Condamné pour homicide par négligence, le recourant invoque en premier lieu une violation du principe d’accusation (art. 9 CPP). Une infraction ne peut faire l’objet d’un jugement que si le ministère public a déposé un acte d’accusation dirigé contre une personne sur la base de faits précisément décrits. Le tribunal est lié par l’état de fait décrit dans l’acte d’accusation (principe de l’immutabilité de l’acte d’accusation) mais peut s’écarter de l’appréciation juridique qu’en fait le ministère public (art. 350 al. 1 CPP) à condition d’en informer les parties et de les inviter à se prononcer (art. 344 CPP). Le principe de l’accusation est également déduit des art. 29 al. 2 Cst. (droit d’être entendu), 32 al. 2 Cst. (droit d’être informé) et 6 par. 3 let. a CEDH (droit d’être informé de la nature et de la cause de l’accusation).
Selon l’art. 325 CPP, l’acte d’accusation désigne brièvement, mais avec précision, les actes reprochés au prévenu, les infractions réalisées et les dispositions légales applicables. En l’espèce, l’acte d’accusation du 3 avril 2023 décrit les faits comme repris par la cour cantonale puis par le TF. Le recourant ne pouvait avoir de doutes sur le comportement reproché. Il a ainsi pu préparer sa défense en conséquence. Le grief doit être rejeté.
Invoquant une appréciation arbitraire des preuves et la violation du principe in dubio pro reo, le recourant conteste sa condamnation pour homicide par négligence (art. 117 CP). Selon cet article celui qui, par négligence, aura causé la mort d’une personne sera puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire. Selon l’art. 12 al. 3 CP, il y a négligence si, par une imprévoyance coupable, l’auteur a agi sans se rendre compte ou sans tenir compte des conséquences de son acte. Il faut que l’auteur ait violé les règles de prudence que les circonstances lui imposaient et qu’il n’ait pas déployé l’attention et les efforts nécessaires pour se conformer à son devoir. S’agissant d’un accident de la route, il convient de se référer aux règles de la circulation routière. De plus il doit exister un rapport de causalité entre la violation fautive du devoir de prudence et les lésions de la victime. Le rapport de causalité est qualifié d’adéquat lorsque, d’après le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, le comportement était propre à entraîner un résultat du genre de celui qui s’est produit. La causalité adéquate sera admise même si le comportement de l’auteur n’est pas la cause directe ou unique du résultat. La causalité adéquate peut être exclue si une autre cause concomitante (force naturelle, comportement de la victime ou d’un tiers), constitue une circonstance tout à fait exceptionnelle ou apparaît si extraordinaire que l’on ne pouvait s’y attendre. L’imprévisibilité d’un acte concurrent ne suffit pas à interrompre le rapport de causalité adéquate. Il faut encore que cet acte ait une importance telle qu’il s’impose comme la cause la plus probable et la plus immédiate de l’événement considéré, reléguant à l’arrière-plan tous les autres facteurs qui ont contribué à l’amener et notamment le comportement de l’auteur. La question de la causalité adéquate constitue une question de droit que le TF revoit librement.
En l’espèce, le recourant n’expose pas à satisfaction de droit (art. 42 al. 2 et 106 al. 2 LTF) en quoi la cour cantonale aurait arbitrairement apprécié les faits et omis de prendre en compte certains éléments comme les distances de visibilité et de freinage. En tant que le recourant soulève les erreurs de calcul de l’expert judiciaire, rectifiées par la suite, sans préciser quelles conséquences négatives découlent de celles-ci et quels impacts elles ont eu sur la procédure, cette critique est irrecevable. Le grief est irrecevable.
Selon l’art. 27 al. 1, 1re phrase, LCR, chacun se conformera aux signaux et aux marques. L’art. 36 al. 2, 1re et 2e phrases, LCR prévoit qu’aux intersections, le véhicule qui vient de droite a la priorité. Cependant, les véhicules circulant sur une route signalée comme principale ont la priorité, même s’ils viennent de gauche. Le débiteur de la priorité ne peut remplir ses obligations envers le prioritaire qu’à condition d’avoir une vue suffisante sur la route prioritaire. Les obligations découlant d’une mauvaise visibilité sont à sa charge. En cas d’absence de visibilité, il doit s’avancer « en tâtonnant ». La cour cantonale a estimé que, l’accident ne serait pas survenu si le recourant s’était montré prudent et avait avancé à tâtons. Le TF considère que le recourant a enfreint son devoir de priorité aux intersections et n’a pas respecté la signalisation idoine (cf. art. 36 al. 2, 27 al. 1 LCR et 36 al. 2 OSR), ce qui fonde une négligence. S’il avait adopté la règle du « tâtonnement », il aurait pu éviter le choc et le décès de la victime. Le comportement de la victime (vitesse inadéquate et consommation de cannabis) n’interrompt par ailleurs pas le lien de causalité adéquate entre la négligence reprochée et le décès.
Le recours est rejeté.
Auteur : Christian Grosjean, avocat à Genève |