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unine - Faculté de droit de l'Université de Neuchâtel

NLRCAS Juin 2023

Editée par Christoph Müller, Anne-Sylvie Dupont, Guy Longchamp et Alexandre Guyaz

ATF 149 V 129, TF 8C_382/2022 du 27 mars 2023

Assurances-accidents; rente complémentaire, limite de surindemnisation, pas de prise en compte des frais d’avocat; art. 20 al. 2 LAA; 69 al. 2 LPGA

Une assurée s’est vu réclamer par l’assureur-accidents, au titre de la restitution de rentes d’invalidité complémentaires versées en trop, un montant de CHF 24'416.55, après que l’assurance-invalidité lui a accordé rétroactivement une rente d’invalidité complète, en lieu et place d’une rente d’invalidité de 50 %. L’assurée a opposé à la restitution les frais d’avocats qu’elle avait encourus à la suite du sinistre à l’origine de son invalidité, soit un montant de CHF 27'770.95. Dans cette décision, la Haute Cour a considéré qu’un tel montant n’était pas opposable à l’assureur-accidents. En effet, contrairement à ce que prévoit l’art. 69 al. 2 LPGA, l’art. 20 al. 2 LAA ne laisse aucune place pour intégrer d’autres postes de dommages que le gain assuré dans le calcul de surindemnisation. En clair, l’art. 20 al. 2 LAA prévaut, en tant que disposition spéciale, sur la règle générale fixée à l’art. 69 LPGA.

Auteur : Guy Longchamp

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Assurance-accidents Publication prévue

ATF 149 V 91, TF 8C_616/2022 du 15 mars 2023

Assurance-accidents; rente d’invalidité, transaction, reconsidération; art. 25 al. 2, 50 al. 1 et 53 al. 2 LPGA; 22 LAA

Une puéricultrice, née en 1951, a été mise au bénéfice d’une IPAI de 25 % et d’une rente LAA de 25 % pour les suites de deux accidents de type « coup du lapin » survenus en 1994 et 1997, ce par décision-transaction du 30 septembre 2002. 18 ans plus tard, par décision d’octobre 2020, l’assureur LAA veut reconsidérer cette décision-transaction au motif d’une fausse application du droit et supprimer l’IPAI accordée, ainsi que la rente d’invalidité avec effet ex nunc et pro futuro.

Le TF rappelle que les exigences sont plus grandes pour une application de la reconsidération telle que prévue à l’art. 53 al. 2 LPGA lorsqu’il s’agit d’une décision prise sous la forme d’une transaction, au sens de l’art. 50 LPGA. Si le mécanisme de la pesée des intérêts est bien le même, il y a toutefois des différences concernant le poids donné à ces critères, en particulier pour ce qui est de la protection de la bonne foi, comme l’a rappelé à bon escient la cour cantonale.

L’assureur-accidents avait pris sa décision initiale sans procéder à un examen de la causalité adéquate pourtant déjà alors requise en 2002, selon la pratique existant de longue date en la matière, et n’aurait, en application de cette pratique, pas dû rendre sa décision, de l’avis de la cour cantonale. Cela étant, pour ce qui est tout d’abord de l’IPAI, celle-ci ne peut de toute manière pas être concernée par une reconsidération, en l’espèce, en raison de l’application de l’art. 25 al. 2 LPGA qui prévoit un droit d’exiger la restitution se prescrivant au plus tard cinq ans après le versement de la prestation indue. Ainsi, l’IPAI est de toute manière exclue du champ de la reconsidération pour ce seul motif.

Pour ce qui est de la rente d’invalidité LAA, le TF confirme que la décision initiale se basait sur une fausse application du droit et qu’elle était sans nul doute manifestement erronée, au sens de l’art. 53 al. 2 LPGA. A cela ne change rien le fait qu’elle ait été prise sous forme de transaction, malgré une pesée des intérêts différente, selon les principes précédemment rappelés par le TF. Il y a donc bel et bien matière à reconsidérer la rente d’invalidité avec effet ex nunc et pro futuro.

En effet, pour ce qui est de l’analyse des critères de l’adéquation pour cet accident devant être rangé dans la zone inférieure des accidents dits de gravité moyenne, l’assurée n’a procédé à aucun examen desdits critères dans le cadre de son recours au TF et, dès lors, il n’est pas possible pour la Haute Cour de deviner pour quelles raisons la cour cantonale aurait violé le principe de l’adéquation. Dans son recours, l’assurée se prévalait également de l’art. 22 LAA et soutenait qu’en raison de son âge de retraitée, sa rente d’invalidité LAA ne pouvait plus être reconsidérée. Le TF rejette aussi cet argument, rappelant que l’art. 22 LAA ne concerne que la révision (matérielle) prévue à l’art. 17 LPGA, et non la révision (procédurale) et la reconsidération prévues à l’art. 53 LPGA.

Tout en rejetant le recours de l’assurée, le TF critique cependant l’attitude de l’assureur-accidents ayant supprimé cette rente d’invalidité après l’avoir versée sans sourciller durant 20 ans et lui conseille une façon plus réfléchie de s’y prendre.

Auteur : Me Didier Elsig, avocat à Lausanne et Sion

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Assurance-accidents Publication prévue

ATF 149 V 106, TF 9C_165/2022 du 16 mars 2023

Prévoyance professionnelle; calcul de surindemnisation, gain dont l’assuré est privé, revenu d’invalide AI; art. 34a LPP

Dans le cadre du calcul de surindemnisation, en présence d’une personne assurée qui travaillait à un taux d’activité partiel, l’institution de prévoyance est liée par le revenu sans invalidité pris en considération par l’assurance-invalidité, à moins que celui-ci soit manifestement insoutenable. Il découle de cette présomption que le revenu sans invalidité établi par l’assurance-invalidité correspond au « gain annuel dont on présumer que l’assuré est privé », au sens de l’art. 34a al. 1 LPP.

Auteur : Guy Longchamp

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Prévoyance professionnelle Publication prévue

TF 9C_549/2022 du 12 avril 2023

Prestations complémentaires à l’AVS/AI; renonciation aux prestations d’assurance; Art. 23 LPGA

En 2021, une bénéficiaire de rente AI demande à renoncer aux PC dont elle bénéficie pour éviter que ses héritiers ne soient amenés à les rembourser.

Il ne doit pas être tenu compte des faits survenus postérieurement à la décision sur opposition. Ces faits doivent faire l’objet d’une nouvelle procédure administrative (c. 6.1)

La cour cantonale ayant constaté que le revenu de l’assurée se monte à CHF 1'931.00, qu’elle ne dispose pas de liquidités suffisantes et disponibles rapidement pour faire face à ses dépenses et qu’elle risque donc de léser les intérêts de l’aide sociale et de ses proches, le TF confirme la décision cantonale mettant en évidence l’existence d’un préjudice pour l’aide sociale au sens de l’art. 23 al. 2 LPGA (c. 6.2).

Les conditions pour protéger la bonne foi de la recourante, qui fait valoir que sa conseillère lui aurait garanti en 2015 qu’elle ne devrait jamais rembourser les PC perçues, ne sont pas données car elles supposent que la loi n’ait pas changé depuis le moment où la garantie a été donnée. Tel est le cas ici dans la mesure où la loi a changé avec entrée en vigueur le 1er janvier 2021 (c. 6.3).

Auteure : Tiphanie Piaget, avocate à La Chaux-de-Fonds

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Prestations complémentaires

TF 9C_510/2022 du 30 mars 2023

Assurance-invalidité; mesures médicales de réadaptation, traitement de durée indéterminée; art. 12 LAI

Le TF confirme que les mesures médicales de réadaptation doivent notamment permettre d’atteindre un résultat certain dans un laps de temps déterminé. En l’espèce, l’enfant est âgé de moins de dix ans et il ressort des constats médicaux que les traitements de physiothérapie et d’ergothérapie devront se poursuivre jusqu’à la fin de sa croissance et de son développement, soit au-delà de sa majorité, sans aucune autre précision quant à la durée du traitement. En conséquence, le droit à la prise en charge de ces traitements par l’AI doit être nié, quand bien même l’enfant bénéficie d’une API et quand bien même les traitements lui seraient profitables. La notion de pronostic favorable n’a ici pas à être investiguée.

Auteure : Anne-Sylvie Dupont

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Assurance-invalidité

TF 9C_457/2022 du 3 avril 2023

Assurance-invalidité; révision procédurale, délai de péremption; art. 53 al. 1 LPGA; 67 al. 1 PA

Par décision du 15 novembre 2007, l’Office AI pour le canton de Vaud a rejeté la première demande de prestations AI de A. Le 29 août 2013, l’autorité précitée a également rejeté la deuxième demande de prestations déposée par l’assuré, ayant relevée qu’aucun fait médical nouveau n’avait été constaté lors de l’instruction de la demande. En date du 2 septembre 2021, l’Office AI a rejeté la troisième demande de prestations de A. Le Tribunal cantonal a admis le recours de l’assuré et renvoyé la cause dans le sens des considérants. A. forme un recours contre cet arrêt dont il demande l’annulation, concluant principalement à ce qu’il soit admis « la présence d’un motif de révision procédure au sens de l’article 53 al. 1 LPGA des décisions du 15 novembre 2007, respectivement du 29 août 2013 » et subsidiairement, à ce que la cause soit renvoyée à l’office AI pour nouvelle expertise psychiatrique portant sur le droit aux prestations à partir de 2004. Le TF précise que le litige porte uniquement sur la révision procédurale des décisions de l’office AI des 15 novembre 2007 et 29 août 2013, le jugement rendu par le Tribunal cantonal étant une décision partielle au sens de l’art. 9 LTF.

S’agissant des délais applicables en matière de révision, l’art. 53 al. 1 LPGA n’en prévoit pas. En vertu du renvoi prévu par l’art. 55 al. 1 LPGA, sont déterminants les délais applicables à la révision de décisions rendues sur recours par une autorité soumise à la PA. A cet égard, l’art. 67 al. 1 PA prévoit un délai (de péremption) absolu de dix ans dès la notification de la décision sur recours (soit la décision soumise à révision). La jurisprudence a précisé que ce délai absolu de dix ans était aussi applicable lorsque la révision procédurale portait sur une décision de l’administration.

Après dix ans, la révision ne peut être demandée qu’en vertu de l’art. 66 al. 1 PA (art. 67 al. 2 PA). Aux termes de cette disposition, l’autorité de recours procède, d’office ou à la demande d’une partie, à la révision de sa décision lorsqu’un crime ou un délit l’a influencée.

Ainsi, la demande de révision procédurale de la décision du 15 novembre 2007 devait être adressée par écrit à l’autorité qui a rendu la décision dans les 90 jours qui suivaient la découverte du motif de révision, mais au plus tard dix ans après la notification de la décision (art. 67 al. 1 PA en corrélation avec l’art. 55 al. 1 LPGA). En agissant le 5 janvier 2021, soit plus de 13 ans après la notification de la décision du 15 novembre 2007, le recourant a agi tardivement. Il ne prétend par ailleurs pas qu’un crime ou un délit a influencé cette décision (révision « propter falsa », au sens de l’art. 66 al. 1 PA). Dans ces conditions, le droit de demander la révision procédurale de la décision du 15 novembre 2007, fondé sur les irrégularités alléguées de l’expertise psychiatrique du 25 novembre 2005, était périmé au moment où le recourant s’en est prévalu le 5 janvier 2021.

A moins qu’il existe un motif de révision matérielle (art. 17 LPGA), l’autorité de la chose décidée interdit de recommencer la procédure qui a conduit à la décision du 15 novembre 2007 sur le même objet. Pour demander la révision procédurale de la décision du 29 août 2013, le recourant devait invoquer, conformément aux exigences découlant de la sécurité du droit, des faits nouveaux importants ou des nouveaux moyens de preuve qui ne fondaient pas déjà la décision du 15 novembre 2007. La répétition des moyens invoqués tardivement pour demander la révision de la décision du 15 novembre 2007 ne saurait par conséquent ouvrir la voie de la révision « propter nova » de la décision du 29 août 2013.

Par cet arrêt, le TF limite le droit de l’assuré à déposer une demande de révision procédurale au sens de l’art. 53 al. 1 LPGA, en soumettant cette dernière au délai de péremption de dix ans prévu par l’art. 67 al. 1 PA. Toutefois, notre Haute Cour considère qu’un tel délai ne s’applique pas à la révision d’une décision pour un motif matériel, tel que le prévoit l’art. 17 LPGA. Il reste également muet sur la question de savoir si un tel délai s’applique aussi à la révision d’office par l’autorité, prévu également à l’art. 53 al. 1 LPGA.

Auteur : Corinne Monnard Séchaud, avocate à Lausanne

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Assurance-invalidité Procédure

ATF 149 IV 116, TF 6B_208 et 209/2021 du 29 mars 2023

Responsabilité aquilienne; lésions corporelles simples par négligence, devoir de diligence, faute dans l’acceptation d’une tâche acceptation du risque, entrave à la circulation publique; art. 125 al. 1 et 237 CP

Lors d’un vol d’examen de parapente en tandem, dans la phase d’approche transversale en vue de l’atterrissage, A. a freiné fortement en tirant sur les deux drisses de frein, puis sur celle actionnant le frein gauche, et a provoqué le décrochage puis la chute du parapente. Le passager B. a subi des lésions. A. a été reconnu coupable de lésions corporelles simples par négligence. Il a cependant été acquitté du chef d’accusation d’entrave à la circulation publique. A. et le Ministère public de la Confédération recourent au TF.

Se référant au jugement cantonal, le TF rappelle que pour déterminer l’étendue de la diligence à observer lors d’un vol plané en tandem, il y a lieu de se référer tout d’abord aux dispositions légales relatives à l’aviation, en particulier à l’ordonnance du DETEC du 24 novembre 1994 sur les aéronefs de catégories spéciales (OACS), à l’ordonnance du DETEC du 20 mai 2015 concernant les règles de l’air applicables aux aéronefs (ORA), à l’ordonnance du 22 janvier 1960 sur les droits et obligations du commandant de bord d’un aéronef (OCdt), aux directives de la Fédération suisse de vol libre (FSVL) du 1er septembre 2015 concernant l’examen d’aptitude pour pilotes de biplace en parapente niveau 1, aux documents théoriques remis pour l’examen et aux connaissances et aptitudes personnelles du pilote. En outre, conformément à l’art. 5a OACP, les dispositions de l’annexe du règlement d’exécution (UE) n° 923/2012 de la Commission européenne du 26 septembre 2012 (Standardised European Rules of the Air, SERA) sont applicables (c. 3.2).

Le TF rappelle ensuite qu’agit par négligence celui qui, par imprévoyance coupable, n’a pas réfléchi aux conséquences de son comportement ou n’en a pas tenu compte. L’imprévoyance est coupable lorsque l’auteur n’a pas pris les précautions auxquelles il était tenu en raison des circonstances et de sa situation personnelle (art. 12 al. 3 CP). Un comportement est considéré comme imprudent si, au moment de l’infraction, l’auteur aurait pu et dû reconnaître la mise en danger des intérêts juridiques de la victime sur la base des circonstances ainsi que de ses connaissances et compétences et s’il a en même temps dépassé les limites du risque autorisé. Lorsque des normes particulières de prévention des accidents et de sécurité imposent un certain comportement, la mesure de la diligence à observer se détermine en premier lieu d’après ces prescriptions. En l’absence de telles règles, le reproche de négligence peut se baser sur des règles de comportement généralement reconnues d’associations privées ou semi-privées ou sur des principes généraux de droit tels que le devoir de prudence face à une situation dangereuse. La prudence à laquelle un auteur est tenu est finalement déterminée par les circonstances concrètes et sa situation personnelle. L’imprévoyance coupable peut également être fondée sur le fait pour le prévenu d’accepter d’accomplir une tâche qu’il n’est manifestement pas en mesure d’accomplir en raison de sa situation personnelle, notamment de sa formation (Übernahmeverschulden). Dans ce cas, la violation de la diligence ne réside pas dans le fait que le prévenu se comporte de manière imprudente et contraire à ses devoirs dans le cadre d’une activité, mais plutôt dans le fait qu’il exerce cette activité alors qu’il aurait pu se rendre compte qu’il n’était pas à la hauteur (c. 3.3).

En l’espèce, le recourant A. affirme qu’au moment de l’accident, il ne pouvait pas se rendre compte de sa vitesse trop basse en raison des circonstances, de ses connaissances et de ses capacités encore insuffisantes en tant que pilote biplace. Ce serait en effet lors de l’examen pratique qu’il serait possible de vérifier si le sentiment de vol, en particulier en lien avec la vitesse minimale, est suffisamment développé. Le TF relève que dans la mesure où le recourant fait valoir qu’il n’était pas (encore) en mesure d’évaluer la vitesse de vol adéquate en raison de son manque d’expérience, on peut, contrairement à son opinion, lui imputer une faute ou une négligence (Übernahmeverschulden). En effet, il n’est pas contesté que l’apprentissage du vol en zone de vitesse de sécurité et la problématique de la vitesse minimale de vol font l’objet d’une formation théorique et pratique dans le cadre de la formation de pilote solo et tandem. Selon les explications non contestées de l’expert, chaque candidat est conscient du fait qu’un examen sera interrompu et considéré comme échoué au moindre signe de décrochage. Le vol d’examen est en outre le premier vol du candidat sous sa propre responsabilité, au cours duquel il n’existe en principe pas de liaison radio avec un instructeur de vol. Le candidat assume donc (pour la première fois) seul une grande partie de la responsabilité d’un passager, ce qui rend essentielle la garantie d’une expertise aéronautique suffisante. En outre, conformément au ch. 4.1.3. des directives FSVL, les candidats à l’examen confirment, par leur signature sur le procès-verbal d’examen remis avant celui-ci, qu’ils ont pris connaissance des directives FSVL et qu’ils s’estiment prêts à passer l’examen. Une inscription à l’examen ne doit donc avoir lieu que lorsqu’un candidat est convaincu d’avoir les capacités nécessaires pour passer l’examen – dont fait partie, selon les directives FSVL, l’atterrissage. Le vol d’examen ne semble en effet pas approprié pour « tester » le niveau de formation actuel du pilote. Le recourant ne peut donc pas, après avoir confirmé de manière expresse qu’il était prêt à passer l’examen, se disculper d’une erreur de vol telle que celle commise en l’espèce en faisant référence à son inexpérience ou à son sens du vol insuffisamment développé. Avant de s’inscrire à l’examen, il aurait dû s’assurer qu’il disposait des compétences aéronautiques nécessaires pour passer l’examen en toute sécurité, et il doit se voir imputer son manque d’expérience de vol (c. 3.4).

Le recourant A. soutient ensuite que le passager B. aurait délibérément consenti à une situation de risque accru. Le TF rappelle que pour délimiter les risques illicites des risques encore autorisés dans le sport, il faut se référer aux règles du jeu applicables à la compétition en question. Les différentes approches proposées dans la doctrine ont en commun le fait qu’en cas de réalisation du risque de base spécifique à la discipline sportive, il convient de renoncer à une sanction pénale. Toutefois, plus les règles servant à la protection physique des joueurs sont violées de manière flagrante, moins on peut parler de la réalisation d’un risque spécifique au jeu et plus la responsabilité pénale du joueur devient envisageable. S’agissant du parapente, il n’y a pas de « règles du jeu », mais les bases légales pertinentes rappelées ci-dessus s’appliquent. En particulier, le ch. 3101 SERA stipule qu’un aéronef ne doit pas être exploité d’une façon négligente ou imprudente pouvant entraîner un risque pour la vie ou les biens de tiers. Conformément à l’art. 6 al. 1 OCdt, le commandant est tenu de prendre, dans les limites des prescriptions légales, des instructions données par l’exploitant de l’aéronef et des règles reconnues de la navigation aérienne, toutes les mesures propres à sauvegarder les intérêts des passagers, de l’équipage, des ayants droit à la cargaison et de l’exploitant de l’aéronef. Les points 4.1.1 à 4.1.5 des directives FSVL définissent les conditions objectives et subjectives à remplir avant de se présenter à l’examen pratique. En outre, le principe est qu’un expert peut interrompre un examen à tout moment si un candidat est manifestement insuffisamment préparé ou s’il met en danger sa sécurité ou celle de tiers (ch. 4.10 des directives FSVL). Ces normes et règles peuvent être prises en compte pour l’évaluation des risques typiques de la discipline sportive in casu. En omettant de respecter une vitesse minimale adéquate, le recourant a mis en danger la santé et la sécurité de son passager, en violation des prescriptions susmentionnées. Il s’ensuit qu’une erreur d’appréciation de la vitesse n’est pas un simple écart mineur par rapport aux règles reconnues de l’art du vol. Il ne s’agit donc pas de la concrétisation d’un risque typique de la discipline dans le cadre de vols d’examen en parapente, sous la forme d’une légère infraction aux règles de l’art du vol, dont le passager B. aurait éventuellement dû se voir imputer la responsabilité (c. 3.5).

Le TF examine ensuite la question de savoir si un vol en parapente en tandem peut être considéré comme une infraction au sens de l’art. 237 CP (entrave à la circulation publique). Après un rappel très détaillé de l’évolution de la jurisprudence et des avis de doctrine en la matière, le TF revient sur sa jurisprudence actuelle et renoue avec sa jurisprudence initiale en retenant que la personne mise en danger ou lésée au sens de l’art. 237 CP doit représenter la collectivité et, dans ce but, l’identité de la victime concrètement mise en danger ou lésée ne doit dépendre que du hasard. C’est cette atteinte supra-individuelle de la collectivité qui légitime la pénalisation supplémentaire d’un comportement qui met en danger ou porte atteinte aux intérêts juridiques individuels. En d’autres termes, la victime au sens de l’art. 237 CP ne peut être que l’usager de la circulation publique qui est touché par hasard par la mise en danger de l’auteur et qui représente ainsi la collectivité par rapport à l’auteur. En l’occurrence, B. s’est délibérément rendu disponible en tant que passager, si bien qu’il ne peut pas être considéré comme une personne atteinte par hasard par le danger spécifique que représente la circulation publique. Par rapport au pilote du parapente, B. ne représente pas la « collectivité ». Une condamnation pour entrave à la circulation publique n’entre donc pas en ligne de compte (c. 5.2).

Auteure : Maryam Kohler, avocate à Lausanne

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Responsabilité aquilienne Faute Publication prévue

TF 2E_6/2021 du 23 mars 2023

Responsabilité de l’Etat; mesures de fermeture liées au Covid-19, manque à gagner d’un fitness, action en responsabilité contre la Confédération; art. 6 al. 2 let. d O 2 Covid-19; 120 al. 1 let. c LTF; 3 al. 1 LRCF

A. SA, une entreprise qui gère des fitness, a été forcée à la fermeture du 17 mars au 10 mai 2020, puis du 22 décembre 2020 au 18 avril 2021, dans le cadre de la crise sanitaire. A. SA a adressé une demande en réparation du dommage à la Confédération pour le manque à gagner estimé à CHF 259'245.-. Cette demande a ensuite été portée devant le TF.

En sa qualité d’instance unique, le TF n’est compétent que pour connaître des actions en dommages-intérêts basée sur la Loi sur la responsabilité, c’est-à-dire des actions pour actes illicites, et non pas des demandes d’indemnisation en équité basée sur l’art. 63 LEp ou encore des demandes en responsabilité pour actes licites. Pour ces deux dernières hypothèses, le lésé doit demander à l’autorité de statuer par la voie de la décision attaquable. La compétence du Tribunal fédéral basée sur l’art. 120 al. 1 let. c LTF ne doit pas être interprétée de manière extensive. Les prétentions de la recourante basée sur l’art. 63 LEp, respectivement sur la responsabilité pour actes licites, ne sont donc pas examinées (c. 1.2 et 4).

Pour que la Confédération soit tenue de réparer le dommage sur la base de la Loi sur la responsabilité, il appartient au lésé de prouver l’existence d’un acte illicite, d’un dommage et d’un lien de causalité entre l’un et l’autre (art. 3 al. 1 LResp) (c. 1.1 et 4.2).

En cas de préjudice purement économique, celui-ci ne peut donner lieu à réparation que lorsque l’acte dommageable viole une norme qui a pour finalité de protéger le lésé dans les droits atteints par l’acte incriminé (illicéité de comportement) (c. 5.1). Savoir si une telle norme existe en l’espèce est une question pouvant restée ouverte (c. 5.3).

En effet, selon la recourante, ce serait en décrétant la fermeture des fitness par voie d’ordonnance que le Conseil fédéral aurait commis un acte illicite. Or, seule une violation particulièrement crasse du devoir de fonction ou une erreur particulièrement lourde pourrait engager la responsabilité du Conseil fédéral en lien avec l’élaboration d’une ordonnance (c. 6.2).

Une telle violation crasse du devoir de fonction ne peut pas être reprochée au Conseil fédéral en lien avec les ordres de fermeture des fitness ancrés à l’art. 6 al. 2 let. d de l’O 2 Covid-19 et 5d al. 1 let. b O Covid-19 situation particulière. Ces mesures n’étaient pas disproportionnées dans le contexte de l’époque. La responsabilité de la Confédération ne peut donc pas être engagée en raison de ces actes (c. 7).

Auteure : Emilie Conti Morel, avocate à Genève

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Responsabilité de l’Etat

ATF 149 V 119, TF 9C_534/2021 du 4 avril 2023

Assurance-maladie; calcul du remboursement des recettes de médicaments, droit transitoire; art. 18 et 32 LAMal; 65b, 65d, 65f et 67 OAMal; 37e OPAS; LS

A. SA est titulaire de l’autorisation de mise sur le marché du médicament C., lequel figure sur la liste des spécialités pharmaceutiques et des médicaments confectionnés avec prix (LS) depuis le 1er août 2014. L’examen d’économicité requis avait alors été effectué sur la base d’une comparaison thérapeutique transversale (CTT) et d’une comparaison avec les prix pratiqués à l’étranger (CPE). Sur demande de A. SA en vue du réexamen périodique triennal des conditions d’admission à la LS, l’OFSP a baissé le prix du médicament C. de 30 % au 1er janvier 2018. Le 3 septembre 2018, l’OFSP a ordonné le remboursement des recettes supplémentaires en se fondant sur une CTT et une CPE. Le litige porte sur la question de savoir si l’instance inférieure a violé le droit fédéral en confirmant la décision de l’OFSP par laquelle le montant du remboursement a été calculé sur la base tant d’une CPE que d’une CTT, et non pas seulement d’une CPE (c. 2.1).

Au moment de l’admission du médicament C. dans la LS au 1er août 2014, la différence entre le prix de fabrique lors de l’admission et celui après la baisse de prix était généralement calculée exclusivement sur la base d’une CPE (c. 2.2.1). La prise en compte régulière de la CTT dans le cadre de l’examen périodique triennal des conditions d’admission a été introduite – dans le sillage de l’ATF 142 V 26 – de manière explicite dans l’OAMal et l’OPAS avec les révisions du 1er février 2017 (c. 2.3).

Le TF rappelle que lors de l’introduction du médicament C. le 1er août 2014, le prix de fabrique a été fixé sur la base d’une CPE et d’une CTT, ce qui est correct tant selon le droit de l’époque que selon le droit actuel (c. 3.1). Il considère en effet qu’il ne ressort pas des dispositions transitoires relatives aux modifications de l’OAMal et de l’OPAS du 29 avril et du 21 octobre 2015 que seule une CPE doit être effectuée (c. 3.2.1). Le TF rappelle de plus que l’ATF 142 V 26 a constaté l’illégalité du réexamen triennal du caractère économique d’un médicament basé uniquement sur un CPE – et donc de l’art. 65d al. 1bis OAMal dans sa version en vigueur du 1er juin 2013 au 31 mai 2015 – et a conclu à la nécessité d’effectuer également une CTT (c. 4). Il considère donc qu’au moment de l’admission du médicament C. dans la LS le 1er août 2014, il fallait effectuer non seulement une CPE, mais également une CTT lors du contrôle triennal (c. 5.1).

Concernant le droit transitoire, le TF considère que les dispositions transitoires des modifications de l’OAMal et de l’OPAS du 29 avril et du 21 octobre 2015 ne permettent pas de conclure que, lors du calcul des éventuelles recettes supplémentaires à restituer dans une constellation comme celle du cas d’espèce (admission de la LS avant l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions de l’ordonnance au 1er juin 2015, pas de nouvel examen des conditions d’admission jusqu’à présent), une CTT doit également être effectuée. Cela n’est toutefois pas étonnant car à l’époque l’ATF 142 V 26 n’était pas encore disponible. La question peut donc rester ouverte de savoir si les normes de droit transitoire correspondantes s’appliquent à cet endroit, étant donné que les modifications de l’OAMal et de l’OPAS du 1er février 2017, entrées en vigueur le 1er mars 2017, ne contiennent aucune disposition transitoire sur le thème du remboursement des recettes supplémentaires pour les médicaments (c. 5.3.2).

Selon le TF, le calcul des recettes supplémentaires remboursables sur la base d’une CPE et d’une CTT ne constitue pas une violation du principe de non rétroactivité. Au contraire, il ne fait que mettre en œuvre ce qui aurait déjà dû être conforme à la législation en 2014 (c. 6). En l’absence de violation de l’interdiction de la rétroactivité, le principe de la confiance ne peut pas non plus justifier l’application de la pratique contraire à la loi selon l’ATF 144 V 26, qui consisterait à procéder au contrôle triennal sur la base d’une CPE uniquement (c. 7.2).

Auteur : David Métille, avocat à Lausanne

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ATF 149 V 108, TF 9C_512/2022 du 6 avril 2023

Assurance-maladie; « Listes noires », moment de l’inscription, procédure cantonale (Aarau); art. 64a al. 7 LAMal

La question litigieuse est celle de savoir à partir de quelle date la personne assurée peut être inscrite sur la liste tenue par le canton d’Argovie de personnes n’ayant pas payé leurs primes et faisant l’objet de poursuites (« liste noire »). Le droit argovien prévoyant que cette inscription peut intervenir à l’échéance d’un délai de 30 jours dès la « communication de la poursuite » (« Betreibungsmeldung »), les premiers juges avaient retenu, suivant en cela la personne assurée, que le délai de 30 jours courait depuis la date de la notification du commandement de payer.

Procédant à l’interprétation du droit cantonal selon les méthodes usuelles, le TF parvient à la conclusion que le droit argovien n’est pas formulé de manière aussi restrictive, et que la solution des juges cantonaux est arbitraire. Sur la base des travaux préparatoires, mais également de son texte, qui ne reprend pas la formulation du droit des poursuites, ou encore du but de la norme, il fallait ici comprendre que le législateur argovien entendait faire partir le délai de 30 jours depuis le moment où la personne assurée avait été informée que des poursuites allaient être engagées à son encontre en raison de primes ou de participations impayées, et non depuis la notification formelle d’un commandement de payer.

Auteure : Anne-Sylvie Dupont

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