NLRCAS Septembre 2019
Editée par Christoph Müller, Anne-Sylvie Dupont, Guy Longchamp et Alexandre Guyaz
TF 9C_724/2018 - ATF 145 V 215 du 11 juillet 2019
Assurance-invalidité; invalidité; atteinte à la santé; syndrome de dépendance; procédure probatoire structurée; obligation de diminuer le dommage; art. 7, 8 et 21 al. 4 LPGA; 4 et 7 al. 2 let. d LAI
Le caractère invalidant d’un syndrome de dépendance, en l’espèce aux benzodiazépines et aux opiacés, doit désormais être évalué dans le cadre de la procédure probatoire structurée mise en place à l’ATF 141 V 281.
La distinction entre dépendance primaire et dépendance secondaire n’est plus pertinente dans ce contexte. En revanche, l’obligation de diminuer son dommage, en particulier de se soumettre aux mesures médicales raisonnablement exigibles, conserve toute sa pertinence.
Auteure : Anne-Sylvie Dupont
TF 9C_129/2019 du 5 juin 2019
Assurance-invalidité; invalidité; statut professionnel; fardeau de la preuve; vraisemblance prépondérante; art. 7, 8, 16 et 61 LPGA; 28 LAI; 8 CC
Se pose avec acuité la question du « statut » de l’assurée dans le cas d’espèce.
Selon le TF, la question de savoir si l’assurée avait ou non l’intention, en cas de bonne santé, de rester sans enfant, est sans importance. Peu importe que l’accident de cheval de 2006 et la nouvelle orientation privée et professionnelle en résultant pour l’assurée aient pu favoriser ses projets de fonder une famille. En effet, selon l’expérience générale et le cours ordinaire des choses, rien ne permet de retenir qu’en cas de bonne santé, une assurée ne serait pas devenue mère, privilégiant ainsi sa carrière professionnelle.
Le fardeau de la preuve pour la détermination du revenu sans invalidité repose sur l’AI, lorsque cet assureur veut se distancier au détriment de l’assurée du revenu réalisé par celle-ci en dernier lieu. En cela, il faut considérer que le simple fait de fonder une famille ne constitue pas à lui seul un motif de révision, mais éventuellement un motif d’instruction complémentaire, dans les cas où la preuve d’un revenu hypothétique sans invalidité plus bas n’a pas pu être apportée (par l’AI). Dans le cas d’espèce et contrairement à l’avis de l’autorité cantonale, une telle preuve n’a pas été apportée. Le simple point de vue abstrait qu’une mère de famille ne pourrait pas – tout en élevant un enfant – occuper un poste professionnellement exigeant est infondé.
Les suites de ce manque de preuves sont à supporter par l’AI, raison pour laquelle l’assurée, pour qui on ne peut pas partir du principe qu’elle aurait changé d’activité à la suite de la naissance de son enfant, doit bénéficier d’un statut professionnel (hypothétique) inchangé. Une comparaison distincte des revenus pour la période concernée n’a donc pas lieu d’être et l’assurée doit bénéficier d’une rente d’invalidité inchangée.
Le jugement comprend également un intéressant considérant (4) sur la problématique de la reformatio in pejus (art. 61 let. d LPGA).
Auteur : Didier Elsig, avocat à Lausanne et à Sion
TF 8C_494/2018 - ATF 145 V 209 du 6 juin 2019
Assurance-invalidité; rente d’invalidité limitée dans le temps; assuré âgé de 55 ans; obligation de se réadapter par soi-même; exigibilité; art. 7 et 8 LPGA; 28 LAI
Un plâtrier peintre, sans formation, s’est blessé à l’épaule en 2013. Il est établi qu’il ne peut plus exercer dans sa profession habituelle. Par contre, une pleine capacité de travail est reconnue dans une activité adaptée. L’office AI considère que des mesures d’ordre professionnel ne sont pas possibles, que la capacité de travail dans une activité adaptée est exploitable à compter du 1er août 2015 et qu’il se justifie d’octroyer une rente entière d’invalidité limitée dans le temps, soit du 1er décembre 2014 au 31 juillet 2015 (c. A).
Le TF rappelle la jurisprudence concernant les règles applicables en matière d’exigibilité pour des assurés de plus de 55 ans, principalement du fait que le fardeau de la preuve d’une « réintégration par soi-même » (Selbsteingliederung) est à charge de l’office AI (c. 5.1). Le TF se pose ensuite la question de savoir si cette jurisprudence doit être appliquée également dans le cas des rentes limitées dans le temps (c. 5.2.1). Après un rappel de jurisprudence (c. 5.2.2. ss), il confirme que tel est le cas (c. 5.4). Dans les deux cas, l’Office AI doit s’assurer qu’après 55 ans la personne est effectivement en mesure de s’auto-adapter. En l’occurrence, comme cet examen n’a pas été fait, le recours est admis et la cause renvoyée pour complément d’instruction (c. 6).
Auteure : Rébecca Grand, avocate à Lausanne
TF 9C_123/2019 du 13 juin 2019
Assurance-invalidité; procédure; qualité pour recourir au TF des offices AI; art. 89 al. 1 et 2 let. d LTF; 62 al. 1bis LPGA; 41 al. 1 let. i et 89 RAI; 201 al. 1 RAVS
Le TF examine la qualité pour recourir d’un office AI contre un arrêt du TAF, d’abord sous l’angle de l’art. 89 al. 2 let. d LTF puis sous celui de l’art. 89 al. 1 LTF.
La qualité pour recourir des collectivités publiques est en effet visée en premier lieu par l’art. 89 al. 2 LTF. Selon l’art. 201 RAVS, les offices AI disposent du droit de recourir contre les jugements des tribunaux cantonaux des assurances mais pas contre ceux du TAF. Demeure réservée la qualité pour recourir de l’OAIE en relation avec ses propres décisions.
Les collectivités publiques peuvent se prévaloir de l’art. 89 al. 1 LTF, mais à certaines conditions qui doivent être interprétées restrictivement. Une collectivité publique peut recourir lorsqu’elle est atteinte de la même manière qu’un particulier dans sa situation juridique ou matérielle, notamment lorsqu’il s’agit de sauvegarder son patrimoine administratif ou financier, ou lorsqu’elle est touchée dans ses prérogatives de puissance publique et dispose d’un intérêt propre digne de protection à l’annulation ou à la modification de l’acte attaqué. Il faut cependant que des intérêts publics essentiels soient touchés, le seul intérêt général à une correcte application du droit n’étant pas suffisant.
En l’espèce, la qualité pour recourir de l’office a été niée tant sous l’angle de l’art. 89 al. 2 let. d que sous celui de l’art. 89 al. 1 LTF.
Auteure : Marlyse Cordonier, avocate à Genève
TF 9C_760/2018 du 17 juillet 2019
Assurance-invalidité; mesures de nouvelle réadaptation; interdiction de la discrimination; disp. fin. 6A LAI let. a al. 2; 8a et 9 LAI; 2 ALCP
La question est d’abord celle de savoir si le défendeur, qui réside au Portugal et qui n’exerce aucune activité lucrative en Suisse, a droit à des mesures de nouvelle réadaptation ainsi qu’à une rente accessoire au sens de la let. a al. 2 et 3 Disp. fin. 6A LAI en relation avec l’art. 8a LAI à la suite de la suppression de sa rente AI (c. 3.1).
Le TF relève que la personne assurée qui entre dans le champ d’application de le let. a al. 2 Disp. fin. 6A LAI a droit à des mesures de nouvelle réadaptation uniquement si ces mesures sont sensées et utiles (c. 4.1). Selon l’art. 9 LAI, des mesures de réadaptation peuvent exceptionnellement être appliquées à l’étranger. Le droit aux mesures de réadaptation prend naissance au plus tôt au moment de l’assujettissement à l’assurance obligatoire ou facultative et s’éteint au plus tard à la fin de cet assujettissement (c. 4.2.).
Dans le cas d’espèce, le défendeur réside au Portugal et n’exerce pas d’activité lucrative en Suisse, raison pour laquelle il ne remplit plus les conditions d’assujettissement au sens de l’art. 1b LAI en relation avec l’art. 1a LAVS. Il ne peut ainsi pas faire valoir de droit à des mesures de nouvelle réadaptation (c. 5).
La question est ensuite celle de savoir si la règle selon laquelle une personne qui n’a pas de domicile ni d’activité lucrative en Suisse et à laquelle la rente a été supprimée sur la base de let. a al. 1 Disp. fin. 6A LAI n’a pas de droit à des mesures de nouvelle réadaptation viole l’interdiction de discrimination prévue par l’art. 2 ALCP et plus précisément par l’art. 4 du R (CE) n° 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale. Selon l’art. 2 ALCP, les ressortissants d’une partie contractante qui séjournent légalement sur le territoire d’une autre partie contractante ne sont pas, dans l’application de cet accord conformément à ses annexes, discriminés en raison de leur nationalité (c. 6.1-6.1.2).
D’abord, le TF relève que le but de la reprise du droit communautaire dans le domaine de la sécurité sociale n’était pas d’unifier le droit mais de l’harmoniser. Par conséquent, les Etats membres peuvent toujours définir de leur propre chef les conditions d’assujettissement à une certaine assurance ou prestation (c. 6.3.1). Ensuite, le TF relève que la règle générale de collision de l’art. 11 de la directive n° 883/2004 applicable en l’espèce prévoit que les personnes auxquelles le présent règlement est applicable ne sont soumises qu’à la législation d’un seul Etat membre (art. 11 al. 1) et que les personnes n’exerçant pas d’activité lucrative sont soumises à la législation de l’Etat de leur résidence (art. 11 al. 3 let. e). Ainsi, c’est en principe le Portugal qui est compétent pour accorder une rente ou d’autres prestations à l’intimé (c. 6.3.2).
Finalement, le TF relève que cette règle est justifiée par des raisons objectives et indépendantes de la nationalité et qu’elle est proportionnée au but poursuivi par cette règle. L’exécution des mesures de réadaptation à l’étranger s’avèreraient souvent très difficile, voire même impossible. C’est pour cette raison que le législateur a prévu que des mesures de réadaptation peuvent être appliquées à l’étranger qu’à titre exceptionnel et à des conditions restrictives (cf. art. 23bis et 23ter LAI). Il ne serait ni sensé ni utile d’essayer de réintégrer une personne à l’étranger après une longue période de perception d’une rente dans le marché du travail suisse. Une telle mesure ne peut avoir de sens que dans l’état de domicile (c. 6.3.3).
Le TF admet le recours de l’office AI.
Auteur : Charles Guerry, avocat à Fribourg
TF 8C_273/2019 du 4 juillet 2019
Assurance-chômage; responsabilité d’une caisse de chômage; respect du délai de péremption; art. 78 LPGA; 20 al. 1 LRCF
La SUVA verse des prestations de l’assurance-accidents à un chômeur accidenté, sur la foi d’une déclaration de la caisse de chômage selon laquelle la personne assurée remplissait les critères d’admissibilité aux prestations de chômage au moment de l’accident. Or, il s’est révélé que tel n’était pas le cas, la personne accidentée touchant en réalité les indemnités journalières de l’assurance-maladie (et donc plus les allocations de chômage) depuis plusieurs mois avant l’accident. La SUVA a renoncé à demander le remboursement des prestations indûment versées à l’assuré, en raison de la bonne foi de celui-ci et du fait qu’il s’agirait d’un cas d'extrême rigueur pour lui. Elle demande réparation du dommage subi à la caisse de chômage, pour un montant de plus de 117’000.- francs. Le Tribunal cantonal lucernois a fait droit à ses prétentions ; la caisse recourt au TF.
La responsabilité de la caisse de chômage est fondée sur l’art. 78 LPGA, aux termes duquel les assureurs répondent, en leur qualité de garants de l’activité des organes d’exécution des assurances sociales, des dommages causés illicitement à un assuré ou à des tiers par leurs organes d’exécution ou par leur personnel. Si une assurance sociale éprouve un dommage du fait d’un autre assureur, elle est considérée comme un tiers lésé au sens de l’art. 78 LPGA. Tel est le cas de la SUVA en l’espèce. Le lésé doit présenter sa demande de dommages-intérêts ou de réparation morale dans le délai d’un an à compter de la connaissance du dommage et, dans tous les cas dans les dix ans à compter de l’acte dommageable (art. 20 al. 1 LRCF applicable en vertu du renvoi de l’art. 78 al. 4 LPGA). Il s’agit d’un délai de péremption. Dans le cas d’espèce, la question se posait de savoir si une note téléphonique du 2 février 2015 suffisait à la SUVA pour avoir connaissance de son dommage, étant admis qu’elle avait présenté ses prétentions à la caisse de chômage le 15 février 2016 seulement. Tel n’était pas le cas aux yeux du Tribunal cantonal, ce que confirme le TF. Les indications fournies lors de cet appel téléphonique ne lui permettaient en effet pas d’avoir connaissance du préjudice subi : la date à laquelle l’assuré avait touché la dernière indemnité journalière de chômage n’était alors pas confirmée. La constatation du Tribunal cantonal, selon laquelle la SUVA n’avait su que le 27 mars 2015 qu’elle avait versé indûment les prestations résiste à l’examen du TF (consid. 5.3.1). Par ailleurs, le TF considère que la juridiction cantonale n’a pas admis arbitrairement que les démarches de la SUVA auprès de l’assuré (pour lequel elle jugeait que les conditions d’une remise étaient remplies) et de l’assureur maladie (qui ne devait verser que les frais de traitement) avaient été infructueuses. En outre, le TF ne voit pas en quoi l’art. 12 LRCF, selon lequel la légalité des décisions et des jugements ne peut en effet être revue dans une procédure en responsabilité, aurait été violé. Au demeurant, le fait que la demande de remboursement du dommage ait échoué tant auprès de l’assuré que de l’assureur maladie n’exclut pas l’application de l’art. 78 LPGA, mais rend au contraire manifeste le préjudice subi par la SUVA (consid. 5.3.2). Le recours de la caisse de chômage a dès lors été rejeté.
Auteur : Alexis Overney, avocat à Fribourg
TF 9C_295/2019 du 18 juin 2019
Assurance-vieillesse et survivants; notions de domicile; art. 13 LPGA; 23 al. 1 et 24 al. 2 CC; 20 al. 1 let. a LDIP
Dans le contexte d’une demande d’affiliation à l’AVS avec effet rétroactif, le TF rappelle sa jurisprudence concernant la détermination du domicile au sens des art. 23 à 26 CC applicables par renvoi de l’art. 13 al. 1 LPGA.
Au sens de l’art. 23 al. 1 CC, deux éléments doivent être réalisés pour la constitution du domicile volontaire : le premier, la résidence, soit un séjour effectif d’une certaine durée en un endroit déterminé, est objectif et externe, tandis que le second, soit la volonté de rester dans un endroit de façon durable, est subjectif et interne. Pour cet élément, ce n’est cependant pas la volonté interne de la personne concernée qui importe, mais les circonstances reconnaissables pour des tiers, qui permettent de déduire qu’elle a cette volonté (c. 2.2.1).
La question de savoir quand une personne a quitté son domicile à l’étranger selon l’art. 24 al. 2 CC se détermine en regard de l’art. 20 al. 1 let. a LDIP. Tel est le cas lorsque qu’une personne a abandonné le lieu du centre de ses intérêts, indépendamment du fait qu’un domicile à l’étranger persiste selon le droit étranger concerné. Le transfert d’un domicile en Suisse dans un contexte international est plus simple que sur le plan interne, puisqu’il est déjà acquis lorsqu’une personne dispose certes d’un domicile légal à l’étranger, mais que les relations effectives avec ce pays se sont fortement assouplies (c. 2.2.2).
Dans le cas d’espèce, il a été constaté que la recourante était née en Russie et qu’elle avait épousé un ressortissant allemand avec lequel elle a vécu en Allemagne à partir de 2008. Au début de l’année 2013, elle s’est séparée de son mari et est venue s’établir à Zurich pour étudier. La caisse cantonale de compensation n’a accepté d’assurer le recourante à l’AVS qu’à partir de 2016, car entre 2013 et 2015, elle avait déclaré n’être en Suisse que pour ses études. Le TF a cependant considéré que le domicile effectif de la recourante était en Suisse à partir de février 2013 déjà et que ses liens avec l’Allemagne, respectivement avec la Russie, étaient fortement assouplis à partir de ce moment-là.
Auteur : Walter Huber, juriste à Puplinge
TF 9C_125/2019 du 11 juin 2019
Prestations complémentaires à l’AVS/AI; proches aidants; frais de maladie et d’invalidité; remboursement des frais d’aide, de soins et d’assistance; perte de revenu des proches; art. 14 al. 1 let. b LPC
Le recourant est au bénéfice d’une rente AI entière, de prestations complémentaires, d’une allocation pour impotence grave ainsi que d’une contribution d’assistance. Il conteste une décision de la Caisse de compensation du canton de Glaris qui a rejeté sa demande d’indemnisation pour la perte de salaire de CHF 100’000.- de sa mère pour l’année 2016, en raison des soins donnés par cette dernière.
Aux termes de l’art. 14 al. 1 let. b LPC, les cantons remboursent aux bénéficiaires d’une prestation complémentaire annuelle les frais d’aide, de soins et d’assistance à domicile ou dans d’autres structures ambulatoires, s’ils sont dûment établis. L’art. 14 de la loi glaronnaise d’application de la LPC prévoit que les bénéficiaires vivant à domicile avec une allocation pour impotence grave ou moyenne ne sont indemnisés que pour la part des soins et aides qui ne peut être fournie par un organisme Spitex agréé au sens de l’art. 51 OAMal (al. 1). Si les membres de la famille fournissent de tels services de soins et de soutien, ils ne sont indemnisés que s’ils ne sont pas inclus dans le décompte PC et subissent une perte de revenu substantielle sur une longue période en raison des soins et du soutien (al. 1a let. a et b). Le droit à une contribution d’assistance AI prime sur le droit prévu au présent article (al. 3).
La loi ne décrit pas précisément ce qu’il faut comprendre par « frais d’aide, de soins et d’assistance à domicile ou dans d’autres structures ambulatoires » selon l’art. 14 al. 1 let. b LPC. Rien ne permet d’affirmer qu’une identité de couverture (Deckungsgleichheit) devrait exister avec les prestations déterminantes pour la fixation de la contribution d’assistance. Le législateur entendait éviter une péjoration de la situation de l’assuré ; les cantons ne sont toutefois pas tenus par une obligation de couverture plus étendue que celle prévue par l’ancien droit (c. 4.1).
La question de savoir si et dans quelle mesure − sans aide, soins et assistance au sens de l’art. 14 al. 1 let. b LPC − un membre de la famille exercerait une activité lucrative, respectivement dans quelle mesure il subirait ainsi une perte de revenus substantielle et durable, doit être examinée au regard des circonstances personnelles, familiales, économiques et sociales. En raison des difficultés de preuve inhérentes aux questions hypothétiques, les faits justifiant la demande de remboursement doivent être établis avec un soin particulier (c. 4.3).
En l’espèce, aucune prestation d’aide, de soins ou d’assistance des parents n’était requise pendant dix heures en moyenne durant la journée. Par ailleurs, les services de soins et d’assistance de huit heures par jour pouvaient être fournis par du personnel assistant rémunéré, également le week-end. De plus, le besoin d’aide pendant la nuit était limité, puisque le recourant ne se réveillait qu’une ou deux fois par semaine, voire tout au plus deux ou trois fois par semaine. Enfin, la mère du recourant n’a pas fait valoir qu’il lui aurait été impossible de trouver un poste à 50 % en tant que médecin. Dans ces circonstances, il n’est pas arbitraire de considérer que la mère du recourant aurait pu travailler comme médecin à 50 %, même en tenant compte d’heures de travail éventuellement irrégulières (c. 4.3.2).
Auteur : Alexandre Lehmann, avocat à Lausanne
TF 9C_110/2018 du 14 mai 2018
Prestations complémentaires; couverture des besoins vitaux; obligation de diminuer le dommage; art. 10 LPC
Le litige porte sur le droit d’un étudiant domicilié chez sa mère, qui décide de quitter le domicile de sa mère pour vivre avec son amie. Tous deux sont au bénéfice de rentes de survivants de l’AVS, ainsi que de prestations complémentaires. Le différend porte sur le montant destiné à la couverture des besoins vitaux qui doit être pris en considération, à savoir la prise en compte du montant destiné à la couverture des besoins vitaux d’une personne seule, en lieu et place de celui destiné à la couverture des besoins vitaux d’un enfant.
Le TF a confirmé sa jurisprudence selon laquelle le calcul du droit à des prestations complémentaires d’un étudiant au bénéfice d’une rente d’orphelin doit être effectué en prenant en considération le montant applicable à la couverture des besoins vitaux des enfants, lorsqu’il est exigible de sa part qu’il continue à vivre chez son parent. Ce principe découle de l’obligation de diminuer le dommage qui incombe aux assurés, en vertu de laquelle l’on doit pouvoir exiger de celui qui requiert des prestations qu’il prenne toutes les mesures qu’une personne raisonnable adopterait dans la même situation, si elle ne pouvait attendre aucune indemnisation ou de tiers. Le recourant n’a pas réussi à établir que sa situation était différente de celle jugée dans l’arrêt 9C_429/2013. Et le TF de relever que la décision litigieuse n’empêche pas l’assuré de vivre de manière indépendante avec sa compagne, mais que l’assurance sociale n’a pas à prendre en charge les conséquences financières de son choix s’il n’a pas les moyens et ressources nécessaires pour concrétiser celui-ci.
Auteure : Corinne Monnard Séchaud, avocate à Lausanne
TF 4A_602/2018 du 28 mai 2019
Responsabilité des chemins de fer fédéraux; responsabilité causale du détenteur d’une entreprise ferroviaire; pas d’exonération pour faute grave d’un tiers; causalité; art. 40b et 40c LCdF
Les CFF recourent contre le jugement du Tribunal de commerce de Zurich les condamnant à payer un tort moral à la victime poussée sous un train par une tierce personne reconnue pénalement irresponsable pour des raisons psychiatriques. Les CFF invoquent à cet effet la clause d’exonération de l’art. 40c LCdF pour faute grave d’un tiers.
Le TF interprète l’art. 40c LCdF de façon littérale, historique, systématique et téléologique, et rappelle qu’il ne privilégie aucune méthode d’interprétation, mais s’inspire d’un pluralisme pragmatique pour rechercher le véritable sens de la norme (c. 3.3). Il relève que selon les travaux préparatoires relatifs à la révision de la LCdF, le législateur visait à l’art. 40c LCdF les personnes suicidaires en état d’incapacité de discernement comme motif d’exonération des entreprises de chemins de fer. Selon le message du CF, l’introduction de la nouvelle disposition ne devrait pas modifier la jurisprudence antérieure sur les motifs d’exonération. Par ailleurs, le TF considère qu’il n’est pas possible de déduire clairement du message du CF l’extension des motifs d’exonération au-delà des cas de suicides de personnes incapables de discernement (c. 3.3.2).
L’interprétation de l’art. 40c LCdF permet également de retenir que les principes généralement admis pour retenir une interruption du lien de causalité adéquate sont applicables. Ainsi, pour admettre une interruption du lien de causalité adéquate, il faut que le fait non imputable au responsable causal ait contribué à l’accident de telle manière qu’il en devienne la cause principale (c. 3.3.3.1). A cet égard, le TF indique que parmi les éléments permettant d’apprécier l’interruption du lien de causalité adéquate, le législateur a voulu limiter l’influence des facteurs subjectifs, tels que la faute de tierces personnes pour lesquelles les CFF ne sont pas responsables (c. 3.3.4).
En l’espèce, le TF considère que la gravité des blessures de la victime est due au fait qu’elle a été trainée sur plusieurs mètres par le convoi et que le risque d’être poussé sur un quai de gare n’est pas si extraordinaire. Ce risque est donc bel et bien inhérent aux chemins de fer (c. 3.4.1). En conclusion, le cas d’espèce doit être distingué des cas de suicide pour lesquels la cause du dommage doit être imputée à la victime (c. 3.4.2).
Auteure : Me Muriel Vautier, avocate à Lausanne
TF 2C_856/2017 du 13 mai 2019
Responsabilité de l’Etat; responsabilité d’un établissement autonome de droit public; illicéité; tort moral; LRCF; art. 28 ss CC
Dans le cadre de son pouvoir de surveillance, l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) rend une décision constatant que la directrice générale d’une compagnie d’assurance n’offrait pas la garantie d’une activité irréprochable. Cette décision est annulée par le TAF. Dans le cadre de l’arrêt résumé, le TF doit se pencher sur la demande d’indemnité à titre de réparation morale formée par la directrice générale qui faisait grief à la FINMA d’avoir retenu à tort qu’elle n’offrait pas la garantie d’une activité irréprochable en la rendant responsable de faits et d’erreurs imputables à son prédécesseur, depuis lors condamné pénalement.
Les juges fédéraux rappellent que les art. 28 ss CC, en tant qu’ils aménagent un droit de faire constater, par un juge, l’illicéité d’une atteinte à la personnalité et de demander la publication et la communication de rectificatif et de jugement, ne s’appliquent pas en cas d’atteinte à la personnalité imputable à l’Etat.
En tant qu’établissement autonome de droit public, la FINMA est soumise au régime de responsabilité institué par la loi fédérale sur la responsabilité de la Confédération, des membres de ses autorités et de ses fonctionnaires (LRCF).
Au sens de cette loi, lorsque l’illicéité reprochée procède d’un acte juridique, une décision en particulier, seule la violation d’une prescription importante des devoirs de fonction par l’autorité est susceptible d’engager la responsabilité de la Confédération. Le fait de rendre une décision qui serait par la suite inexacte, contraire au droit ou même arbitraire ne suffit pas. Le comportement d’un magistrat ou d’un agent n’est illicite que lorsque celui-ci viole un devoir essentiel à l’exercice de sa fonction ou commet une erreur grave et manifeste qui n’aurait pas échappée à un homologue consciencieux. Ainsi, la FINMA ne peut être rendue responsable en raison d’un acte illicite commis par l’un de ses agents que si l’on peut lui reprocher une violation d’un devoir essentiel de fonction.
Ces conditions n’étant pas réunies en l’espèce, aucun acte illicite ne peut être reproché à la FINMA. L’arrêt est donc rejeté.
Auteur : Yvan Henzer, avocat à Lausanne
TF 6B_476/2019 du 29 mai 2019
Responsabilité aquilienne; lésions corporelles par négligence; action pénale; prescription; art. 11 al. 2 et 98a CP
Le TF confirme sa jurisprudence au sujet du point de départ de la prescription pénale en cas d’infraction par omission.
Le début de la prescription coïncide, en matière de lésions corporelles par négligence, avec le moment où l’auteur a agi contrairement à ses devoirs de prudence ou, en cas de délit d’omission improprement dit, à partir du moment où le garant aurait dû agir ; si ce devoir est durable, la prescription ne commence à courir qu’à partir du moment où les obligations du garant prennent fin.
Le technicien chargé par son employeur de la mise en service d’une chaudière n’adopte pas une position de garant d’une obligation durable, même s’il devait répondre d’une omission fautive pour ne pas avoir procédé à des vérifications commandées par les devoirs de prudence. La conception selon laquelle l’intéressé répondrait depuis le jour où le produit de l’activité coupable s’est manifesté reviendrait à abandonner les principes établis par la jurisprudence en matière d’infractions commises par omission et à s’écarter de la lettre de l’art. 98 let. a CP.
Aucune omission ne peut être reprochée selon l’art. 11 al. 2 CP au technicien intervenu ultérieurement, en qualité de voisin, ou à son employeur, qui méconnaissait le défaut d’installation, pour création d’un risque inhérent selon art. 11 al. 2 let. d CP, faute de risque permanent pour autrui dans le cas d’espèce.
Auteure : Monica Zilla, avocate à Neuchâtel
TF 6B_1220/2018 du 27 juin 2019
Responsabilité aquilienne; entrave à la circulation publique; mise en danger; négligence; art. 12 al. 3 et 237 CP
Savoir si la vie ou l’intégrité corporelle de personnes a été concrètement mise en danger dans une certaine situation est une question de droit (c. 2.2). L’aiguilleur du ciel qui, par des communications imprécises, amène deux avions de ligne à voler à une distance l’un de l’autre largement inférieure aux normes de sécurité suscite une mise en danger concrète, quand bien même une modification ultérieure du parcours de ces aéronefs n’a pas été nécessaire pour éviter une collision. Ces prescriptions de distances minimales résultant de l’expérience ont en effet pour but de créer une marge de sécurité, en raison de la possible survenance d’éléments imprévisibles qui conduiraient un avion à dévier sa trajectoire en direction de l’autre. La forte réduction de cette marge de sécurité représente ainsi une mise en danger concrète de la vie et de l’intégrité corporelle des passagers et des équipages de ces avions (c. 2.4 et 2.5).
En matière de négligence, les mesures de précaution que les circonstances commandent de prendre aux termes de l’art. 12 al. 3 2e phr. CP sont définies en premier lieu par les prescriptions de sécurité et de prévention des accidents, lorsque de telles prescriptions imposent un comportement donné (c. 3.2, rappel de jurisprudence). Dans le domaine du trafic aérien, l’ordonnance sur le service de la navigation aérienne (OSNA) et la convention relative à l’aviation civile internationale, directement applicable, contiennent des normes de ce type, concernant la manière de communiquer entre un aiguilleur du ciel et l’équipage d’un avion, en particulier les clarifications à demander sur les messages reçus, d’une part, et les accusés de réception à obtenir sur les messages envoyés, d’autre part (c. 3.2, 3.4 et 3.5).
La personne qui manque à son propre devoir de diligence ne peut s’exculper en invoquant le principe de confiance selon lequel elle était partie de l’idée que les autres intervenants respectaient les obligations qui leur incombaient (c. 3.7).
Auteur : Alexandre Bernel, avocat à Lausanne et à Aigle
TF 4A_337/2018 du 9 mai 2019
Responsabilité aquilienne; responsabilité du notaire; devoir d’information et de conseil; illicéité; causalité; art. 41 CO; 11 LNot/GE
Commet un acte illicite et fautif, le notaire qui n’a pas informé complètement son mandant du caractère incertain de la vente du bien immobilier qu’il s’était engagé à acquérir (promesse de vente), au motif qu’elle était conditionnée à l’obtention d’une autorisation d’aliéner, et donc du risque qu’il y avait à réaliser des travaux à ses frais, en renonçant à toute indemnité pour la plus-value en découlant.
Un tel acte ne cause toutefois pas un dommage direct au client lorsque celui-ci peut, selon les circonstances particulières (en l’occurrence l’invalidation du contrat), récupérer directement auprès du propriétaire la plus-value des travaux qu’il a lui-même entrepris dans l’immeuble qu’il entendait acquérir. Il subit uniquement un dommage indirect du fait de l’information incomplète du notaire. Ce dernier ne saurait en outre répondre, comme débiteur solidaire, d’un « dommage » de plus-value pour des travaux réalisés dans l’immeuble du propriétaire, car seule la part du dommage qu’il aurait lui-même causée – soit la différence de plus-value non récupérable – peut lui être imputée.
Tout rapport de causalité sur ce poste de dommage doit dès lors être nié.
En revanche, se trouve en relation de causalité directe avec le dommage constitué par les honoraires acquittés par son mandant, la violation fautive du devoir d’information et de conseil incombant au notaire envers celui-ci. En particulier, en n’incluant pas, dans son acte, une clause sur le sort des travaux à plus-value à réaliser, pour le cas où l’autorisation d’aliéner ne serait pas délivrée, le notaire a engagé sa responsabilité.
Auteur : Benoît Santschi, titulaire du brevet d’avocat à Neuchâtel
TF 9C_324/2018 du 29 mai 2019
Assurance-maladie; liste des spécialités; fixation du prix des médicaments; génériques; art. 65 ss OAMal et 38a OPAS (dans leur version en vigueur au 1er décembre 2015)
L’échéance de protection du médicament X., destiné au traitement de douleurs neuropathiques, de l’épilepsie et de troubles de l’anxiété, est arrivé à échéance pour les deux derniers troubles au 20 avril 2015, alors qu’elle courait encore jusqu’au 16 juillet 2017 pour la première affection. L’entreprise titulaire de l’autorisation pour ledit médicament a sollicité une baisse de prix, par courrier du 22 octobre 2015. L’OFSP a réduit le prix comme demandé, tout en fixant la quote-part du médicament à 20 % des coûts dépassant la franchise, alors que le titulaire de l’autorisation estimait qu’elle devait être de 10 %.
Dans cet arrêt du 29 mai 2019, le TF a jugé que lorsque l’échéance de protection d’un médicament, pour une ou plusieurs affections, échoit alors que cette protection reste valable pour un ou plusieurs autres traitements, la règle générale de la fixation du prix des génériques demeure applicable, selon les art. 65c al. 2 OAMal et 38a OPAS (dans leur teneur au 1er décembre 2015), en se fondant sur le volume de marché en Suisse de la préparation originale et de son médicament en co-marketing. En clair, soit il existe un générique, soit il n’en existe pas. Dans le premier cas, les règles relatives à l’économicité et à la fixation des prix pour les génériques doivent être appliquées, et ce indépendamment du fait de savoir si lesdits génériques sont valables pour toutes les indications de la préparation originale et s’ils sont listés. Une baisse selon l’art. 38a al. 4 OPAS, de manière « différenciée » ou pour chaque « indication médicale », n’est pas envisageable.
Auteur : Guy Longchamp
TF 9C_209/2019 du 22 juillet 2019
Assurance-maladie; financement résiduel des soins; art. 25a al. 5 LAMal; 9 al. 5 PfG/ZH
La loi cantonale zurichoise (PfG), qui prévoit, à son art. 9 al. 5, que le financement résiduel des soins en cas de séjour en home incombe à la commune dans laquelle la personne était domiciliée avant son entrée en home, n’est pas arbitraire et ne contrevient pas au principe d’égalité.
A l’ATF 140 V 563, le TF avait procédé à l’analyse de la question au niveau intercantonal, en présence d’une disposition fédérale lacunaire (art. 25a al. 5 LAMal dans sa version antérieure au 1er janvier 2019), et avait relevé que la compétence du canton de provenance de l’assuré se justifiait pour des raisons d’équivalence fiscale (l’assuré y a payé ses impôts avant d’entrer en home) et de concordance avec les règles en matière de prestations complémentaires, et permettait également d’éviter de lourdes charges aux cantons qui sont mieux dotés que d’autres en homes.
Ces réflexions, qui ont été confirmées par une précision législative de l’art. 25a al. 5 LAMal entrée en vigueur le 1er janvier 2019, peuvent être transposées en matière de répartition intercommunale.
En l’espèce, le fait que l’assuré en question n’ait pas eu besoin de soins au début de son séjour en home n’est pas déterminant. L’interprétation du tribunal cantonal, selon laquelle seule l’entrée dans le home est déterminante, n’est pas arbitraire et ne contrevient pas au principe d’égalité.
Auteure : Pauline Duboux, juriste à Lausanne
TF 4A_66/2018 du 15 mai 2019
Assurances privées; indemnités journalières LCA; procédure probatoire; appréciation anticipée des preuves; expertise judiciaire; expertise privée; pas d’application de la jurisprudence en matière d’assurances sociales; art. 152 CPC
Le juge peut procéder à une appréciation anticipée des preuves et renoncer à ordonner une expertise judiciaire lorsque le contenu d’une expertise privée est propre à éveiller suffisamment de doutes quant à la réalité de la prétendue incapacité de travail qui ne pourraient pas être dissipés par une telle mesure d’instruction (c. 2.4).
Cependant, la jurisprudence qui prévoit que la durée d’examen est généralement indifférente pour apprécier la valeur probante d’un avis médical ne signifie pas pour autant qu’une expertise isolée, fondée sur un court examen, puisse dans tous les cas être jugée équivalente à une observation sur une plus longue durée de la part du médecin traitant. Cette observation peut notamment être privilégiée lorsque l’état du patient fluctue dans le temps (c. 2.5.1).
La question de savoir si un bref examen peut fournir des renseignements probants pour apprécier le bien-fondé des limitations retenues par le médecin traitant est une question médicale et non pas juridique (c. 2.5.2).
Dans le contexte de litiges soumis à la procédure civile, le juge ne peut pas procéder à une appréciation anticipée des preuves en se fondant sur les principes jurisprudentiels développés dans le contexte des assurances-sociales en relation avec la valeur probante des rapports du médecin-traitant (c. 2.6.2).
Des rapports médicaux du médecin-traitant qui n’ont pas ou peu de valeur probante peuvent néanmoins contenir des éléments permettant à un expert judiciaire de porter une appréciation rétroactive sur la capacité de travail notamment lorsque ces rapports font état d’observations et d’examens crédibles (c. 2.6.2.1).
Dans le cas d’espèce, l’instance cantonale n’a pas examiné de manière appropriée les points déterminants pour procéder à une appréciation anticipée des preuves. Le fait que les rapports du médecin-traitant ne paraissent pas suffisamment convaincants du point de vue des diagnostics et des conclusions retenus ne jouent aucun rôle car c’est à l’expert judiciaire d’apprécier la situation. Ce qui est déterminant c’est de savoir si ces rapports contiennent des observations crédibles et contemporaines à l’incapacité de travail qui permettent à l’expert de répondre aux questions qui lui sont posées (c. 2.6.2.3).
La cause est renvoyée à l’instance cantonale pour nouvelle décision.
Auteur : Eric Maugué, avocat à Genève
TF 4A_186/2018 du 4 juillet 2019
Assurances privées; indemnités journalières maladie LCA; interprétation des CGA; règle « in dubio contra stipulatorem »; art. 18 CO; 8 LCD
La question litigieuse concerne la durée des prestations dues à l’assuré lié par un contrat soumis à la LCA lorsque, durant l’incapacité de travailler due à la maladie, l’assuré perçoit des indemnités journalières de l’AI, réduisant ainsi provisoirement à néant son droit aux prestations découlant du contrat LCA.
Le TF rappelle que la LCA ne comporte pas de dispositions spécifiques à l’assurance d’indemnités journalières en cas de maladie, ce qui signifie que le droit aux prestations se détermine d’après la convention liant les parties et notamment les conditions générales d’assurance (ci-après CGA). Il revient dès lors au TF d’interpréter la clause litigieuse des CGA suivante : « pour le calcul de la durée des prestations, les jours où les prestations sont réduites en raison de prestations de tiers comptent comme jours pleins ».
Le TF estime que cette clause peut être interprétée de deux manières (c. 4) :
D’une part, il est possible d’en déduire, comme l’a fait l’assureur en l’espèce, que les jours où l’assureur est fondé à supprimer ses prestations en raison de prestations d’assureurs tiers (comme l’AI) doivent être assimilés aux jours où ces prestations sont réduites pour d’autres motifs. Ces jours sont ainsi pris en compte dans le calcul des 720 indemnités journalières.
D’autre part, cette thèse heurte la logique qui veut qu’une prétention doit exister pour être réduite. Or, si les prestations versées par le tiers compensent entièrement la perte de gain de l’assuré, celui-ci ne touchera aucune indemnité journalière LCA. Les jours pendant lesquels l’assuré touche des prestations d’un tiers ne doivent dès lors pas être pris en compte dans le calcul des 720 indemnités journalières. Lorsque le tiers cesse de verser les prestations et que l’assureur LCA reprend l’indemnisation, celle-ci perdure alors jusqu’à ce qu’il ait effectivement versé 720 indemnités journalières.
En vertu de la règle in dubio contra stipulatorem, lorsqu’une clause des CGA peut être qualifiée de clause ambigüe, elle doit être interprétée en faveur de l’assuré. En l’espèce, la clause litigieuse est qualifiée d’ambigüe par le TF, qui admet dès lors le recours de l’assuré et lui accorde 62 indemnités journalières additionnelles.
Auteur : David Métille, avocat à Lausanne
Brèves...
Les circonstances mentionnées à l’art. 7b al. 2 LAI, telles que précisées par la jurisprudence, sont les seuls cas dans lesquels un office AI peut réduire ou refuser les prestations sans procéder préalablement à une mise en demeure conformément à l’art. 21 al. 4 LPGA (TF 8C_743/2018).
Dans le cadre de l’assurance d’indemnités journalières en cas de maladie LCA, le matériel recueilli dans le cadre d’une observation secrète ne doit pas obligatoirement, comme dans le cadre des assurances sociales, être soumis à un médecin (TF 4A_273/2018).
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