévaut pour les soins de base selon l’art. 7 al. 2 let. c ch. 1 OPAS – ATF 145 V 161, c. 5), et ce indépendamment de l’origine de l’atteinte à la santé (corporelle, mentale ou psychique). L’élément déterminant est de savoir si les prestations fournies sont des mesures nécessaires en raison des troubles à la santé et non de simples mesures d’ordre social ou pour des raisons personnelles. Il doit y avoir une raison médicale suffisamment étayée justifiant les prestations prodiguées pour qu’elles doivent être prises en charge par l’assurance-maladie obligatoire. En l’espèce, le Tribunal fédéral a renvoyé le dossier à l’assureur-maladie pour qu’il vérifie cette condition.
Auteur : Guy Longchamp
TF 8C_348/2023 du 3 mai 2024
Assurance-accidents; accident, infection au VIH, facteur extérieur extraordinaire; art. 4 LPGA
Le Tribunal fédéral a dû se prononcer sur la qualification d’accident d’une infection au VIH dans le cas d’un rapport sexuel non protégé et consenti. A cette occasion, il a rappelé que la cause extérieure est la caractéristique centrale de tout accident. Pour qu’elle soit extraordinaire, il faut que, selon des critères objectifs, la cause extérieure ne se situe pas dans le cadre ce qui est quotidien ou habituel pour le domaine de vie concerné. En revanche, il importe peu que l’effet soit extraordinaire. En l’espèce, l’assurée a entretenu une relation avec un partenaire déterminé entre 2002 et 2013. A la suite de leur séparation, elle a déposé plainte pénale contre celui-ci, qui a été reconnu coupable de lésions corporelles graves à son encontre, du fait de lui avoir caché sa séropositivité pendant plus de trois ans et d’avoir continué à entretenir avec elle des rapports sexuels non protégés. Sous l’angle des assurances sociales, les juges cantonaux et le Tribunal fédéral ont considéré que la cause extérieure et extraordinaire n’était pas remplie : contrairement à un viol, le caractère extraordinaire n’est en principe pas donné dans le cas de rapports sexuels consentis, qui sont habituels. En effet, l’agent pathogène n’a pas pénétré dans le corps de l’assurée de manière atypique. A cet égard, la qualification pénale du comportement de l’ancien partenaire n’est pas déterminante.
Auteur : Guy Longchamp
TF 8C_425/2023 du 21 mai 2024
Assurance chômage; contribution unique de l’employeur, prestations de prévoyance, indemnité de chômage, coordination; art. 18c et 11a LACI; 10b OACI
L’assuré, né en 1960, a travaillé depuis 1980 pour la société B. Sàrl, devenue C. Sàrl (l’employeur) à la suite d’une fusion. Le 8 juillet 2021, l’assuré a été informé de la fin de son contrat de travail au 31 octobre 2021 et de sa retraite anticipée au 1er novembre 2021. L’employeur s’est engagé, en application du plan social, à verser un montant total de CHF 218'921.02 en faveur de l’institution de prévoyance. L’assuré s’est inscrit auprès de l’assurance chômage dès le 1er novembre 2021. La caisse de prévoyance lui a versé une rente annuelle de CHF 52'416.- et une rente de transition AVS de CHF 25'682.90. La caisse cantonale de chômage de Zurich (ALK) a fixé l’indemnité journalière à CHF 371.90, mais a déduit la totalité de la rente mensuelle de CHF 6'509.- versée par la caisse de prévoyance du mois de novembre 2021. L’assuré a contesté la décision de compensation. La cour cantonale a annulé la décision de l’ALK de déduire la totalité de la rente mensuelle de la caisse de prévoyance des indemnités de chômage et a renvoyé l’affaire pour une nouvelle détermination de l’indemnité de chômage à partir de novembre 2021. L’ALK recouru auprès du Tribunal fédéral, en concluant à la confirmation de sa propre décision.
Le litige porte donc sur la question de la déduction de la prestation de vieillesse de CHF 4'338.- de l’indemnité de chômage en vertu de l’art. 18c al. 1 LACI, dans la mesure où cette prestation de vieillesse est attribuable à la contribution unique de l’employeur d’un montant de CHF 121'847.50 (c. 3.2). Il n’est en revanche pas contesté devant le Tribunal fédéral que la « rente-pont AVS » de CHF 2'141.- par mois, ne doit pas être déduite de l’indemnité de chômage (c. 3.3), car il s’agit d’une prestation de retraite professionnelle au sens de l’art. 18c LACI, même si elle est versée sur la base d’une prestation volontaire de l’employeur (c. 6.2.2).
Le Tribunal fédéral rappelle que les prestations de vieillesse de la prévoyance professionnelle sont déduites des indemnités de chômage, qu’elles soient versées sous forme de rente ou de capital. Pour les institutions de prévoyance qui permettent une retraite anticipée, l’événement assuré « vieillesse » correspond, selon la jurisprudence, à l’atteinte de l’âge réglementaire pour une retraite anticipée ; l’intention de la personne assurée d’exercer une autre activité lucrative est sans importance (c. 4.1).
Les prestations de vieillesse comprennent les prestations de prévoyance professionnelle obligatoire et surobligatoire auxquelles une personne assurée a droit lorsqu’elle atteint l’âge réglementaire pour une retraite anticipée, mais également les rentes de vieillesse, les indemnités en capital et les rentes-ponts. Les prestations de libre passage en sont exclues (c. 4.2).
L’ALK a donc procédé à une application correcte de l’art. 18c LACI en déduisant la totalité des prestations de vieillesse de CHF 4'368.- de l’indemnité de chômage (c. 6.3).
Auteur : David Métille, avocat à Lausanne
TF 8C_572/2023 du 8 mai 2024
Prestations complémentaires; rémunération du proche aidant, droit cantonal, arbitraire; art. 14 al. 1 let. b LPC; 13b let. b aOMPC
La mère d’un enfant bénéficiaire d’allocation pour impotence grave se consacre à sa prise en charge à domicile et a cessé, pour ce faire, son activité professionnelle de juriste. Le litige porte notamment sur le salaire à prendre en considération pour sa rémunération au titre des dispositions cantonales de mise en œuvre des art. 14 al. 1 let. b et al. 2 à 4 LPC.
Depuis l’entrée en vigueur le 1er janvier 2008 de la nouvelle loi fédérale sur la péréquation financière et la répartition des charges (RPT), il appartient aux cantons de rembourser les frais de maladie et d’invalidité sans que cela ne doive cependant conduire à une détérioration de la situation des assurés. Dans ce contexte, ils disposent « d’une marge d’appréciation non négligeable » (« ein nicht unerheblicher Gestaltungsspielraum »).
Dans le cas d’espèce, le Tribunal cantonal des assurances sociales du canton de Zoug a retenu un salaire à raison d’un taux horaire de CHF 33.20.-, soit le tarif de rémunération 2018 de l’assurance-invalidité pour une contribution d’assistance, et non pas le salaire de juriste auquel la mère du bénéficiaire aurait pu prétendre dans son ancienne activité.
Le Tribunal fédéral observe que l’art. 13b al. 2 de l’ancienne OMPC (Ordonnance relative au remboursement des frais de maladie et des frais résultant de l'invalidité en matière de prestations complémentaires du 29 décembre 1997 – RS 831.301.1) et la disposition cantonale identique en substance limitent le remboursement des frais à un montant correspondant « au maximum à la perte de gain » (« höchstens im Umfang des Erwerbsausfalls »). Ce nonobstant, il juge qu’une réduction forfaitaire des frais donnant droit à une indemnisation sur la base du salaire horaire d'une contribution d’assistance fixé selon le barème de l’assurance-invalidité n’est pas « tout à fait insoutenable » (« nicht geradezu unhaltbar »). La solution cantonale retenue n’est donc pas arbitraire.
Auteur : Eric Maugué, avocat à Genève
TF 9C_169/2023 du 3 mai 2024
Assurance-maladie; soins de longue durée, intervention d’une OSAD dans un établissement stationnaire, surindemnisation; art. 7 et 7a OPAS; 69 LPGA
Le TF a considéré qu’une organisation de soins et d’aide à domicile reconnue au sens de l’art. 51 OAMal pouvait valablement facturer ses prestations (art. 7 al. 2 OPAS) prodiguées dans un établissement stationnaire qui n’est pas considéré comme un EMS (art. 39 al. 3 LAMal), selon le tarif fixé à l’art. 7a al. 1 OPAS, et non selon le système forfaitaire prévu à l’art. 7a al. 3 OPAS. Un éventuel risque de surindemnisation ne peut pas être pallié, faute de base légale, lorsque les prestations de l’assureur-maladie sont versées parallèlement à des subventions cantonales. L’art. 69 LPGA n’est en particulier pas applicable dans une telle situation.
Auteur : Guy Longchamp
TF 8C_435/2023 du 27 mai 2024
Assurance-invalidité; rente d’invalidité, absence de formation à cause de l’invalidité, droit transitoire; art. 26 al. 6 RAI; let. b Disp. trans. RAI 2021
Un assuré né en 1999 souffre notamment d’un TDAH. Il ne parvient pas à terminer une formation. Selon l’art. 26 al. 1 aRAI, il n’a pas droit à une rente AI. En revanche, tel serait le cas si on appliquait le nouvel art. 26 al. 6 RAI. L’autorité précédente estime toutefois que l’ancien droit continuerait à s’appliquer même après l’entrée en vigueur au 1er janvier 2022 du nouveau droit.
Le Tribunal fédéral rappelle que s’il n’y a pas de disposition transitoire spécifique, les principes généraux du droit valables en matière de droit intertemporel imposent que, en cas de prestation durable, on applique la disposition en vigueur pour la période considérée (c. 4.2). Ainsi, l’assuré n’a pas droit à une rente pour la période durant laquelle l’art. 26 al. 1 aRAI était en vigueur, ce qui n’est contesté par personne. En revanche, dès l’entrée en vigueur de l’art. 26 al. 6 RAI, soit le 1er janvier 2022, c’est à l’aune de cette disposition que le droit de l’assuré s’analyse.
L’office AI intimé prétend que les principes généraux susmentionnés ne seraient pas applicables. Il se réfère à la let. b Disp. trans. RAI 2021, qui dispose que « si une rente AI a été octroyée avant l’entrée en vigueur de la modification du 3 novembre 2021 à un assuré qui, en raison de son invalidité, n’a pas pu acquérir de connaissances professionnelles suffisantes et si cet assuré n’avait pas encore 30 ans au moment de l’entrée en vigueur de la modification, le droit à la rente AI doit être révisé selon les nouvelles dispositions dans l’année qui suit. En sont exclus les assurés qui perçoivent déjà une rente entière. Une éventuelle augmentation de la rente a lieu au moment de l’entrée en vigueur de la modification du 3 novembre 2021 ». Cette disposition contiendrait un silence qualifié, en ce sens que le nouvel art. 26 al. 6 RAI ne serait pas applicable à l’assuré dont le droit à la rente ne naîtrait qu’après l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions. Le Tribunal fédéral rejette cette argumentation : d’une part, au vu des principes généraux valant en matière de droit intertemporel, on ne saurait y déroger de manière déraisonnable ; d’autre part, la disposition transitoire susmentionnée a précisément pour but de corriger les effets délétères des anciennes dispositions sur les jeunes assurés et non de les amplifier.
L’affaire est renvoyée à l’office AI, afin qu’il calcule le droit de l’assuré en se fondant sur le nouvel art. 26 al. 6 RAI pour la période postérieure au 1er janvier 2022, l’arrêt cantonal étant déjà définitif et exécutoire pour la période antérieure à cette date, ce qui est d’ailleurs accepté par le recourant.
Auteur : Benoît Sansonnens, avocat à Fribourg
TF 5A_824/2023 du 17 avril 2024
Responsabilité du propriétaire foncier; servitude foncière, plantations entre deux biens-fonds; art. 679, 737 et 973 CC
Des propriétaires voisins ont conclu un contrat de servitude aux termes duquel les propriétaires de la parcelle A autorisaient le propriétaire de la parcelle B à planter des arbustes et des arbres à sa guise (« beliebige Bepflanzung mit Büschen und Bäumen ») jusqu'à la limite commune et renonçaient à toute prétention au respect des distances minimales en cas de plantation, telles qu’elles figuraient dans la loi cantonale d’application du Code civil. A la suite d’une expertise judiciaire, les propriétaires de la parcelle A ont ouvert action en justice. Le tribunal de première instance a condamné le propriétaire de la parcelle B à élaguer certains arbres ainsi que toutes les plantations (y compris les racines) le long de la limite de propriété commune dans les 60 jours suivant l'entrée en vigueur de la décision, puis chaque année en automne, jusqu'à la hauteur du pignon de sa maison ou jusqu’à 2 m. de la limite. Le tribunal cantonal a rejeté l’appel interjeté par le propriétaire de la parcelle B contre ce jugement.
La controverse porte sur la question de savoir si les plantations situées le long de la limite commune entre les terrains des parties ont un impact excessif sur le terrain des intimés (propriétaires de la parcelle A) et si ces derniers ont le droit d’exiger leur suppression. Le Tribunal fédéral rappelle que le bénéficiaire de la servitude a le droit de faire tout ce qui est nécessaire à la conservation et à l’exercice de la servitude (art. 737 al. 1 CC). Il est toutefois tenu, dans la mesure du possible, d’exercer son droit avec ménagement (art. 737 al. 2 CC). L’obligation d’exercer le droit avec ménagement ne limite pas l’étendue ou le contenu de la servitude foncière. En application de l’art. 2 CC, elle interdit toutefois son exercice abusif. L’ayant droit doit donc renoncer à l’exercice d’un droit qui porte atteinte au propriétaire grevé, dans la mesure où cet exercice est inutile ou que l’intérêt à l’exercice du droit est manifestement disproportionné par rapport à l’intérêt du propriétaire grevé à ne pas l’exercer (c. 3).
Le tribunal cantonal avait considéré qu’en raison de la servitude, les plantations du recourant le long de la limite de propriété ne devaient pas respecter les distances minimales et les limitations de hauteur et que les intimés devaient tolérer les branches et les racines qui dépassaient. La servitude avait cependant pour but de créer une protection visuelle pour le terrain du recourant. Or, le recourant n’exerçait pas, selon le Tribunal cantonal, la servitude avec ménagement : une protection visuelle pouvait être obtenue même si la hauteur de l’arbre était limitée à la hauteur du pignon de la maison du recourant et si la largeur des plantes était de 2m. Une croissance illimitée des plantes n’était pas nécessaire, mais était de nature à porter massivement atteinte aux intérêts des intimés. A cet égard, le tribunal cantonal faisait notamment référence aux branches « transfrontalières » avec un surplomb allant jusqu’à 5,35 m., qui atteignaient en partie le balcon des intimés, au système racinaire « transfrontalier » avec une extension horizontale allant jusqu’à 4,5 m. ainsi qu’à l’impact des feuilles mortes et à l’ombre portée étendue. De l’avis du Tribunal cantonal, comme les empiètements sur le terrain des intimés n’étaient pas conformes à l’art. 737 al. 2 CC, ceux-ci avaient un droit à la suppression et à la cessation (c. 4).
Devant le Tribunal fédéral, le recourant soutient qu’un accord tacite résulte de la formulation-même de la servitude, selon lequel celle-ci ne doit justement pas être exercée avec ménagement. Le Tribunal fédéral relève que celle-ci a été constituée avant l’achat de l’immeuble par les intimés. Ceux-ci pouvaient donc se fier, dans la mesure de leur bonne foi, à l’inscription au registre foncier (art. 973 al. 1 CC). Or, l’inscription d’un « "beliebigen" Näherpflanzrechts » ne doit pas être comprise de bonne foi comme signifiant qu’aucune limite ne s’applique à la servitude (c. 7. 2). Le recourant se prévaut enfin du règlement de construction de la ville, selon lequel les arbres d’une circonférence supérieure à 0,8 m. ne peuvent être abattus qu’avec une autorisation. Le Tribunal rappelle qu’il examine en principe uniquement si le droit applicable au moment où la décision attaquée a été rendue a été correctement appliqué. Or, le recourant ne fait pas valoir qu’au moment déterminant, une autorisation était nécessaire pour l’élagage ordonné ou que le jugement attaqué n’était pas applicable pour des raisons juridiques. Ensuite, il ne fait pas valoir que la nouvelle planification évoquée dans le recours aurait dû être prise en compte au sens d’un effet anticipé, ce dès le prononcé de la décision attaquée. Le recours s’avère donc infondé (c. 8).
Auteur : Alexis Overney, avocat à Fribourg
TF 4A_249/2023 du 22 avril 2024
Responsabilité du fait des produits; for, lieu du fait dommageable, action en constatation négatoire; art. 5 par. 3 CL
En matière de responsabilité civile du fait des produits, dans le contexte d’un litige international entre des parties résidants dans un état lié par la Convention du Lugano (CL), ladite Convention s’applique. L’action en responsabilité pour le fait des produits est une action délictuelle au sens de l’art. 5 par. 3 CL.
L’art. 5 par. 3 CL désigne le lieu où le fait dommageable s’est produit. Cela vise à la fois le lieu de l’événement causal qui est à l’origine du dommage, autrement dit le lieu de commission de l’acte, et le lieu de matérialisation du dommage, c’est-à-dire le lieu de résultat de l’acte. L’interprétation de ces notions doit se faire en tenant compte de la règle générale selon laquelle les personnes domiciliées sur le territoire d’un Etat membre sont attraites devant les juridictions de cet état (art. 2 par. 1 CL) et ne saurait prendre en compte l’intérêt de la personne lésée en lui permettant d’introduire son action au lieu de son domicile, l’art. 5 par. 3 CL ne tendant pas précisément à offrir à la partie la plus faible une protection renforcée.
Lorsque le lieu de commission de l’acte et celui de son résultat ne concordent pas, le demandeur à l’action, qu’il s’agisse d’une action condamnatoire ou d’une action en constatation négative de droit (dans laquelle le rôle des parties est inversé) dispose de la faculté de choisir librement entre ces deux lieux, sans qu’il ne soit nécessaire de déterminer quelle est la juridiction objectivement la mieux placée.
Dans le cadre de la responsabilité du fait des produits, l’on ne peut déduire l’art. 5 par. 3 CL que le lésé doit ouvrir action ou que le producteur puisse être attrait dans tous les Etats de fabrication matérielle de toutes les pièces détachées qui composent le produit. Dans la chaîne des causes du défaut, il y a lieu de considérer que le lieu de commission de l’acte dépend à la fois du producteur dont le lésé met en cause la responsabilité et du lieu où celui-ci a agi, et non de tous les lieux où celui-ci a fait réaliser ses produits par des tiers. Ces tiers sont à considérer comme des auxiliaires du fabricant, lequel répond vis-à-vis de l’acquéreur du produit fini.
Le cas d’espèce concerne une société suisse ayant conçu en Suisse un produit (en l’occurrence un vélo de course en carbone), lequel a été fabriqué en Chine, assemblé en Hollande, stocké en Belgique et vendu en Italie à un acquéreur italien qui a subi un accident en Italie, à la suite d’une rupture de la fourche du vélo. L’action négatoire de droit de la société suisse dirigée contre la victime italienne devant le Tribunal d’arrondissement de la Sarine a été déclarée recevable, en considération du lieu de commission de l’acte.
Auteur : Thierry Sticher, avocat à Genève
Brèves...
Le TF qualifie de travailleuse salariée la personne qui conclut un contrat avec une société ayant pour but de fournir des services d’hébergement et d’encadrement à des personnes adultes. En effet, celle-ci ne peut pas choisir librement les personnes qu’elle accueille, est liée par les instructions reçues de la part de la société, et n’a pas, pour le reste consenti d’investissements importants en vue de l’accomplissement de sa mission (TF 9C_550/2023).
Pendant la durée d’une mission, la bailleuse de services délègue à la locataire de services son droit de donner des instructions au travailleur ou à la travailleuse. En conséquence, elle ne peut pas être recherché sous l’angle des art. 55 et 101 CO en cas de manquement de la part de l’employé prêté (TF 4A_53/2024 c. 4.4).
...et en tous temps, en tous lieux
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