NLRCAS Avril 2018
Christoph Müller, Anne-Sylvie Dupont, Guy Longchamp et Alexandre Guyaz
TF 9C_214/2017 du 2 février 2018
Assurance-maladie; refus d’un numéro RCC; absence de responsabilité de santésuisse; art. 78 LPGA
Le TF précise que santésuisse n’a pas commis d’acte illicite susceptible d’engager sa responsabilité en refusant d’attribuer à un médecin un code au registre du code-créanciers (RCC), fondé sur une interprétation soutenable de la législation applicable à l’époque.
En effet, quand bien même un jugement a ordonné à ladite organisation d’admettre le médecin à pratiquer à la charge de l’assurance-maladie obligatoire a été rendu, les juges fédéraux rappellent que le fait de rendre une décision se révélant par la suite contraire au droit ne suffit pas pour engager la responsabilité de son auteur.
Auteur : Guy Longchamp
TF 9C_305/2017 - ATF 144 V 84 du 20 février 2018
Assurance-maladie; soins à domicile; fournisseur de prestations; contrat de droit administratif; interprétation du contrat; art. 25a al. 5 LAMal et 18 al. 1 CO
Le litige oppose une commune à une institution de soins pédiatriques à domicile, liées par une convention de droit administratif portant sur les modalités de la prise en charge médicale d’un enfant à domicile, sur la base de l’art. 25a al. 5 ph. 2 LAMal. Les parties ne s’entendent pas sur le tarif horaire à appliquer au fournisseur de prestations. Le TF indique que la convention est valable dans la mesure où la commune disposait d’une marge de manœuvre suffisante et où la convention ne déroge pas à des normes de droit impératif (c. 6.1).
S’agissant de son interprétation, une convention de droit administratif s’interprète comme un contrat de droit privé, soit en premier lieu selon la réelle et commune intention des parties lors de la conclusion du contrat (art. 18 al. 1 CO). A défaut, il faut recourir au principe de la confiance. De plus, en cas de doute, en présence d’un contrat de droit administratif, il faut partir du principe que l’administration n’est pas disposée à conclure un accord qui ne soit pas compatible avec les intérêts publics qu’elle doit défendre. Ceci ne signifie cependant pas qu’il faille systématiquement donner la préférence à l’interprétation la plus favorable à l’intérêt public (c. 6.2.1).
Pour le contrat passé en l'espèce, le TF considère que le fait d’avoir, pour la commune, confié à la fondation assurant les soins à domicile, la mission de recourir au besoin, pour la dispensation de soins un patient en particulier, à un(e) tiers infirmière ou infirmier indépendant(e), respecte l’art. 5 al. 1 de la loi zurichoise sur les soins (Pflegegesetz). Selon cette disposition, les communes pourvoient à un accès aux soins approprié et professionnel en faveur de leurs résidant(e)s, et, à cette fin, soit elles exploitent des institutions qui leur sont propres, soit elles mandatent des institutions tierces, telles que des maisons de soins et des services de soins à domicile, ou des infirmières et infirmiers indépendant(e)s. D’autre part, le TF arrive à la conclusion que les différents éléments de fait, tels qu’ils ont été retenus par le tribunal administratif cantonal (éléments que le TF énumère au considérant 6.4.1.1 de son arrêt), permettent de considérer, sans arbitraire, que l’infirmier concerné dans cette affaire était bien un « tiers » au sens du contrat en question, et qu’il avait, par là même, droit à la rétribution qui est, dans le contrat, prévue pour les soins dispensés au patient en question.
S’agissant de la compétence de la IIe Cour de droit social du TF pour trancher cette affaire, cette dernière précise qu’il s’agissait en l’espèce, en arrière-plan, d’une prestation d’assurance sociale selon l’art. 25a al. 5 LAMal, et non pas d’une question plus abstraite liée au droit public de la santé, auquel cas ç’eût été à la IIe Cour de droit public de la trancher (c. 1.2) ; la IIe Cour de droit social relève aussi que, s’agissant d’une contestation qui a trait, finalement, au financement résiduel de soins selon l’art. 25a al. 5, 2e phr., LAMal, ç’eût été, au niveau cantonal, et même si cela, pour différentes raisons, ne porte pas à conséquence dans le cas d’espèce, au Tribunal cantonal des assurances de la juger, et non pas au Tribunal administratif (c. 1.1.2.2).
Auteurs : Emilie Conti, avocate à Genève, et Philippe Graf, avocat à Lausanne
TF 6B_1347/2016 du 12 février 2018
Responsabilité médicale; absence de consentement éclairé; art. 125 CP
L’affaire en question avait fait l’objet d’un premier arrêt du TF en mai 2016 (arrêts 6B_788/2015 et 6B_902/2015, cf. Newsletter du mois de juillet 2016). Elle concerne le cas d’une patiente qui reprochait à son médecin de ne pas l’avoir préalablement informée sur les risques de l’opération d’une part, et sur le fait qu’elle ne serait pas opérée par lui-même, mais par deux apprenants d’autre part. Dans le premier arrêt, le TF avait admis qu’aucune violation des règles de l’art n’avait été établie, et que l’on pouvait admettre que si elle avait été correctement informée sur les risques de l’opération, la patiente aurait néanmoins accepté celle-ci (consentement hypothétique). Par contre, la cour cantonale avait agi de façon arbitraire en retenant un consentement hypothétique quant à la personne du chirurgien opérateur.
Suite au renvoi par le TF, la cour cantonale a finalement confirmé la condamnation du médecin responsable. Le TF, dans ce second arrêt, rejette le recours de ce dernier en expliquant notamment que le consentement éclairé du patient ne constitue pas un élément objectif de l’infraction prévue à l’art. 125 CP, mais un fait justificatif supprimant l’illicéité de l’acte portant atteinte à l’intégrité corporelle. Dès lors, dans la mesure où il est établi qu’une intervention chirurgicale a bel et bien causé des lésions corporelles et que l’intervention du médecin n’a pas été justifiée par le consentement éclairé du patient, il n’y a pas lieu de rechercher encore s’il existe un lien de causalité entre le manquement au devoir d’information et les lésions (c. 1.4). En d’autres termes, en cas de défaut d’information, si le consentement hypothétique ne peut être admis, le juge n’a pas à se demander encore si une information correcte aurait permis d’éviter le dommage.
Auteur : Alexandre Guyaz, avocat à Lausanne
TF 6B_987/2017 du 12 février 2018
Responsabilité du détenteur de véhicule automobile; odéo routier; tort moral; quotité et réduction; art. 44 al. 1 et 49 al. 1 CO
Un conducteur s’est livré dans un centre-ville à une course poursuite, roulant à plus de 150 km/h et causant la mort et des blessures graves à des piétons.
L’ampleur de la réparation morale au sens de l’art. 49 al. 1 CO dépend avant tout de la gravité des souffrances physiques ou psychiques consécutives à l’atteinte subie par la victime et de la possibilité d’adoucir sensiblement, par le versement d’une somme d’argent, la douleur morale qui en résulte. Sa détermination relève du pouvoir d’appréciation du juge. En raison de sa nature, l’indemnité pour tort moral, destinée à réparer un dommage, qui ne peut que difficilement être réduit à une simple somme d’argent, échappe à toute fixation selon des critères mathématiques, de sorte que son évaluation en chiffres ne saurait excéder certaines limites. L’indemnité allouée doit toutefois être équitable.
La fixation de l’indemnité pour tort moral est une question d’application du droit fédéral, que le TF examine donc librement. Toutefois, celle-ci relevant pour une part importante de l’appréciation des circonstances, il intervient ainsi avec retenue. Il le fait notamment si l’autorité cantonale a mésusé de son pouvoir d’appréciation, en se fondant sur des considérations étrangères à la disposition applicable, en omettant de tenir compte d’éléments pertinents ou encore en fixant une indemnité inéquitable parce que manifestement trop faible ou trop élevée. Toutefois, il s’agit d’une question d’équité – et non d’une question d’appréciation au sens strict, qui limiterait l’examen du TF à l’abus ou à l’excès du pouvoir d’appréciation – il examine librement si la somme allouée tient suffisamment compte de la gravité de l’atteinte ou si elle est disproportionnée par rapport à l’intensité des souffrances morales causées à la victime.
L’art. 44 al. 1 CO permet de réduire une indemnité pour tenir compte d’une faute concomitante. Cette disposition s’applique également à l’indemnité pour tort moral. Il y a faute concomitante lorsque le lésé omet de prendre des mesures que l’on pouvait attendre de lui et qui étaient propres à éviter la survenance ou l’aggravation du dommage; autrement dit, si le lésé n’a pas pris les mesures qu’une personne raisonnable, placée dans les mêmes circonstances, aurait pu et dû prendre dans son propre intérêt. La faute concomitante suppose que l’on puisse reprocher au lésé un comportement blâmable, en particulier un manque d’attention ou une attitude dangereuse, alors qu’il n’a pas déployé les efforts d’intelligence ou de volonté que l’on pouvait attendre de lui pour se conformer aux règles de la prudence. La réduction de l’indemnité – dont la quotité relève de l’appréciation du juge – suppose que le comportement reproché au lésé soit en rapport de causalité naturelle et adéquate avec la survenance du préjudice.
En l’espèce, le TF a confirmé l’arrêt de la cour cantonale sur l’indemnité pour tort moral, ne la considérant pas comme disproportionnée pour les motifs suivants :
Tort moral fixé avant réduction à CHF 25’000.-
Montant fixé en tenant compte (i) de ce que les conséquences physiques et psychologiques des atteintes à l’intégrité physique dépassent le seuil de gravité en dessous duquel aucune indemnité n’est due, (ii) de ce que les atteintes à l’intégrité sont constituées de fracture du crâne, hémorragie cérébrale, syndrome de choc post-traumatique, douleurs multiples, troubles mnésiques et déficit d’attention (iii), d’une hospitalisation de deux semaines après l’accident.
Faute concomitante impliquant une réduction de l’indemnité de 20%
Réduction de 20% de l’indemnité pour tort moral dès lors que le lésé avait traversé sur un passage pour piétons mais à la phase rouge du feu.
Auteur : Christian Grosjean, avocat à Genève
TF 6B_980/2016 du 20 février 2018
Responsabilité du détenteur de véhicule automobile; causalité; négligence; lésions corporelles graves par négligence; art. 12 al.3 CP et 125 CP
Suite à un accident de la circulation routière entre un camion et un cycle, le TF est amené à examiner l’art. 125 CP qui réprime le comportement de celui qui, par négligence, aura fait subir à une personne une atteinte à l’intégrité corporelle ou à la santé. Selon l’art. 12 al. 3 CP, agit par négligence quiconque, par une imprévoyance coupable, commet un crime ou un délit sans se rendre compte des conséquences de son acte ou sans en tenir compte. L’imprévoyance est coupable quand l’auteur n’a pas usé des précautions commandées par les circonstances et par sa situation personnelle.
Deux conditions doivent être remplies pour qu’il y ait négligence : la première est qu’il faut que l’auteur viole les règles de la prudence, c’est-à-dire le devoir général de diligence institué par la loi pénale, qui interdit de mettre en danger les biens d’autrui pénalement protégés contre les atteintes involontaires et un comportement dépassant les limites du risque admissible qui viole le devoir de prudence s’il apparaît qu’au moment des faits son auteur aurait dû, compte tenu de ses connaissances et de ses capacités, se rendre compte de la mise en danger d’autrui. La seconde prévoit que la violation du devoir de prudence doit être fautive, c’est-à-dire qu’il faut pouvoir reprocher à l’auteur une inattention ou un manque d’effort blâmable.
En outre, il faut qu’il existe un rapport de causalité entre la violation fautive du devoir de prudence et les lésions de la victime. Le rapport de causalité est qualifié d’adéquat lorsque, d’après le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, le comportement était propre à entraîner un résultat du genre de celui qui s’est produit. La causalité adéquate peut toutefois être exclue si une autre cause concomitante, par exemple une force naturelle, le comportement de la victime ou d’un tiers, constitue une circonstance tout à fait exceptionnelle ou apparaît si extraordinaire que l’on ne pouvait s’y attendre. L’imprévisibilité d’un acte concurrent ne suffit pas en soi à interrompre le rapport de causalité adéquate. Il faut encore que cet acte ait une importance telle qu’il s’impose comme la cause la plus probable et la plus immédiate de l’événement considéré, reléguant à l’arrière-plan tous les autres facteurs qui ont contribué à l’amener et notamment le comportement de l’auteur.
En l’espèce, le TF est arrivé à la conclusion qu’il ne pouvait être établi que le comportement du détenteur du camion était constitutif d’une inattention fautive en lien direct avec la survenance de l’accident. Le TF a en effet retenu l’existence de circonstances imprévisibles (trajectoire de la cycliste, feu de circulation de la piste cyclable au rouge lors de son franchissement par la cycliste, présomption que celle-ci ne roulait plus sur la bande cyclable et envisageait de traverser le carrefour en empruntant le passage pour piéton). De son côté, le détenteur du camion a effectué sa manœuvre correctement (clignotant enclenché, utilisation consciencieuse de ses rétroviseurs), seule la vitesse de 12 km/h pouvait éventuellement être retenue à son encontre et encore puisque on pouvait douter de la nécessité de l’adapter compte tenu du fait que le feu de signalisation était au vert pour le détenteur du camion, que celui-ci vouait toute son attention à la manœuvre qu’il effectuait et qu’il avait pris en compte la priorité à accorder aux éventuels usagers susceptibles d’arriver sur sa droite.
Auteure : Catherine Schweingruber, titulaire du brevet d’avocat à Lausanne
TF 6B_601/2017 du 26 février 2018
Responsabilité aquilienne; procédure; qualité pour recourir contre l’acquittement d’un co-prévenu; art. 382 al.1 CPP
Le recourant, qui avait été condamné pour homicide par négligence en première instance, avait recouru au tribunal cantonal notamment pour faire condamner un co-prévenu acquitté en première instance de la même infraction et pour qu’une partie des frais de procédure en lien avec ce chef de prévention lui soit imputée. Son recours a été déclaré irrecevable par le tribunal cantonal, faute de qualité pour agir.
Le TF rappelle que la partie recourante est habilitée à se plaindre d’une violation de ses droits de partie équivalant à un déni de justice formel et est ainsi fondée à attaquer une décision déclarant irrecevable son recours cantonal pour défaut de qualité pour recourir, ce indépendamment des conditions posées par l’art. 81 al. 1 LTF.
Selon l’art. 382 al. 1 CPP, a qualité pour recourir toute partie qui a un intérêt juridiquement protégé à l’annulation ou la modification de la décision. L’intérêt doit être juridique et direct et non de fait : le recourant doit établir que la décision attaquée viole une règle de droit qui a pour but de protéger ses intérêts et qu’il peut en conséquence en déduire un droit subjectif. La violation d’un intérêt relevant d’un autre sujet de droit est insuffisante pour créer la qualité pour agir. Ainsi, un prévenu ne peut se plaindre de la manière dont un co-prévenu a été traité. Selon le TF, l’acquittement du co-prévenu n’a pas de conséquences sur la peine du recourant et sur la répartition des frais : chaque prévenu n’a supporté que les frais liés à sa propre cause en fonction des infractions retenues ou non à son encontre ; l’acquittement du co-prévenu n’a pas d’influence sur la fixation de la peine du recourant en vertu du principe selon lequel il n’y a pas de compensation des fautes en droit pénal. Quant aux effets de nature civile que peut avoir l’acquittement du co-prévenu (le recourant a été seul tenu pour responsable du décès et du dommage y lié sur le plan civil, le tribunal de première instance ayant estimé que la faute du recourant avait rompu le lien de causalité entre l’acte du co-prévenu et le décès), le TF relève que le tribunal cantonal n’a pas dénié au recourant sa qualité pour recourir sur cette partie du jugement (décision partielle uniquement en rapport avec l’acquittement du co-prévenu et non sur la partie civile du jugement), de sorte que la question du principe de la responsabilité civile et des quotes-parts de responsabilité des protagonistes et notamment du co-prévenu reste à juger par le tribunal cantonal, étant rappelé qu’un acquittement ne préjuge pas du sort des conclusions civiles. Enfin, en soutenant que le juge civil est largement influencé par le jugement pénal et ne s’en distancie généralement pas, le recourant invoque un intérêt de fait, mais n’établit pas que la décision attaquée viole une règle de droit ayant pour but de protéger ses intérêts.
Auteure : Séverine Monferini Nuoffer, avocate à Fribourg
TF 8C_745/2017 du 5 février 2018
Allocations familiales; allocations de formation; art. 1 al 1 et 3 al 1 lit. b LAFam; 49bis et 49ter RAVS
Selon les art. 1 al. 1 et 3 al. 1 lit. b LAFam, les enfants en formation au sens de l’art. 25 al. 5 LAVS ont droit à une allocation de formation jusqu’à l’âge de 25 ans. L’art. 49bis RAVS indique qu’un enfant est réputé en formation lorsqu’il suit une formation régulière reconnue de jure ou de facto à laquelle il consacre la majeure partie de son temps et se prépare systématiquement à un diplôme professionnel ou obtient une formation générale qui sert de base en vue de différentes professions (al 1). L’art. 49ter al. 3 RAVS définit les périodes qui ne sont pas assimilées à une interruption, pour autant que la formation se poursuive immédiatement après. Il s’agit des périodes usuelles libres de cours et les vacances d’une durée maximale de 4 mois, ainsi que le service militaire ou civil d’une durée maximale de 5 mois, ainsi que les interruptions pour raison de santé ou de grossesse jusqu’à une durée maximale de 12 mois. Les lettres a, b et c de l’art. 49ter al 3 ne sont pas applicables cumulativement.
Un stage est reconnu comme une formation au sens de l’art. 49bis RAVS s’il est légalement ou réglementairement exigé par la formation poursuivie. Après sa maturité fédérale, le fils du recourant a servi dans l’armée durant 25 semaines (école de recrue du 30 juin au 19 décembre 2014), soit plus de 5 mois au sens de l’art. 49ter al 3 lit b RAVS, si bien qu’on doit considérer que sa formation a été interrompue. Par ailleurs, le stage d’assistant de projet rémunéré effectué par le fils du recourant du 9 mars au 30 juin 2015 n’est pas une condition préalable à son admission à l’EPFZ le 14 septembre 2015. Enfin, la période d’interruption entre l’obtention de la maturité fédérale à fin juin 2014 et le début de l’EPFZ en septembre 2015 a dépassé 13 mois, à savoir largement plus que les durées maximales prévues à l’art. 49ter al. 3 RAVS. C’est donc à bon droit que la Caisse de compensation et le tribunal cantonal ont nié le droit du recourant pour son fils aux allocations de formation avant le 1er septembre 2015, si bien que le recours est rejeté.
Auteur : Gilles de Reynier, avocat à Colombier
TF 4A_42/2017 - ATF 144 III 136 du 29 janvier 2018
Assurances privées; assurance d’indemnité journalière en cas de maladie; preuve de l’incapacité de travail; coordination avec l’assurance-chômage; art. 8 CC; 28 LACI
Le litige porte sur une obligation de prestation résultant d’une assurance complémentaire à l’assurance-maladie sociale. Selon le TF, une compagnie d’assurance qui renonce à faire examiner la personne qui revendique des prestations par le médecin de son choix, comme le lui permettent ses conditions générales d’assurance, prend le risque de se priver, pour la période critique, de constatations cliniques autres que celles effectuées par les médecins traitants. Ainsi, les allégations précises d’un rapport médical, rédigées par le médecin-traitant, peuvent apporter la preuve de leur véracité si elles sont appuyées par des indices objectifs.
Le TF a examiné la coordination entre l’assurance-chômage et l’assurance couvrant la perte de gain occasionnée par une maladie, soit avec une assurance complémentaire à l’assurance-maladie sociale, soumise à la LCA. La compagnie d’assurance reproche aux juges cantonaux de ne pas avoir soustrait de sa dette d’indemnités journalières les indemnités de chômage dont l’assuré a bénéficié, alors qu’une telle déduction était prévue par ses CGA. Le TF rappelle que l’art. 28 LACI consacre le principe de subsidiarité du versement de l’indemnité de chômage par rapport à l’indemnité compensant la perte de gain pour cause de maladie ou d’accident. Par conséquent, il n’y pas lieu de déduire les indemnités versées par la caisse de chômage de celles dues par la compagnie d’assurance.
Pour le TF, une compagnie d’assurance ne peut porter en déduction de sa dette une indemnité allouée à titre provisoire, sans reconnaissance aucune d’un droit définitif à une prestation susceptible d’émaner de l’assurance-invalidité. L’art. 28 LACI s’applique ainsi également aux indemnités journalières d’une assurance perte de gain maladie régie par la LCA.
Auteur : Charles Poupon, avocat à Delémont
TF 4A_211/2017 du 4 décembre 2017
Contrat d’assurance; fardeau de la preuve; appréciation arbitraire des preuves; art. 8 CC; 9 Cst.
Un véhicule assuré subit un dommage total. La compagnie d’assurance mandate un expert, lequel juge manifestement excessif le prix annoncé pour l’achat du véhicule. D’autres investigations laissent apparaître de nombreuses contradictions quant aux circonstances d’achat du véhicule litigieux. L’assureur dépose alors une dénonciation pénale à l’encontre de l’assurée pour faux dans les titres et tentative d’escroquerie. Une ordonnance de classement est rendue au motif que certes, les contrats produits étaient imprécis quant au mode de rétribution, erronés quant au kilométrage et, pour le second, inexact quant à l’identité de l’acquéreur mais rien ne permettait de retenir qu’ils auraient été antidatés et créés uniquement en vue d’obtenir des prestations de l’assurance ; par ailleurs, il n’était pas possible d’établir à satisfaction de droit que l’acheteur n’avait pas versé le prix de vente indiqué (CHF 38’000.-). L’assurée dépose une demande tendant à obtenir les prestations d’assurance, laquelle est admise en première instance et confirmée par les juges d’appel. Le TF rejette le recours de l’assureur.
Selon le TF, l’assureur reproche à tort à la Cour d’appel d’avoir violé l’art. 8 CC en lui imposant de prouver le prix effectivement payé pour l’achat du véhicule litigieux. Dès lors que l’assureur invoquait l’art. 40 LCA, il lui incombait de prouver que les conditions d’application de cette disposition étaient réalisées et donc ici de prouver que le prix payé pour l’acquisition du véhicule était inférieur à CHF 38’809.- (valeur vénale majorée), afin de réduire l’étendue de l’indemnité due en vertu des CGA, respectivement de prouver que les renseignements donnés dans le contrat de vente remis par l’assurée étaient inexacts et réalisaient les prévisions de l’art. 40 LCA, afin de refuser toute prestation.
Par ailleurs, l’assureur reproche en vain à la Cour d’appel d’avoir apprécié arbitrairement les preuves en retenant que l’acheteur avait acquis le véhicule pour le prix de vente indiqué dans le contrat querellé. D’une part, les indications erronées quant au kilométrage du véhicule et à la personne de l’acquéreur dans le contrat de vente ne discréditent pas l’entier du contrat. Ensuite, la personne de l’acquéreur n’avait aucun impact sur l’indemnité d’assurance. De plus, le fait que le prix d’achat du véhicule était bien supérieur à l’offre comparative selon le barème « EUROTAX jaune (11.2005) » n’est pas décisif. Enfin, s’il peut certes paraître malencontreux d’avoir choisi de réparer le véhicule plutôt que d’en acquérir un autre sur le marché de l’occasion à un prix moindre, cette décision n’est, a priori, pas le fait de l’assurée et a pu être influencée par des motifs d’opportunité, de sorte qu’on ne saurait lui reprocher d’avoir déclaré un prix erroné dans le but d’induire la recourante en erreur.
Auteure : Amandine Torrent, avocate à Lausanne
TF 9C_342/2017 du 29 janvier 2018
Assurance-invalidité; révision; preuve de l’amélioration; matériel d’observation; évaluation médicale; art. 7, 8 et 17 LPGA
Un rapport de surveillance par un détective privé est insuffisant pour fonder la révision du droit à une rente AI. Il ne permet en effet pas, à lui seul, de juger l’état de santé et la capacité de travail d’un assuré, mais doit être renforcé par des données médicales.
Si l’évaluation du matériel d’observation par un médecin du SMR peut éventuellement suffire pour porter un jugement sur l’impact de troubles physiques sur la capacité de travail de la personne assurée, elle est insuffisante s’agissant de troubles psychiques. En effet, des photographies, ou même des vidéos, ne permettent pas, à elles seules, de conclure à l’amélioration de troubles psychiques (en l’espèce un trouble de la personnalité borderline et narcissique, associé à un trouble dépressif récurrent), d’autant moins que les périodes d’observations ont été très brèves.
Auteure : Anne-Sylvie Dupont
TF 8C_388/2017 du 6 février 2018
Assurance-accidents; fausse déclaration d’accident; sanction en cas de violation de l’obligation de renseigner; premières déclarations; entreprise téméraire absolue; courses motorisées; art. 39, 46 et 113 LAA; 50 OLAA
L’art. 46 al. 2 LAA permet à l’assureur de réduire ou de refuser les prestations à titre de sanction en cas de fausses informations données intentionnellement. Cette disposition vise à réprimer un comportement dolosif tendant à obtenir de l’assurance plus que ce à quoi l’on aurait droit. L’assureur doit examiner une telle éventualité pour chaque prestation en particulier en respectant l’interdiction de l’arbitraire, ainsi que les principes de l’égalité de traitement et de proportionnalité. Une condamnation pénale, en particulier pour escroquerie, n’est pas une condition nécessaire pour faire usage de l’art. 46 al. 2 LAA.
En l’occurrence, un faisceau d’éléments de preuve et d’indices concordants, dont la première version du recourant à laquelle il convient d’accorder la préférence, établissent au degré de la vraisemblance prépondérante que ce dernier a fait de fausses déclarations en prétendant que l’accident dont il a été victime est survenu alors qu’il se rendait au départ d’une course motorisée dite « spéciale » (soit une compétition chronométrée sur une portion du parcours) et non au cours de celle-ci. La distinction revêt une importance sous l’angle du droit aux prestations d’assurance. La participation à des courses motorisées est en effet considérée comme une entreprise téméraire absolue qui motive dans l’assurance des accidents non professionnels le refus de toutes les prestations ou la réduction des prestations en espèces (art. 39 LAA en corrélation avec l’art. 50 OLAA).
Auteur : Gilles-Antoine Hofstetter, avocat, Lausanne
TF 9C_147/2017 - ATF 144 V 58 du 20 février 2018
Prévoyance professionnelle; invalidité; connexité temporelle; art. 23 lit. a LPP
Dans cet arrêt, le TF précise sa jurisprudence, en ce sens que le critère de la connexité temporelle est interrompu lorsqu’un assuré recouvre une capacité de travail de 80% au moins, durant trois mois, dans une activité adaptée.
Le seul fait d’être considéré comme étant au bénéfice d’une capacité de travail de 80% au moins ne suffit pas. Il faut encore que cette capacité de travail dure au moins trois mois. A défaut, l’ancienne institution de prévoyance doit (continuer de) verser d’éventuelles prestations d’invalidité.
Auteur : Guy Longchamp
Brèves...
Le TF rappelle à l’ordre le tribunal des assurances du canton de Saint-Gall et l’enjoint de se conformer à la jurisprudence fédérale selon laquelle le tribunal cantonal des assurances doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise judiciaire en cas d’incertitude sur l’état de fait – et non renvoyer l’affaire à l’assureur social (TF 8C_580/2017).
Une fonctionnaire internationale qui cotise volontairement à l’assurance-chômage suisse doit également payer des cotisations sur l’indemnité de départ versée par son employeur, même si cette dernière a été versée après la fin des rapports contractuels (TF 8C_338/2017).
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