NLRCAS juin 2017
Christoph Müller, Anne-Sylvie Dupont, Guy Longchamp et Alexandre Guyaz
TF 9C_776/2016 du 20 avril 2017
Assurance-maladie; polypragmasie, restitution, exclusion de la pratique à la charge de l’assurance obligatoire des soins; art. 56 et 59 LAMal
Une doctoresse avait été condamnée par le TF (9C_821/2012 du 12 avril 2013) à restituer à des assureurs-maladie les sommes de CHF 59’722.10 pour 2004, CHF 12’208.75 pour 2005, CHF 30’575 pour 2006 et CHF 27’978.10 pour 2007. Cette même praticienne contestait devant le Tribunal fédéral devoir rembourser pour les années 2010 (CHF 39’683.10), 2011 (CHF 1’256), 2012 (CHF 87’174) et 2013 (CHF 67’721). La Haute Cour a confirmé le bien-fondé de l’obligation de restituer les montants précités, dès lors que la polypragmasie était avérée et que la prestataire de soins n’avait absolument pas modifié ses pratiques depuis le premier jugement.
Par ailleurs, les juges fédéraux ont confirmé l’exclusion de la doctoresse à pouvoir pratiquer à la charge de l’assurance obligatoire des soins pour une durée de six mois. Cette exclusion temporaire n’apparaissait aucunement disproportionnée, au regard de sa pratique dispendieuse, aussi bien dans sa durée que dans son importance.
Auteur : Guy Longchamp
TF 5A_797/2016 - ATF 143 III 221 du 24 mars 2017
Assurance-maladie; polypragmasie, commandement de payer, mainlevée d’opposition; art. 56 LAMal; 67 et 80 LP
Un praticien a été condamné par le Tribunal arbitral des assurances sociales du canton de Berne à rembourser à plusieurs assureurs-maladie énumérés (1 à 11 et 14 à 25) un montant de CHF 136’836.50 pour polypragmasie, ainsi qu’à rembourser à tous les assureurs-maladie (1 à 25) la somme de CHF 2’000.- à titre d’avance de frais et CHF 22’384.50 à titre de dépens. Le 17 mai 2016, un commandement de payer les sommes de CHF 136’836.50, CHF 2’000.- et CHF 22’384.50, portant toutes intérêts à 5% l’an dès le 25 août 2015, a été notifié au praticien. Ce document indiquait, comme cause de l’obligation, le jugement du Tribunal arbitral des assurances sociales du canton de Berne du 14 juin 2015. Sous la rubrique « créancier », il était mentionné « DIVERS CREANCIERS, liste jointe gemäss Urteil 14. Juni 2015 » (poursuite n° x de l’Office des poursuites et faillites du district de Conthey).
Dans cet arrêt, le TF admet partiellement le recours, au motif que le juge de la mainlevée doit vérifier d’office notamment l’identité entre le poursuivant et le créancier. En l’espèce, les poursuivants ne correspondent pas exactement aux créanciers qui figurent dans le jugement du Tribunal arbitral : les caisses-maladie 12 et 13 avaient seulement sollicité l’exclusion du praticien et n’avaient pas demandé la restitution des montants obtenus à raison de traitements jugés non économiques. Dès lors qu’il n’est pas permis de joindre dans une même poursuite plusieurs créances appartenant individuellement à plusieurs créanciers, l’opposition formée par le praticien s’agissant du montant de CHF 136’836.50 plus intérêts à 5% l’an dès le 25 août 2015 a été maintenue.
Auteur : Guy Longchamp
TF 4A_658/2016 du 5 avril 2017
Responsabilité du détenteur automobile; causalité naturelle en cas d’atteinte au rachis cervical; vraisemblance prépondérante; état de santé préexistant; art. 58 al. 1 LCR; 8 CC; 2 al. 2 CC
La recourante a été victime d’un accident de la route en mai 2003. Alors qu’elle avait freiné pour laisser passer un piéton, sa voiture a été emboutie par la voiture suivante. La demande d’indemnisation de la recourante a été rejetée par les deux instances cantonales au motif que les atteintes à la santé qu’elle présentait encore cinq mois après l’accident n’étaient plus en lien de causalité naturelle avec celui-ci. Le TF a suivi l’opinion de la dernière instance cantonale et rejeté le recours, sous réserve de la question de l’indemnité due pour les honoraires d’avocat.
Lors de l’accident, la recourante était en incapacité de travail à 100% pour cause de maladie depuis trois mois suite à un faux mouvement ayant déclenché des fortes douleurs dorsales au niveau du rachis cervical, étant précisé qu’elle avait été victime d’un précédent accident cinq ans auparavant qui avait été à l’origine de douleurs similaires. La date de reprise de son activité d’infirmière n’avait pas encore été déterminée par ses médecins (c. 2.1).
La recourante n’a pas été suivie lorsqu’elle alléguait, à l’instar de son médecin traitant, que sans l’accident, elle aurait pu reprendre son travail dans les semaines suivantes (c. 4.1). Le tableau clinique avant et après l’accident était très similaire (c. 4.1 et 4.3). De plus, l’instance précédente n’a pas fait preuve d’arbitraire dans l’appréciation des preuves en retenant que l’expert avait conclu à un lien de causalité vraisemblable de plus de 50% entre les atteintes constatées et l’accident, ce qui suffisait sous l’angle de l’assurance-accidents, mais pas sous l’angle du critère de la vraisemblance prépondérante applicable en responsabilité civile (c. 4.4).
Le fait que l’assurance RC du véhicule incriminé ait payé des acomptes à hauteur de CHF 155'000.- jusqu’en 2010 n’a pas été jugé pertinent par le TF, dès lors que l’assurance n’a pas réclamé le remboursement de ces montants à la lésée (c. 2.7, 5.1). Les conditions de l’abus de droit n’étaient pas réalisées (c. 5.2).
Auteure : Emilie Conti, avocate à Genève
TF 6B_444/2016 du 3 avril 2017
Responsabilité du détenteur de véhicule automobile; faute; violation grave des règles de la circulation routière; limitations de vitesse; art. 90 al. 2 LCR; 4a al. 1 let. d OCR
Il faut procéder à une appréciation objective et subjective pour déterminer si une violation d’une règle de la circulation doit être qualifiée de grave au sens de l’art. 90 LCR.
Sur le plan objectif, la violation grave d’une règle de circulation au sens de l’art. 90 al. 2 LCR suppose que l’auteur ait mis sérieusement en danger la sécurité du trafic. Au niveau subjectif, l’état de fait de l’art. 90 al. 2 LCR exige, selon la jurisprudence, un comportement sans scrupules ou gravement contraire aux règles de la circulation, c’est-à-dire une faute grave et, en cas d’acte commis par négligence, à tout le moins une négligence grossière. Dans le domaine des excès de vitesse, la jurisprudence a été amenée à fixer des règles précises afin d’assurer l’égalité de traitement. Ainsi, le cas est objectivement grave au sens de l’art. 90 LCR, en cas de dépassement de la vitesse autorisée de 25 km/h ou plus à l’intérieur des localités, de 30 km/h ou plus hors des localités et sur les semi-autoroutes dont les chaussées, dans les deux directions, ne sont pas séparées et de 35 km/h ou plus sur les autoroutes (ATF 132 II 234 c. 3.1).
Les principes développés par la jurisprudence pour les routes situées en dehors des localités doivent, en règle générale, être appliqués lors d’excès de vitesse sur des portions d’autoroutes sur lesquelles la vitesse est limitée pour des raisons de sécurité.
Auteure : Catherine Schweingruber, titulaire du brevet d’avocat à Lausanne
TF 6B_1211/2016 du 26 avril 2017
Responsabilité du détenteur de véhicule automobile; faute; refus de priorité et sanction pénale; art. 26 al. 1, 58 al. 1 et 61 al. 1 LCR
Un motocycliste roulant sur une route principale se fait couper la route par le conducteur d’une voiture circulant sur la même artère mais en sens inverse et qui voulait obliquer à gauche pour se rendre dans une rue perpendiculaire. Il en a résulté d’importantes lésions pour le motocycliste au niveau de ses membres inférieurs.
Nonobstant le fait que le conducteur de la voiture ait refusé la priorité au motocycliste, le TF a confirmé le jugement de la dernière instance cantonale, soit l’absence de lésions corporelles par négligence et de sanction pénale (art. 125 al. 1 CP). En outre, les indemnisations civiles accordées par la première instance (CHF 4’500.- au total) ont été annulées. En effet, le motocycliste roulait de nuit sur un tronçon de cette route qui était assez mal éclairé avec un phare avant défectueux. Le fait qu’il portait un casque blanc; que le conducteur de la voiture aurait dû être attentif à la circulation venant en sens inverse avant de bifurquer ou que la moto produisait un bruit que le conducteur de la voiture aurait dû entendre sont des arguments du motocycliste que le Tribunal fédéral n’a pas retenus. En définitive, du fait que le motocycliste n’était difficilement reconnaissable dans le cas d’espèce, aucune violation de l’art. 26 al. 1 LCR de la part du conducteur de la voiture n’a été constatée (c. 3.3.1 et c. 3.3.2).
Auteur : Walter Huber, juriste à Puplinge
TF 6B_792/2016 du 18 avril 2017
Responsabilité civile; répartition des frais, indemnité et tort moral; art. 426 al. 2 et 430 al. 1 let. a CPP
Selon l’art. 426 al. 1 CPP, le prévenu supporte les frais de procédure s’il est condamné. Lorsque la procédure fait l’objet d’une ordonnance de classement ou que le prévenu est acquitté, toute ou partie des frais de procédure peuvent être mis à sa charge s’il a de manière illicite et fautive provoqué l’ouverture ou rendu plus difficile la conduite de celle-ci (art. 426 al. 2 CPP). Selon la jurisprudence du TF, la mise en charge des frais en cas de classement ou d’acquittement est contraire au principe de la présomption d’innocence s’il est reproché directement ou indirectement au prévenu d’avoir commis une infraction dans les considérants de la décision de classement. En pareil cas, la mise à charge des frais est assimilée à un soupçon d’infraction. En revanche, il est admissible de faire supporter les frais à un prévenu qui n’a pas été condamné pénalement si, sur un plan civil, on pourrait lui reprocher, dans un sens analogue à l’application des principes découlant de l’art. 41 CO, d’avoir transgressé une norme de comportement écrite ou non-écrite et qu’il en découle qu’il a clairement violé cette rège et, de manière illicite et fautive, provoqué l’ouverture de la procédure ou rendu plus difficile la conduite de celle-ci. En pareilles circonstances, la mise à sa charge des frais ne peut se fonder que sur des circonstances incontestables ou clairement établies. Il doit y avoir un lien de causalité adéquate entre le comportement civilement répréhensible et les frais de procédure et d’instruction. Le tribunal qui statue sur les faits doit déterminer dans quelle mesure le prévenu a clairement contrevenu à une norme de comportement de manière inadmissible sur le plan civil. Ces principes valent aussi pour déterminer si une indemnité ou une réparation pour tort moral doivent être diminuées ou refusées en application de l’art. 430 al. 1 let. a CPP. La question de l’indemnité est influencée par la décision sur les frais. En cas de mise des frais à la charge du prévenu, il n’y a en principe pas d’indemnité économique ni pour frais de défense ni pour tort moral.
En l’espèce, la motivation du ministère public relative à la répartition des frais dans sa décision de classement ne viole pas le principe de la présomption d’innocence. Le prévenu acquitté n’est prévenu ni directement ni indirectement d’avoir commis une infraction pénale. Il ne lui est pas reproché d’avoir commis d’infraction ni d’avoir évité la condamnation en raison de la prescription. La mise à sa charge des frais de procédure est justifiée par le fait que le prévenu acquitté a par son comportement répréhensible sur le plan civil provoqué l’ouverture de la procédure. En l’espèce, le médecin frappé d’une interdiction de pratiquer a eu après la sanction administrative un comportement contraire aux règles de la bonne foi et a géré ses affaires de manière trompeuse et déloyale pour ses concurrents et pour les patients potentiels en continuant à offrir des prestations médicales en adoptant un comportement contraire à l’art. 2 CC ainsi qu’à l’art. 2 LCD.
Le recours formé par le ministère public est bien fondé, la décision attaquée étant annulée et la cause renvoyée pour nouveau jugement à l’autorité de première instance. Cette dernière est invitée à corriger sa constatation erronée des faits puis à examiner une nouvelle fois l’obligation de supporter les coûts de la procédure par le prévenu acquitté ainsi que les prétentions de ce dernier à une indemnité et à la réparation pour tort moral. En particulier, les premiers juges devront examiner si dans la décision de classement, il est fait état d’un comportement civilement répréhensible et si le prévenu a de manière illicite et fautive provoqué l’ouverture de la procédure ou rendu plus difficile la conduite de celle-ci.
Auteur : Gilles de Reynier, avocat à Colombier
TF 6B_466/2016 du 23 mars 2017
Responsabilité aquilienne; homicide et lésions corporelles par négligence; causalité et rupture du lien de causalité, en particulier en relation avec des prédispositions allergiques; écoulement du temps; art. 12 al. 3, 117 et 125 CP
Le TF rappelle la jurisprudence en relation avec la notion de négligence, en particulier sous l’angle de la violation des règles de prudence, respectivement de l’imprévoyance coupable, au sens juridique du terme (c. 3.1). Dans ce contexte, il rappelle sa jurisprudence au sujet de l’examen de la question du lien de causalité adéquate (c. 3.1.).
L’activité consistant à détruire des nids de guêpes n’est pas règlementée. Les guêpes demeurent quoi qu’il en soit des insectes dont les piqûres peuvent être très dangereuses, voire mortelles. Détruire un nid de guêpes sans s’assurer que personne ne se trouvait sur les balcons aux alentours dudit nid, constitue une imprévoyance au sens juridique du terme (c. 3.2.).
Le fait de poursuivre la destruction – dont le premier essai n’a pas été concluant – d’un nid de guêpes, en sachant que ces dernières sont agressives et certainement nombreuses en utilisant un nouveau moyen d’action et en revêtant une combinaison d’apiculteur pour se protéger, respectivement en réalisant clairement les risques encourus par des voisins dont on n’a pas pris la précaution d’exclure la présence, constitue un risque inadmissible, qui relève de l’imprévoyance coupable au sens juridique du terme. En effet, dans telles circonstances, la prudence commande de suspendre l’intervention jusqu’à ce que les voisins aient été mis en sûreté ou de renoncer à l’intervention (c. 3.3.).
Un temps froid, gris et pluvieux ne rend par extraordinaire la présence de quelqu’un sur le balcon qui se situe à côté du lieu où une intervention de destruction d’un nid de guêpes est en cours. En effet, cette circonstance – au demeurant non prouvée en l’espèce – n’interrompt pas le lien de causalité adéquate, tant il existe de raisons pour l’occupant d’un appartement de se rendre sur son balcon, quel que soit le temps (par ex. prendre l’air, suspendre du linge, etc.) (c. 3.4.1).
Toujours sous l’angle de l’examen d’une rupture éventuelle du lien de causalité adéquate, le nombre de guêpes n’accroît pas le danger de façon à rendre le résultat imprévisible quelques piqûres causées par un petit nombre d’insectes pouvant déjà provoquer le décès ou des lésions corporelles (c.3.4.2.).
Il en va de même d’un état de santé déficient ou d’une prédisposition allergique chez la victime. En effet, cela ne constitue pas une circonstance propre à rompre le lien de causalité, la culpabilité de l’auteur devant être reconnue, dès lors que son comportement a joué un rôle causal, même partiel, dans le décès de la victime (c.3.4.3.).
Lorsque l’on ne peut reprocher à l’épouse de la victime d’avoir tardé à appeler les secours, sachant qu’aucun élément de la procédure ne permettait d’établir à quelle heure la victime a été piquée et a perdu connaissance, la question du laps de temps à considérer en relation avec l’appel aux services de secours ne revêt pas une importance telle qu’elle doive conduire à admettre une rupture du lien de causalité (c.3.4.4.).
Auteur : Philippe Eigenheer, avocat à Genève et Rolle (VD)
TF 6B_1163/2016 du 21 avril 2017
Responsabilité aquilienne; faute, normes techniques; art. 41 CO; 222 al. 1 CP
Dans cette affaire, où un ouvrier a déclenché un incendie en effectuant des travaux de soudure sur le toit à seulement 50 cm de matières qui se sont avérées inflammables, le TF, après avoir écarté le grief d’absence d’interprète lors de l’audition par la police, a retenu qu’étaient décisives en premier lieu les normes ou directives spécifiques en la matière (in casu VKF ou AEAI). Même si un cas de figure précis n’est pas forcément expressément réglé par une disposition, ces directives, parfois formulées de manière générale, gardent toute leur importance pour juger quel comportement est négligent ou non.
En l’espèce, l’ouvrier aurait dû protéger les matières inflammables ou se tenir plus éloigné de celles-ci avec son chalumeau.
Auteur : Didier Elsig, avocat à Lausanne
TF 2C_58/2016 du 27 mars 2017
Responsabilité de l’Etat; responsabilité de l’université; acte illicite; art. 5 al. 1 et 3 LResp/NE
Le recourant invoque une application arbitraire de l’art. 5 al. 1 et 3 LResp/NE par le tribunal cantonal. En effet, le litige porte sur le point de savoir si le prénommé pouvait prétendre à un montant Fr. 132’400.- de la part de l’Université en raison du retard pris dans ses études, notamment dans la soutenance de son mémoire de master, et du fait qu’il n’a pas pu donner suite à une offre d’emploi en juin 2008. Il prétend également avoir été victime de mobbing. Il soutient que l’Université, en ne suivant pas sa réglementation et en rendant des décisions arbitraires, a commis des actes illicites. Dans le cadre de la procédure avec l’instance inférieure, le tribunal cantonal a limité son examen à la question de l’illicéité. Il a ainsi d’abord rappelé que dans le cas d’un dommage patrimonial tel que celui avancé par le recourant, l’illicéité suppose que l’auteur ait violé une norme de comportement ayant pour but de protéger le bien juridique en cause. Sur cette base, il a constaté que le programme d’études prévoit une durée maximale de trois semestres et que si ce programme avait été respecté, le recourant aurait pu achever ses études en janvier 2008. Toutefois, c’est sans arbitraire qu’il a ensuite jugé que les dispositions du règlement d’études et du contrat pédagogique (dont la clause principale se limite à constater l’engagement du recourant à satisfaire aux exigences du plan d’études) ne constituent pas des normes de comportement adressées au corps professoral dans le but de protéger l’intérêt patrimonial des étudiants. Contrairement à ce qu’il semble penser, il ne pouvait prétendre d’emblée à la remise du Master, ce titre n’étant pas équivalant à un certificat d’études supérieures, mais à une licence. L’invocation des Directives du Conseil des Rectorats du Triangle AZUR sur les attestations d’équivalence entre les diplômes/licences et les diplômes de master ne lui est d’aucune utilité en l’espèce. Au vu de ce qui précède, le TF reconnaît que c’est de manière pleinement soutenable que l’autorité cantonale a retenu qu’aucun acte illicite ne pouvait être retenu à l’encontre de l’Université, malgré le comportement fortement inadéquat de certains membres de cette institution, et a renoncé à examiner les autres conditions d’application de l’art. 5 LResp/NE. Auteur : Bruno Cesselli, expert à Bulle |
TF 8C_747/2016 - ATF 143 V 124 du 21 mars 2017
Assurance-invalidité; appréciation d’une expertise pluridisciplinaire; art. 43 al. 1 LPGA
Le but d’une expertise pluridisciplinaire est d’appréhender et de comprendre toutes les limitations à la santé de l’assuré et d’en tirer une conclusion générale quant à la capacité de travail. L’appréciation finale globale de l’état de santé et de la capacité de travail est particulièrement importante, lorsqu’elle découle d’une discussion consensuelle entre les différents experts impliqués. Une conclusion fondée sur une telle discussion est idéale mais non obligatoire. On ne saurait en effet nier toute force probante à une expertise pluridisciplinaire au seul motif qu’il n’y a pas eu une discussion générale pour la clôturer. La force probante d’une expertise pluridisciplinaire n’est pas non plus automatiquement déniée du fait qu’une expertise partielle qui la compose est défectueuse. A l’inverse, lorsque la conclusion finale, qui ne repose pas sur une discussion consensuelle entre les experts, n’est pas concluante et ne repose pas sur les différentes expertises partielles, l’expertise dans son ensemble peut revêtir une force probante.
En l’espèce, les juges cantonaux ont, à juste titre, retenu l’expertise pluridisciplinaire comme probante dans le cas d’un assuré souffrant de douleurs au dos, quand bien même la conclusion finale, élaborée par deux médecins spécialisés en rhumatologie, posait un diagnostic de troubles somatoformes douloureux avec incapacité de travail, en contradiction avec l’expertise psychiatrique qui niait toute valeur de maladie aux troubles de l’assuré. Quoi qu’en disent les experts ayant conclu l’expertise, le diagnostic de troubles somatoformes douloureux est de la seule compétence d’un médecin psychiatre. Le fait que l’un des rhumatologues était au bénéfice d’une spécialisation en médecine psychosomatique ne saurait suffire. Les expertises partielles étant toutes probantes, l’office AI a refusé à juste titre la rente AI.
Auteure : Pauline Duboux, titulaire du brevet d’avocat à Lausanne
TF 9C_753/2016 du 3 avril 2017
Assurance-invalidité; contribution d’assistance; renseignements et conseils; art. 42quater LAI; 39b RAI; 27 LPGA
La contribution d’assistance, au sens de l’art. 42quater LAI, constitue une prestation en complément de l’allocation pour impotent et de l’aide prodiguée par les proches.
En vertu de cette disposition, l’assuré majeur, vivant chez lui et percevant une allocation pour impotent, a droit à la contribution d’assistance. Toutefois, la compétence de régler les conditions auxquelles les personnes dont la capacité d’exercer les droits civils est restreinte n’ont droit à aucune contribution d’assistance a été déléguée au Conseil fédéral (art. 42quater al. 2 LAI), qui a adopté l’art. 39b RAI.
Selon la lettre de l’art. 39b let. d RAI, l’assuré majeur doit « avoir bénéficié » d’une contribution d’assistance en tant que mineur. Le TF estime que cette disposition doit être comprise en ce sens que l’assurance-invalidité est tenue d’accorder à l’assuré majeur concerné la contribution d’assistance lorsqu’il en avait déjà effectivement profité avant ses dix-huit ans.
Le devoir de conseils de l’assureur social au sens de l’art. 27 al. 2 LPGA comprend l’obligation d’attirer l’attention de la personne intéressée sur le fait que son comportement pourrait mettre en péril la réalisation de l’une des conditions du droit aux prestations. Le devoir de conseils s’étend non seulement aux circonstances de fait déterminantes, mais également aux circonstances de nature juridique.
Le défaut de renseignement dans une situation où une obligation de renseigner est prévue par la loi, ou lorsque les circonstances concrètes du cas particulier auraient commandé une information de l’assureur, est assimilé à une déclaration erronée qui peut, sous certaines conditions, obliger l’assurance-invalidité à consentir à un administré un avantage auquel il n’aurait pu prétendre.
Dans le cas d’espèce, le TF a jugé que l’assuré n’aurait pas dû avoir droit à une contribution d’assistance pour adulte. Il a toutefois estimé que l’office AI avait fautivement omis de rendre l’assuré attentif au risque de mettre en péril la réalisation de l’une des conditions du droit aux prestations. Par conséquent, en vertu du principe de la bonne foi, l’assuré a tout de même pu bénéficier d’une contribution d’assistance pour adulte.
Auteur : Charles Poupon, avocat à Delémont
TF 9C_297/2016 - ATF 143 V 77 du 7 avril 2017
Assurance-invalidité; modification du statut, actif à temps complet ou à temps partiel, maternité; art. 17 al. 1 LPGA; 88a RAI; 28 al. 2 LAI
Dans le cas d’espèce, l’office AI, lors de la procédure de révision, se fondant sur les dispositions finales de la modification du 18 mars 2011 de la LAI, est parti du principe que la recourante, parce qu’elle est devenue maman de jumeaux en juin 2009, ne devait plus être qualifiée dans son domaine de compétences d’active à plein temps mais à temps partiel. Par voie de conséquence l’office AI a effectué une nouvelle évaluation de l’invalidité à l’aide d’une comparaison de revenus selon la méthode mixte, laquelle a pris en compte un état de santé amélioré ne donnant plus droit à une rente. Partant, l’office AI a décidé de supprimer avec effet au 31 décembre 2014, la rente entière auparavant perçue par la recourante. (c. 3.1).
Le TF examine si la confirmation par l’instance précédente de la suppression de la rente est compatible avec la mise en œuvre de l’arrêt de la CourEDH Di Trizio c/ CH du 02.02.2016, qui est devenu définitif depuis le 4 juillet 2016. (3.2). Dans sa transposition de l’arrêt de la CourEDH, le TF a décidé que dans les cas où seuls des motifs familiaux (naissance d’un enfant et partant diminution de l’activité professionnelle) entrent en cause pour la modification du statut d’actif à temps complet à actif à temps partiel dans le domaine de compétences, il est renoncé à la suppression ou la diminution de la rente invalidité au sens de l’art. 17 al. 1 LPGA. (c. 3.2.2).
Le cas d’espèce se distingue du cas Di Trizio dans la mesure où l’Office AI ne s’est pas seulement appuyé sur le changement de statut de la recourante pour la vérification de la rente mais a introduit à cette occasion la procédure pour d’autres motifs – la vérification selon les dispositions finales de la révision 6a de la LAI. En conformité avec la CEDH, l’évaluation de l’invalidité ne justifie cependant pas de traitement différent. Le statut donné jusqu’à présent pour l’évaluation de l’invalidité à la personne assurée doit être maintenu, le changement de statut familial ne doit pas être pris en considération (c. 3.2.3).
Il en résulte que la recourante doit pour l’instant être qualifiée d’active à plein temps – compte tenu des circonstances, maternité depuis juillet 2009, ceci également dans le cadre de la procédure de vérification des rentes, que l’Office AI a entamé à la mi-octobre 2012 pour d’autres motifs que la modification du statut.
Pour évaluer la question de savoir si l’état de santé de l’assurée s’est modifié dans une mesure à influencer ses droits, il faut comparer la situation au moment de la décision du 19 juillet 2000 – laquelle est fondée sur un examen matériel du droit à la rente en conformité avec l’instruction des faits, l’appréciation des preuves et l’évaluation de l’invalidité – avec celle rendue le 17 novembre 2014 (art. 88a RAI) (c. 4.1).
Le TF arrive à la conclusion suivante : dans le cadre de la comparaison des revenus, autant les valeurs statistiques que la déduction de 10% due à l’attente à la santé sur le revenu invalide accordé peuvent être prises. Une correction n’est exigée que dans la mesure où elle émane non pas d’une capacité de travail de 32,5% (de laquelle s’ensuit un revenu invalide de CHF 15'293.-) mais d’une capacité de travail de 50%, ce qui conduit à un revenu d’invalide de CHF 23'528.-. Ce revenu d’invalide mis en regard avec le revenu de valide incontesté de CHF 47'381.-, il en résulte un degré d’invalidité arrondi de 50%, ce qui ouvre le droit à une demi-rente (art. 28 al. 2 LAI). Dans le cadre de la révision des rentes, cela ne conduit dès lors pas à la suppression mais à la diminution de la rente entière actuelle à une demi rente, à laquelle a droit l’assurée par conséquent depuis le 1er janvier 2015 (c. 4.4). Le recours est partiellement admis.
Auteur : Charles Guerry, avocat à Fribourg
TF 8C_814/2016 - ATF 143 V 66 du 3 avril 2017
Assurance-invalidité; procédure (compétence à raison du lieu, principe de la bonne foi); évaluation de l’invalidité (SPECDO, troubles dépressifs); art. 5 al. 3 Cst.; 40 al. 3 RAI; 7 LPGA
Le TF rappelle qu’un office AI compétent à raison du lieu au moment de la demande de prestations le reste jusqu’à la fin de la procédure, nonobstant le changement de domicile de la personne assurée. Il laisse ici ouverte la question de savoir si une procédure prend fin avec un jugement cantonal renvoyant l’affaire à l’office AI pour complément d’instruction, ou seulement avec la nouvelle décision à intervenir. En effet, en l’espèce, il retient que l’assurée, représentée par une avocate devant le tribunal cantonal des assurances, se devait de faire connaître son changement de domicile au moment où elle s’est aperçue que l’office qui avait enregistré sa demande pourrait ne plus être compétent. En tardant à communiquer cette information, qu’elle n’a en l’occurrence transmise pour la première fois que dans la procédure de recours contre la nouvelle décision rendue par l’office AI, l’assurée a violé le principe de la bonne foi, de sorte que le grief n’est de toute manière pas admissible. Le TF rappelle pour le surplus qu’une décision rendue par une autorité incompétente n’est pas nulle, mais annulable (c. 4).
Sur le plan matériel, le TF nie la présence d’une atteinte à la santé invalidante. En effet, le trouble somatoforme douloureux présenté par l’assurée ne peut être considéré comme tel, faute pour les indicateurs de l’ATF 141 V 281 d’être remplis. En particulier, il ne peut être question d’un épuisement des thérapies à disposition, l’assurée n’ayant pratiquement pas consulté de médecins et ne s’étant pas conformée aux prescriptions médicamenteuses. Par ailleurs, malgré une capacité de travail partielle attestée au cours des dernières années, l’assurée n’a jamais fait la moindre tentative pour reprendre un emploi. Finalement, la dépression de degré moyen présentée par cette dernière n’est pas une comorbidité au sens de l’ATF 141 V 281 c. 4.3.1.3, et l’assurée ne peut établir d’entrave suffisante dans les activités de la vie quotidienne.
Auteure : Anne-Sylvie Dupont
TF 8C_5/2017 du 11 mai 2017
Assurance-invalidité; caractère invalidant des troubles dépressifs légers et moyens; art. 7 LPGA
Le TF rappelle sa jurisprudence selon laquelle les troubles dépressifs de gravité légère à moyenne ne sont considérés comme invalidant que s’ils résistent à un traitement médical entrepris lege artis. En cas de trouble de gravité moyenne, l’examen de son caractère invalidant doit faire l’objet d’un examen minutieux. On ne peut pas sans autres partir du présupposé que ces troubles sont à même d’entraîner une incapacité de gain durable. Au contraire, il faut que les options thérapeutiques aient été épuisées, de telle sorte que l’on puisse parler de résistance au traitement (c. 5.2).
Lorsqu’il ressort de l’instruction (in casu une expertise) que l’état de santé de l’assuré pourrait s’améliorer moyennant un traitement médical adéquat, traitement auquel ce dernier ne s’est pas spontanément soumis jusqu’ici, l’assureur social n’a pas à lui impartir un délai pour entreprendre le traitement en lui indiquant les conséquences d’un refus. En effet, il ne s’agit pas ici d’une violation de l’obligation de collaborer, mais de l’examen des conditions matérielles du droit à la rente, analyse dans laquelle le comportement de la personne assurée ne joue aucun rôle (c. 5.3).
Auteure : Anne-Sylvie Dupont
TF 9C_661/2016 du 19 avril 2017
Assurance-invalidité; moyens auxiliaires; obligation de diminuer le dommage; liberté d’établissement; pesée des intérêts; art. 8 et 21 LAI; 2 OMAI
Une assurée paraplégique sollicite la prise en charge de moyens auxiliaires consistant dans la modification de la cuisine de son nouveau logement à raison de CHF 6'480.-. Dans le cadre de l’octroi de moyens auxiliaires, il incombe à l’administration de procéder à une pesée des intérêts entre l’intérêt général à une gestion économique et rationnelle de l’assurance et le droit de chacun au respect de ses droits fondamentaux. La question de savoir quel est l’intérêt qui doit l’emporter dans un cas particulier ne peut être tranché une fois pour toute. Plus la mise à contribution de l’assureur est importante, plus les exigences posées à l’obligation de réduire le dommage devront être sévères. L’obligation de diminuer le dommage s’applique, mais le point de savoir si une mesure peut être exigée d’un assuré pour atténuer les conséquences de son invalidité doit être examiné au regard de l’ensemble des circonstances objectives et subjectives du cas concret. On doit pouvoir exiger de celui qui requiert des prestations qu’il prenne toutes les mesures qu’une personne raisonnable prendrait dans la même situation, si elle devait s’attendre à ne recevoir aucune prestation d’assurance (c. 2.3).
Dans le cas d’espèce, le TF considère que l’assurée anticipe par son déménagement les conséquences d’une future aggravation de ses problèmes de santé susceptibles de rendre son ancien appartement inadapté. Malgré cela, la question doit être tranchée par une pesée des intérêts entre la gestion économique de l’assurance et la liberté d’établissement de l’assurée. Le TF accorde la mesure sollicitée en considérant notamment que l’assurée n’est pas coutumière de fréquents changements de domicile et que les dernières adaptations de son ancien appartement financées par l’assurance avaient eu lieu en 1996, puis en 2005. Le coût de l’intervention initialement sollicitée s’élevait à Fr. 7'310.-, de sorte qu’il s’agit d’une prestation unique qui n’apparaît ni trop coûteuse, ni déraisonnable. Le motif du changement de domicile, même s’il a trait à une adaptation future des circonstances n’apparaît pas excessif ou abusif. De la sorte, l’assurée ne met pas l’assurance sociale à contribution dans une mesure disproportionnée en requérant des prestations qui lui permettent d’exercer son droit à la liberté de choisir le lieu de son domicile, qui doit ainsi primer en l’espèce (c. 4.2).
Auteur : Thierry Sticher, avocat à Genève
TF 9C_598/2016 du 11 avril 2017
Assurance-vieillesse et survivants; moyens auxiliaires, droit acquis; art. 43quater et 66ter LAVS; 2 et 4 OMAV; ch. 5.07.2 annexe OMAI
Un assuré AI a atteint l’âge AVS. Il bénéficiait d’appareils auditifs pour un montant supérieur à celui prévu par l’annexe de l’OMAI. Le TF estime qu’il a droit à ces prestations également après avoir atteint l’âge AVS, car il bénéficie d’un droit acquis fondé sur l’art. 4 OMAV. Cela correspond également au ch. 1003 CMAV.
Certes, l’annexe à l’OMAI a été modifiée. Il n’en reste pas moins que son droit reste fondé sur le ch. 5.07.2 du texte actuel de cette annexe, qui prévoit la possibilité d’octroyer des forfaits supérieurs pour un appareillage monaural ou binaural. En effet, ce nouveau chiffre n’apporte pas de changement au moyen auxiliaire « appareil auditif », également en ce qui concerne les cas de rigueur (c. 2.3). Le TF se réfère également à sa jurisprudence développée dans l’arrêt 9C_474/2012.
Auteur : Benoît Sansonnens, avocat à Fribourg
TF 9C_307/2016 - ATF 143 V 81 du 29 mars 2017
Prestations complémentaires; nationalité; lien transfrontalier; mariage; art. 4, 5 et 32 LPC; 1 al. 2 Annexe II ALCP; 2 al. 1 R n° 883/2004
Une femme de nationalité dominicaine, mariée à un suisse avec la nationalité italienne, s’est vu refuser le droit aux prestations complémentaires de l’AI. Le TF a confirmé le refus, les conditions cumulatives prévues par l’ALCP annexe II et le R n° 883/2004 (nationalité ou statut familial et élément transfrontalier) n’étant pas réalisées.
La condition de la nationalité n’était pas remplie, l’ALCP et le R n° 883/2004 ne s’appliquant pas aux citoyens d’un Etat tiers. Par contre, la recourante peut invoquer son statut familial en tant que femme d’un citoyen d’un Etat membre (Italie). Le droit aux PC, n’étant pas lié à la qualité de travailleur, lui donne le droit de bénéficier des PC si le lien transfrontalier est réalisé.
Le mari de la recourante a toujours travaillé en Suisse. Le seul fait qu’il est de nationalité italienne n’est pas suffisant pour invoquer l’application de l’ALCP. En effet il n’a jamais exercé son droit à la libre circulation et donc aucun droit aux PC en faveur de la recourante peut être déduit de la ALCP.
Auteure : Tiziana Zamperini, titulaire du brevet d’avocat à Lugano
TF 8C_214/2017 du 10 avril 2017
Assurance-chômage; prétention en restitution; subrogation de la caisse de chômage; art. 29 al. 1 et 2 LACI
La caisse de chômage a demandé à un assuré la restitution d’un montant de CHF 10'599.35 d’indemnités versées, car celui-ci a obtenu le paiement de l’entier de son salaire suite à une procédure contre son ancien employeur.
Aux termes de l’art. 29 al. 1 LACI, si la caisse a de sérieux doutes que l’assuré ait droit, pour la durée de la perte de travail, au versement par son ancien employeur d’un salaire ou d’une indemnité au sens de l’art. 11 al. 3 LACI, ou que ces prétentions soient satisfaites, elle verse l’indemnité de chômage. L’alinéa 2 précise qu’en opérant le versement, la caisse se subroge à l’assuré dans tous ses droits, y compris le privilège légal, jusqu’à concurrence de l’indemnité journalière versée par la caisse.
Dans cet arrêt, le TF rappelle que la subrogation au sens de l’art. 29 al. 2 LACI ne confère pas à la caisse de chômage une prétention en restitution contre l’assuré mais contre l’ancien employeur (ATF 137 V 362). Les prestations de la caisse de chômage allouées en conformité avec l’art. 29 al. 1 LACI n’ont pas été indûment perçues et ne peuvent donc pas être réclamées en vertu des art. 95 al. 1 LACI et 25 al. 1 LPGA. La réglementation particulière de la restitution de l’indemnité en cas d’insolvabilité prévue à l’art. 55 al. 2 LACI ne peut pas être appliquée par analogie à la réclamation de l’indemnité de chômage allouée selon l’art. 29 al. 1 LACI (c. 3.2).
Manifestement infondé, le recours de la caisse de chômage est rejeté par le TF.
Auteur : Alexandre Lehmann, avocat à Lausanne
TF 8C_542/2016 du 18 avril 2017
Assurance-chômage; détermination du gain assuré en cas de variation de l’horaire de travail, période de référence; art. 23 al. 1 LACI; 37 al. 3bis OACI
En cas de chômage, la période de référence pour le calcul du gain assuré est réglée à l’art. 37 OACI. En cas d’importante variation du nombre d’heures de travail entre les saisons d’été et d’hiver, il faut appliquer l’article 37 al. 3bis OACI. Cela peut avoir pour conséquence de réduire le salaire effectivement perçu durant la période déterminante jusqu’à concurrence de la moyenne annuelle de l’horaire de travail convenu contractuellement. En d’autres termes, si le salaire moyen effectivement perçu durant la période en cause est supérieur au salaire mensuel calculé en fonction de la moyenne de l’horaire de travail convenu contractuellement, il doit être ramené à ce dernier montant.
Auteure : Marlyse Cordonier, avocate à Genève
TF 9C_795/2016 du 12 avril 2017
Congé de maternité; travail dans l’entreprise du mari; art. 16b LAPG; 10 et 12 LPGA
L’assurée qui déclare travailler en tant que salariée dans l’entreprise de son mari et qui est titulaire d’un compte commun avec ce dernier doit apporter des indices suffisants permettant de conclure, avec un degré de vraisemblance prépondérante, qu’elle a reçu un salaire en espèce individualisable durant au moins cinq mois.
Auteur : Eric Maugué, avocat à Genève
TF 4A_367/2016 du 20 mars 2017
Assurance privée; assurance perte de gain; fardeau de la preuve de la perte de gain; contrat pour le compte d’autrui; assurance de dommages; art. 16 al. 1, 48 à 72 LCA; 8 CC
Une assurance perte de gain est qualifiée d’assurance de personne, conçue comme une assurance de somme, uniquement lorsque les parties au contrat d’assurance n’ont subordonné la prestation de l’assureur, dont elles ont fixé le montant lors de la conclusion du contrat, qu’à la survenance de l’événement assuré, sans égard à ses conséquences pécuniaires. L’assurance sera par contre qualifiée d’assurance contre les dommages lorsque les parties au contrat font de la perte patrimoniale effective une condition autonome du droit aux prestations.
Dans son sens courant, l’incapacité de gain consiste en la diminution concrète de la possibilité d’acquérir un revenu, soit une perte économique. Dans le cas d’espèce, les conditions générales de la police d’assurance perte de gain dont le recourant était bénéficiaire en vertu d’un contrat conclu par son employeur, donnaient droit à une rente annuelle de CHF 75'000.- en cas d’incapacité de gain. L’incapacité de gain y était définie comme « une perte de gain ou un autre préjudice pécuniaire équivalent » en relation avec l’incapacité d’exercer une activité professionnelle appropriée pour cause de maladie ou d’accident. La prestation de l’assureur était dès lors subordonnée à l’existence d’une perte patrimoniale effective. Ainsi, l’assurance litigieuse était bien une assurance contre les dommages, soumise au principe indemnitaire.
En conséquence, l’assuré était tenu de justifier sa prétention à la rente annuelle de CHF 75'000.- en apportant la preuve du degré de son incapacité de gain, pertinent pour fixer le montant de la rente, et en établissant une comparaison entre le revenu qu’il aurait pu réaliser sans l’accident et le gain acquis malgré l’accident.
Dès lors, soit l’assuré devait démontrer qu’en raison de l’incapacité de travail constatée médicalement, il ne réalisait plus aucun revenu et n’était plus en mesure d’en acquérir. Soit ce dernier établissait un revenu inférieur à celui qu’il aurait pu réaliser sans l’incapacité de travail. Le montant de la rente éventuelle aurait alors été adapté au degré d’incapacité de gain, correspondant à la différence, exprimée en pour-cent, entre le revenu que l’assuré aurait vraisemblablement pu acquérir et le revenu qu’il a effectivement acquis.
Or, le recourant n’a, selon le TF, pas apporté la preuve suffisante de son droit aux prestations d’assurances, respectivement à la rente annuelle pour perte de gain alors qu’il avait la charge de la preuve. Il ne pouvait en, effet, pas se dispenser d’établir l’ampleur de sa perte de gain et, partant, son taux d’incapacité de gain.
Auteure : Corinne Monnard Séchaud, avocate à Lausanne
TF 4A_702/2016 du 23 mai 2017
Assurance privée; procédure; établissement des faits; charge de la preuve; art. 247 al. 2 lit. a CPC; 8 CC
La demanderesse et recourante concluait à ce que son assurance de perte de gain soit condamnée à lui verser les indemnités dues à concurrence de la durée maximale des prestations. L’assurance avait cessé ses prestations sur la base d’une expertise privée selon laquelle la demanderesse disposait d’une capacité de travail de 100 % alors que cette dernière invoquait une expertise privée confirmant qu’elle était totalement incapable de travailler pendant la période considérée. L’autorité précédente avait retenu que les deux expertises privées n’étaient, en tant que telles, pas des moyens de preuve et qu’il incombait à la demanderesse de fournir la preuve de son incapacité de travail selon l’art. 8 CC.
Devant le TF, la recourante invoque une violation de la maxime inquisitoriale sociale consacrée à l’art. 247 al. 2 let. a CPC. Elle soutient qu’elle avait demandé la production du dossier AI devant l’autorité précédente, dossier dans lequel figurait une expertise (officielle). Or, l’autorité aurait dû étudier cette expertise AI et l’inviter à lui fournir les documents pertinents émanant de son dossier AI.
Le TF considère que le tribunal n'est soumis qu'à une obligation d'interpellation accrue. Or, comme sous l'empire de la maxime des débats, les parties doivent recueillir elles-mêmes les éléments du procès, le juge ne leur vient en aide que par des questions adéquates afin que les allégations nécessaires et les moyens de preuve correspondants soient précisément énumérés. Il ne se livre en revanche à aucune investigation de sa propre initiative. Toutefois, lorsque les parties sont représentées par un avocat, le tribunal peut et doit faire preuve de retenue, comme dans un procès soumis à la procédure ordinaire (cf. à ce sujet déjà ATF 141 III 569, c. 2.3.1 ss). En l’espèce, l’expertise AI retenait que la recourante ne pouvait plus ou que dans une moindre mesure exercer l’activité exercée jusqu’ici. Cette estimation n’était pas motivée dans l’expertise, étant donné que l’office AI ne devait déterminer que le taux de son invalidité (en l’espèce de 16 % seulement) et non pas son incapacité de travail. Le TF considère que la recourante aurait dû motiver pourquoi elle ne pouvait plus ou que dans une moindre mesure exercer l’activité exercée jusqu’ici, ceci d’autant plus que selon les conditions générales d’assurance, l’assureur n’était tenu à prestations qu’à partir d’une incapacité de travail de 25%. Selon le TF, on aurait même pu se poser la question de savoir s’il ne s’agissait pas d’une incapacité de longue durée selon les conditions générales d’assurance (7 mois jusqu’à l’arrêt des prestations) auquel cas la recourante aurait dû, de surcroît, apporter la preuve qu’il ne s’agissait non seulement d’une incapacité de travail, mais d’une incapacité de travailler dans toute autre activité raisonnablement exigible. Au vu du taux d’invalidité de 16%, l’expertise AI n’aurait donc, dans cette hypothèse, livré aucun indice qui permettait à déduire que son taux d’incapacité de travail était supérieur à 25%. En conclusion, il n’y avait pas de raison pour le tribunal d’interpeller la recourante quant à son dossier AI, ce d’autant qu’elle bénéficiait de l’assistance judicaire et était donc représentée par un avocat.
Auteur : Alexis Overney, avocat, Fribourg
TF 4A_571/2016 c. 4.2 du 23 mars 2017
Assurance privée; assurance perte de gain LCA; réalité et taux de l’incapacité de travail; arbitraire; art. 95 et 106 LTF
L’assuré-recourant peut-il soutenir que le tribunal cantonal a, au regard de l’arrêt 4A_526/2014 du 17 décembre 2014, fait preuve d’arbitraire en ne donnant pas, pour ce que le rapport de son médecin-traitant dit de son incapacité de travail, une force à ce rapport, plus forte que celle sur la même question, à donner aux rapports des autres médecins ?
À cette question, le Tribunal fédéral répond que le recourant attribue, à l’arrêt 4A_526/2014 du 17 décembre 2014, une portée que cet arrêt n’a pas, le Tribunal fédéral ayant simplement, dans cet arrêt, dit que le tribunal cantonal n’avait pas, dans les circonstances du cas d’espèce, fait preuve d’arbitraire en retenant, pour ce qui est de l’incapacité de travail de l’assuré, ce qu’en disait le médecin-traitant dans ses différents rapports, et non pas ce qu’en disaient d’autres médecins.
Le TF admet par ailleurs que le tribunal cantonal ne pouvait pas, pour une affaire qui est de droit civil et non d’assurances sociales, se référer à l’ATF 125 V 351, du moins pas pour ce que cet ATF dit de la valeur probante à reconnaître, dans le champ des assurances sociales, à une expertise de partie ; le TF rappelle toutefois que la phrase de l’ATF 125 V 351 selon laquelle « les médecins de famille se prononcent plutôt faveur de leurs patients dans les cas douteux, en raison de leur position de confiance résultant du rapport de mandat », concerne aussi bien le champ du droit civil que celui du droit des assurances sociales, parce qu’une telle affirmation découle de ce que l’on appelle l’expérience générale de la vie.
A cet égard, le TF considère que le tribunal cantonal ne peut pas nier la réalité d’une incapacité de travail en invoquant ce seul fait d’expérience, qui est que « les médecins de famille se prononcent plutôt en faveur de leurs patients dans les cas douteux, en raison de leur position de confiance résultant du rapport de mandat », mais qu’il doit, pour arriver à la conclusion qu’en fait il n’y a pas d’incapacité de travail prouvée, pouvoir s’appuyer sur d’autres indices, circonstances et moyens de preuve.
Auteur : Philippe Graf, avocat à Lausanne
TF 4A_643/2016 du 7 avril 2017
Assurance privée; appréciation arbitraire des preuves, droit à la preuve, prétentions frauduleuses; art. 9 Cst.; 8 CC; 40 LCA
Une coiffeuse indépendante a perçu des indemnités journalières suite à une incapacité de travail. Sur la base de deux rapports de surveillance, l’assureur déduit que l’assurée a caché sa reprise d’activité, refuse de prester pour l’avenir et réclame le remboursement des prestations d’assurance versées en invoquant les prestations frauduleuses (art. 40 LCA). La cour cantonale rejette les prétentions de l’assureur (recourante). Le TF rejette le recours de l’assureur.
Invoquant l’art. 9 Cst., la recourante reproche à la cour cantonale une appréciation arbitraire des preuves sur deux points, à savoir les activités exercées par l’intimée dans son salon de coiffure pendant son incapacité de travail et le caractère prétendument spontané des déclarations de l’assurée à l’assureur. Le moyen soulevé par le recourant (assureur) tiré de l’art. 9 Cst. est irrecevable selon le TF car le recourant ne critique pas l’état de fait mais la qualification en droit des faits retenus.
Selon la recourante, les juges genevois auraient également méconnu l’art. 8 CC en écartant les deux rapports de détective produits à titre de contre-preuves. Selon le TF, la charge de la preuve incombait à l’assureur si bien qu’il ne s’agit pas d’un droit à la « contre-preuve ». Au surplus, les juges cantonaux ont considéré que les rapports de surveillance n’étaient pas probants ; or, l’art. 8 CC n’a pas vocation à dicter au juge comment forger sa conviction ni ne permet de remettre en cause l’appréciation des preuves à laquelle le juge s’est livré.
Le moyen du recourant tiré de la violation de l’art. 40 LCA est également écarté par le TF. La condition objective n’est pas remplie dès lors que les tâches effectuées par l’intimée lorsqu’elle se trouvait au salon de coiffure étaient « très auxiliaires » au métier de coiffeuse indépendante et elle les avait assumées occasionnellement afin d’occuper son temps, et non dans un but lucratif puisqu’elles incombaient en principe à l’employée qui la remplaçait ; cela ne suffit pas pour exclure l’obligation de l’assureur ou pour en restreindre l’étendue, ni pour influer sur la capacité de travail de l’assurée. La condition subjective n’est pas non plus réalisée selon le TF car l’assurée pouvait penser de bonne foi que seule l’activité de coiffure, qu’elle n’était pas capable d’exercer était déterminante pour le montant des indemnités journalières ; de plus, lors de son entretien avec l’assureur, l’intimée, qui ignorait la surveillance dont elle avait fait l’objet, n’avait pas caché sa présence au salon de coiffure et les activités accessoires qu’il lui arrivait d’y exercer.
Auteure : Amandine Torrent, avocate à Lausanne
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