Réalisée en collaboration avec l'Association des avocats spécialistes FSA responsabilité civile et droit des assurances.
NLRCAS Juillet 2016
Christoph Müller, Anne-Sylvie Dupont, Guy Longchamp et Alexandre Guyaz
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La Faculté de droit de Neuchâtel et l'Association des avocats spécialistes FSA responsabilité civile et droit des assurances sont fières de vous présenter le nouveau design de votre newsletter. Vous avez désormais la possibilité de télécharger en PDF les résumés qui vous intéressent. Ils sont suivis du texte intégral de l'arrêt. Vous retrouverez à l'avenir tous les résumés, les anciennes newsletter ainsi que des informations utiles sur le site Internet www.rcassurances.ch, que nous vous invitons à consulter sans tarder.
Nous vous souhaitons une bonne lecture !
C. Müller, A.-S. Dupont, G. Longchamp, A. Guyaz
Journée de formation continue du 4 novembre 2016
Le nouveau droit de l’entretien de l’enfant et le nouveau droit du partage de la prévoyance professionnelle entreront tous deux en vigueur le 1er janvier 2017. La journée de formation continue du 4 novembre 2016 présentera les nouveautés entraînées par ces deux révisions législatives. Un exposé portera également sur un état des lieux en matière d’autorité parentale et de garde.
L’après-midi sera consacrée comme de coutume aux nouveautés pour le praticien.
Programme détaillé et possibilité de vous inscrire en ligne en cliquant ici.
TF 6B_788/2015, 6B_902/2015 du 13 mai 2016
Responsabilité civile ; responsabilité médicale ; hôpital privé reconnu d’intérêt public ; devoir d’information ; art. 3 al. 1 lit. 13 LRECA-VD
En droit pénal, la partie plaignante ne peut recourir au Tribunal fédéral que si la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles, lesquelles doivent précisément être soumises au droit civil et non pas au droit public cantonal prévu par l’art. 61 al. 1 CO. Conformément à l’art. 42 al. 1 LTF, il appartient au recourant d’alléguer les faits qu’il considère comme propres à fonder sa qualité pour recourir. En l’espèce le médecin acquitté par la Cour d’appel cantonale avait agi en qualité d’employé d’un hôpital vaudois figurant sur la liste 1998 des hôpitaux du canton admis à pratiquer à la charge de l’assurance obligatoire des soins en qualité d’établissement privé reconnu d’intérêt public. Le TF se demande dès lors s’il n’assumait pas une tâche de droit public soumise à la loi vaudoise sur la responsabilité de l’État, des communes et de leurs agents (LRECA) et, constatant que le recours ne contient aucun élément sur la manière dont la responsabilité du médecin pourrait être directement engagée, il déclare le recours irrecevable (c. 2). Il entre par contre en matière sur le recours du Ministère public.
Notion de consentement hypothétique : en cas d’information insuffisante donnée avant l’intervention au patient, la jurisprudence reconnaît au médecin la faculté de soulever le moyen du consentement hypothétique du patient. Le praticien doit alors établir que le patient aurait accepté l’opération même s’il avait été dûment informé. Le fardeau de la preuve incombe là aussi au médecin, mais le patient doit collaborer à cette preuve en rendant vraisemblables, ou du moins en alléguant les motifs personnels qui l’auraient incité à refuser l’opération s’il en avait connu les risques. En l’espèce le TF admet que la patiente aurait accepté l’opération même si elle avait reçu une information complète, notamment en raison du lien de confiance qu’elle entretenait de longue date avec le prévenu (c. 4.1).
Par contre, le consentement éclairé ne saurait avoir une portée différente selon que l’on se trouve dans un établissement de droit public ou de droit privé, ou encore selon la nature du contrat d’assurance conclu par le patient. La Cour cantonale ne pouvait donc admettre que la patiente aurait accepté l’intervention telle qu’elle s’est déroulée même si elle avait su qu’elle ne serait pas opérée par son médecin mais par un médecin-assistant dans le cadre d’un teaching. L’argument selon lequel la patiente était couverte par l’assurance-maladie de base, de sorte qu’elle n’avait d’autre choix que d’accepter de se laisser opérer par un médecin-assistant, n’est pas pertinent. En raisonnant ainsi, un consentement hypothétique devrait alors systématiquement être retenu pour les assurés qui n’ont qu’une couverture de base, ce qui n’est pas soutenable aux yeux du TF (c. 4.2.2).
Auteur : Alexandre Guyaz, avocat à Lausanne
TF 4A_431/2015 du 19 avril 2016
Responsabilité civile ; dommage causé par des travaux ; causes multiples ; expertise ; art. 41, 42, 51 CO ; 8, 678 CC
Le TF rappelle que le lésé qui invoque l’art. 41 al. 1 CO doit alléguer et prouver tous les faits constitutifs de cette norme de responsabilité, conformément à l’art. 8 CC. Si le juge ne parvient pas à une conviction, s’il n’est pas à même de déterminer si chacun de ces faits s’est produit ou ne s’est pas produit, il doit statuer au détriment du lésé.
Lorsque plusieurs actes, sans lien entre eux, sont la cause d’un dommage, il n’y a de responsabilité solidaire au sens de l’art. 51 CO qu’à concurrence du montant pour lequel l’auteur doit répondre du dommage qu’il a causé. S’il est responsable seulement en partie d’un dommage, il n’a pas à répondre, comme débiteur solidaire aux côtés d’autres responsables du dommage, pour davantage que ce à quoi il est tenu en vertu de sa propre responsabilité.
En vertu de l’art. 42 al. 1 CO, le demandeur doit en principe prouver non seulement l’existence du dommage, mais aussi son montant.
L’art. 42 al. 2 CO instaure une preuve facilitée lorsque le dommage est d’une nature telle qu’une preuve certaine est objectivement impossible à rapporter ou ne peut pas être raisonnablement exigée, au point que le demandeur se trouve dans un état de nécessité quant à la preuve (Beweisnot). Lorsque tel est le cas, l’existence (ou la survenance) du dommage doit être établie avec une vraisemblance prépondérante. L’art. 42 al. 2 CO n’accorde toutefois pas au lésé la faculté de formuler sans indications plus précises des prétentions en dommages-intérêts de n’importe quelle ampleur. Par conséquent, si le lésé ne satisfait pas entièrement à son devoir de fournir des éléments utiles à l’estimation, l’une des conditions dont dépend l’application de l’art. 42 al. 2 CO n’est pas réalisée, alors même que, le cas échéant, l’existence d’un dommage est certaine. Le lésé est alors déchu du bénéfice de cette disposition; la preuve du dommage n’est pas rapportée et, en conséquence, conformément au principe de l’art. 8 CC, le juge doit refuser la réparation.
Le TF relève enfin que le CO n’impose pas au juge d’ordonner une expertise pour la preuve du rapport de causalité ou de l’existence du dommage ou de sa quotité. Toutefois, même en l’absence d’une disposition légale spéciale, une expertise est imposée par l’art. 8 CC, lorsque le juge n’est pas à même de résoudre, à la lumière de ses propres connaissances, la question qui lui est soumise.
En l’espèce, les lésés (recourants) n’ont pas fourni tous les éléments utiles à l’estimation de leur dommage et se voient déboutés de toutes leurs conclusions.
Auteur : Rémy Baddour, titulaire du brevet d’avocat à Genève
TF 4A_81/2015 du 22 mars 2016
Responsabilité du détenteur de l’ouvrage ; preuve du défaut ; motivation du recours ; art. 58 CO
Il appartient à la victime qui entend fonder la réparation sur son préjudice sur l’art. 58 CO de prouver le défaut de l’ouvrage ou la carence d’entretien. Le fait de conserver une grande quantité de substances combustibles dans une brocante ne constitue, en soi, ni un défaut, ni un défaut d’entretien. La victime a par ailleurs omis d’expliquer les raisons pour lesquelles l’exploitation d’un tel commerce à cet endroit-là aurait été inadéquate.
TF 6B_661/2015 du 17 mai 2016
Responsabilité civile ; homicide par négligence ; position de garant ; violation du devoir de prudence ; art. 11 et 117 CP
Un bûcheron inexpérimenté écope d’une condamnation pour homicide par négligence. Le TF a confirmé la sanction de l’autorité cantonale après le décès d’un auxiliaire qu’il avait engagé pour l’aider à écimer deux grands arbres, en janvier 2011.
Dans le cas d’espèce, il a été préalablement établi que le bûcheron agissait en qualité d’entrepreneur, chargé de l’écimage, et qu’il cherchait à s’adjoindre du personnel nécessaire à l’exécution de ce travail. En cette qualité, il assumait une position de garant. La question du mode de rémunération (partage par moitié du gain réalisé ou versement d’un montant convenu) est annexe et ne change rien à la position de garant du recourant.
Les travaux s’étaient déroulés en violation des normes applicables pour l’entretien et la taille des arbres, l’utilisation d’une tronçonneuse et le travail en hauteur (Directive CFST concernant les travaux forestiers) et différentes listes de contrôle émanant de la SUVA. L’équipement personnel de la victime était inexistant : absence d’un casque, de lunettes, de gants, de pantalon et de souliers de protection ainsi que d’un harnais de sécurité. L’encordement de la victime était très insuffisant au vu de la hauteur de travail et de l’utilisation d’une tronçonneuse.
En sachant que la victime ne portait rien pour se protéger et pour remédier aux chutes, le recourant a violé son devoir de prudence en la laissant monter sur l’arbre.
Par ailleurs, la victime ne maîtrisait pas la technique d’écimage. Fort de ce constat, le bûcheron, qui n’avait jamais exécuté une telle opération, devait, compte tenu des risques encourus, le faire arrêter. En ne prenant pas cette décision, il a également violé son devoir de prudence de façon fautive, car il devait réaliser que la victime mettait sa vie en danger.
L’autorité cantonale a retenu in fine que l’absence d’équipement suffisant et de dispositif efficace pour empêcher la chute, ainsi que la persistance à réaliser des travaux malgré le constat d’échec sur le premier arbre, étaient en lien de causalité naturelle et adéquate avec le décès de la victime, les éventuelles fautes de cette dernière n’interrompant pas ce lien de causalité.
Auteur : Bruno Cesselli, expert à Bulle
TF 9C_714/2015 du 29 avril 2016
Généralités ; péremption ; dies a quo ; art. 25 al. 1 LPGA
Lorsque la demande de restitution est basée sur une décision d’octroi rétroactif d’une rente limitée dans le temps et que cette décision n’est pas encore entrée en force, le délai commence à courir lorsque l’office AI ne devait plus rien instruire. Ceci est le cas au plus tard à l’expiration du délai imparti à l’assuré pour faire valoir des objections contre le projet de décision, ce d’autant plus qu’en l’espèce ce délai n’a pas été utilisé par l’assuré. Constatation qu’en l’espèce le droit de demander la restitution était éteint (c. 5.4).
Auteur : Pierre-Henri Gapany, avocat à Fribourg
TF 8C_881/2015 du 22 avril 2016
Assurance-invalidité ; mesures médicales ; infirmités congénitales n°383 et 453 IOC ; transplantation de cellules souches ; art. 13 LAI
La prise en charge des transplantations (ou greffes) de cellules souches hématopoïétiques allogéniques (provenant d’un donneur) est reconnue au sens de l’annexe I de l’OPAS (c. 1.2.1).
Le TF rappelle qu’une mesure médicale ne peut être admise au sens des art. 12 ou 13 LAI que si elle a été considérée comme scientifiquement reconnue au niveau de la LAMal (c. 3.2). De plus, elle doit également tendre au but thérapeutique visé d’une manière simple et adéquate (art. 2 al. 3 OIC).
La question de savoir de laquelle des infirmités congénitales (n°383 et/ou 453 IOC) l’assurée souffre et s’il s’agit finalement d’une seule et même maladie comme le plaide les médecins du SMR a fait l’objet d’un renvoi à l’office AI pour complément d’instruction. Cependant, en même temps que le renvoi de la cause, l’instance cantonale a nié l’utilité médicale de la transplantation de cellules souches dans le cas d’espèce. Le Tribunal fédéral indique que le succès de ce type de thérapie ne peut être mesuré qu’après un délai de 6 à 12 mois et constate que chez l’assurée, ce traitement a permis de stopper la progression de la maladie après 2 ans environ (c. 3.3).
En conséquence, le TF annule le refus de prise en charge des frais de la transplantation de cellules souches effectuée en janvier 2014 et considère, qu’en plus du renvoi à l’office AI pour complément d’instruction, l’office AI devra également se prononcer sur la question de la couverture de ce traitement (c. 4.6).
Auteur : Walter Huber, juriste à Puplinge
TF 8C_579/2015 du 14 avril 2016
Assurance-invalidité ; révision ; mesures professionnelles ; réduction et refus de prestations ; art. 21 al. 4 LPGA ; 17 LAI
La procédure de mise en demeure écrite accompagnée d’un délai de réflexion a pour objectif de rappeler à l’assuré son devoir de diminution du dommage sous peine de réduction ou de refus de prestations.
En cas de suppression de rente suite à une révision, la question de savoir si une telle procédure de mise en demeure doit être suivie peut rester ouverte car, dans le cas d’espèce, l’assuré ne pouvait pas imaginer rejoindre le marché du travail. C’est en connaissance de cause qu’il avait rempli le formulaire remis par l’assurance-invalidité et coché la case « renonciation à des mesures professionnelles ».
Auteur : Eric Maugué, avocat à Genève
TF 9C_697/2015 du 9 mai 2016
Assurance-invalidité ; unicité de la survenance de l’invalidité ; exigence d’un lien de fait et de temps entre les différentes phases ; art. 36 al. 1 LAI
Dans le cadre de l’examen de la condition des trois années de cotisations lors de la survenance de l’invalidité (art. 36 al. 1 LAI), le TF rappelle que la survenance d’une atteinte à la santé totalement différente de celle qui prévalait au moment du refus de la première demande de prestations et propre, par sa nature et sa gravité, à causer une incapacité de travail de 40% au moins en moyenne sur une année a, compte tenu de l’absence de connexité matérielle avec la situation de fait prévalant au moment du refus de la première demande de prestations, pour effet de créer un nouveau cas d’assurance. Le principe de l’unicité de la survenance de l’invalidité cesse en effet d’être applicable lorsque l’invalidité subit des interruptions notables ou que l’évolution de l’état de santé ne permet plus d’admettre l’existence d’un lien de fait et de temps entre les diverses phases, qui en deviennent autant de cas nouveau de survenance de l’invalidité.
Le fait que l’incapacité de travail initiale due à une cause somatique a, à un moment donné, coexisté avec l’incapacité ultérieure d’origine psychique, ne suffit pas, en l’espèce, à retenir un unique délai de carence. Un nouveau cas d’assurance peut en effet survenir même si une première atteinte à la santé incapacitante est toujours présente, pour autant que la nouvelle atteinte à la santé apparaisse de manière totalement distincte, ce qui a été retenu dans le cas présent s’agissant des troubles d’origine psychique.
Auteure : Pauline Duboux, juriste à Lausanne
TF 8C_580/2015 - ATF 142 V 280 du 26 avril 2016
Assurance-accident ; coordination européenne ; critères de rattachement ; lex loci laboris ; activité substantielle ; droit transitoire ; ALCP, R CE n° 1408/71 ; R CE n°883/2004
Est litigieuse la question du droit applicable à un assuré français résidant en France, victime d’un accident en 2010 sur son lieu de travail en France, alors qu’il était occupé par une entreprise suisse, dont il est l’associé gérant.
Le TF rappelle que dans le cadre de l’ALCP, le Règlement CE n° 1408/71 a été remplacé par le Règlement CE n° 883/2004 avec effet au 1er avril 2012 (consid. 4). Il rappelle aussi le principe de l’unicité du droit applicable (selon lequel la législation d’un seul Etat membre s’applique pour l’ensemble des éventualités entrant dans le champ d’application matériel du Règlement) (consid. 7.2.3).
Pour la période antérieure au 1er avril 2012, le Règlement CE n° 1408/71 prévoyait le principe de la lex loci laboris, de sorte que le travailleur était assujetti au régime de sécurité sociale de l’Etat membre où il travaille. Lorsqu’il travaille dans plusieurs Etats membres, la législation de l’Etat membre où il réside était applicable s’il y exerçait une partie de son activité. En l’espèce, jusqu’au 31 mars 2012, l’assuré était incontestablement soumis à la législation française (consid. 5).
Depuis le 1er avril 2012, l’art. 11 § 3 let. a du Règlement CE n° 883/2004 reprend le principe de la loi du pays d’emploi. Lorsqu’une personne de nationalité suisse, ou ressortissant d’un Etat membre de l’UE, est occupé simultanément comme travailleur salarié sur le territoire de plusieurs Etats membres, il est soumis à la législation de l’Etat membre de résidence, pour autant qu’il y exerce une partie substantielle de son activité. Pour déterminer s’il y a une partie substantielle, il faut considérer les critères du temps de travail et/ou de la rémunération qui doivent être réunis à au moins 25%. A défaut d’une telle activité substantielle, c’est la législation de l’Etat membre dans lequel l’entreprise, ou l’employeur, a son siège ou son domicile qui s’applique (consid. 6.1).
Se posait, en l’espèce, la question du droit transitoire entre les deux Règlements. A cet égard, l’art. 87 du Règlement CE n° 883/2004 prévoit que l’ancien Règlement CE n° 1408/71 reste applicable tant que la situation reste inchangée, mais au maximum pour 10 ans, ceci à moins d’une demande de soumission au nouveau Règlement, à formuler dans les trois mois à compter de sa date d’application (consid. 6.2).
Par changement de situation, il faut entendre, qu’après l’entrée en vigueur du Règlement CE n° 883/2004, la situation factuelle pertinente pour déterminer la législation applicable, en vertu des règles antérieures du Règlement CE n° 1408/71, a changé, et que, du fait de ce changement, la personne concernée aurait été assujettie à la législation d’un Etat membre autre que celui déterminé en dernier lieu conformément au Règlement CE n° 1408/71. En règle générale, toute nouvelle activité ou changement de résidence constitue un tel changement de situation (consid. 7.2.1). Le TF ne tranche toutefois pas la question en l’espèce, tout en affirmant qu’il est douteux qu’un changement de législation applicable soit suffisant pour être considéré comme un changement de situation pertinent.
Par ailleurs, le TF considère que l’assuré n’a jamais demandé à être soumis, de manière générale et exclusive, à la législation suisse pour la période postérieure au 1er avril 2012, contrairement à l’avis de la juridiction cantonale, qui avait retenu que l’envoi d’une déclaration de sinistre, en avril 2013, constituait une demande suffisante. Le TF ne partage pas cet avis et indique que, vu ses conséquences, une telle demande ne peut qu’être formulée de manière explicite et non équivoque (consid. 7.2.3). Il rappelle également que le dies a quo du délai pour formuler une telle demande n’est pas le jour de l’accident, mais celui de l’entrée en vigueur du nouveau Règlement CE n° 883/2004.
En définitive, il en découle que l’ancien Règlement CE n° 1408/71, qui désigne en l’espèce le régime français, reste applicable au-delà du 1er avril 2012, et jusqu’au 31 mars 2022 (consid. 7.2.4 et 6.3).
Auteur : Thierry Sticher, avocat à Genève
TF 8C_638/2015 du 9 mai 2016
Assurance-accidents ; entreprise téméraire ; art. 39 LAA ; 50 OLAA
Le TF a considéré que la pratique de la « streetluge » (ou « luge de rue », à savoir un engin composé d’un châssis reposant sur des roulettes de type planche à roulettes) ne constitue pas une entreprise téméraire absolue. Il faut donc examiner si l’existence d’une entreprise téméraire relative doit être reconnue au regard des circonstances du cas concret.
Dans le cas particulier, l’assuré a emprunté un parcours d’une longueur de 2200 m, avec la présence d’épingles (quatre) et de chicanes (deux). S’agissant de la difficulté, le tracé était rendu difficile par son étroitesse et par la fatigue due à l’enchaînement des descentes. Sur le site Internet, les participants sont avertis que le « Bukolik » n’est pas un « Freeride » pour débutants, mais « un terrain de jeu parfait pour les riders expérimentés ». On doit donc conclure que le risque d’accident était élevé pour le recourant qui était non seulement un novice de la discipline, mais qui n’avait jusqu’alors jamais essayé une « streetluge » (la luge lui avait été prêtée par un ami). En conséquence, la réduction des prestations (50% des prestations en espèces) en raison de l’entreprise téméraire a été confirmée par le TF.
TF 9C_761/2015 du 3 mai 2016
Assurance-invalidité ; procédure ; formalisme excessif ; art. 61 let. b LPGA
Les allégués contenus dans le mémoire de recours adressé à l’autorité, en particulier les moyens de droit, doivent en principe satisfaire les exigences de motivation. L’acte de recours doit contenir un exposé succinct des faits et des motifs invoqués, ainsi que les conclusions (art. 61 let. b LPGA). Cette disposition - applicable d’office - découle du principe de l’interdiction du formalisme excessif et constitue l’expression du principe de la simplicité de la procédure qui gouverne le droit des assurances sociales. Le juge ne doit pas se montrer trop strict lorsqu’il s’agit d’apprécier la forme et le contenu de l’acte en question. Il suffit que la motivation du recours laisse apparaître les raisons pour lesquelles les faits constatés ou les dispositions appliquées par l’autorité inférieure sont contestés. En l’espèce, en déclarant le recours cantonal irrecevable pour défaut de motivation, le juge a appliqué les règles relatives au degré de motivation d’un recours civil de manière excessivement stricte. Il a dès lors compliqué de manière insoutenable la mise en oeuvre du droit constitutionnel à l’assistance judiciaire et - par voie de conséquence - versé dans le formalisme excessif.
Auteure : Amandine Torrent, avocate à Lausanne
TF 4A_451/2015 du 26 février 2016
Assurances privées ; assurance contre les dommages et assurance de personnes ; interprétation d’une clause d’un contrat d’assurance / CGA ; notion d’incapacité de gain ; calcul des prétentions ; prescription, dies a quo et application à la libération du paiement des primes ; art. 33, 46, 61, 48 à 72, 73 à 96 LCA ; 18 CO
Même dans le cas d’une assurance qui, comme l’assurance contre les accidents, a pour objet une personne physique, on est en présence d’une assurance de personnes uniquement lorsque les parties au contrat d’assurance n’ont subordonné la prestation de l’assureur, dont elles ont fixé le montant lors de la conclusion du contrat, qu’à la survenance de l’événement assuré, sans égard à ses conséquences pécuniaires. En revanche, l’assurance sera qualifiée d’assurance contre les dommages lorsque les parties au contrat ont fait de la perte patrimoniale effective une condition autonome du droit aux prestations (c. 2.1).
L’art. 18 al. 1 CO et, a fortiori, le principe de la théorie de la confiance, s’applique aux CGA qui ont été expressément incorporées au contrat. Il résulte de l’art. 33 LCA que le preneur d’assurance est couvert contre le risque tel qu’il pouvait le comprendre de bonne foi à la lecture du contrat et des CGA incorporées à celui-ci. Si l’assureur entend apporter des restrictions ou des exceptions, il lui incombe de l’exprimer clairement. La validité d’une clause contenue dans des CGA est de surcroît limitée par la règle de la clause insolite (c. 2.2).
Lorsque la prestation de l’assureur est subordonnée à l’existence d’une perte patrimoniale effective, on se trouve en présence d’une assurance contre les dommages (c. 2.3).
Le fait que le lésé perçoive des prestations de tiers, en particulier de la part d’assurances privées ou sociales, n’augmente pas le revenu acquis par son travail ou qu’il aurait été en mesure d’acquérir. Ces versements n’ont pas à être ajoutés au revenu effectif ou exigible lors de la détermination du taux d’incapacité de gain (c. 3.1.1 ; recours partiellement admis sur ce point).
La libération du paiement des primes est une obligation contractuelle de l’assureur lorsque l’assuré se trouve en incapacité de gain. Dans ce cas la restitution de primes payées à tort se prescrit par deux ans suivant les règles de l’art. 46 LCA (c. 5.1 ; recours partiellement admis sur ce point).
Auteur : Philippe Eigenheer, avocat à Genève et Vaud
TF 4A_558/2015 du 25 février 2016
Assurances privées ; preuve de la capacité de travail ; moyens de preuve ; expertise privée ; valeur probante ; art. 168 CPC ; 100 LCA
Une expertise privée commandée par une partie ne peut pas être considérée comme un moyen de preuve au sens de l’art. 168 CPC ; une telle expertise vaut déclaration de partie ; en tant que telle, une expertise privée peut éventuellement, accompagnée d’un autre moyen de preuve autorisé, servir à établir un indice de la preuve ; elle ne suffit pas, à elle seule, pour établir qu’un assuré est capable de travailler ou non ; la jurisprudence du Tribunal fédéral concernant la validité d’une expertise médicale rendue dans le cadre des assurances sociales ne saurait être valable dans les domaines soumis au Code de procédure civile (confirmation de jurisprudence) ; dans le cas d’espèces qui concernait des indemnités journalières fondées sur la LCA, comme le Tribunal cantonal s’était basé uniquement sur les expertises privées de l’assureur pour former son opinion et que le recourant n’avait également produit que le rapport de son médecin, la preuve de la capacité de travail n’était pas apportée ; le Tribunal fédéral a considéré que cette question devait être tranchée par une expertise judiciaire et a renvoyé la cause à l’autorité inférieure (c. 4).
Auteure : Rebecca Grand, avocate à Lausanne
TF 4A_592/2015 du 18 mars 2016
Assurances privées ; appréciation des preuves ; caractère insolite d’une disposition des CGA ; art. 8 CC ; 243a al. 2 let. f, 247 al. 2 let. a CPC ; 45 LCA
Examen de la capacité de travail d’une ouvrière dans le domaine de l’emballage présentant des troubles organiques (syndrome lumbo-spondylogène) et psychiques (troubles de l’adaptation avec réaction dépressive de longue durée). Le TF a confirmé le qu’il n’existait aucun motif de remettre en cause l’appréciation du médecin-conseil de l’assureur-maladie perte de gain intervenant selon les dispositions de la LCA et qui a considéré que la recourante présentait une pleine capacité de travail dans une activité adaptée à partir du mois de mars 2013. Partant, l’octroi d’une période transitoire de six mois pour permettre à l’assurée de se réorienter sur un plan professionnel était parfaitement justifié.
De même, il n’était pas arbitraire de retenir que la poursuite de l’incapacité de travail attestée par le psychiatre traitant de la recourante ne l’était que pour des motifs psycho-sociaux et non à caractère médical, de sorte qu’il n’existait pas de motif de remettre en cause l’appréciation médicale du SMR.
Le TF a également examiné la clause contenue dans les CGA de l’assureur prévoyant l’exclusion de tout droit à des prestations d’un assuré incapable de travailler qui se rendait à l’étranger durant ses vacances sous l’angle du caractère insolite. S’il est vrai que la plupart des CGA des assureurs-maladie perte de gain conditionnait le séjour des assurés à l’autorisation préalable de la part de l’assureur, une clause d’exclusion de toute prestation en cas de séjour à l’étranger ne revêt finalement aucun caractère insolite.
Auteur : David Métille, avocat à Lausanne
Brèves...
La veuve qui a été mariée quatre ans, deux mois et vingt-cinq jours avec son époux décédé et qui, en dehors du mariage, a vécu 20 ans en concubinage avec lui, n’a pas droit à une rente de veuve, faute de durée suffisante du mariage (TF 9C_413/2015).
Dans le domaine de l’assurance-militaire, l’obligation pour l’administration de payer des intérêts de retard selon l’art. 9 al. 2 LAM n'existe que lorsque celle-ci viole grossièrement ses devoirs (condition non réalisée en l’espèce. TF 8C_914/2015).
Lorsque l’instruction d’un dossier AI prend du temps en raison des dysfonctionnements du système SuisseMed@p, la voie à suivre est celle de la plainte hiérarchique à l’OFAS, et non le recours pour déni de justice (TF 9C_547/2015).
Lorsqu’une expertise privée a permis de révéler, dans le cadre de la procédure judiciaire, une insuffisance dans l’instruction du dossier et de justifier le renvoi de la cause à l’office AI pour complément d’instruction, les frais de l’expertise privée doivent être mis à charge de l’assurance-invalidité (TF 9C_671/2015).
Le rapport du SMR qui ne se fonde pas sur un examen clinique n’est pas un examen médical au sens de l’art. 49 al. 2 RAI, mais une simple recommandation qui ne peut avoir pour objet que d’indiquer quelle opinion médicale il convient de suivre ou, cas échéant, de proposer des investigations complémentaires (TF 9C_839/2015).
L’enfant qui, après avoir fêté son dix-huitième anniversaire, continue, comme il l’avait fait jusqu’ici, de passer ses semaines dans une institution en Suisse et ses week-end chez sa mère en France ne crée pas de domicile en Suisse et ne peut bénéficier d’une allocation pour impotent (TF 9C_768/2015).
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