NLRCAS Juin 2021
Editée par Christoph Müller, Anne-Sylvie Dupont, Guy Longchamp et Alexandre Guyaz
TF 9C_692/2020 du 29 mars 2021
Assurance-vieillesse et survivants; Uber, établissement stable, cotisations; art. 12 LAVS
Dans un arrêt relatif à une question de taxation d’une société suisse au titre d’établissement stable d’une société étrangère, le TF considère que l’art. 12 LAVS ne crée pas une pluralité de débiteurs, mais confirme que l’obligation de verser des cotisations incombe exclusivement à l’employeur. En conséquence, seul l’employeur peut être poursuivi par la caisse de compensation en cas d’absence de versement des cotisations et la filiale suisse Uber Switzerland GmbH ne doit pas payer l’AVS pour les chauffeurs UberPop.
Auteure : Sabrine Magoga Sabatier, MLaw, cand. Dr Iur
TF 4D_7/2021 du 12 avril 2021
Assurances privées; assurance perte de gain maladie LCA, incapacité de travail selon les CGA, valeur probante d’un certificat médical; art. 9 Cst.
Un employé a été absent pour cause de maladie du 14 juin au 30 novembre 2019. L’assureur perte de gain maladie de son employeur a initialement pris le cas en charge, puis mis un terme au paiement des indemnités journalières à partir du 1er septembre 2019, considérant qu’à partir de cette date l’incapacité de travail était exclusivement liée à la place de travail. Le tribunal de première instance a condamné l’assureur à payer à l’assuré un montant de CHF 20’643.35 avec intérêts pour les mois de septembre à novembre 2019. Ce verdict a été confirmé par le tribunal cantonal.
Vu la valeur litigieuse inférieure à CHF 30’000.-, le TF n’est entré en matière que sur le recours constitutionnel subsidiaire. Il a considéré que l’appréciation des preuves faite par la juridiction inférieure n’était pas arbitraire. Selon le certificat médical du 31 octobre 2019 du médecin-traitant de l’assuré, ce dernier était traité pour une maladie depuis le 14 juin 2019 et l’incapacité de travail a duré jusqu’en novembre 2019. Ce libellé indiquait clairement qu’une atteinte à la santé était à l’origine de l’incapacité de travail. La note de l’entretien téléphonique de l’assureur avec le médecin-traitant de l’assuré, selon laquelle l’incapacité ne concernait que la place de travail, avait la valeur d’une simple allégation de partie et n’était au demeurant pas déterminante. En effet, selon les CGA applicables, l’assureur est tenu de fournir ses prestations pour toute incapacité de travail – même liée exclusivement à la place de travail – si une atteinte à la santé est à l’origine de cette incapacité. La juridiction inférieure pouvait donc se contenter d’examiner si l’incapacité de travail était causée par une atteinte à la santé. En soumettant à nouveau sa propre interprétation des CGA au TF, la recourante n’a fait que répéter l’argumentation juridique développée devant les instances précédentes, mais sans démontrer en quoi le tribunal cantonal aurait violé un droit constitutionnel. Par conséquent, le TF a rejeté le recours.
Auteur : Alexandre Lehmann, avocat à Lausanne
TF 4A_19/2021 du 6 avril 2021
Assurances privées; indemnités journalières en cas de maladie (LCA), procédure, expertise maxime inquisitoire sociale, devoir d’allégation et de substantification, droit à la preuve; art. 152, 221 al. 1 let. d et e et 247 al. 2 let. a CPC
Une assurée a bénéficié d’indemnités journalières en cas de maladie directement après son congé maternité, après avoir annoncé un trouble obsessionnel-compulsif à son assureur. Celui-ci a versé des indemnités journalières, puis, à réception d’une expertise psychiatrique, a cessé de prester. L’assurée a déposé une demande en paiement pour la période postérieure auprès du Tribunal des assurances argovien, lequel a rejeté sa demande, considérant en substance qu’elle n’avait pas prouvé son incapacité de travail pour cause de maladie durant la période litigieuse.
La recourante argue, tout d’abord, que l’instance inférieure n’aurait pas examiné si sa situation correspondait aux troubles de la santé prévus par les CGA. Peu importe la terminologie, selon le TF, car l’instance inférieure n’a rien exigé d’autre que l’assurée démontre une incapacité de travail résultant d’une maladie ou d’un trouble de la santé.
Le TF rappelle ensuite la maxime inquisitoire sociale applicable dans un tel procès (art. 247 al. 2 let. a CPC). Celle-ci se rapporte à l’établissement des faits, qui incombe aux parties. Elles doivent renseigner le juge sur les faits et lui apporter les moyens de preuves propres à établir les faits. Ce n’est qu’en présence de motifs objectifs qui conduisent le juge à soupçonner que les allégations et les offres de preuves d’une partie sont lacunaires que le juge doit inviter la partie à compléter ses moyens de preuve.
Le TF rappelle également le but de l’art. 221 al. 1 let. d et e CPC, qui est de permettre au juge de déterminer sur quels faits le demandeur fonde ses prétentions et par quels moyens de preuve celui-ci entend démontrer lesdits faits. Cette disposition a également pour objectif de permettre à la partie adverse de se déterminer sur les faits allégués et, le cas échéant, d’offrir des contre-preuves, conformément à l’art. 222 CPC. Selon la jurisprudence du TF, le devoir d’allégation et de motivation doit en principe être rempli dans les actes juridiques. Un simple renvoi aux pièces jointes ne suffit généralement pas. En effet, il n’appartient ni au tribunal ni à la partie adverse de construire et de faire ressortir des pièces jointes et des documents présentés l’état de fait. Il ne leur appartient pas de passer en revue toutes les pièces jointes afin d’examiner s’ils peuvent en déduire un élément en faveur de la partie chargée de l’allégation. L’instance inférieure a considéré que l’assurée devait préciser concrètement, d’une part, de quelle maladie elle avait souffert durant la période litigieuse et, d’autre part, l’impact de cette maladie sur sa capacité de travail. Concernant l’impact sur sa capacité de travail, l’assurée s’était bornée à se référer aux différents rapports médicaux produits, sans n’apporter aucun commentaire sur leur contenu, et n’avait ainsi pas satisfait à son devoir d’allégation et de substantification. Un tel procédé ne permettait pas de retenir automatiquement une allégation de partie. Aux yeux du TF, le raisonnement de la cour cantonale doit être suivi ; l’art. 247 al. 2 let. a CPC n’a ainsi pas été violé par les premiers juges.
Le TF confirme ensuite que les rapports médicaux produits par la demanderesse n’ont pas de valeur probante suffisante, puisque tantôt le médecin s’est contenté de poser un diagnostic supposé sans se prononcer sur la durée de l’incapacité de travail, tantôt il ne s’agissait pas d’un spécialiste en psychiatrie, tantôt le médecin n’a même pas posé de diagnostic et examiné ses répercussions sur la capacité de travail. Ainsi, même en ne leur déniant pas forcément toute valeur probante, lesdits rapports n’établissaient ni une maladie, ni une incapacité de travail pendant la période litigieuse, à l’aune de la vraisemblance prépondérante. Le TF rappelle à cet égard que, du point de vue de la preuve, les certificats médicaux, les rapports médicaux de spécialistes ou autres documents présentés par une partie constituent de simples expertises privées, qui, selon la jurisprudence, doivent être considérées comme de simples allégations de partie et non pas comme de véritables preuves. Dans son arrêt, la juridiction inférieure a démontré, de manière convaincante, la raison pour laquelle elle n’avait attribué aucune ou qu’une faible valeur probante aux rapports médicaux produits par l’assurée. De plus l’assurée n’avait pas démontré le caractère arbitraire de la décision cantonale, alors qu’il lui incombait pourtant de le faire.
Le TF rappelle ensuite le droit à la preuve, consacré à l’art. 152 CPC, qui permet à la partie de démontrer la véracité des faits pertinents allégués, en administrant des moyens de preuve, requis en temps utile et en la forme prescrite dans la procédure cantonale. Toutefois, l’appréciation anticipée des preuves n’est pas exclue. Partant, une autorité peut s’abstenir d’administrer les preuves requises si elle a pu établir sa conviction sur la base des preuves déjà administrées et qu’elle peut supposer, sans arbitraire, que sa conviction ne serait pas modifiée avec de nouvelles preuves. Dans cette situation, le droit à la preuve n’est pas violé. En l’occurrence, l’assurée considère que l’instance inférieure a rejeté, à tort, la mise en place d’une expertise judiciaire. Toutefois, elle aurait dû présenter, aux yeux du TF, spécifiquement les allégations que l’expertise était censée prouver, ce qu’elle n’a pas fait, se contentant de requérir une expertise judiciaire afin de prouver qu’elle n’avait pas pu se détacher de son enfant en raison d’une anxiété pathologique. Ainsi, l’assurée aurait dû alléguer et prouver comment ses troubles de la santé se sont concrètement manifestés et répercutés sur sa capacité de travail. Le simple fait de présenter une requête de preuve par expertise n’est pas suffisant. En outre, étant donné que l’assurée était guérie au moment de la procédure cantonale, compte tenu du temps écoulé et de la perte d’acuité des souvenirs, c’est à bon droit que l’instance cantonale a renoncé à diligenter une expertise psychiatrique.
Auteur : Didier Elsig, avocat à Lausanne et à Sion
TF 9C_537/2020 du 13 avril 2021
Assurance-maladie; médicaments, fixation du prix; art. 25 à 31 LAMal; 65b et 65d OAMal
L’objet du litige vise à savoir si l’OFSP a violé le droit fédéral en imposant une baisse de prix de 25.78 % d’un médicament X.
Le TF commence par rappeler les règles applicables, notamment celles relatives à l’évaluation du caractère économique (art. 65b OAMal) et celles relatives au réexamen des conditions d’admission tous les trois ans (art. 65d OAMal) (c. 3.2). Le recourant reprochait à l’OFSP de ne pas avoir tenu compte de trois médicaments, dans la formation des groupes de médicaments de référence pour déterminer le prix moyen (Therapeutischer Quervergleich [TQV], art. 65b al. 5 OAMal). Il lui reprochait également de ne pas avoir tenu compte du plus petit emballage du médicament, en violation de l’art. 65d al. 3 OAMal. Le TF a répondu que l’ancienne jurisprudence s’appliquait aux normes entrées en vigueur au 1er mars 2017 et que l’OFSP conservait un large pouvoir d’examen (Ermessenspielraum) dans le choix des produits de comparaison (c. 5.5). Il a ajouté que la constitution des groupes de produits comparables n’imposait pas de tenir compte de tous les produits ayant la « même indication » et le « même mode d’action », respectivement de tous ceux qui sont « utilisés pour traiter la même maladie » (c. 6.1 et 6.2). Pour savoir si l’autorité en question a abusé de son pouvoir d’appréciation, il fallait simplement déterminer si les produits retenus par l’autorité dans le cadre des groupes comparatifs remplissaient ces trois critères (c. 6.3). Dans le cas d’espèces, c’était le cas (c. 6.3.2 et 6.4).
Le TF a en outre confirmé que la composition du groupe de référence avec un seul élément de comparaison n’était pas arbitraire (c. 6.3.1). Le TF a rejeté ensuite le grief relatif à une éventuelle violation de l’art. 43 al. 6 LAMal (c. 6.5.1), de même que celui sur la violation de l’égalité de traitement entre partenaires commerciaux et concurrents directs (c. 6.5.2). Le TF a rejeté enfin le grief fondé sur l’art. 65d al. 3 OAMal en indiquant que cette disposition contenait des exceptions, notamment lorsque la comparaison avec le plus petit emballage ou le plus petit dosage ne permet pas un résultat adéquat, par exemple lorsque le dosage est différent au début de la thérapie ou que la taille des emballages est différente. In casu, le TF valide la comparaison effectuée entre le paquet de dix seringues préremplies d’un premier médicament et les dix ampoules d’un autre (c. 6.5.3 ss). Le recours est rejeté.
Auteure : Rébecca Grand, avocate à Lausanne
TF 9C_45/2021 du 16 avril 2021
Assurance maladie; financement, liste des mauvais payeurs, prise en charge rétroactive; art. 64a al. 7 LAMal
Un assuré est inscrit sur la liste noire des mauvais payeurs, mise en place par certains cantons, dont la prise en charge au titre de la LAMal se limite à la médecine d’urgence. La faillite de l’assuré est prononcée et deux actes de défauts de bien sont émis en faveur de la caisse maladie. L’assuré demande le remboursement des prestations à sa charge jusqu’à la clôture de la faillite. Le refus de l’assurance est confirmé par l’instance cantonale.
Aux termes de l’art. 64a al. 7 LAMal, la suspension de la prise en charge des soins est annulée « lorsque les assurés ont acquitté leurs créances », condition jugée comme réalisée lorsque des actes de défaut de biens sont émis à la suite d’une procédure de faillite. L’assurance aurait donc dû reprendre la prise en charge des prestations couvertes avec effet rétroactif (Nachzahlungsanspruch) sans attendre la radiation formelle de l’assuré de la liste. Le recours est donc admis et la cause renvoyée à l’assurance.
Auteur : Eric Maugué, avocat à Genève
TF 9C_586/2020 du 23 mars 2021
Assurance-maladie; rentiers, affiliation à l’assurance-maladie suisse, entraide pour les prestations en nature; ALCP; art. 11 ch. 1 et 3, 13 ch. 1 let. a, 17, 23 et 31 R (CE) n° 883/2004; R (CE) n° 897/2009
Le litige porte sur la question de savoir si un couple de ressortissants allemands domiciliés en Suisse, au bénéfice d’une rente de vieillesse allemande et d’une rente de vieillesse suisse, assurés jusqu’en 2017 auprès d’un assureur-maladie allemand, doit en réalité être affilié à l’assurance-maladie suisse. L’assureur compétent pour l’entraide internationale avait en effet décidé que le couple, en tant que bénéficiaire de rentes de résidence de la Suisse, était soumis à l’assurance-maladie obligatoire suisse et n’avait donc plus droit, de ce chef, à cette entraide.
Le TF commence par rappeler la teneur de l’art. 17 R (CE) n° 883/2004, aux termes duquel « la personne assurée ou les membres de sa famille qui résident dans un Etat membre autre que l’Etat membre compétent bénéficient dans l’Etat membre de résidence des prestations en nature servies, pour le compte de l’institution compétente, par l’institution du lieu de résidence, selon les dispositions de la législation qu’elle applique, comme s’ils étaient assurés en vertu de cette législation ». Il en résulte que, si les prestations en nature sont servies – du point de vue de l’Etat contractant compétent – à l’étranger, au lieu de résidence ou de séjour de la personne assurée, le droit aux prestations en nature prévu aux art. 17 ss du règlement précité est supprimé.
Dans le domaine de l’assurance-maladie, l’Etat contractant compétent est déterminé par les art. 11 ss et les art. 23 ss R (CE) n° 883/2004 (c. 4.2). Après analyse des dispositions topiques (art. 11 ch. 1 et 3, 13 ch. 1 let. a, 17, 23 et 31 R [CE] n° 883/2004), le TF parvient à la conclusion que, en raison du défaut d’informations sur une éventuelle activité lucrative du couple en Allemagne, l’assureur compétent pour l’entraide internationale n’était pas en droit de supposer que ledit couple avait été ou aurait dû être assuré en Suisse depuis 2018. Cette question n’est cependant pas déterminante pour la résolution du litige (c. 4.4). L’entraide internationale pour les prestations en nature ne crée pas de règle de secours pour les cas où la compétence est contestée, mais réglemente l’entraide lorsque l’institution compétente est établie. Il s’agit d’un mécanisme destiné à faciliter la demande de prestations en nature dans un Etat contractant autre que celui qui est compétent. L’enregistrement de l’entraide en matière de prestations en nature présuppose ainsi la présentation d’une attestation établie valablement par l’institution compétente (art. 24 ch. 1 R [CE] n° 987/2009). L’application des dispositions relatives à l’application provisoire de la législation d’un Etat contractant et à l’octroi provisoire de prestations prévues à l’art. 6 R (CE) n° 987/2009 suppose une divergence d’opinion entre les institutions ou les autorités de deux ou plusieurs Etats contractants, ce qui n’est pas le cas ici. Le fait que les assurés aient un point de vue différent de celui de l’assureur compétent pour l’entraide internationale ne constitue en effet pas un conflit de compétence (positif ou négatif). Au contraire, l’assureur-maladie allemand a retiré son certificat d’assurance au sens de l’art. 24 ch 2 R (CE) n° 987/2009, ce en accord avec l’assureur compétent pour l’entraide internationale. Dès lors, ce dernier a, avec raison, refusé l’enregistrement de l’entraide internationale en nature. (c. 5.1. et 5.2). Enfin, le TF estime qu’une éventuelle exemption de l’obligation de contracter une assurance-maladie en Suisse n’entre pas en considération (c. 5.3).
Auteur : Alexis Overney, avocat à Fribourg
TF 8C_482/2020 du 23 avril 2021
Assurance chômage; indemnité de chômage, délai-cadre d’indemnisation, subrogation; art. 29 LACI
Le TF rappelle que le début du délai-cadre applicable à la période d’indemnisation reste fixé une fois pour toutes, sauf s’il s’avère par la suite, sous l’angle de la reconsidération ou de la révision procédurale, que les indemnités de chômage ont été indûment allouées et versées parce qu’une ou plusieurs conditions du droit n’étaient pas remplies.
Ainsi, lorsqu’une indemnité de chômage est allouée et effectivement perçue par un assuré conformément à l’art. 29 al. 1 LACI, il n’y a pas lieu de reporter le début du délai-cadre applicable à la période de l’indemnisation s’il est fait droit ultérieurement, en tout ou en partie, à des prétentions de salaire ou d’indemnisation contre l’ancien employeur.
L’assuré qui actionne son ancien employeur en justice et qui obtient les prétentions salariales réclamées ne peut donc pas ensuite remettre en cause le caractère définitif du délai-cadre. L’assuré, dans un tel cas de figure, n’est pas tenu à la restitution des prestations de chômage perçues. C’est en effet la caisse qui dispose d’une créance subrogatoire contre l’employeur.
Auteur : Charles Poupon, avocat à Delémont
TF 9C_168/2020 du 17 mars 2021
Assurance-invalidité; expertise, expertise établie par l’assureur perte de gain, valeur probante, doutes minimes, avis du médecin-traitant; art. 7, 8 43 et 44 LPGA; 4 LAI
Le TF rappelle qu’une expertise réalisée sur mandat de l’assureur perte de gain et versée au dossier AI n’est pas une expertise au sens de l’art. 44 LPGA, mais a la même valeur probante qu’un avis médical interne. Par conséquent, s’il existe le moindre doute (« auch nur geringe Zweifel ») quant à la fiabilité et la cohérence de cette expertise, il convient de l’écarter en mettant en œuvre une expertise au sens de l’art. 44 LPGA (c. 3.2).
Des doutes quant à la fiabilité et à la cohérence d’un avis médical interne peuvent être soulevés par la production d’avis médicaux, y compris ceux des médecins-traitants de la personne assurée. Si l’avis interne à l’assurance est mis en doute de manière intelligible par le médecin-traitant (cf. aussi c. 5.2.2), l’avis de ce dernier ne peut être écarté par la simple référence à son lien contractuel avec la personne assurée, ou au motif qu’il ne remplit par les exigences d’une expertise (c. 5.1).
En l’espèce, le rapport établi par le médecin-traitant critique de manière compréhensible les conclusions de l’expertise établie par l’assureur perte de gain (c. 5.3.1), raison pour laquelle il y avait lieu de renvoyer l’affaire à l’office AI pour qu’il mette en œuvre une expertise.
Auteure : Anne-Sylvie Dupont
Note : cet arrêt recadre de manière agréablement étonnante l’appréciation des preuves médicales dans un dossier AI, et redore le blason de l’avis du médecin-traitant. Dans ce sens, il va dans le sens d’une meilleure égalité des armes dans l’instruction d’un dossier AI, et doit être salué.
TF 8C_268/2020 du 19 avril 2021
Assurance-accidents; rente d’invalidité, motif de révision; art. 17 LPGA
Dans cet arrêt de principe, le TF a jugé que le seul fait que le lien de causalité naturelle ne soit plus reconnu, par exemple en raison de la survenance d’une maladie qui entraîne ou aurait entraîné la cessation de toute activité lucrative, ne constitue pas un motif de révision de la rente d’invalidité, selon l’art. 17 LPGA.
Auteur : Guy Longchamp
TF 9C_34/2021 du 30 mars 2021
CORONA-perte de gain; indépendants, limite de revenus, base de calcul pertinente, égalité de traitement; art. 5 al. 2 O COVID-19 PdG
Dans cette affaire concernant l’octroi d’APG-COVID à deux personnes de condition indépendante, ces dernières s’étaient vu refuser le droit aux prestations au motif que les revenus annoncés pour les acomptes de cotisations pour l’année 2019 excédaient la limite de CHF 90’000.-. Le refus a été confirmé par le tribunal cantonal (ZH), qui a néanmoins indiqué dans ses considérants que les recourants conservaient pas possibilité de demander la reconsidération des décisions une fois connues les taxations fiscales définitives pour 2019. Les juges cantonaux soutenaient en effet que contrairement au texte de l’ordonnance, le droit aux prestations ne pouvait pas dépendre du moment auquel l’autorité fiscale statuait, car cela créerait des inégalités de traitement injustifiées entre les personnes assurées.
Le TF refuse d’entrer en matière sur le recours interjeté par l’OFAS, au motif que ce dernier ne porte que sur les motifs du jugement, et non sur son dispositif, et que le jugement cantonal ne préjuge pas de l’issue de futures décisions.
Auteure : Anne-Sylvie Dupont
Note : l’arrêt 9C_752/2020, résumé dans la newsletter du mois dernier, avait également été rendu dans le cadre d’une affaire zurichoise. Il semble donc que les juges de ce canton contestent l’interprétation faite par l’OFAS de l’art. 5 al. 2, 2e phrase, O COVID-19 PdG, qui consiste à ne retenir la taxation fiscale définitive pour 2019 comme référence pour l’examen du droit que si celle-ci existe avant le 20 septembre 2020, interprétation que nous critiquons également.
TF 8C_780/2020 du 15 avril 2021
RHT COVID; préavis de réduction de l’horaire de travail, employeur ayant son siège à l’étranger; art. 8 ALCP; 65 al. 1 R (CE) n° 883/2004; 31, 36 et 121 LACI; 119 OACI
En date du 27 mars 2020, la société X. Ltd, ayant son siège au Royaume-Uni, présente une déclaration préalable de réduction de l’horaire de travail du salarié A., employé en Suisse. La Caisse bernoise de chômage refuse cette annonce, au motif que la société n’a pas de siège en Suisse. Le Tribunal administratif du canton de Berne admet le recours interjeté par A. contre cette décision au motif que le droit interne n’exige pas que l’employeur ait son siège en Suisse, et renvoie la cause à la caisse. La caisse recourt au TF.
Le TF rappelle que, s’agissant d’une situation transfrontalière, le droit européen est applicable, via l’art. 121 al. 1 let. a LACI. Il cite le chiffre 2 de la décision U3 de la Commission administrative pour la coordination des systèmes de sécurité sociale du 12 juin 2009 relative au chômage partiel, selon lequel si une personne reste employée par une entreprise dans un Etat membre autre que celui sur le territoire duquel elle réside, mais que son activité est suspendue alors qu’elle reste candidate à réintégrer son poste à tout moment, elle est considérée comme étant en chômage partiel et les prestations afférentes sont servies par l’institution compétente de l’Etat membre d’emploi, conformément à l’art. 65, par. 1, R (CE) n° 883/2004 (c. 3.1).
Si l’Etat d’emploi n’est pas la Suisse, les employés ne peuvent pas prétendre aux indemnités de chômage partiel selon le droit suisse, quel que soit leur lieu de domicile. Selon le droit suisse, est considérée comme « en emploi » la personne qui est affiliée comme dépendante à l’AVS (c. 5.1). En l’espèce, l’employée travaillait en Suisse et était affiliée au système d’assurances sociales suisses (art. 13 al. 1 R [CE] n° 883/2004). Ceci ne suffit toutefois pas à lui ouvrir le droit aux prestations de chômage partiel selon le droit suisse. D’autres conditions doivent être remplies au niveau de l’entreprise. L’entreprise doit notamment démontrer une perte minimale d’heures de travail sur l’ensemble de l’entreprise ou dans l’un de ses départements pour que la Suisse soit considérée comme le pays d’emploi. A cet égard, une employée en Suisse ne représente pas à elle seule une structure opérationnelle permanente de l’entreprise en Suisse, si bien que la Suisse ne saurait être considérée comme le pays d’emploi (c. 5.2). De plus, l’art. 65 R (CE) n° 883/2004 constitue une lex specialis par rapport aux dispositions générales du règlement ancrées au titre II (art. 11 à 16). La Caisse bernoise de chômage n’est donc pas compétente pour faire droit à la demande de RHT.
Auteure : Emilie Conti Morel, avocate à Genève
Brèves...
En l’absence de contrat de prêt ou d’autre élément tangible, les prélèvements effectués par un associé-gérant sur un compte courant dont celui-ci bénéficie auprès de sa société ne peuvent être qualifiés de prêts, nonobstant la reconnaissance d’une dette fiscale. Il s’agit dès lors de déterminer s’il s’agit d’un salaire, partant soumis à cotisations sociales, ou à un rendement du capital (TF 9C_77/2020).
L’art. 69 LPGA n’a pas vocation à s’appliquer pour régler la coordination des prestations versées par une assurance perte de gain LCA avec des prestations sociales ; cette disposition ne règle en effet que la coordination intersystémique (TF 9C_794/2020 c. 6.1.2).
...et en tous temps, en tous lieux
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