NLRCAS Mai 2019
Editée par Christoph Müller, Anne-Sylvie Dupont, Guy Longchamp et Alexandre Guyaz
TF 6B_52/2019 - ATF 145 IV 154 du 5 mars 2019
Responsabilité aquilienne; accident de sport; lésions corporelles par négligence; faute; acte illicite; art. 50 CO
Le TF précise sa jurisprudence en ce qui concerne la détermination de la gravité de la faute commise dans le cadre d’une compétition sportive en relation avec le risque accepté par le participant victime d’une blessure. Ainsi, l’on ne saurait calquer les limites déterminantes pour le droit pénal sur le système de sanctions et d’avertissements découlant des règles du jeu. En effet, un parallèle systématique quant à la notion de faute grossière entre les règles du jeu et le droit pénal reviendrait à exclure, contrairement aux exigences jurisprudentielles en la matière, le principe général « neminem laedere » de la réflexion juridique.
Auteur : Alexandre Guyaz, avocat à Lausanne
TF 6B_1287/2018 du 11 mars 2019
Responsabilité aquilienne; responsabilité du médecin; administration erronée d’un médicament; homicide par négligence; lien de causalité; exposition; indemnité; art. 117 et 127 CP
Homicide par négligence : le TF rappelle les conditions et principes afférents à l’art. 117 CP dans le contexte de la responsabilité médicale (c. 1.1).
En tant qu’il lui était demandé, en sa qualité de médecin référant de son patient, de contrôler sa fiche de traitement médicamenteux, ce médecin, également médecin-traitant, généraliste dudit patient, avait une position de garant vis-à-vis de lui. Dans la mesure où il a manqué de relever l’erreur de posologie qu’elle contenait, n’étant du reste pas contesté que cette erreur était perceptible sur la base de ses connaissances et capacités, le médecin a commis une violation de son devoir de prudence (c. 1.2).
L’aspect fautif dudit devoir de prudence est confirmé. En effet, dans la mesure où l’intervention d’un médecin, avec les connaissances et compétences qui lui sont associées, était nécessaire, il ne pouvait pas simplement partir de l’idée – fausse en l’occurrence – que la fiche qui lui était soumise par le personnel du home ne contenait aucune erreur et, partant, renoncer à tout contrôle du document qu’il signait. Son inattention doit donc être considérée comme blâmable (c. 1.3).
Sous l’angle du lien de causalité (rappel des principes, c. 1.4.1), il n’est pas contesté que le décès du patient a essentiellement été causé par le surdosage de Méthotrexate (c. 1.4.2). Est toutefois seule pertinente en l’espèce la question de savoir si l’identification de l’erreur de dosage et l’interruption de la prise de médicament du 9 octobre 2016 auraient permis, avec une très grande vraisemblance, d’éviter l’issue fatale. C’est sans arbitraire que la cour cantonale a déduit de l’expertise qu’il existait « une certaine probabilité » d’éviter l’issue fatale au 9 octobre 2016. Cependant, par ces termes, l’autorité précédente retient une vraisemblance en deçà de celle exigée par la jurisprudence. Pour mémoire, l’existence de la causalité dite hypothétique suppose une très grande vraisemblance et non une simple possibilité ou probabilité. En retenant que le lien de causalité était néanmoins satisfait en l’espèce, la cour cantonale a violé le droit fédéral en ce sens qu’elle a méconnu le degré d’exigence applicable à la causalité hypothétique dans le cadre de l’art. 117 CP. La réalisation de la condition du lien causal entre l’omission et le résultat n’est donc pas établie en l’espèce et le recourant devra être libéré de l’infraction d’homicide par négligence (c. 1.4.3).
Exposition : rappel des conditions et principes afférents à l’art. 127 CP (c. 2.1).
En l’espèce, l’interruption du traitement pendant deux semaines constituait bien une mesure prise par le médecin incriminé. La question de savoir si elle était adaptée aux circonstances est autre. En effet, même si le choix du recourant n’était en définitive pas le bon, rien ne permet pas d’affirmer qu’il ne s’agit pas simplement d’une mauvaise appréciation de la situation – étant rappelé qu’il n’est pas rhumatologue, qu’il ne prescrit pas de Méthotrexate et n’est donc pas particulièrement familier de ce médicament – plutôt qu’une décision délibérée prise à l’encontre du bien juridique protégé par l’art. 127 CP. En d’autres termes, c’est de manière arbitraire, respectivement en violation du droit fédéral, que la cour cantonale a conclu que le recourant avait voulu, à tout le moins par dol éventuel, exposer ou abandonner son patient à un danger de mort. Le recours est également admis sur ce point (c. 2.4).
Il en résulte que les conclusions civiles des plaignantes sont rejetées (c. 3)
Auteur : Philippe Eigenheer, avocat à Genève et Vaud
TF 6B_1266/2018 5 du 4 décembre 2018
Responsabilité aquilienne; faute concomitante; alcool; THC; tort moral; art. 44 et 49 CO
La victime d’une altercation obtient une indemnité pour tort moral à hauteur de CHF 12'000.- dans le cadre du jugement pénal rendu en seconde instance à l’encontre de l’auteur. Ce dernier invoque la faute concomitante au vu de la présence de THC et d’alcool dans l’organisme de la victime.
Il y a faute concomitante lorsque le lésé omet de prendre des mesures que l’on pouvait attendre d’une personne raisonnable, placée dans les mêmes circonstances, et qui étaient propres à éviter la survenance ou l’aggravation du dommage. La faute concomitante suppose un comportement blâmable du lésé, soit un manque d’attention ou une attitude dangereuse, alors qu’il n’a pas déployé les efforts que l’on pouvait attendre de lui pour se conformer aux règles de la prudence. Le comportement reproché doit être en lien de causalité naturelle et adéquate avec la survenance du préjudice (c. 5.2.1.).
Selon le TF, il ne peut pas être retenu, sur la base d’une pièce attestant de la présence de THC, mais n’indiquant rien quant à son importance et quant à l’effet que cette substance a pu avoir sur la victime au moment des faits, qu’il existe un rapport de causalité naturel entre le comportement blâmable de la victime, c’est-à-dire la prise de THC, et le préjudice subi (c. 5.2.2.).
De plus, il ne peut être reproché à la victime un comportement blâmable du fait qu’à cause de son état d’ébriété, il n’a pas réussi à rester debout malgré le coup porté par l’auteur en plein visage et sans préambule. Il s’agirait d’un renversement des responsabilités (c. 5.2.3.).
La prise de THC et l’alcoolémie de la victime ne sauraient en l’espèce permettre de réduire l’indemnité pour tort moral.
Auteure : Corinne Monnard Séchaud, avocate à Lausanne
TF 6B_1309/2018, 6B_1315/2018 du 28 mars 2019
Responsabilité aquilienne; lésions corporelles par négligence; arbitraire; art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF; 9 Cst.
Lors du montage d’un échafaudage dans une cage d’escalier d’un immeuble, un ouvrier et son contremaître ont laissé comme soutien, malgré le mauvais éclairage, une barre transversale au niveau de la dernière marche de l’escalier menant au premier étage, barre placée à une dizaine de centimètres audessus de la marche, empêchant ainsi un cheminement sûr dans ladite cage d’escaliers. En outre, la présence de cette barre, de la même couleur que le sol, n’a pas été indiquée. Un des locataires de l’immeuble, alors qu’il montait les escaliers menant au premier étage, a perdu l’équilibre en voulant enjamber ou en heurtant ladite barre et a chuté en arrière. Cette chute lui provoqua de graves lésions corporelles.
Les deux prévenus ont été condamnés pour lésions corporelles graves par négligence par le tribunal de police. Le tribunal cantonal pénal a rejeté les appels des deux prévenus qui ont formé recours au TF. Les deux causes ont été jointes.
Les recourants soutiennent en substance qu’en l’absence d’expertise, la cour cantonale serait tombée dans l’arbitraire en retenant que la construction de l’échafaudage en forme de « H » constituait une violation des règles de l’art de construire, alors que cette forme de « H » était nécessaire pour la tenue de l’échafaudage et donc pour la sécurité des ouvriers. La cour cantonale ne s’est référée que sur les déclarations de l’inspecteur des chantiers qui n’avait pas précisé comment il aurait fallu installer l’échafaudage.
La cour cantonale a écarté sans motivation l’avis exprimé par les personnes intervenues sur le chantier, qui ont affirmé que la pose de la barre transversale était nécessaire pour assurer la stabilité de l’échafaudage pour la sécurité des ouvriers et que les autres systèmes pour stabiliser l’échafaudage n’entraient pas en ligne de compte en l’espèce. En ignorant ces déclarations et en se fondant sur la seule opinion de l’inspecteur des chantiers, au demeurant peu précise, les juges cantonaux ont versé dans l’arbitraire.
Par ailleurs, la cour cantonale a versé également dans l’arbitraire en écartant sans aucune motivation les témoignages sur le fait que le recourant n’avait pas été informé que l’immeuble était habité puisqu’il ne s’agissait que d’une rénovation partielle. Cet élément était déterminant pour l’issue du litige dans la mesure où les règles de sécurité varient selon que le chantier est fermé ou ouvert au public.
En dernier lieu, la cour cantonale a retenu que l’un des recourants avait la qualité de chef d’équipe des monteurs et qu’il était chargé de diriger les autres employés avec lesquels il a installé l’échafaudage. A ce titre, il lui incombait d’effectuer ce travail conformément aux normes de sécurité reconnues dans la branche. Selon la jurisprudence, la responsabilité pénale d’un participant à la construction se détermine sur la base des prescriptions légales, des accords contractuels ou des fonctions exercées, ainsi que des circonstances concrètes. A défaut d’élément de fait plus précis, il n’est pas possible de déterminer si le recourant se trouvait dans une position de garant.
Le TF a ainsi admis les recours, le jugement attaqué annulé et la cause renvoyée à la cour cantonale pour qu’elle détermine, au besoin en ordonnant une expertise, si l’échafaudage a été installé conformément aux règles de l’art de construire compte tenu des circonstances de l’espèce (sécurité des ouvriers, configuration des lieux, chantier ouvert ou fermé, etc.).
Auteur : Bruno Cesselli, expert à Bulle
TF 4A_511/2018 du 21 mars 2019
Responsabilité du détenteur de véhicule automobile; constatation du droit étranger; principes de procédure; respect des règles de la bonne foi.; art. 16 al. 1 LDIP; 52 CPC
Selon l’art. 16 al. 1 LDIP, le juge doit établir d’office le contenu du droit étranger.
Dans ce cadre, les parties doivent – préalablement au jugement – avoir l’occasion de prendre position sur le principe de l’application d’un droit étranger, puis d’être renseignées et de prendre position sur le contenu de droit étranger tel qu’il résulte de l’ensemble des investigations accomplies. Les parties doivent être informée en temps utile du résultat de ces investigations, afin de se déterminer à leur égard et de parer à toute inexactitude.
La partie qui présente, pour la première fois en procédure d’appel, des questions qu’elle tient pour pertinentes à l’établissement des règles topiques du droit étranger auquel la contestation est soumise, alors que des possibilités suffisantes lui avaient été données d’en énoncer devant le tribunal de première instance, constitue un comportement négligent ou attentiste qui n’est pas conforme aux exigences de la bonne foi en procédure (consacrées par l’art. 52 CPC). Ni la LDIP ni une garantie constitutionnelle n’obligent le tribunal à anticiper l’inaction d’un conseil professionnel et à l’inviter spécialement à présenter ses questions.
Auteur : Benoît Santschi, titulaire du brevet d’avocat, Neuchâtel
TF 4D_2/2019 du 27 mars 2019
Responsabilité du détenteur de véhicule automobile; prescription; reconnaissance de dette; art. 74 al. 2 let. a LTF; 137 al. 2 CO
Lorsque la valeur litigieuse n’est pas atteinte dans le cadre d’un recours en matière civile, le recours est recevable lorsque la contestation soulève une question juridique de principe (art. 74 al. 2 let. a LTF). Dans ce cas, il faut expliquer en quoi l’affaire remplit cette condition (art. 42 al. 2 LTF). Le cas d’espèce porte sur un accident de la route intervenu le 19 mai 2001. Le recourant a déposé une action partielle le 9 février 2015 tendant au paiement par l’assureur du responsable de l’accident de la somme de CHF 25’000.00 à titre de tort moral, avec intérêts à 5%.
En l’espèce, le point controversé devant l’instance précédente concernait une offre de transaction, datée du 18 octobre 2010, dans laquelle une compensation pour le dommage causé avait été formulée. Le recourant estimait que cette offre de transaction pouvait être considérée comme une reconnaissance de dette au sens de l’art. 137 al. 2 CO. Toutefois, l’offre de transaction n’était pas signée, de sorte que l’exigence formelle n’était pas respectée. Tout au plus un nouveau départ pour le délai de prescription de deux ans aurait pu courir, à l’exclusion de celui de dix ans. La demande en justice déposée le 9 février 2015 ne pouvait qu’être considérée comme prescrite à tout point de vue.
Partant, le recourant n’a pas su démontrer en quoi la question de la prescription pouvait constituer une question juridique de principe. Ainsi, le recours en matière civile n’est pas recevable (c. 1). Le recours constitutionnel subsidiaire n’est pas non plus ouvert dans la mesure où le recourant n’a pas su démontrer en quoi l’état de fait établi par l’autorité précédente était arbitraire (c. 2). Enfin, la violation du droit d’être entendu invoqué par le recourant n’est pas fondée (c. 3).
Le recours a été rejeté par le TF, dans la mesure où il était recevable.
Auteur : David Métille, avocat à Lausanne
TF 9C_277/2018 - ATF 145 V 106 du 4 mars 2019
Prévoyance professionnelle; fonds de garantie; art. 56 LPP; 24ss OFG
Dans cet arrêt du 4 mars 2019, le TF a effectué un certain nombre de distinctions entre les « sanctions » envisageables contre un assuré ayant entraîné un dommage à une caisse de pensions, selon l’art. 56 al. 5 LPP ou sur la base de l‘art. 56a al. 1 LPP.
Il a laissé la question ouverte de savoir si le Fonds de garantie pouvait valablement refuser de garantir des prestations à une personne, assurée au sein d’une fondation commune, ayant enfreint ses obligations, sur la base de l’art. 56 al. 5 LPP. Les juges fédéraux ont précisé qu’il n’était en tous les cas pas possible de limiter le droit aux prestations d’un assuré sur la base de cette dernière disposition si la violation provenait de tierces personnes. Aussi et dans tous les cas, le Fonds de garantie ne peut invoquer l’art. 56 al. 5 LPP pour refuser une garantie de prestations à des survivants d’un assuré ayant (éventuellement) causé un dommage à l’institution de prévoyance ou commis un abus, les droits pour survivants de la prévoyance professionnelle étant indépendants du droit des successions.
Auteur : Guy Longchamp
TF 4A_534/2018 du 17 janvier 2019
Assurances privées; assurance perte de gain maladie; prétention frauduleuse; art. 40 LCA
Le TF rappelle les principes juridiques applicables à l’invocation d’une prétention frauduleuse selon l’art. 40 LCA, en particulier en matière d’assurance perte de gain en cas de maladie.
D’un point de vue objectif, la dissimulation ou la déclaration inexacte doit porter sur des faits qui sont propres à remettre en cause l’obligation même de l’assureur ou à influer sur son étendue. Il faut, en d’autres termes, constater que, sur la base d’une communication correcte des faits, l’assureur aurait versé une prestation moins importante, voire aucune. Ainsi en est-il lorsque l’ayant droit déclare un dommage plus étendu qu’en réalité, par exemple lorsque l’atteinte à la santé n’est pas aussi grave qu’annoncée. En plus, l’ayant droit doit, sur le plan subjectif, avoir l’intention de tromper. Il faut qu’il ait agi avec la conscience et la volonté d’induire l’assureur en erreur, afin d’obtenir une indemnisation plus élevée que celle à laquelle il a droit ; peu importe à cet égard qu’il soit parvenu à ses fins. Il s’agit là de deux conditions cumulatives.
S’agissant d’un moyen libératoire, il incombe à l’assureur de prouver les faits permettant l’application de l’art. 40 LCA, au moins au degré de la vraisemblance prépondérante.
Lorsque les conditions de l’art. 40 LCA sont réunies, l’assureur peut non seulement refuser ses prestations, mais aussi se départir du contrat et répéter celles qu’il a déjà versées. La résolution du contrat, laquelle produit des effets ex tunc, n’étend ses effets que jusqu’au jour de la fraude et non au jour de la conclusion du contrat.
Il résulte des faits constatés par l’autorité cantonale que si l’assuré, associé-gérant et salarié d’une fiduciaire, a effectivement exercé, durant la période pendant laquelle il réclamait des indemnités journalières entières, certaines activités typiques de sa profession, il l’a fait en raison d’une pression externe, sans aucune rémunération et surtout avec une très faible intensité, tant sur le plan quantitatif (moins d’une heure par semaine) que sur le sur plan qualitatif (troubles de la mémoire, erreurs dans le travail de vérification). Par ailleurs, même à supposer que les activités accessoires reprochées à l’assuré aient été pertinentes sur le plan objectif pour fixer le montant des indemnités journalières, la condition subjective de la prétention frauduleuse n’aurait pas été réalisée en l’espèce, car si l’assuré a certes exercé certaines activités pour le compte de la fiduciaire, il n’a pas été démontré qu’il ait, consciemment et volontairement, cherché à induire en erreur la compagnie d’assurance afin d’obtenir une prétention indue. L’assuré pouvait de bonne foi penser que l’activité litigieuse – exercée sporadiquement – n’influerait pas sur les prestations de l’assureur.
Aucune prétention frauduleuse n’a donc été retenue en l’espèce.
Auteur : Rémy Baddour, titulaire du brevet d’avocat à Genève
TF 9C_799/2018 du 21 février 2019
Assurance vieillesse et survivants; violation de l’obligation de renseigner et de conseiller; responsabilité de la caisse AVS; art. 27 et 78 LPGA
Un assuré dépose une demande de rente de vieillesse de l’AVS, dont il requiert l’ajournement pour une durée de 5 ans. L’assuré reproche à la caisse AVS d’avoir violé son obligation de renseigner et de conseiller (art. 27 LPGA) en ne l’informant pas sur le fait que l’ajournement de la rente de vieillesse avait pour effet d’ajourner simultanément les rentes d’enfant. Il ouvre action en réparation de son dommage sur la base de l’art. 78 LPGA. Le rejet de la demande est confirmé par le TF. L’on ne saurait en effet reprocher à la caisse AVS de n’avoir pas interpellé l’assuré alors même que le formulaire de « demande de rente AVS » est clair, que le memento sur la flexibilisation de la retraite a été envoyé et que l’assuré n’a fourni aucun élément qui aurait permis de penser que ses enfants pouvaient prétendre à des rentes.
Auteure : Marlyse Cordonier, avocate à Genève
TF 9C_842/2018 du 7 mars 2019
Assurance-invalidité; taux d’invalidité; revenu d’invalide; abattement; art. 7, 8 et 16 LPGA; 4 LAI
L’abattement consenti à la personne assurée qui ne pouvait plus travailler qu’à temps partiel et était resté longtemps éloigné du marché du travail – en l’espèce 15 % - doit être opéré sur la part du salaire statistique qu’elle est toujours susceptible de réaliser, le résultat obtenu devant ensuite être déduit de ladite part salariale. Compte tenu d’une capacité de travail résiduelle de 50 %, le calcul est ainsi : 1) 15 % de 50 % = 7,5 % ; 2) 50 % - 7,5 % = 42,5 %. La différence obtenue, soit 57,5 % (100 % - 42,5 %), correspond à la perte de gain effective.
Le raisonnement des premiers juges, qui avaient additionné le taux d’abattement (15 %) et le taux de l’incapacité de travail (50 %) pour aboutir à un taux d’invalidité de 65 % est contraire à la jurisprudence constante (c. 5.2).
Auteure : Anne-Sylvie Dupont
TF 9C_881/2018 du 6 mars 2019
Assurance invalidité; méthode mixte; application inter-temporelle; application immédiate du nouveau droit; art. 28a al. 3 LAI; 27bis RAI
A la suite de l’arrêt de la CourEDH Di Trizio, le Conseil fédéral a adopté le nouvel art. 27bis al. 2 à 4 RAI, pour évaluer l’invalidité selon la méthode mixte.
Le TF a jugé que cette nouvelle disposition ne s’applique pas lorsque la décision administrative litigieuse a été rendue avant l’entrée en vigueur de la nouvelle règlementation. Ainsi, pour le Tribunal fédéral, lors de l’examen du droit à la rente de l’assurance-invalidité, la date de la décision administrative circonscrit l’état de fait déterminant pouvant être soumis à l’examen du juge.
Celui-ci applique les règles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits, étant précisé qu’il n’a pas à prendre en considération les modifications du droit ou de l’état de fait postérieurs à la date déterminante de la décision litigieuse. Les autorités judiciaires n’ont donc pas à tenir compte de la modification réglementaire relative à l’évaluation de l’invalidité des assurés exerçant une activité lucrative à temps partiel, si la décision administrative a été rendue antérieurement à l’entrée en vigueur de la réglementation précitée.
En droit des assurances sociales, la jurisprudence sur les situations exceptionnelles dans lesquelles une application immédiate du nouveau droit par l’instance de recours est possible ne s’applique pas.
Le droit à des prestations périodiques de l’assurance-invalidité ne relève en effet pas d’une situation impliquant des circonstances exceptionnelles dans lesquelles un intérêt public majeur justifierait une intervention immédiate pour empêcher la survenance d’effets irréversibles.
Auteur : Charles Poupon, avocat à Delémont
TF 8C_474/2018 - ATF 145 V 97 du 11 mars 2019
Assurance-invalidité; mesures médicales; maladie orpheline; preuve de l’efficacité; mesure nécessaire, simple et adéquate; art. 61 let. c LPGA; OIC (Annexe I, ch. 383 et 453)
La recourante a incontestablement droit à un traitement médical pour ses anomalies congénitales. La question est de savoir si l’instance précédente a confirmé à juste titre la décision de l’office AI refusant la prise en charge des coûts de la greffe allogénique 12/12 MUD du 16 janvier 2014 (c. 3).
Le TF relève que dans le cas des maladies ultra-orphelines, il est reconnu que la preuve d’un bénéfice thérapeutique ne peut être fournie que dans une faible mesure (c. 6.2). L’OFAS n’indique pas quelle autre méthode pourrait être décisive pour les maladies rares et les études y relatives sont manquantes. La preuve scientifique apportée par le médecin pour l’approbation de la greffe de cellules souches doit être ici jugée satisfaisante (c. 6.2).
Il reste à déterminer si cette greffe concernant le traitement des malformations congénitales reconnues selon l’Annexe 1, ch. 383 et 453 OIC est une mesure nécessaire, simple et adéquate (c. 7). Dans le cas d’espèce, plusieurs questions demeurent ouvertes et devaient être résolues par une expertise médicale d’un point de vue hématologique et immunologique en prenant en compte les données médico-scientifiques internationales, ce qui n’a pas été fait. Le TF relève qu’il n’est pas clair non plus, si – et si oui lesquelles, des alternatives de traitement étaient disponibles le 16 janvier 2014. En s’abstenant de clarifier les questions de fait médicalement pertinentes, l’autorité précédente a violé le principe de l’instruction selon l’art. 61 let. c LPGA (c. 8.5). Il s’en suit qu’un expert médical spécialisé devrait répondre aux questions restées en suspens en sur la base du dossier (c. 8.6).
Le TF admet partiellement le recours et renvoie la cause à l’autorité précédente pour une nouvelle décision.
Auteur : Charles Guerry, avocat à Fribourg
TF 9C_318/2018 du 21 mars 2019
Assurance-invalidité; mots-clés ? art. 22 LPGA; 85bis al. 1 et 2 RAI
L’avance de prestations versées par la caisse de pensions dans l’attente de la décision AI sur la base de son règlement constitue une avance faite en application de l’art. 85bis al. 2 let. b RAI (et non une avance librement consentie selon l’art. 85 al. 2bis let. a RAI).
Pour le remboursement de l’avance à la caisse de prévoyance, dans l’éventualité de l’art. 85bis al. 2 let. b RAI, le consentement de l’assuré n’est pas nécessaire ; il suffit que le droit au remboursement « sans équivoque » découle expressément d’une norme légale ou contractuelle.
L’ancien TFA a confirmé le versement en mains de tiers – nonobstant l’absence d’une norme légale – au motif que l’octroi de prestations n’avait été prévu que sous la réserve expresse d’une compensation ultérieure avec des rentes de l’assurance-invalidité accordées rétroactivement pour la même période (c. 3.3)
Dans le cas d’espèce, l’assuré a donné son accord par écrit à la cession des droits futurs envers l’assurance-invalidité. Le TF retient ainsi que l’avance des prestations par la caisse de pension a été accordée sous la réserve non équivoque d’une compensation ultérieure avec des rentes de l’assurance-invalidité accordées rétroactivement pour la même période. Les conditions du remboursement de l’art. 85bis let. b RAI sont données sans besoin d’un nouveau consentement de l’assuré qui ne peut ainsi se prévaloir de la révocation ultérieure de son accord au remboursement.
Le consentement écrit de l’assuré suffit également si le règlement de la caisse de pension prévoit, comme en l’espèce, le remboursement des avances. Le TF a également admis que le consentement écrit de l’assuré pour le versement direct aux tiers ayant versé des avances peut suffire lorsque les conditions générales d’assurances prévoient un devoir de remboursement de l’assuré (c. 3.3).
Auteure : Monica Zilla, avocate à Neuchâtel
TF 8C_239/2018 - ATF 145 V 90 du 12 février 2019
Assurance-chômage; recherches d’emploi; preuve d’un envoi par voie électronique; art. 17 al. 1 LACI; 26 al. 2 OACI; 39 al. 1 LPGA
Dans le contexte d’une demande de prestations de l’assurance-chômage, un demandeur a envoyé la preuve de ses recherches d’emploi par voie électronique le soir du dernier jour prévu pour ce faire. Le Service de l’emploi du canton de Vaud a considéré qu’il n’avait pas rempli son obligation à temps et a suspendu le droit à l’indemnité de chômage pour 16 jours.
Le TF rappelle que la LPGA ne prévoit pas directement que les écrits puissent être transmis à l’autorité par voie électronique, si bien que les actes de procédure, tels que les oppositions ou les recours, ne sont pas admis sous cette forme (c. 6.2.1). Cependant, le formulaire des preuves de recherches d’emploi ne constituant pas un acte de procédure, mais un justificatif permettant d’établir les faits pour faire valoir un droit, sa transmission à l’administration n’est soumise à aucune forme particulière. Dès lors, il peut être remis par voie électronique, mais l’expéditeur doit requérir de la part du destinataire une confirmation de réception de son envoi afin disposer d’une preuve de la transmission (c. 6.2.2). Dans le cas d’espèce, cette preuve est notamment nécessaire pour justifier la remise à l’administration en temps opportun des recherches d’emploi (c. 3.2).
Auteur : Walter Huber, juriste à Puplinge
Brèves...
Pour juger si une personne ne bénéficie pas de ressources suffisantes pour conduire un procès civil et statuer sur sa requête d’assistance judiciaire, on ne tient compte de ses dettes que si leur paiement est exigible et si le produit de la vente des valeurs mobilières devrait être affectée au règlement de créances échues (TF 4A_103/2009 c. 3).
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