NLRCAS Juillet 2019
Editée par Christoph Müller, Anne-Sylvie Dupont, Guy Longchamp et Alexandre Guyaz
TF 4A_394/2018 - ATF 145 III 225 du 20 mai 2019
Responsabilité aquilienne; preuve et calcul du dommage; notion de « dépréciation mercantile »; art. 41 et 42 CO
Après l’exécution d’un contrat d’entreprise portant sur la construction de trois maisons, ces dernières sont inondées pour cause de fortes pluies. A la suite d’une réparation totale des dommages par une société tierce, les propriétaires des trois biens actionnent l’entrepreneur X Sàrl et demandent notamment une indemnité pour dépréciation mercantile.
Après une exposition de la notion de dépréciation mercantile et de ses diverses spécificités, le TF précise que dans le cas de biens immobiliers, une telle dépréciation n’est indemnisable que si le demandeur peut en apporter la preuve concrète, en particulier lors de la vente d’un tel bien si le prix obtenu est moins élevé que celui qui aurait été obtenu sans l’événement dommageable. Or, dans le cas d’espèce, une telle preuve n’est pas apportée dans la mesure où le prix obtenu à la suite de la vente d’une des maisons est plus élevé que la valeur hypothétique de celle-ci sans l’événement dommageable.
Auteure : Estelle Vuilleumier
TF 6B_1145/2018 du 28 mai 2019
Responsabilité du détenteur de véhicule automobile; décès; tort moral; art. 47 CO
Un accident de circulation a causé la mort d’un motocycliste de 26 ans, vivant toujours chez son père malgré le fait qu’il avait terminé sa formation. Le responsable a été condamné pour meurtre par dol éventuel par le Tribunal du district de Baden, puis sur appel uniquement pour homicide par négligence. Le Tribunal supérieur d’Argovie a ramené l’indemnité pour tort moral allouée au père de la victime de CHF 30'000.- à CHF 15'000.-.
L’indemnité pour tort moral doit être fixée sans tenir compte de critères schématiques, mais en fonction de chaque cas d’espèce. Cela n’exclut ni la référence à des affaires précédentes, ni le recours à une estimation du dommage immatériel en deux phases, soit en fixant dans un premier temps un montant de base objectif à titre de référence générale, puis en adaptant ce montant dans une deuxième phase en tenant compte des circonstances concrètes du cas d’espèce (c. 3.1).
Le montant du tort moral doit être fixé en fonction de l’équité, et le juge dispose à cet égard d’un large pouvoir d’appréciation. Des règles déterminées ou un tarif fixe ne peuvent donc s’appliquer, ce qui n’empêche pas une certaine évolution. Néanmoins, il n’est pas compatible avec la nature du tort moral à titre de compensation d’un dommage immatériel d’adapter schématiquement les montants alloués à l’évolution des prix à la consommation. Par contre, il convient de tenir compte de l’évolution de la représentation que se fait la société de la gravité de l’atteinte immatérielle et du montant avec lequel il convient de l’indemniser. Dans cette mesure une comparaison avec l’évolution de l’atteinte à l’intégrité de la LAA n’apparaît en l’espèce pas spécialement justifiée (c. 3.2).
Le TF arrive à la conclusion que les juges argoviens n’ont pas violé leur pouvoir d’appréciation en tenant compte notamment, à la baisse, du fait que la victime avait déjà 26 ans et n’était plus en formation (c. 3.3).
Commentaire :
Indépendamment du montant alloué en l’espèce, on peut regretter que le TF ne se soit pas davantage posé la question de savoir si l’évolution des montants alloués à titre d’indemnité pour atteinte à l’intégrité (IPAI) dans le cadre de la LAA ne reflète pas précisément une certaine évolution des mentalités au sein de la société quant à la « valeur » subjective de telle ou telle lésion corporelle.
Il convient cependant de souligner que notre Haute Cour n’exclut pas de façon absolue la référence à l’IPAI en matière dans le cadre de l’application de l’art. 47 CO. En effet, il s’agissait-là d’un cas de décès, et non pas de lésions corporelles, ce dernier cas de figure étant le seul expressément concerné par cette prestation de la LAA.
Le TF aurait sans doute également dû selon nous se poser la question de savoir si une indemnité de CHF 15'000.- en faveur d’un père qui a perdu son fils de 26 ans est encore en phase avec les valeurs actuelles de la société suisse. A tout le moins implicitement, le TF admet dans ce jugement qu’il est équitable d’allouer à un père pour la perte de son fils une indemnité pour tort moral qui n’atteint même pas ce qu’il aurait obtenu d’un assureur accidents en cas de perte de l’odorat, du goût ou de l’ouïe d’un côté (IPAI de 15%). Face à un tel résultat, force est de constater que notre Haute Cour semble précisément être enfermée dans un mécanisme de pensée quelque peu schématique, qui ne tient plus compte de l’évolution des mentalités et des sensibilités de la société.
Auteur : Alexandre Guyaz, avocat à Lausanne
TF 2C_1043/2018 du 27 mai 2019
Responsabilité de l’Etat; avance de frais; défaut de paiement; irrecevabilité; déni de justice; art. 29 al. 1, 29a et 127 al. 1 Cst.
Deux sociétés en liquidation et leur administrateur ont déposé auprès de la Cour de droit public du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel une demande en réparation d’un dommage et d’un tort moral à l’encontre de la République et canton de Neuchâtel. Une avance de frais a été requise en mains desdites sociétés, lesquelles n’ont pas pu verser le montant requis dans le délai imparti par le Tribunal cantonal, qui a déclaré irrecevable dite demande.
Les deux sociétés en liquidations interjettent recours au TF en invoquant l’absence de base légale (art. 127 Cst.). Pour sa part, l’administrateur de ces sociétés dépose également recours au TF pour déni de justice (art. 29 et 29a Cst.).
Selon le TF, il n’existe pas de base légale dans la loi sur la procédure judiciaire administrative neuchâteloise (LPJA ; RS/NE 152.130) permettant de demander une avance de frais en cas d’action de droit administratif. Par conséquent, le tribunal cantonal ne pouvait pas exiger une telle avance, ni déclarer la demande de réparation irrecevable faute de paiement de celle-ci. Il a admis le recours de ces deux sociétés.
Au surplus, le caractère peu clair de la qualité de demandeur de l’administrateur (aux côtés des deux sociétés en liquidation) ne dispensait pas l’autorité précédente de statuer sur sa demande, ce qu’elle n’a pas fait. Le recours a ainsi été admis, l’arrêt entrepris annulé et la cause renvoyée à l’instance précédente.
Auteure : Amandine Torrent, avocate à Lausanne
TF 8C_427/2018 - ATF 145 V 188 du 30 avril 2019
Assurance-chômage; perte de travail; prestations volontaires de l’employeur; art. 8 al. 1 let. b, 11 al. 1 et 3 et 11a LACI; 10h OACI
Le TF analyse différents éléments d’une indemnité de départ afin de déterminer la perte de travail à prendre en considération au sens des art. 11 et 11a LACI.
Un bonus accordé sur la base d’un plan incitatif (Incentive Plan) n’imposant aucune obligation à l’employeur et ne conférant aucun droit à l’employé, qui peut en outre être modifié ou supprimé à tout moment, représente une gratification. Le fait que le plan prévoie que le bonus dépend des résultats individuels et de ceux de l’employeur n’est pas suffisant pour considérer qu’il s’agit d’un salaire, si la part de l’employé aux résultats de la société qui l’emploie n’est pas fixée et que l’appréciation des objectifs individuels demeure subjective. Le critère de l’accessoriété, qui permet de requalifier une gratification en salaire variable, n’est pas applicable au vu du très haut niveau de rémunération (c. 5.2.5).
La participation à un plan d’intéressement sous forme de stocks options et restricted stock options est considérée, au vu des règlements applicables et des documents remis au travailleur, comme une gratification discrétionnaire et non une rémunération de base (c. 5.3.2).
Dès lors, le TF confirme que les montants reçus à titre de bonus et sur la base du plan d’intéressement constituent des prestations volontaires de l’employeur couvrant la perte de revenus qui repoussent dans le temps le délai-cadre d’indemnisation, ouvrant une période de carence.
Auteure : Tiphanie Piaget, avocate à La Chaux-de-Fonds
TF 8C_56/2019 du 16 mai 2019
Assurance-chômage; aptitude au placement; art. 8 al. 1 let. f LACI
Un pilote de ligne perd son emploi après 25 ans d’activité. Il est considéré comme inapte au placement en raison du temps consacré à une formation pratique de naturopathe d’une durée de 2,5 ans.
L’aptitude au placement peut être admise pour les chômeurs fréquentant une formation à plein temps (qui n’est pas une mesure relative au marché du travail au sens de l’art. 59 LACI) s’il ne fait aucun doute que l’assuré est disposé et en mesure d’interrompre sa formation en tout temps pour accepter une place de travail. La situation doit être examinée sur la base des critères objectifs. Une déclaration de volonté de l’assuré ne suffit pas. Des exigences élevées relatives à sa disponibilité et sa flexibilité sont exigées. Il doit s’efforcer de procéder à des recherches de travail respectant les critères de qualité et quantité et être en mesure d’interrompre sa formation sans délai. L’aptitude au placement s’apprécie de manière prospective et en fonction des circonstances concrètes. Elle ne peut être ni graduelle, ni partielle.
En l’espèce, l’assuré avait réduit son activité dès le mois de janvier 2017 à 75% afin de commencer sa formation de naturopathe. Son engagement comme pilote a pris fin le 31 octobre 2017. Il était notoire que la compagnie pour laquelle il travaillait n’allait pas bien sur le plan économique et que des licenciements étaient probables. Un réengagement comme commandant de bord dans une autre compagnie d’aviation était aléatoire compte tenu de son âge (48 ans), de sa position et des conditions prévues par la convention collective. Il avait examiné la possibilité de retrouver un poste de pilote dans une autre compagnie et suivi une évaluation dans ce but. Parallèlement, la reprise de son métier d’origine d’électronicien n’était plus envisageable après 25 ans consacrés au pilotage. Enfin, il avait des charges de famille. C’est pourquoi, depuis un certain temps, il s’était décidé à refaire une formation approfondie lui permettant d’exercer une activité avec un statut d’indépendant et couvrant ses charges financières.
Le TF a confirmé l’analyse prospective de l’aptitude au placement de l’assuré effectuée par le tribunal cantonal et les organes d’application de l’assurance-chômage.
Auteur : Gilles de Reynier, avocat à Colombier
TF 9C_76/2019 du 1 mai 2019
Assurance-invalidité; allocation pour impotent; art. 90 et 93 LTF; 9 et 17 al. 2 LPGA; 42 al. 3 LAI; 37 al. 3 RAI
Une personne atteinte d’une malformation veineuse congénitale dépose une demande d’allocation pour impotent pour adulte. Le litige porte sur son droit à une allocation pour impotence de degré léger.
Le jugement attaqué expose de manière complète les dispositions légales et les principes jurisprudentiels applicables à la notion d’impotence (art. 9 LPGA, 42 al. 3 LAI et 37 al. 3 RAI) et aux six actes ordinaires de la vie, déterminants pour évaluer celle-ci (se vêtir/se dévêtir, se lever/s’asseoir/se coucher, manger, faire sa toilette, aller aux toilettes, se déplacer à l’intérieur/à l’extérieur). L’impotence est faible si l’assuré, même avec des moyens auxiliaires, a notamment besoin de façon régulière et importante de l’aide d’autrui pour accomplir au moins deux actes ordinaires de la vie.
Le jugement attaqué repose sur une erreur de droit manifeste. En effet, en instance cantonal, l’objet de la contestation portait sur le droit de l’intimée à une allocation pour impotent dans le cadre d’une demande déposée à la suite de son 18ème anniversaire, alors qu’elle bénéficiait déjà de cette prestation antérieurement. Il s’agit d’une situation de révision au sens de l’article 17 al. 2 LPGA ; l’accession à l’âge de la majorité ne doit en effet pas être considérée comme la survenance d’un nouveau cas d’assurance. La juridiction cantonale n’était dès lors pas en droit d’examiner librement le degré d’impotence de l’intimée, comme si elle était saisie d’une demande initiale de prestation, mais devait déterminer, conformément à l’art. 17 al. 2 LPGA, s’il y’avait eu un changement notable de circonstances depuis le prononcé du 4 décembre 2018.
Le jugement attaqué ne contient aucune constatation de fait relative à la situation médicale de l’intimée, qui prévalait avant son accession à la majorité et justifiait l’octroi d’une allocation pour impotence de faible degré en raison de trois actes ordinaires de la vie (se vêtir/se dévêtir, se baigner/se doucher, se déplacer à l’extérieur). On ignore dès lors si la révision repose sur une nouvelle appréciation d’une situation médicale inchangée ou si les circonstances dont dépendait l’octroi initial d’une allocation pour impotence de degré faible ont notablement changé depuis le 4 décembre 2008.
Compte tenu de son pouvoir d’examen restreint, il n’appartient pas au TF de compléter d’office les constatations cantonales (art. 105 al. 2 LTF) et de procéder à une substitution de motifs. La cause doit être envoyée au premier juge pour instruction afin d’établir les faits. De plus, même à supposer qu’un changement notable de circonstances soit établi au sens de l’art. 17 al. 2 LPGA, les constatations cantonales sont en l’état incomplètes et ne permettraient pas de se prononcer sur le besoin de l’intimée du recours à l’aide directe ou indirecte d’un tiers de façon régulière et importante pour l’acte ordinaire de la vie « se vêtir/se dévêtir ».
Le recours est ainsi admis.
Auteur : Christian Grosjean, avocat à Genève
TF 8C_796/2018 - ATF 145 V 154 du 2 mai 2019
Assurance-invalidité; rente pour enfant; parents séparés; prise en compte d’une contribution d’entretien; art. 35 al. 4 LAI; 71ter al. 2 RAVS; 276 al. 2 et 285a al. 3 CC
En principe, le montant versé rétroactivement par l’assurance-invalidité à titre de rente pour enfant revient à l’enfant (art. 285a al. 3 CC). Pour pouvoir se prévaloir de l’art. 71ter al. 2 2ème phrase RAVS et exiger le paiement rétroactif de la rente pour enfant jusqu’à concurrence des contributions mensuelles qu’il a fournies, le parent titulaire de la rente principale doit avoir versé sa contribution d’entretien sur la base d’une décision de justice ou d’un contrat. Il ne suffit pas qu’il se soit acquitté, à bien plaire, de contributions mensuelles en faveur de son enfant (c. 4.2 et 4.3).
En l’espèce, c’est de son propre gré que le père a payé des contributions d’entretien pour ses deux enfants à hauteur de CHF 40'706,20 sur une période de cinq ans, alors qu’aucune contribution n’avait été fixée par le juge en raison de son manque de ressources. Il n’a donc pas droit au versement rétroactif de la rente pour enfant à concurrence des contributions versées.
Note : Le parent non gardien sera donc bien inspiré de demander la révision de la décision de justice fixant sa contribution d’entretien s’il souhaite augmenter sa contribution, plutôt que de verser des contributions à bien plaire, afin de préserver ses droits sur la rente pour enfant en cas d’octroi ultérieur d’une rente d’invalidité.
Auteure : Emilie Conti Morel, avocate à Genève
TF 8C_660/2018 - ATF 145 V 231 du 7 mai 2019
Assurance-invalidité; droit à la rente; ressortissant étranger; frontalier; art. 13 LPGA; 6 al. 2 LAI; 8 ALCP; 2 al. 1 R (CE) n° 883/2004
L’épouse, de nationalité indienne et domiciliée en Allemagne, d’un ressortissant suisse qui exerce son droit à la libre circulation en exerçant une activité indépendante dans plusieurs Etats, peut se prévaloir de l’application du Règlement (CE) n° 883/2004 en tant que « membre de la famille » au sens de son art. 2 al. 1.
A ce titre, elle peut invoquer le principe de l’interdiction de discrimination consacré par l’art. 4 R (CE) n° 883/2004, de même que la levée des clauses de résidence prévue par son art. 7. Dans ce contexte, le fait qu’il s’agisse de statuer sur des droits propres aux prestations sociales ou sur des droits dérivés est indifférent. Le TF confirme à ce sujet une jurisprudence constante, rappelée dans l’arrêt résumé (c. 8.3).
En conséquence, s’agissant de l’octroi d’une rente AI, la condition de domicile imposée aux personnes de nationalité étrangère par l’art. 6 al. 2 LAI ne peut lui être opposée, de sorte que son droit doit être reconnu.
Auteure : Anne-Sylvie Dupont
TF 9C_853/2018 du 27 mai 2019
Assurance-invalidité; condition de recevabilité; intérêt digne de protection; revenu sans invalidité; principe d’équivalence; prévoyance professionnelle obligatoire; surindemnisation; art. 89 al. 1 let. c LTF; 34a al. 1 LPP; 24 al. 1 let. d OPP 2
Lorsque le montant du revenu sans invalidité arrêté par l’assurance-invalidité n’a pas de répercussion sur le taux d’invalidité, l’assuré ne dispose pas d’un intérêt digne de protection à le contester.
Ce revenu ne lie pas les organes compétents en matière de prévoyance professionnelle obligatoire pour tout ce qui concerne la détermination du gain dont on peut présumer que l’assuré est privé. En effet, ces organes sont tenus d’examiner, en collaboration avec l’assuré, s’il existe des circonstances justifiant de ne pas admettre l’équivalence, qui n’est que présumée, entre d’une part le revenu sans invalidité et le revenu dont on peut présumer que l’assuré est privé et d’autre part le revenu d’invalide et le revenu que l’intéressé pourrait encore raisonnablement réaliser.
Auteur : Gilles-Antoine Hofstetter, avocat, Lausanne
TF 8C_750/2018 - ATF 145 V 247 du 6 mai 2019
Assurance-accidents; conflit de compétences négatif; art. 58 al. 2 LPGA
Dans cet arrêt du 6 mai 2019, le TF a dû se pencher sur un conflit de compétences négatif. La veuve d’un travailleur, tous deux de nationalité française et domiciliés en France, a saisi le Tribunal des assurances du canton d’Argovie d’une demande de prestations de la part de la CNA, à la suite du décès subi de son époux, en invoquant une maladie professionnelle. Ledit tribunal a décliné sa compétence et transmis la cause au Tribunal cantonal du canton de Lucerne, en invoquant notamment l’Arrangement administratif conclu le 3 décembre 1976 concernant les modalités d’application de la Convention de sécurité sociale conclue entre la Confédération suisse et la République française le 3 juillet 1975. De son côté, le Tribunal cantonal du canton de Lucerne a considéré qu’il n’était pas compétent, en application de l’art. 58 al. 1 et 2 LPGA.
Saisi d’un recours interjeté par la veuve, le TF a jugé que le fait qu’il existât une convention internationale, respectivement un arrangement administratif ne changeant rien au principe selon lequel le droit matériel interne restait applicable. Dans le cas d’espèce, l’accord international en vigueur avait essentiellement pour but d’éviter qu’un assuré soit désavantagé en raison d’un domicile en France ou en Suisse. En faisant usage de l’art. 58 al. 2 1re phrase LPGA, il ne faisait aucun doute que le Tribunal des assurances du canton d’Argovie était compétent, au vu du dernier domicile de l’employeur, les droits de la veuve étant entièrement préservés. Aussi, la compétence à titre subsidiaire prévue à l’art. 58 al. 2 2e phrase LPGA du tribunal des assurances du canton où la CNA a son siège n’était pas donnée.
Auteur : Guy Longchamp
TF 9C_264/2018 - ATF 145 V 170 du 8 mai 2019
Assurance-maladie; prestations de soins fournies à l’étranger; dysphorie de genre; art. 34 al. 2 LAMal
Né en 1988, l’assuré A. souffrait d’une dysphorie de genre, dans le sens d’une transsexualité femme-homme. Après avoir subi en 2015 une intervention chirurgicale entièrement prise en charge par l’assureur-maladie Swica selon la LAMal, consistant en une hystérectomie (ablation de l’utérus) et une annexectomie (ablation des trompes de Fallope et des ovaires). Par décision du 21 mars 2017, confirmée par décision sur opposition du 4 juillet 2017, ledit assureur-maladie a refusé la prise en charge des coûts de (re)construction d’un pénis (phalloplastie), en invoquant principalement le fait que l’intervention avait été effectuée dans une clinique spécialisée en Allemagne et non en Suisse.
Saisi d’un recours formé par Swica contre la décision du Tribunal administratif du canton de Schwyz du 20 février 2018 ordonnant la prise en charge selon la LAMal de cette intervention, le Tribunal fédéral a admis le recours et renvoyé l’affaire pour complément d’instruction. A l’appui de leur décision, les juges fédéraux ont rappelé qu’il ne devait être dérogé au principe de la territorialité selon l’art. 34 al. 2 LAMal que dans des circonstances particulières, une interprétation restrictive devant s’imposer. Le fait que seul un nombre limité d’interventions soient pratiquées en Suisse peut être un motif justifiant une exception au principe de territorialité, dès lors que cela engendre un risque pour la santé de l’assuré que l’on ne peut raisonnablement exiger. Pour ce faire, une documentation détaillée doit toutefois être fournie ce qui, en l’espèce, fait (pour l’heure) défaut.
Auteur : Guy Longchamp
TF 9C_716/2018 du 14 mai 2019
Assurance-maladie; participation aux coûts; ordre des différentes participations; contribution aux frais de séjour hospitalier; art. 64 al. 2 et 5 LAMal; 104 OAMal
Assuré auprès de la caisse-maladie Assura avec une franchise de CHF 2’500.-, A. a séjourné à l’hôpital B. pendant deux jours, les 27 et 28 août 2016 ; deux jours d’hospitalisation pour lesquels l’hôpital B. a, le 27 septembre 2016, établi une facture pour un montant de CHF 1’696.30. Assura a réclamé à son assuré le paiement non seulement de CHF 1’696.30, mais aussi de CHF 30.- de contributions journalières aux frais du séjour hospitalier (soit CHF 15.- par jour conformément à l’art. 104 OAMal). Le Tribunal des assurances du canton de Zurich a prononcé que A. n’avait pas à payer à Assura ce dernier montant. Contre ce jugement, Assura a introduit un recours en matière de droit public auprès du TF.
Le TF a donné tort à Assura, pour la raison que, comme l’avait dit le Tribunal des assurances du canton de Zurich, la contribution journalière aux frais de séjour hospitalier de l’art. 64 al. 5 LAMal ne peut être réclamée à l’assuré que lorsque l’assureur a, à travers la facture de l’hôpital, effectivement pris en charge des frais d’hébergement et de nourriture, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. D’autre part, pour ce qui est de l’ordre dans lequel doivent être pris en compte les trois éléments de participation aux coûts que sont la franchise, le 10 % des coûts qui dépassent la franchise (la quote-part) et la contribution journalière aux frais de séjour hospitalier, le TF estime que, sous l’angle d’une interprétation nécessairement téléologique de l’art. 64 al. 5 LAMal (il s’agit, avec l’art. 64 al. 5 LAMal, de faire en sorte que l’assuré participe à des frais d’entretien et de nourriture qu’il devrait, s’il n’était pas à l’hôpital, assumer lui-même mais qu’il économise en étant à l’hôpital), c’est le système préconisé par l’assuré lui-même qui doit prévaloir : à savoir qu’il s’agit de décompter, dans l’ordre, d’abord la contribution journalière au traitement hospitalier de l’art. 64 al. 5 LAMal, et ensuite seulement la franchise et le 10 % des coûts qui dépassent la franchise. Le système préconisé par l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) et par le Tribunal cantonal, qui consiste à prendre en compte, dans l’ordre, la franchise, le 10 % des coûts qui dépassent la franchise et, seulement à la fin, la contribution journalière aux frais de séjour hospitalier, ne pouvant qu’aboutir, dit le TF, à une participation de l’assuré aux frais qui est double, double en ce sens que la quotité de 10 % de l’art. 64 al. 2 let. b LAMal porterait alors non seulement sur le 10 % des frais dépassant la franchise, mais également sur la contribution journalière au frais d’hospitalisation de l’art. 64 al. 5 LAMal (ce qui obligerait alors l’assuré à payer à sa caisse-maladie, pour chacune des journées d’hospitalisation effectuées, encore 10 % de CHF 15.-) ; une double participation aux frais dont rien n’indique qu’elle ait été voulue par le législateur.
Auteur : Philippe Graf, avocat à Lausanne
Brèves...
Lorsqu’un assuré atteint l’âge de la retraite au mois de décembre 2008, et a donc droit à une rente de vieillesse depuis le 1er janvier 2009, cette rente doit être calculée sur la base des tables des rentes 2009/2010, et non sur celle des tables 2007/2008 (TF 9C_641/2018).
L’avocat qui, mandaté quelques jours seulement avant l’échéance du délai de recours, dépose, le dernier jour du délai, un recours très sommairement motivé en requérant un délai supplémentaire pour compléter son écriture après avoir consulté le dossier de l’assureur social qu’il a par ailleurs demandé le jour même où il a reçu la procuration signée de son client, ne commet pas d’abus de droit et doit se voir accorder le délai demandé (TF 9C_152/2019).
Le TF rappelle qu’un assureur social ne peut reconsidérer une décision qui fait l’objet d’un recours que jusqu’au moment où il se détermine devant l’autorité de recours. Cela ne vaut toutefois que dans la mesure où la reconsidération agit en faveur de la personne assurée, à défaut de quoi le litige ne peut être considéré comme réglé (TF 9C_22/2019).
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