NLRCAS Avril 2019
Editée par Christoph Müller, Anne-Sylvie Dupont, Guy Longchamp et Alexandre Guyaz
TF 8C_163/2018 - ATF 145 V 2 du 28 janvier 2019
Assurance-invalidité; devoir de participer à des mesures de nouvelle réadaptation pour les bénéficiaires de rentes; absence de motif de révision; sanction en cas d’abandon des mesures; art. 7 al. 2 let. e, 7b al. 1 et 8a al. 1 LAI; 17 al. 1 et 21 al. 4 LPGA
Les bénéficiaires de rentes AI avec un potentiel de réadaptation ont non seulement un droit, mais également un devoir de participer activement à des mesures raisonnables de réadaptation, sous la forme d’un entraînement à l’endurance, même en l’absence de motif de révision, soit notamment lorsque l’état de santé de l’assuré demeure inchangé. Pour le TF, c’est à juste titre que l’office AI du canton d’Uri a supprimé le droit à la rente entière d’une assurée après que celle-ci a interrompu une mesure de réadaptation, sous la forme d’un entraînement à l’endurance, et qu’elle ne l’a pas repris, malgré une mise en demeure avec délai de réflexion (art. 21 al. 4 LPGA).
Pour parvenir à cette conclusion, le TF se livre à une interprétation détaillée des art. 7 al. 2 let. e et 8a LAI, tous deux entrés en vigueur avec la 6ème révision de l’AI, en rappelant la finalité de cette révision, à savoir la réduction du nombre de rentes existantes (c. 4.2.2 à 4.3.2). L’examen de la proportionnalité de la mesure demeure sous l’angle de l’art. 8 al. 1 LAI (c. 4.3.3 à 5).
La jurisprudence établie en matière d’exigibilité des mesures de réadaptation, en cas notamment d’âge avancé de l’assuré, est jugée transposable à la présente situation (c. 5.3.1). Le fardeau de la preuve de l’inexigibilité de la mesure est à la charge de l’assuré (c. 5.3.1). En l’espèce, ni l’âge avancé (57 ans au moment de l’expertise ayant conclu à une capacité résiduelle de travail de 80%), ni la durée de la perception de la rente (presque 20 ans) n’ont été jugés suffisants pour rendre inexigible la mesure de réadaptation. Le TF laisse finalement ouverte la question de savoir si le droit à la rente devrait être rétabli dans le cas où l’assurée accepterait ultérieurement de se soumettre aux mesures préconisées (c. 5.3.3).
Auteure : Emilie Conti Morel, avocate à Genève
TF 8C_774/2018 du 30 janvier 2019
Assurance-invalidité; procédure; mise en œuvre d’une expertise; droits de participation; garanties de procédure; retrait de l’effet suspensif; recevabilité du recours au TF; art. 93 et 98 LTF
Le TF admet la recevabilité d’un recours dirigé contre une décision incidente refusant la restitution de l’effet suspensif demandée par le recourant devant le tribunal cantonal des assurances dans le cadre d’un recours contre une décision rendue par l’office AI lui ordonnant de se soumettre à une expertise. Le TF considère que le fait que l’office AI puisse contraindre l’assuré, en application de l’art. 43 al. 3 LPGA, à se soumettre à une expertise médicale sans qu’un tribunal ait statué, matériellement, sur le bien-fondé de l’expertise ou sur le respect des droits de participation, représente un préjudice difficile à réparer (c. 2).
Le TF corrige ensuite la pondération des intérêts effectuée par le tribunal cantonal, et admet qu’en l’espèce, l’intérêt de l’assuré à faire usage de ses droits de participation et autres garanties de procédure l’emportait sur celui de l’assureur social, d’autant plus que ce dernier pouvait de toute manière suspendre le droit aux prestations dans l’intervalle, de sorte que ses intérêts financiers étaient sauvegardés (c. 3).
Auteure : Anne-Sylvie Dupont
TF 9C_343/2018 - ATF 145 V 57 du 20 février 2019
Assurance-invalidité; mesures médicales; traitement stationnaire; part cantonale; art. 14bis et 26bis al. 1 LAI; 39 et 41 LAMal
L’art. 14bis LAI règle la prise en charge des traitements stationnaires hospitaliers par l’AI et le canton dans le cadre des mesures médicales prévues aux art. 12 et 13 LAI. Il prévoit que les frais des traitements entrepris de manière stationnaire au sens de l’art. 14 al. 1 et 2, dans un hôpital admis en vertu de l’art. 39 LAMal, sont pris en charge à hauteur de 80% par l’assurance-invalidité et de 20% par le canton de résidence de l’assuré.
En l’espèce, le canton de Zurich refuse de participer à hauteur de 20% pour les frais occasionnés par un séjour dans un hôpital pour un traitement orthodontique dans le cadre du traitement d’une infirmité congénitale au motif que la clinique ne figure pas sur sa liste hospitalière. Le Tribunal commence par préciser que c’est bien le Tribunal cantonal des assurances qui était compétent pour connaître du litige, dans la mesure où il relève du domaine des assurances sociales et que la procédure applicable est celle prévue par la LPGA. Cela exclut donc la compétence du Tribunal administratif et des autorités civiles. Le Tribunal arbitral au sens de l’art. 27bis al. 1 LAI n’est pas non plus compétent, puisqu’il ne s’agit pas d’un litige entre assureur et prestataire de soin.
Le TF précise que la notion d’« hôpital admis en vertu de l’art. 39 LAMal » est la même que celle prévue à l’art. 39 al. 1 let. e LAMal et qu’ainsi le canton ne doit prendre en charge 20% des frais des mesures médicales dispensées sous forme de traitement hospitalier stationnaire que si le traitement a été dispensé par un hôpital figurant sur la liste cantonale et que ce dernier a obtenu un mandat de prestation pour le traitement concerné.
Il a en revanche laissé la question ouverte de savoir s’il doit s’agir d’un hôpital répertorié par le canton de résidence de l’assuré et auquel un mandat a été attribué pour le traitement dispensé, ou s’il suffit que l’hôpital figure sur la liste hospitalière d’un canton en Suisse pour le mandat de soins concerné. Ceci dans la mesure où l’hôpital en question n’avait de toute façon jamais reçu de mandat de prestation pour un traitement orthodontique de la part d’aucun canton indiquant dite clinique sur sa liste.
Ce renvoi à l’art. 39 al. 1 let. e LAMal ne viole par l’art. 26bis al. 1 LAI qui prévoit le libre choix du prestataire de soin. En effet, cet article a la même portée que l’art. 41 al. 1bis LAMal (liberté du choix du prestataire dans le cadre de l’assurance obligatoire des soins). En outre, il permet d’assurer la qualité des soins dispensés.
Le recours du canton de Zurich qui s’opposait à la prise en charge des frais du traitement orthodontique à hauteur de 20% a été admis et la décision sur opposition du canton de refuser de verser le montant confirmée.
Auteur : Gilles de Reynier, avocat à Colombier
TF 9C_623/2018 du 21 février 2019
Assurance-invalidité; procédure; restitution d’une rente pour enfant; bonne foi et conséquence juridique à attacher au contenu d’une lettre que l’ayant droit dit n’avoir pas reçue; art. 25 al. 1 LPGA; 49bis al. 3 RAVS
A une bénéficiaire d’une rente pour enfant, l’AI réclame la restitution, pour les mois de février à septembre 2016, de rentes par Fr. 3'408.- (soit 8 x Fr. 426.-). Le Tribunal des assurances sociales du canton de Zurich arrive à la conclusion que la lettre que l’AI dit avoir envoyée à la bénéficiaire de la rente pour enfant en février 2016 – et que la bénéficiaire en question dit, depuis le début, n’avoir jamais reçue – n’était pas de nature à lui donner à penser que la réalisation, pendant ses études, d’un revenu dépassant un certain niveau, pouvait selon l’art. 49bis al. 3 RAVS, conduire à l’exclusion de son droit à la rente (cette dernière disposition, qui, d’après l’ATF 142 V 226 c. 7.2.2, respecte la délégation législative consacrée à l’art. 25 al. 5 LAVS, prévoit que « l’enfant n’est pas considéré en formation si son revenu d’activité lucrative mensuel moyen est supérieur à la rente de vieillesse complète maximale de l’AVS »).
Le TF rappelle que la question en droit qu’il avait à examiner ici était celle de savoir si, pour invoquer sa bonne foi selon l’art. 25 al. 1 LPGA, la bénéficiaire de la rente pour enfant avait, pour la période allant de février à septembre 2016, fait preuve de l’attention exigible de la part d’une personne ayant droit à une rente pour enfant. Or, étant donné que le TF voit que le seul élément qui parlerait en faveur d’un défaut d’attention de la bénéficiaire de la rente proviendrait de la lettre que l’AI dit lui avoir envoyée, le 2 février 2006, il considère qu’il n’y a pas lieu de tenir compte de cet élément, puisque l’AI n’a pas, au degré de la vraisemblance prépondérante requis, réussi à prouver que la bénéficiaire de la rente avait bel et bien reçu sa lettre non recommandée du 2 février 2016 ; la règle étant, dans ce genre de cas (ATF 136 V 295 consid. 5.9 ; ATF 129 I 8 consid. 2.2), que la personne visée est réputée n’avoir, effectivement, pas reçu la lettre qu’elle a dit n’avoir pas reçue.
Auteur : Philippe Graf, avocat à Lausanne
TF 6B_896/2018 du 7 février 2019
Responsabilité aquilienne; faute, homicide par négligence; art. 117 et 238 CPP; 34 OCF; 5 al. 2 et 43 al. 1 LCR; 101 al. 3OSR
Une automobiliste s’engageant sur une rampe d’accès au quai d’une gare sans remarquer la présence d’une voie ferrée, sa voiture se retrouve suspendue dans le vide et elle est happée par un train arrivant à très vive allure occasionnant le décès du conducteur. Les concepteurs de l’ouvrage sont condamnés par le tribunal cantonal aux motifs que les aménagements n’assuraient pas suffisamment la sécurité des utilisateurs.
Une condamnation pour homicide par négligence au sens de l’art. 117 CP suppose la réalisation de trois éléments constitutifs, à savoir le décès d’une personne, une négligence, ainsi qu’un rapport de causalité naturelle et adéquate entre les deux premiers éléments.
Deux conditions doivent être remplies pour qu’il y ait négligence. En premier lieu, il faut que l’auteur viole les règles de la prudence, c’est-à-dire le devoir général de diligence institué par la loi pénale, qui interdit de mettre en danger les biens d’autrui pénalement protégés contre les atteintes involontaires. Un comportement dépassant les limites du risque admissible viole le devoir de prudence s’il apparaît qu’au moment des faits son auteur aurait dû, compte tenu de ses connaissances et de ses capacités, se rendre compte de la mise en danger d’autrui. Pour déterminer le contenu du devoir de prudence, il faut donc se demander si une personne raisonnable, dans la même situation et avec les mêmes aptitudes que l’auteur, aurait pu prévoir, dans les grandes lignes, le déroulement des événements et, le cas échéant, quelles mesures elle pouvait prendre pour éviter la survenance du résultat dommageable. Lorsque des prescriptions légales ou administratives ont été édictées dans un but de prévention des accidents, ou lorsque des règles analogues émanant d’associations spécialisées sont généralement reconnues, leur violation fait présumer la violation du devoir général de prudence. En second lieu, la violation du devoir de prudence doit être fautive, c’est-à-dire qu’il faut pouvoir reprocher à l’auteur une inattention ou un manque d’effort blâmable.
Le point 4 DE-OCF ad art. 34 OCF ne permet pas de conclure que la rampe, telle que transformée par les recourants en 2010, aurait nécessairement dû être accompagnée d’une barrière ou d’un autre équipement de sécurité. On ne peut considérer que la rampe aménagée par les recourants aurait été – en soi – contraire à cette disposition.
L’installation d’une signalisation routière, telle que le panneau posé en octobre 2011, était-elle nécessaire ou indispensable selon l’art. 5 al. 2 LCR et 101 al. 3 OSR, compte tenu de la configuration des lieux. Cela revient à se demander si, en l’absence de toute signalisation – en particulier un signal indiquant une interdiction de circuler, la rampe litigieuse créait un danger pour les usagers de la route ou si, au contraire, il était manifeste que celle-ci n’était pas destinée à la circulation (cf. art. 43 al. 3 LCR) et était réservée à des fins spéciales (cf. art. 5 al. 2 LCR). Cette question se recoupe donc avec celle de savoir si les recourants ont, en aménageant la rampe litigieuse, créé une situation dont ils auraient dû se rendre compte qu’elle pouvait mettre en danger autrui.
Dès lors que les recourants n’ont pas violé les règles de la prudence ni créé un état de fait dangereux et que l’accident survenu le 10 octobre 2011 n’a pas été causé par une négligence de leur part, ceux-ci n’ont aucunement empêché, troublé ou mis en danger le service des chemins de fer ni mis en danger la vie ou l’intégrité corporelle des personnes ou la propriété d’autrui, au sens de l’art. 238 CP.
Auteur : Christian Grosjean, avocat à Genève
TF 6B_768/2018 du 13 février 2019
Responsabilité aquilienne; tort moral; atteinte à la personnalité; troubles de stress post-traumatique; notion de préjudice psychique important; responsabilité des personnes incapables de discernement; dépens; art. 47, 49 et 54 CO; 433 al. 1 CPP
La réparation du tort moral au sens des art. 47 CO et 54 CO se fonde sur l’existence d’un préjudice psychique important qu’il appartient au lésé de démontrer (suivi psychiatrique ou psychologique, incapacité de travail, etc.).
Même en présence d’un trouble de stress post-traumatique dûment constaté par un spécialiste – ce qui n’est d’ailleurs pas le cas en l’occurrence – l’intéressé n’a pas encore droit à une réparation de son tort moral, lorsqu’il n’est pas établi que ce trouble a entraîné une modification durable et significative de sa personnalité.
S’agissant de la juste indemnité de l’art. 433 CPP, il y a lieu de distinguer entre les dépenses occasionnées par les conclusions civiles et celles qui sont occasionnées par la procédure pénale. Dans le cas particulier, l’absence de dépens accordés en lien avec la procédure pénale n’a pas été contestée, seul l’étant les dépens alloués en rapport avec l’action civile. Or, dans la mesure les prétentions civiles formées par les lésés ont été rejetées, ces derniers n’ont pas droit à des dépens.
Auteur : Gilles-Antoine Hofstetter, avocat, Lausanne
TF 4A_36/2019 du 21 février 2019
Responsabilité du détenteur d’animal; diligence; danger prévisible; devoir d’attention; art. 56 al. 1 CO
Les mesures de précaution que les circonstances commandent de prendre aux termes de l’art. 56 al. 1 CO gouvernant la responsabilité du détenteur d’animal sont définies en premier lieu par les prescriptions de sécurité et de prévention des accidents, légales, réglementaires ou issues de règles analogues édictées par des associations privées. En l’absence de telles prescriptions, ces mesures sont déterminées en fonction de l’ensemble des circonstances concrètes (c. 5.1, rappel de jurisprudence).
L’art. 56 al. 1 CO n’exige pas que le détenteur de l’animal mette en œuvre toutes les mesures possibles propres à éviter un quelconque préjudice. Il suppose de prendre les mesures appropriées pour prévenir les dangers concrets et objectivement prévisibles (c. 5.3.2).
Le degré de précaution exigible à l’égard d’un chien est moins élevé sur une aire de dressage clôturée, justement destinée à permettre l’apprentissage par l’animal de règles d’obéissance que le maître doit faire respecter dans l’espace public. Sans qu’on puisse parler de consentement du lésé au sens de l’art. 44 CO, le fait que la responsable du cours victime de l’accident n’avait précédemment jamais demandé que ce chien soit attaché ou gardé à l’arrêt après les exercices de dressage plaide en faveur du caractère non exigible d’une telle mesure dans ces circonstances concrètes.
Pour déterminer à quel point un danger était prévisible et un devoir d’attention correspondant était exigible, on peut se référer en outre au comportement de l’animal avant l’accident. En l’occurrence, sachant que le chien a participé à une vingtaine de leçons dans le même contexte et avec une liberté de mouvement identique, sans qu’il se soit heurté à une personne et l’ai blessée, une prudence particulière ne paraissait pas d’emblée s’imposer sur cette aire de dressage.
Auteur : Alexandre Bernel, avocat à Lausanne et Aigle
TF 8C_166/2018 du 18 février 2019
Assurance-chômage; durée de la prise en charge provisoire de l’assurance-chômage; art. 15 al. 2 LACI; 15 al. 3 OACI; 70 al. 2 let. b LPGA
L’assurance-chômage est tenue, en raison de l’art. 70 al. 2 let. b LPGA, de verser des prestations à titre provisoire, mais uniquement durant le délai-cadre qui est ouvert. Elle n’est pas tenue de verser au-delà de l’échéance du premier délai-cadre, sauf si l’assuré est en droit de justifier l’ouverture d’un nouveau délai cadre sous l’angle des règles de l’assurance-chômage (c. 6.4). En l’occurrence, l’assuré en question ne peut justifier l’ouverture d’un nouveau délai-cadre ni sous l’angle de l’art. 13 LACI (c. 6.2), ni sous l’angle de l’art. 14 al. 1 let. b LACI (c. 6.3), de sorte que le droit à l’indemnisation provisoire de l’assurance-chômage a effectivement pris fin avec l’échéance du premier délai-cadre (c. 6.4).
Auteure : Rébecca Grand, avocate à Lausanne
TF 9C_108/2018 - ATF 145 V 18 du 30 janvier 2019
Prévoyance professionnelle; prestation préalable; art. 26 al. 4 LPP
Dans cet arrêt, le TF a jugé que l’institution de prévoyance, ayant versé une prestation préalable selon l’art. 26 al. 4 LPP, ne pouvait pas réclamer des intérêts moratoires à la caisse de pensions finalement appelée à payer une rente d’invalidité.
Les juges ont motivé cette décision en invoquant notamment le fait qu’il n’existait pas de relation contractuelle entre les deux institutions de prévoyance. De plus, le législateur n’a pas souhaité introduire une telle obligation à la charge de l’institution de prévoyance débitrice des prestations d’invalidité définitives.
Auteur : Guy Longchamp
TF 9C_97/2018 du 5 février 2019
Assurance-maladie; soins de longue durée; évaluation du besoin en soins; méthode PLAISIR; art. 25a LAMal; 7 al. 1 let. c, 7a al. 3 et 8 OPAS
Cet arrêt fait suite à l’ATF 142 V 203, dans lequel le TF a jugé que les actions CSB (communication au sujet du bénéficiaire) selon la méthode PLAISIR (Planification Informatisée des Soins Infirmiers Requis) sont à la charge de l’assurance obligatoire des soins et a renvoyé la cause au tribunal arbitral pour qu’il examine la durée et le montant des prestations CFB définies par la méthode PLAISIR pour l’année 2011.
La Confédération n’a pas épuisé sa compétence visant à réglementer la procédure d’évaluation des soins requis en EMS, de sorte que les cantons signataires de la convention intercantonale restent en droit de maintenir leur reconnaissance de la méthode PLAISIR comme instrument de référence sur leur territoire (c. 6.2).
La caisse maladie recourante n’établit pas que l’imputation proportionnelle au niveau de soin requis violerait le droit fédéral, et l’on peut partir du principe que le montant induit par les CSB est d’autant plus élevé que le niveau de soins requis est lourd (c. 7.1). Une facturation à l’acte engendrerait un travail disproportionné pour les EMS et les caisses-maladie. La plupart des résidents d’un EMS bénéficient toutefois des CSB avec une certaine régularité, en fonction du niveau de soins requis, de sorte que l’on peut les quantifier au moyen d’un outil statistique (c. 7.2). La caisse recourante n’établit pas que le tribunal arbitral aurait omis de constater que la structure des coûts de l’EMS concerné ne correspondait pas à la moyenne de ceux pris en compte dans l’instrument PLAISIR (c. 7.3). La question de savoir si l’art. 59c al. 1 let. c OAMal est applicable par analogie peut rester ouverte. Le principe de la neutralité des coûts ne saurait s’opposer à la prise en charge par l’assurance obligatoire des prestations définies exhaustivement à l’art. 7 al. 2 OPAS (c. 7.4).
En conclusion, la recourante n’établit pas en quoi la durée et le montant des actions de la catégorie CSB, tels que définis concrètement par l’instrument PLAISIR, éluderaient des prescriptions de droit fédéral ou en contrediraient le sens ou l’esprit (c. 7.5).
Auteure : Tiphanie Piaget, avocate à La Chaux-de-Fonds
TF 9C_435/2018 du 14 février 2019
Assurance-maladie; planification hospitalière; contrôle abstrait d’un arrêté cantonal; art. 39 al. 1 lit. e LAMal
Dans cet arrêt concernant le canton de Neuchâtel, le TF a confirmé qu’une législation cantonale, selon laquelle le canton inclut dans sa planification une limitation du volume des prestations en octroyant des mandats de prestations fixant un nombre maximum de cas par année (quotas) pour l’établissement hospitalier concerné, ne contrevient pas au droit fédéral.
En revanche, les juges fédéraux ont jugé que, pour pouvoir limiter valablement le volume de certaines prestations dispensées à des patients neuchâtelois par des hôpitaux extra-cantonaux qui ne figurent pas sur la liste hospitalière neuchâteloise, le canton de Neuchâtel aurait dû, au préalable, admettre lesdits établissements sur sa liste. Ce n’est que dans ce cadre qu’il lui aurait été possible de fixer des limitations de quantités de cas d’hospitalisations par l’octroi de mandats de prestations au sens de l’art. 39 al. 1 lit. e LAMal.
Auteur : Guy Longchamp
TF 8C_630/2018 du 12 février 2019
Assurance-accidents; rente complémentaire; surindemnisation; rente pour enfant de l’AI; art. 20 al. LAA; 31-33 OLAA
Un assuré invalide à 100 %, au bénéfice d’une rente AI entière, doit voir pris en compte, dans le calcul de sa rente complémentaire LAA, la rente pour enfant versée par l’AI directement à son enfant majeur qui débute une seconde formation, ceci quand bien même l’obligation d’entretien au sens du droit civil n’existe plus.
A teneur de l’art. 20 al. 2 LAA, le principe de congruence ne s’applique pas en matière de prise en compte des rentes AI/AVS dans le cadre du calcul de la rente complémentaire LAA, hormis dans les cas d’exceptions réglés à l’art. 32 OLAA. Les rentes pour enfant de l’AI répondent à des conditions propres, différentes de celles du droit civil. Par conséquent, il n’est pas possible, au regard de l’art. 20 al. 2 LAA, de ne tenir compte des rentes pour enfant que s’il existe également un devoir d’entretien au sens du droit civil. Même si la rente pour enfant est versée à l’enfant majeur, il ne s’agit pas d’un droit propre de l’enfant mais bien d’un supplément de rente lié à un enfant. Le cas particulier résulte d’une lacune de la loi improprement dite, que le tribunal ne peut corriger, même si cela aboutit à une solution insatisfaisante.
Auteure : Pauline Duboux, titulaire du brevet d’avocat à Lausanne
TF 8C_253/2018 - ATF 145 V 141 du 19 mars 2019
Assurance-accidents; avis obligatoire de salaire; révision; restitution; art. 17, 25 et 31 LPGA; 5 al. 3 et art. 9 Cst
Dans le cadre d’une révision de rente opérée en application de l’art. 17 al. 1 LPGA, un revenu d’invalide (ou revenu avec invalidité) ayant augmenté peut constituer un motif de révision de la rente de l’assuré.
Les griefs de l’assuré relatifs à ses plans de carrière d’avant l’accident et à l’augmentation hypothétique de son revenu de valide (ou revenu sans invalidité) doivent répondre à des exigences strictes et reposer sur des points d’ancrages concrets, à trancher à l’aune de la vraisemblance prépondérante. In casu, en raison d’un taux d’invalidité de seulement 4% résultant désormais de la comparaison des revenus avec et sans invalidité, le droit de l’assuré à percevoir une rente d’invalidité LAA doit lui être dénié à partir du 1er janvier 2014.
Ayant violé son devoir d’annoncer son salaire effectivement réalisé, salaire désormais plus élevé (obligation prévue à l’art. 31 al. 1 LPGA), l’assuré s’est vu réclamer par la SUVA la restitution des prestations (rentes) versées en trop (CHF 11'069.-), ce en application de l’art. 25 al. 1 LPGA.
En cas de violation du devoir d’annoncer un salaire plus élevé, la rente d’invalidité peut, selon le TF, être supprimée (ou réduite) avec effet rétroactif, contrairement à ce qui se passe normalement en cas de révision de rente usuelle (art. 17 al. 1 LPGA), car le devoir d’annoncer est une concrétisation du principe de la bonne foi (art. 5 al. 3 et art. 9 Cst).
Le devoir de collaboration de l’assuré en matière d’assurances sociales est un élément cardinal pour le TF, dont la violation justifie une sanction. C’est donc à partir du moment où l’élément dissimulé a déployé ses effets (hausse de salaire), que se justifie le correctif de la révision et de la demande de restitution.
Auteur : Didier Elsig, avocat à Lausanne
Brèves...
Le TF rappelle les règles régissant l’arrondi des taux d’invalidité : jusqu’à un taux de X,49 %, le taux d’invalidité est arrondi à X %. A partir de X,50 %, il est arrondi à (X + 1) % (TF 8C_575/2018 c. 7.1).
Les déclarations abstraites de nature politique ou scientifique, en l’espèce les écrits du juge fédéral Ulrich Meyer, ne sont pas des motifs de récusation valables, à moins qu’elles ne laissent craindre que par rapport à une affaire précise, l’opinion de son auteur soit à ce point formée qu’une discussion ouverte sur les questions à trancher ne semble plus possible (TF 9C_813/2018 c. 1).
L’indemnité allouée en vertu de l’art. 431 al. 1 CPP pour compenser un tort moral porte intérêt à 5 % l’an à compter du fait dommageable, le moment de ce dernier n’étant en l’espèce pas précisé (TF 6B_534/2018).
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