NLRCAS Octobre 2019
Editée par Christoph Müller, Anne-Sylvie Dupont, Guy Longchamp et Alexandre Guyaz
TF 4A_196/2019 du 10 juillet 2019
Assurances privées; contrat d’assurance, clause de déchéance, absence de clause insolite, renonciation à la prescription par l’assureur, absence d’effet sur la péremption; art. 41 al. 2, 45 al. 3 et 46 LCA
Le TF a confirmé un arrêt du Tribunal de commerce du canton d’Argovie qui retenait le caractère non insolite d’une clause de déchéance de la prétention de l’assuré si celui-ci ne la faisait pas valoir judiciairement dans un délai de deux ans dès l’événement dommageable et qui niait que l’assureur se soit comporté de manière contraire à la bonne foi en se prévalant de la péremption alors qu’il avait renoncé à faire valoir la prescription légale et qu’il avait poursuivi les pourparlers autour de la prétention de l’assuré.
Il a relevé que la possibilité de prévoir une clause de déchéance dans le cadre du contrat d’assurance était expressément prévue à l’art. 46 al. 2 LCA. Il a ensuite retenu que, conformément à l’art. 45 al. 3 LCA, l’assuré qui se trouverait empêché de faire valoir une prétention dans un délai légal ou contractuel, par exemple en raison d’une procédure pénale en cours, a la possibilité de le faire aussitôt que l’empêchement a cessé, soit dans l’exemple précité, dès qu’un classement ou un acquittement est prononcé. Enfin, le TF a opéré une distinction entre péremption légale et péremption conventionnelle, avec dans le deuxième cas, la possibilité de revenir en tout temps sur la clause convenue pour éviter que l’assuré soit déchu de son droit.
Auteur : Matthias Stacchetti, chargé d’enseignement
TF 4A_73/2019 du 29 juillet 2019
Assurances privées; indemnités journalières maladie LCA, incapacité de travail, obligation de sauvetage, changement d’activité, délai; art. 2 al. 2 LSAMal; 74 al. 2 let. b et 75 al. 2 let. a LTF; 21 al. 4 LPGA; 61 LCA
Sur la question litigieuse qui est celle de savoir ce que doit être, dans le cadre d’une assurance d’indemnités journalières en cas de maladie régie par la LCA, la durée pendant laquelle les indemnités doivent être accordées à celui ou celle dont on est en droit d’attendre qu’il ou qu’elle change de profession pour reprendre une activité adaptée à ses problèmes de santé, le TF rappelle la règle selon laquelle c’est, comme dans le cadre de l’assurance-maladie dite sociale, une période de trois à cinq mois qui paraît appropriée à un tel changement.
Quant à la question de savoir si l’assuré(e) a achevé ou non un reclassement, élément de fait que le Tribunal cantonal semble avoir, dit le TF, retenu comme étant implicite, elle peut, dit encore le TF, rester ouverte, puisque le délai d’adaptation de trois à cinq mois à accorder à celui ou celle qui doit changer de métier ou d’activité, ne sert pas seulement à un reclassement mais, de manière toute générale, à l’adaptation et à la recherche d’un nouvel emploi (c. 3.3.3).
Le TF considère d’autre part que, comme l’assurance-chômage est, selon l’art. 28 al. 2 LACI, subsidiaire par rapport à une assurance d’indemnités journalières en cas de maladie, il ne peut être dit que le délai d’adaptation de trois mois et demi, tel que l’a fixé le Tribunal des assurances du canton de Zurich, se trouverait être en contradiction avec l’obligation qu’a l’assuré(e) de diminuer son dommage. Si bien que la recourante n’a pas, dit encore le TF, réussi à démontrer que son assuré aurait, d’une manière ou d’une autre, torpillé (« torpediert ») la reprise par lui, après changement professionnel, d’une activité lucrative adaptée (c. 3.3.4.) ; l’on ne peut ainsi pas dire que le Tribunal des assurances du canton de Zurich ait abusé du pouvoir d’appréciation qu’il faut, selon la formule consacrée (cf. arrêt 4A_111/2010 du 10 juillet 2010, c. 3.2), lui reconnaître conformément l’art. 4 CC.
Auteur : Philippe Graf, avocat à Lausanne
TF 9C_106/2019 du 6 août 2019
Assurance-invalidité; avis médicaux, valeur probante, doutes quant au diagnostic, procédure probatoire structurée; art. 7 et 8 LPGA; 4 et 28 al. 1 LAI
Le TF rappelle que les rapports médicaux pertinents pour évaluer l’invalidité de la personne assurée sont en principe ceux qui ont été établis avant la date de la décision litigieuse. Cependant, si un rapport médical postérieur permet d’éclairer la situation médicale existant à ce moment-là, il doit être pris en considération. En l’espèce, c’est à tort que le tribunal cantonal des assurances a écarté l’avis d’un spécialiste produit par la recourante en procédure de recours cantonale. En effet, ce rapport reprenait et discutait les conclusions de rapports médicaux précédents et offrait ainsi un éclairage sur la situation médicale existant au moment de la décision (c. 2.3.1).
Un doute quant au diagnostic exact qu’il convient de poser dans un cas donné doit conduire à la mise en œuvre d’une expertise lorsque, comme en l’espèce, l’une des possibilités est un diagnostic organiquement objectivable (sclérose en plaques) ou, au contraire, non objectivable (syndrome de fatigue chronique). En effet, dans cette seconde hypothèse, il convient d’établir ou d’exclure l’invalidité de la personne assurée au moyen de la procédure probatoire structurée (ATF 141 V 281) ; dans la première hypothèse, un tel procédé n’est pas autorisé (« unzulässig ») (c. 2.3.3-2.3.5).
Auteure : Anne-Sylvie Dupont
TF 8C_629/2018 du 19 août 2019
Assurance-invalidité; frais de l’instruction à charge de l’assuré; conditions; art. 45 al. 3 LPGA
L’Office AI du canton de Zoug refuse d’entrer en matière sur une demande de prestations pour défaut de collaboration de l’assuré et met les frais d’instruction à hauteur de CHF 2’403.- à charge de l’assuré sur la base de l’art. 45 al. 3 LPGA.
Le TF admet le recours de l’assuré. La mise des frais à la charge de l’assuré ne saurait être justifiée par le simple fait que le devoir de collaboration n’a pas été respecté. Seuls les coûts des actes entravés par le comportement fautif de l’assuré peuvent être mis à la charge de celui-ci. La mise des frais à la charge de l’assuré, qui constitue l’exception, est uniquement admissible lorsque le comportement répréhensible de l’assuré est lié aux frais encourus (c. 5.3.2).
En l’espèce, l’assuré avait prévenu l’Office AI qu’il ne se présenterait pas à l’expertise si les résultats d’une observation secrète n’étaient pas écartés du dossier. L’Office AI aurait donc pu d’emblée annuler la mission d’expertise et éviter les frais.
Auteure : Emilie Conti Morel, avocate à Genève
TF 8C_9/2019 du 22 août 2019
Assurance-invalidité; contribution d’assistance pour les mineurs; légalité du règlement; art. 42quater LAI; 39a RAI
Selon l’art. 42quater al. 3 LAI, le Conseil fédéral fixe les conditions auxquelles les mineurs ont droit à une contribution d’assistance. Ce dernier a fait usage de la délégation législative en adoptant l’art. 39a RAI, qui prévoit trois occurrences. La troisième, analysée en l’espèce, prévoit un droit à une contribution d’assistance pour les mineurs percevant un supplément pour soins intenses à raison d’au moins six heures par jour (art. 39a let. c RAI).
Dans son jugement, le Tribunal cantonal st-gallois rejette la demande de contribution d’assistance de l’assuré au motif que le Conseil fédéral aurait outrepassé les compétences qui lui étaient déléguées.
En se basant sur le but principal de la contribution d’assistance – renforcer l’autonomie des assurés, les juges cantonaux ont considéré que le mandat législatif contenu à l’art. 42quater al. 3 LAI devait être exécuté en tenant compte de la capacité d’agir des destinataires. Ainsi, en adoptant l’art. 39a let. c RAI, qui fait dépendre la contribution d’assistance d’un certain degré d’incapacité – 6 heures de soins intenses par jour – et non de capacité, le Conseil fédéral n’aurait pas respecté les cautèles de la délégation et, de ce fait, outrepassé le cadre législatif.
Sur la base des débats parlementaires qui ont précédé l’adoption de la loi et selon une interprétation littérale et systématique, le TF conclut que l’auteur de la disposition règlementaire fondée sur l’art.42quater al.3 LAI dispose d’un très large pouvoir d’appréciation pour régler le droit à la contribution d’assistance des assurés mineurs. Dès lors, c’est à tort que le tribunal cantonal considère que le Conseil fédéral a outrepassé le cadre législatif en fixant les conditions alternatives de l’art. 39a RAI et notamment celle de la lettre c.
L’art. 42quater al. 3 LAI ne prévoit aucune cautèle en relation avec la capacité de jugement ni avec une autonomie minimale. On ne peut donc pas faire état d’une absence de base légale formelle ni d’une violation des principes constitutionnels (égalité de traitement et arbitraire) concernant la disposition réglementaire litigieuse. Comme le recourant a droit à un supplément pour soins intenses (soins et surveillance) d’au moins 6 heures par jour, selon le Tribunal cantonal, il a également droit à une contribution d’assistance. Le recours est admis et l’art. 39a let. c RAI jugé conforme à la LAI.
Auteur : Gilles de Reynier, avocat à Colombier
TF 6B_470/2019 du 9 août 2019
Responsabilité aquilienne; tort moral, actes de procédure pénale, tiers; art. 434 CPP; 49 CO
En vertu de l’art. 434 al. 1 CPP, les tiers qui, par le fait d’actes de procédure ou du fait de l’aide apportée aux autorités pénales, subissent un dommage ont droit à une juste compensation si le dommage n’est pas couvert d’une autre manière, ainsi qu’à une réparation du tort moral. Matériellement, la demande en indemnisation du tort moral doit être évaluée dans ce contexte en référence aux art. 28a al. 3 CC et 49 CO. C’est dire que dans ce cadre également, il n’existe un droit à réparation du tort moral que si la personne concernée a subi une atteinte particulièrement grave à sa personnalité (c. 4.4.2). L’art. 434 CPP prévoit une responsabilité causale, si bien que l’indemnité pour tort moral peut également être allouée suite à des actes de procédure parfaitement licites (c. 4.5).
En l’espèce, le TF a considéré qu’une indemnité de CHF 200.- allouée à l’épouse et au fils d’une personne prévenue d’escroquerie, de vol et d’abus de confiance ne violait pas le droit fédéral. La requérante fondait sa demande sur une perquisition qui avait duré trois heures et qui avait été conduite de manière relativement discrète par quatre policiers. Il n’a notamment pas été pris en considération pour fixer le montant de l’indemnité le fait que lors de cette perquisition, une clef USB contenant des documents relatifs à sa grossesse avait été séquestrée (c. 4.4.3).
Note : La pratique des autorités pénales et du TF en matière de tort moral dans le cadre de la nouvelle procédure pénale fédérale ne manque pas d’interpeller les juristes actifs en matière de dommages corporels. En effet, si les indemnités pour tort moral allouées en application de l’art. 429 al. 1 let c ou de l’art. 434 al. 1 CPP doivent matériellement être évaluées selon les critères généraux de l’art. 49 CO, et si par conséquence le critère de l’atteinte d’une certaine gravité s’applique également en procédure pénale, force est de constater que la jurisprudence fédérale fait une application peu cohérente de cette même notion selon qu’elle traite de lésions corporelles ou d’atteinte à la personnalité dans le cadre d’une enquête pénale. On comprend mal en effet, alors que les mêmes critères sont supposés s’appliquer, que l’on peut d’un côté allouer une indemnité, fût-elle très modeste, suite à une perquisition de trois heures alors qu’on la refusera en principe au lésé qui n’est pas en mesure d’établir une atteinte à long terme à sa santé, ou à tout le moins une atteinte passagère grave accompagnée d’un risque de mort, d’une longue hospitalisation ou de douleurs particulièrement intenses ou durables (voir par exemple l’arrêt 4A_227/2007, c. 3.7.2). A notre sens, les indemnités pour tort moral allouées dans le cadre du code de procédure pénale doivent nécessairement amener le TF à revoir sa jurisprudence en matière de lésions corporelles et admettre de façon généralisée l’indemnisation du « petit tort moral » que certains auteurs romands appellent de leurs vœux (voir notamment Franz WERRO, La responsabilité civile, 3ème éd., Berne 2007, N 203 ss).
Auteur : Alexandre Guyaz, avocat à Lausanne
TF 6B_514/2019 du 8 août 2019
Responsabilité aquilienne; causalité, expertise, lésions corporelles graves, arbitraire; art. 41 CO; 122 et 122 al. 3 CPP
Le recourant reproche à la cour cantonale d’avoir arbitrairement retenu une connexité temporelle et locale entre le coup qu’il a porté à B. et les douleurs dont souffrait celle-ci. Il explique qu’un syndrome myofascial est causé par des lésions musculaires dans le dos, causé par exemple et la plupart du temps par des accidents d’ordre sportif ou des mauvaises postures répétées, qui créent des points de tensions musculaires aussi appelées « noeuds de contractions », lesquels créent des douleurs chroniques du fait que les fibres musculaires ne peuvent pas se décontracter.
A la question de savoir si le syndrome myofascial de B. était en relation avec le coup porté à la mâchoire par le recourant, la cour cantonale a exposé que B. avait expliqué qu’elle souffrait de douleurs persistantes et permanentes dans la mâchoire depuis les faits et qu’elle n’avait jamais souffert de telles douleurs avant les faits. Elle a considéré que les déclarations de B. étaient crédibles, dans la mesure où celle-ci avait été extrêmement soucieuse, tout au long de la procédure, de ne pas porter préjudice à tort au recourant, en affirmant par exemple, que le coup pouvait très bien être accidentel.
Elle a aussi relevé que B. travaillait au moment des faits et qu’elle n’avait plus été en mesure de travailler par la suite. Comme les douleurs éprouvées par B. n’étaient apparues qu’après le coup porté par le recourant et qu’elles étaient localisées à la mâchoire, la cour cantonale a retenu une connexité temporelle et locale entre les deux.
Pour retenir que le coup porté par le recourant à B. avait entraîné un syndrome myofascial, la cour cantonale s’est fondée sur les seules déclarations de B. Pour déterminer les lésions exactes subies par la victime, elle aurait dû recourir à une expertise ou, à tout le moins, se fonder sur un certificat médical. Les certificats produits par cette dernière (qui figurent au dossier mais qui ne sont pas cités par la cour cantonale) ne permettent pas de retenir une telle connexité.
Il convient donc d’admettre que la cour cantonale a versé dans l’arbitraire en retenant, sur la base des seules déclarations de B., que le coup porté par le recourant avait entraîné un syndrome myofascial et d’annuler le jugement attaqué sur ce point.
Auteur : Bruno Cesselli, expert à Bulle
TF 4A_602/2018 du 28 mai 2019
Responsabilité des chemins de fer; causalité objective aggravée, motifs d’exonération, faute d’un tiers, réduction des dommages-intérêts; art. 40c LCdF; 43 CO
Un voyageur se fait pousser sous un train qui entre en gare par un toxicomane alors dénué de tout discernement. Il est grièvement blessé par le train, exploité par les CFF.
Il n’était pas contesté en l’espèce que l’accident avait été causé parce que le risque caractéristique inhérent à l’exploitation du chemin de fer s’était réalisé. En pareil cas s’applique fondamentalement l’art. 40b LCdF, qui instaure une responsabilité causale aggravée à la charge de l’entreprise ferroviaire (c. 2.2 et 2.3).
L’art. 40c LCdF, en vigueur depuis le 1er janvier 2010, vise, à en croire les travaux préparatoires, à admettre comme motif d’exonération le suicide commis par une personne incapable de discernement, raison pour laquelle l’al. 1 de cette disposition est rédigé de façon relativement large. Le TF relève cependant que, dans son message de 2007, le Conseil fédéral avait indiqué que la nouvelle disposition n’avait pas pour but de modifier la jurisprudence concernant les motifs de décharge. On peut donc en déduire qu’une extension générale des possibilités d’exonération au-delà du suicide commis par une personne incapable de discernement ne peut pas être déduite du message du Conseil fédéral. En réalité, selon le TF, l’art. 40c LCdF reprend les principes généralement reconnus concernant l’interruption de la causalité adéquate. Comme cause d’exonération peut également intervenir le comportement d’un tiers dénué de discernement, si ce comportement a joué un rôle à tel point important qu’il éclipse les autres causes de l’accident et que la réalisation du risque caractéristique de l’exploitation du chemin de fer revêt une importance à ce point secondaire qu’elle n’apparaît que comme une cause aléatoire et insignifiante (c. 3.3.3.1 à 3.3.3.3).
Le sens de la nouvelle norme de l’art. 40c LCdF n’est pas de rompre avec les principes généraux connus en matière de causalité objective aggravée. En réalité, cette nouvelle disposition a uniquement pour effet de limiter au comportement objectif du tiers l’examen de l’éventuelle rupture du lien de causalité adéquate, indépendamment de la capacité de discernement du tiers en question (c. 3.3.4.).
En l’espèce, le TF a considéré que les blessures de la victime avaient été considérablement aggravées par la dangerosité propre aux chemins de fer. Il a estimé également qu’il n’était pas à ce point extraordinaire que l’un des passagers attendant le train sur le quai se fasse pousser sur les voies par d’autres personnes. Un tel événement ne s’écarte pas suffisamment du cours ordinaire des choses pour qu’on le considère comme parfaitement imprévisible (c. 3.4.1).
L’application de l’art. 40c al. 1 LCdF implique nécessairement un jugement de valeur de la part du juge, jugement qui n’est pas nécessairement le même selon que l’on parle de faute concomitante du lésé ou de la faute d’un tiers. Lorsqu’il s’agit d’estimer l’intensité objective respective des différentes causes partielles de l’accident, le fait que l’une de ces causes relève ou non de la sphère d’influence du lésé joue un rôle. Le comportement de celui qui se jette seul sous un train peut n’être objectivement imputé qu’à lui-même, alors que celui qui pousse sans discernement un passager sur les voies réalise un comportement qui se rapproche davantage de la bousculade involontaire que du suicide. Le TF relève enfin que la victime était parfaitement en droit de se trouver sur le quai à l’arrivée du train et retient finalement que l’accident était bien une concrétisation du risque caractéristique de l’exploitation d’un chemin de fer et que le lien de causalité adéquate n’avait pas été interrompu par le comportement du tiers sans discernement (c. 3.4.2 et 3.4.3).
Le TF considère par ailleurs que, contrairement à ce que réclamaient les CFF, l’indemnité due au lésé ne peut pas être réduite en application de l’art. 44 ou de l’art. 43 CO. Selon cette dernière disposition, une réduction de l’indemnité n’est pas possible en raison du fait qu’une autre personne doit également répondre du dommage ; il s’agit-là d’une circonstance qui peut certes jouer un rôle dans l’action récursoire du responsable contre le tiers en question, mais pas dans la relation envers le lésé (c. 4).
Auteur : Alexandre Guyaz, avocat à Lausanne
TF 8C_62/2019 du 9 août 2019
Assurance-accidents; procédure, expertise, récusation d’un expert; art. 36 al. 1 LPGA
Les critères permettant de récuser un expert (art. 36 al. 1 LPGA) sont fondamentalement identiques à ceux permettant de récuser un juge. L’apparence de la partialité suffit déjà à exiger une récusation. Au surplus, l’expertise ayant un rôle cardinal en matière d’assurances sociales, on doit se montrer très rigoureux avec la notion d’impartialité (c 5.2).
En l’espèce, le TF se pose la question de savoir si un coup de téléphone donné à l’expert est susceptible de donner l’impression de la partialité. Le dossier est renvoyé à l’autorité précédente, car il faut déterminer si le coup de téléphone a simplement concerné une communication rapide au secrétariat de l’expert, ce qui conduirait certainement à admettre l’impartialité de celui-ci ou s’il a été adressé directement à l’expert avec une discussion approfondie du cas, ce qui imposerait d’admettre la récusation, car on aurait au moins l’impression d’une partialité.
Auteur : Benoît Sansonnens, avocat à Fribourg
TF 2C_560/2019 du 22 août 2019
Responsabilité aquilienne; responsabilité du propriétaire de forêt; art. 41 et 58 CO; 641, 684 et 700 CC
Deux arbres (apparemment en décomposition) d’une parcelle forestière propriété des recourants tombent sur une route. Les pompiers sont mobilisés afin de dégager la route et la commune envoie une facture de CHF 680.-. Déboutés par le Tribunal administratif du canton de St-Gall, les propriétaires recourent au TF.
Le TF relève d’abord que les arbres ne sont pas des ouvrages au sens de l’art. 58 CO : sont des ouvrages, au sens de cette disposition, les bâtiments ou les autres installations stables, construites artificiellement, structurelles ou techniques, liées directement ou indirectement au sol (ATF 130 III 736, c. 1.1). Tel n’est pas le cas des arbres (c. 3.2.1). Ensuite, le TF écarte l’argumentation des recourants, qui plaidaient que la route communale était un ouvrage au sens de l’art. 58 CO, raison pour laquelle la commune devait payer le montant litigieux. Ils auraient dû, ce qu’ils se sont abstenus de faire, indiquer en quoi la route avait été mal entretenue (c. 3.2.2). Les recourants, poursuit le TF, ne peuvent tirer profit des droits de voisinage : en raison de l’art. 684 CC, doivent être supprimées les immissions excessives sur la propriété des voisins. Si un arbre tombe sur le fonds voisin, le propriétaire du fonds concerné peut (art. 700 al. 1 CC) et doit (art. 641 al. 2 CC) enlever l’arbre à ses frais (c. 3.2.3). Le TF fait également un sort à l’argument selon lequel, en vertu de l’art. 100 al. 1er et 2 let. b de la loi sur les routes de St-Gall, la commune aurait dû attendre que les recourants enlèvent les arbres ; la sécurité publique imposait une intervention immédiate (c. 3.2.4). Le TF examine aussi si l’autorité précédente est tombée dans l’arbitraire en appliquant des lois cantonales particulières, ce qui n’est pas le cas (c. 3.2.5 et 3.2.6). Enfin, le TF ne suit pas les recourants qui affirmaient qu’un propriétaire forestier n’est pas tenu d’entretenir sa forêt, de sorte qu’un « blosse[s] Belassen eines Naturstandes » n’entraînerait pour eux aucune responsabilité. L’art. 20 al. 1 de la loi fédérale sur les forêts prévoit que celles-ci doivent être gérées de manière que leurs fonctions soient pleinement et durablement garanties. Cela n’interdit pas qu’un bien fonds soit temporairement géré de manière extensive. Toutefois, l’absence de gestion ne peut mettre en danger les « Polizeigüter[…] » de tiers, soit l’intégrité corporelle, la santé ou la sécurité, cela indépendamment de savoir si la pourriture du tronc était ou non reconnaissable (c. 3.2.7).
Auteur : Alexis Overney, avocat à Fribourg
TF 8C_791/2018 du 19 août 2019
Assurance-accidents; notion d’accident; facteur extraordinaire; mouvement non coordonné; art. 4 LPGA
A. a déclaré l’accident qu’il a subi le 24 juillet 2017 auprès de la CNA en ces termes : « En sortant la prise d’alimentation d’un container, le bras gauche tendu vers le haut, il y a eu une brève résistance ; la prise est venue d’un coup provoquant un coup violent dans le bras et une douleur instantanée. Depuis, je n’arrive plus à lever le bras ! ». La CNA a considéré que les troubles de l’assuré n’étaient pas liés à un accident ou une lésion assimilée à un accident.
Matériellement, le litige porte sur le point de savoir si l’événement du 24 juillet 2017 est constitutif d’un accident, au sens de l’art. 4 LPGA. Le TF rappelle les cinq éléments constitutifs de la notion d’accident.
S’agissant du caractère extraordinaire de l’atteinte, celui-ci ne concerne pas les effets du facteur extérieur, mais seulement ce facteur lui-même. Le facteur extérieur est considéré comme extraordinaire lorsqu’il excède, dans le cas particulier, le cadre des événements et des situations que l’on peut, objectivement, qualifier de quotidiens ou d’habituels (c. 3.2.). Dans le cas d’espèce, le TF retient que A. a ressenti une vive douleur au moment du mouvement brusque du bras, soit après que la résistance a cédé, et non lorsqu’il a fourni un effort pour retirer le câble. Le point de vue de la CNA selon lequel les lésions de A. seraient en réalité dues à l’effort déployé n’est pas étayé sur le plan médical. Cela étant, les habitudes professionnelles ne sont en l’espèce pas un critère pertinent pour nier ou admettre l’existence d’un accident (c. 5.1.).
Le TF précise que, pour les mouvements du corps, l’existence d’un facteur extérieur extraordinaire est en principe admise en cas de « mouvement non coordonné », à savoir lorsque le déroulement habituel et normal d’un mouvement corporel est interrompu par un empêchement non programmé, lié à l’environnement extérieur. En l’occurrence, on se trouve en présence d’un mouvement non maîtrisable d’un point de vue physiologique, soit un empêchement non programmé et lié à l’environnement extérieur (l’effet de résistance) entravant le déroulement naturel du mouvement corporel. Dans ce cas, l’existence d’un facteur extraordinaire doit être admise (c. 5.2).
Auteure : Corinne Monnard Séchaud, avocate à Lausanne
TF 8C_808/2018 du 8 août 2019
Assurance-accidents; compétence du tribunal cantonal des assurances; art. 58 al. 1 LPGA
L’art. 58 al. 1 LPGA selon lequel est en premier lieu compétent le tribunal des assurances du canton de domicile de l’assuré vaut, en particulier en matière d’assurance-accidents LAA faute de base légale contraire, non seulement à l’égard des causes concernant les prestations, mais aussi à l’égard des causes concernant les cotisations. Même dans les cas où l’employeur a son siège à l’étranger ou dans ceux où la qualité d’assuré est litigieuse, il n’y a pas d’exception en faveur du siège de l’organe d’exécution.
Auteur : Alexandre Bernel, avocat à Lausanne et à Aigle
TF 9C_160/2019 du 20 août 2019
Assurance-maladie; défaut de paiement des primes, rachat de l’acte de défaut de biens; art. 64a LAMal
Un assuré a accumulé des arriérés de primes, qui ont conduit l’assureur-maladie à engager des poursuites. Des actes de défaut de biens ont été délivrés. Par la suite, l’assuré a soumis à Mutuel Assurance un plan de désendettement selon lequel il lui proposait de rembourser ses dettes à hauteur de 47,40 % de leur valeur (soit un montant de CHF 4’841.50, sur un total dû de CHF 10’214.-). Par décision du 7 juin 2016, confirmée sur opposition le 5 octobre 2017, Mutuel Assurance a refusé la proposition de l’assuré de racheter, à un montant inférieur à leur valeur, les actes de défaut de biens relatifs aux créances arriérées postérieures au 1er janvier 2012.
Dans sa décision du 20 août 2019, le Tribunal fédéral a conclu que le paiement intégral des dettes d’une personne assurée se rapporte au montant total de la créance constatée par un acte de défaut de biens, même lorsque le canton a pris en charge la part de 85 % selon l’art. 64a al. 3 et 4 LAMal. En d’autres termes, la dette de l’assuré à l’égard de son assureur-maladie au sens de l’art. 64a al. 5 LAMal n’est pas diminuée par la prise en charge par le canton de 85 % des créances. En l’espèce, l’assureur-maladie pouvait donc valablement refuser la proposition de l’assuré.
Auteur : Guy Longchamp
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