NLRCAS Avril 2022
Editée par Christoph Müller, Anne-Sylvie Dupont, Guy Longchamp et Alexandre Guyaz
TF 8C_110 et 175/2021 du 26 janvier 2022
Prévoyance professionnelle; oligation d’assurance, affiliation rétroactive, dommages-intérêts dus par l’employeur; art. 1 LPP; 10 OPP2; 3 ss LRCF
Le TF a jugé qu’un employeur (et non l’institution de prévoyance) devait compenser le dommage causé à un employé qui n’avait pas été annoncé à l’institution de prévoyance. Le dommage consiste en la différence entre la prestation de vieillesse que l’assuré aurait effectivement perçue sur la base des bonifications de vieillesse qui auraient dû être versées et la prestation de vieillesse réellement versée à l’assuré. La Haute Cour a précisé que les cotisations de l’assuré qui n’ont pas été prélevées sur son salaire pouvaient être portées en déduction du dommage.
Auteur : Guy Longchamp
TF 4A_131/2021 du 11 février 2022
Responsabilité des chemins de fer; faute grave des lésés, causalité, interruption; art. 40b et 40c LCdF
Alors qu’elles souhaitent mettre à flot un catamaran récemment acquis dont le mat monté mesure près de 7 mètres, deux personnes prévoient de passer par un passage à niveau. Lorsqu’elles s’apprêtent à franchir ledit passage, le mât du catamaran heurte le caténaire du chemin de fer qui se trouve à 5,65 mètres de hauteur. Le courant est dévié par le catamaran et cause ainsi des lésions corporelles aux deux personnes. Le litige porte sur la question de savoir si les CFF peuvent s’exonérer de leur responsabilité en raison d’une faute grave des personnes lésées (art. 40c LCdF).
Le TF interprète l’art. 40c LCdF à la lumière de sa jurisprudence relative à la rupture du lien de causalité adéquate selon laquelle le comportement d’un tiers ne constitue une cause principale au sens de cette disposition que s’il présente un degré d’importance tellement élevé, qu’il se situe à tel point en dehors du cours ordinaire des choses, que la cause établie pour le responsable causal n’apparaît plus comme juridiquement pertinente pour le dommage survenu. Ainsi, le comportement d’un tiers ne peut rompre le lien de causalité que si cette cause additionnelle est à ce point extérieure au cours ordinaire des choses qu’on ne pouvait s’y attendre. Ainsi, la réalisation du risque d’exploitation doit être d’une importance si secondaire par rapport aux faits qui s’y ajoutent qu’elle n’apparaît plus que comme une cause partielle fortuite et insignifiante du dommage (c. 1.1).
In casu, le TF rejette les arguments de la recourante (assurance-accidents des lésés), qui fait valoir que la négligence inconsciente des lésés, contrairement aux cas de négligence consciente, ne permettrait pas de neutraliser le risque d’exploitation. Le TF considère que les lésés ont créé inutilement un risque de collision dont ils étaient parfaitement conscients, du moins en ce qui concernait une possibilité de collision avec des ponts, et que, partant, le mât aurait dû être démonté pour le transport du catamaran (c. 2.2 et 2.3). Finalement, le TF indique qu’on ne saurait considérer que les CFF doivent assumer un risque d’exploitation accru en raison d’un panneau d’avertissement insuffisamment grand (c. 2.5)
Il conclut que c’est à celui qui transporte des objets inhabituellement longs en position verticale de veiller à ce que l’espace libre vers le haut soit suffisant. Il considère que les lésés ont pris un risque inutile et incompréhensible en redressant le mât pour le transport du catamaran au lieu de le transporter démonté. Pour le TF, la seule cause de l’accident est le comportement de négligence grave des personnes lésées. Partant, les conditions pour une exonération de la responsabilité civile selon l’art. 40c LCdF sont, selon lui, remplies (c. 2.6).
Auteur : Tania Francfort, titulaire du brevet d’avocat à Etoy
TF 4A_615/2021 du 26 janvier 2022
Responsabilité du détenteur d’ouvrage; prescription, connaissance du dommage, état médical définitif, dies a quo; art. 58 CO; 60 aCO
A la suite d’une chute intervenue depuis une terrasse, le lésé a déposé une action contre la communauté des copropriétaires, fondée sur l’art. 58 CO. Le TF examine si cette action est prescrite selon l’art. 60 aCO, qui est applicable dans le cas d’espèce, les faits remontant au 9 août 2014. Il recherche, dans un premier temps, si la prescription plus longue découlant de l’action pénale, soit en l’occurrence celle de dix ans valant pour les lésions corporelles graves par négligence (art. 125 et 97 al. 1 lit. c CP), pourrait s’appliquer, conformément à l’art. 60 al. 2 aCO (c. 4.1).
Le TF considère que les juges cantonaux étaient en droit de retenir, sans tomber dans l’arbitraire, que le déroulement précis de l’accident n’avait pu être reconstitué que sur la base des déclarations du lésé et que celles-ci étaient imprécises et contradictoires, si bien qu’aucun fait pertinent sur le plan pénal ne pouvait être établi. N’est pas non plus critiquable la renonciation des juges cantonaux à procéder à une inspection, dès lors que près de sept ans s’étaient écoulés depuis l’accident et qu’il fallait partir du principe que les conditions locales avaient changé depuis (c. 4.2 et 4.3). C’est ainsi à juste titre que les juges cantonaux n’ont pas appliqué une prescription pénale de plus longue durée selon l’art. 60 al. 2 aCO.
S’agissant de la prescription relative d’une année selon l’art. 60 al. 1 aCO, le TF rappelle que le délai commence à courir lorsque la personne lésée a connaissance de l’auteur et des éléments essentiels du dommage lui permettant d’apprécier approximativement celui-ci et de motiver une demande en justice. En cas de lésions corporelles, le lésé a une connaissance suffisante du dommage si les conséquences médicales de l’acte dommageable sont prévisibles et peuvent être déterminées avec un haut degré probabilité, une fois l’état de santé stabilisé. C’est le cas au plus tard avec la décision de l’assureur-accident portant sur la rente. Toutefois, le montant des prestations de cette assurance ne doit pas nécessairement être connu avec certitude. La subrogation de l’assurance dans les droits du lésé n’a aucune influence sur le début et le cours de la prescription, puisque la créance du lésé passe à l’assurance telle qu’elle existait pour le lésé contre l’auteur. En particulier, il n’est pas nécessaire de connaître l’issue de la procédure devant l’assurance sociale (c. 5.1).
Le délai de prescription relatif de l’art. 60 al. 1 aCO commence à courir dès que le lésé sait qu’il a atteint l’état médical définitif. En l’espèce, les effets de l’accident du 9 août 2014 étaient connus sous tous leurs aspects au moment où le lésé a été examiné par le médecin d’arrondissement de la SUVA le 10 février 2017. Il ressort du rapport de l’assurance, daté du même jour, que l’état médical définitif avait été atteint, ce dont le lésé avait été informé, vu qu’il avait consenti à ce que le rapport soit transmis à son médecin. Le TF considère que les juges cantonaux ont retenu de manière convaincante que dès le 10 février 2017, le lésé avait une connaissance suffisante de son dommage et qu’il était en mesure de l’estimer. Il n’y avait pas lieu d’attendre la décision fixant l’indemnité pour atteinte à l’intégrité, qui a été rendue le 9 janvier 2018. Le délai relatif d’une année était ainsi échu lorsque le lésé a déposé sa requête de conciliation le 20 août 2018 (c. 5.3 et 5.4).
Auteure : Maryam Kohler, avocate à Lausanne
TF 9C_376/2021 du 19 janvier 2022
Prestations complémentaires; revenus déterminants, revenu hypothétique, dessaisissement; art. 9, 10 et 11 LPC; 14a OPC
Est litigieux le montant de la prestation complémentaire d’un assuré, invalide à 61 %, ayant atteint l’âge de 60 ans durant la période déterminante et dont l’épouse a perdu son emploi, avant de s’annoncer elle aussi à l’assurance-invalidité.
Selon la jurisprudence, il faut prendre en considération le revenu hypothétique d’un conjoint, au sens des ressources en espèces dont un ayant droit s’est dessaisi (art. 11 al. 1 let. a et g LPC), lorsqu’il a renoncé à une activité exigible. C’est à l’aune de la vraisemblance prépondérante qu’est jugée l’exigibilité de cette activité. Cette présomption est réfragable, si l’assuré prouve qu’interviennent – indépendamment d’une invalidité partielle ou non – des facteurs tels que l’âge, la formation, les connaissances linguistiques ou les circonstances personnelles.
L’art. 9 al. 5 let. c LPC donne le pouvoir au Conseil fédéral d’édicter des dispositions sur la prise en compte du revenu de l’activité lucrative pouvant ainsi être raisonnablement exigée des personnes concernées ; l’art. 14a OPC introduit une césure entre les invalides n’atteignant pas les montants maximum définis par cette disposition et âgés de moins de 60 ans, pour lesquels est pris en compte le revenu hypothétique (lequel ne correspond pas forcément à celui intervenant dans le calcul de la rente d’invalidité AI), et ceux âgés de 60 ans ou plus, pour lesquels c’est le montant effectivement obtenu qui est pris en compte.
Dans le cas d’espèce, selon le TF, c’est à tort que l’administration et la cour cantonale n’ont pas examiné plus précisément le revenu hypothétique exigible de l’assuré avant l’âge de 60 ans (on ne peut pas sans autre se baser sur la comparaison des revenus découlant de l’art. 16 LPGA) et n’ont pas déduit comme dépenses, à compter de l’âge de 60 ans, les frais d’obtention du revenu, au sens de l’art. 10 al. 3 let. a LPC. Pour ces motifs, la cause doit être renvoyée à l’administration, afin qu’elle procède à de nouveaux calculs.
En revanche, de l’avis du TF, c’est à bon droit que la cour cantonale a pris en considération un revenu hypothétique de CHF 28’194 de l’épouse de l’assuré, correspondant à son précédent revenu effectif. En effet, c’est en violation de son obligation de diminuer le dommage que celle-ci a mis fin à son emploi, au motif qu’elle ne gagnait pas assez, sans faire les efforts nécessaires pour recouvrer rapidement un emploi.
Auteur : Didier Elsig, avocat à Lausanne et à Sion
TF 8C_421/2021 du 27 janvier 2022
Assurance-accidents; troubles psychiques, causalité naturelle et adéquate, procédure d’examen, gain assuré; art. 4 LPGA; 6 LAA; 22 OLAA
Un employé a connu deux accidents successifs. Sa situation s’est progressivement stabilisée du point de vue des capacités fonctionnelles, de sorte qu’une capacité de travail entière a pu être retenue. Les avis des médecins divergent toutefois en ce qui concerne la répercussion de troubles psychiques sur la capacité de travail de l’assuré. L’assureur-accidents a considéré que les troubles psychiques n'étaient pas en relation de causalité adéquate avec les deux accidents, raison pour laquelle il n’entendait pas mettre en œuvre d’autres mesures d’instruction afin de départager les avis des médecins. Le litige porte sur le point de savoir si la cour cantonale a violé le droit fédéral, premièrement en considérant sur le plan somatique que la capacité de travail du recourant était complète dans une activité adaptée, deuxièmement en niant le droit de celui-ci à des prestations d’assurance en raison de ses troubles psychiques et, troisièmement, en admettant le gain annuel assuré retenu par l’intimée. Le TF confirme d’emblée les conclusions des premiers juges sur la capacité résiduelle de travail de l’assuré compte tenu des seules atteintes physiques.
S’agissant des troubles psychiques, le TF observe que tant la cour cantonale que l’assureur-accidents ont procédé à l’examen du caractère adéquat du lien de causalité entre les troubles psychiques et les accidents subis en laissant ouverte la question du lien de causalité naturelle. Il rappelle par conséquent que si la jurisprudence admet de laisser ouverte la question du rapport de causalité naturelle dans les cas où ce lien de causalité ne peut de toute façon pas être qualifié d’adéquat, il n’est en revanche pas admissible de reconnaître le caractère adéquat d’éventuels troubles psychiques d’un assuré avant que les questions de fait relatives à la nature de ces troubles (diagnostic, caractère invalidant) et à leur causalité naturelle avec l’accident en cause soient élucidées au moyen d’une expertise psychiatrique concluante. En l’occurrence pour le TF, il convient de renvoyer la cause à l’intimée pour qu’elle instruise ces questions au moyen d’une expertise psychiatrique concluante. Ceci fait, elle se prononcera définitivement sur le droit du recourant à des prestations pour ses troubles psychiques, en procédant, au besoin, à un nouvel examen circonstancié du lien de causalité adéquate.
Le TF précise encore que ce qui précède vaut également pour les autorités de recours de première instance qui se retrouveraient dans la même constellation, à savoir saisies d’un examen du lien de causalité adéquate à l’égard de troubles psychiques alors que la question de la causalité naturelle a été laissée ouverte. Dans ce cas, si le juge parvient à la conclusion que l’appréciation de l’assureur-accidents est erronée sur un ou plusieurs critères et que l’admission du lien du causalité adéquate pourrait entrer en considération, il doit, avant de statuer définitivement sur ce dernier point, instruire ou faire instruire par l’assureur-accidents les questions de fait relatives à la nature de ces troubles (diagnostic, caractère invalidant) et à leur causalité naturelle.
Ceci écrit, et puisque le recourant a de toute façon droit à une rente d’invalidité du fait des séquelles physiques, le TF a encore examiné la question du gain assuré. Dans ce cadre, il a rappelé que sont seuls déterminants, d’une part, le rapport de travail et les circonstances salariales qui existaient au moment de l’évènements accidentel et, d’autre part, que l’annualisation du salaire intervient lorsqu’au moment déterminant la relation de travail a duré moins d’une année (art. 22 al. 4, 1re et 2e phrase OLAA). Dans le cas d’espèce, c’est à juste titre que les juges cantonaux ont annualisé le salaire perçu au moment déterminant, soit celui afférent à la relation de travail précédant immédiatement l’événement accidentel. Ils n’avaient pas à tenir compte des salaires touchés pour les missions antérieures.
Auteur : Patrick Moser, avocat à Lausanne
TF 8C_702/2021 du 4 février 2022
Assurance-chômage; aptitude au placement d’un indépendant; art. 15 LACI
Dans cet arrêt, le TF se penche sur la question de savoir si un employé licencié est apte au placement alors même qu’il avait, en parallèle de son activité salariée, fondé une société anonyme dans le but d’être, à terme, indépendant. La caisse de chômage puis le tribunal cantonal ont, en effet, nié l’aptitude au placement de cet assuré.
Le TF rejette le recours et rappelle qu’en règle générale, les personnes exerçant durablement une activité indépendante sont d’emblée exclues du droit à l’indemnité journalière de l’assurance-chômage. Toutefois, dans la mesure où une activité soumise à cotisation a été exercée avant l’activité d’indépendant, le droit à l’indemnité de chômage doit exceptionnellement être examiné à la lumière de l’ATF 123 V 234 (applicable au travailleur qui jouit d’une situation professionnelle comparable à celle d’un employeur). Il convient ainsi de vérifier que la demande d’indemnisation déposée auprès de l’assurance-chômage ne soit pas abusive. Est ainsi déterminante la question de savoir si l’assuré projette, à long terme, d’exercer uniquement une activité économique indépendante (c. 4.1). En effet, lorsque l’activité indépendante commence juste après le début du chômage, l’aptitude au placement doit être admise si cette activité a été entreprise dans le but de diminuer le dommage à l’assurance (c’est-à-dire en réaction face au chômage), après une phase de recherches d’emploi sérieuses, et ne correspond pas à un objectif poursuivi de toute façon et décidé déjà bien avant le début du chômage (c. 4.2 et 4.3). L’assuré qui exerce une telle activité doit poursuivre intensivement ses recherches en vue de trouver une activité salariée. Il n’incombe, en effet, pas à l’assurance-chômage de compenser dans de pareils cas les risques d’un entrepreneur ou un manque à gagner dans une activité indépendante.
En l’espèce, le TF relève que, quand bien même l’assuré était disponible sur le marché de l’emploi durant une période de plus de trois mois, il avait, bien avant son licenciement, fondé sa société dans le but d’exercer, à terme, une activité indépendante. Il est également établi qu’au moment de son inscription auprès de l’assurance-chômage, la mise en place du commerce de l’assuré n’était pas terminée de telle sorte qu’il n’était pas en mesure d’exercer son activité indépendante. En outre, l’assuré n’avait réalisé que des postulations spontanées sans répondre à aucune offre concrète d’emploi. Il avait, par ailleurs, investi des montants conséquents pour le développement de son activité d’indépendant de sorte que la probabilité qu’il accepte à nouveau un emploi en tant que salarié était faible. Cette constellation de faits présentait, selon le TF, un risque d’abus, de sorte que les autorités cantonales avaient, à juste titre, nié son aptitude au placement.
L’assuré invoquait également une violation de l’art. 27 LPGA sur le devoir d’information de l’assurance-chômage. Le TF confirme l’appréciation des autorités cantonales d’après laquelle, même si l’assuré avait été informé sur l’absence de tout droit aux prestations de l’assurance-chômage, il aurait de toute évidence démarré son activité indépendante au vu des montants importants déjà investis au sein de la société (c. 5.2).
Auteur : Radivoje Stamenkovic, avocat à Yverdon-les-Bains
TF 4A_394/2021 du 11 janvier 2022
Assurance perte de gain; comportement frauduleux, fardeau de la preuve; art. 40 LCA
Le TF commence par rappeler les conditions d’application de l’art. 40 LCA, à savoir une condition objective qui consiste à une dissimulation ou à une communication inexacte de faits susceptible d’exclure ou de réduire les prestations, ainsi qu’une condition subjective qui suppose une intention de tromper de la part de l’assuré.
Puis le TF rappelle les principes applicables en matière de fardeau de la preuve. L’assuré doit apporter la preuve des éléments fondant le droit à l’assurance et l’assureur doit démontrer les faits qui lui permettent de réduire ou de refuser de prester. La preuve doit être apportée de manière stricte et un allégement sous la forme de la vraisemblance prépondérante n’est admissible que si la preuve stricte n’existe pas. Notre Haute Cour relève alors que la preuve de la condition subjective de l’art. 40 LCA ne peut jamais être apportée de manière stricte ce qui justifie l’allègement sous la forme de la vraisemblance prépondérante. En revanche, s’agissant de la condition objective, la preuve doit en principe être apportée de manière stricte.
En application des principes susmentionnés, le TF a estimé que l’indépendant qui annonçait une incapacité de travail à l’assureur et qui, quelques jours après, reprenait son activité, même à titre temporaire, sans l’annoncer, commettait une fraude. L’assuré ne peut à la fois prétendre à des indemnités journalières et exercer une activité professionnelle. Dans cette affaire, l’assuré prétendait que la reprise de travail était une tentative censée refléter son obligation de réduire le dommage. Le TF a estimé que, non seulement, la reprise de l’activité à titre d’essai n’était pas démontrée et que, par ailleurs, même si tel était le cas cette tentative aurait dû être annoncée à l’assureur. Il est en outre exclu de considérer cette tentative comme faisant écho à l’obligation de réduire le dommage dans la mesure où l’assuré a malgré tout perçu des indemnités journalières.
Auteur : Julien Pache, avocat à Lausanne
TF 9C_390/2021 du 8 février 2022
APG-COVID; Droit applicable en cas de modifications de la loi, portée de la notion de « taxation fiscale plus récente »; art. 2 al. 3bis et 5 par. 2 O APG COVID-19 (état au 6 juillet 2020)
Il s’agit d’un examen de la version applicable de l’O APG COVID-19, qui a rencontré plusieurs modifications dans le courant 2020, dans le cadre d’une demande d’allocations déposée en août 2020 par une physiothérapeute indépendante, pour des prestations à partir du 17 mars 2020. La caisse AVS intimée a refusé d’allouer les prestations requises.
Le TF rappelle qu’en principe le droit applicable est déterminé par la date de la décision, respectivement de la décision sur opposition. Pour ce qui concerne l’établissement de la perte de gain, qui entraîne des conséquences juridiques, il doit revêtir un caractère durable. Le principe de base n’étant pas suffisant, il convient de vérifier si la base juridique applicable contient des règles de droit transitoire, ce qui est le cas pour l’ordonnance examinée. A défaut de celles-ci, la cause doit être jugée selon les bases juridiques en vigueur au fil du temps ; l’ancien droit s’applique jusqu’à l’entrée en vigueur de la modification juridique et ensuite, ex nunc et pro futuro, en ce qui concerne le nouveau droit, pour autant que les conditions soient remplies (c. 3.2.1 et 3.2.2).
Dans de telles situations intertemporelles, il ne faut pas confondre la validité temporelle de la norme et le champ d’application temporel de la loi, qui peuvent ne pas coïncider. La validité temporelle d’une disposition débute par son entrée en vigueur et se termine par son abrogation. Le champ d’application temporel de la norme juridique détermine la période pendant laquelle les faits couverts dans l’état de fait doivent s’être produits (c. 3.2.1).
Dans un second temps, le TF se penche sur l’art. 2 al. 3bis O APG COVID-19, qui conditionne l’octroi d’indemnités perte de gain à un revenu déterminant pour le calcul de cotisations AVS se situant entre CHF 10’000.00 et CHF 90’000.00 pour l’année 2019, et sur l’art. 5 al. 2 O APG COVID-19 qui précise qu’un nouveau calcul pouvait être effectué après la fixation de l’indemnité si une taxation fiscale plus récente était envoyée à l’ayant droit jusqu’au 16 septembre 2020 et que celui-ci déposait une demande de nouveau calcul avant cette date.
En l’espèce, l’assurée avait produit dans un premier temps la taxation fiscale de 2019, montrant un revenu supérieur à CHF 90’000.00. Après un refus de prestations de la part la Caisse, elle a produit une nouvelle décision de taxation, pour l’année 2018, faisant état d’un revenu inférieur à la limite précitée, celle-ci étant susceptible de remplir les conditions pour l’obtention d’indemnités perte de gain. Après avoir appliqué les méthodes habituelles d’interprétation de la loi, le TF arrive à la conclusion que l’expression « une taxation fiscale plus récente » se réfère uniquement aux taxations des années 2019 et suivantes, à l’exclusion de celles relatives aux années précédentes, quelle que soit la date de leur établissement (c. 5.2 et 5.3).
Auteur : David Métille, avocat à Lausanne
brèves...
En matière de for, la législation sur l’assurance-chômage déroge à la règle de l’art. 58 al. 1 LPGA et prévoit notamment que le tribunal cantonal des assurances est compétent pour connaître des recours contre les décisions d’une autorité du même canton (art 100 al. 3 LACI et 128 al. 2 OACI). Pour statuer sur une demande de remise de l’obligation de restituer les prestations, l’autorité cantonale du canton dans lequel la personne assurée était domiciliée lorsque la décision de restitution lui a été notifiée est compétente (art. 119 al. 3 OACI). En conséquence, le tribunal de ce même canton est compétent pour connaître de la procédure de recours, même si la personne assurée a déménagé dans l’intervalle (TF 8C_652/2021).
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